Colloque Coopération décentralisée France-Russie (15 février 2007)



Table des matières


Actes du colloque

« Coopération décentralisée France-Russie »

Sénat - Jeudi 15 février 2007

Ouverture

Patrice GÉLARD ,
Sénateur, Président du groupe interparlementaire d'amitié France-Russie du Sénat

Je souhaite à tous la bienvenue à ce colloque sur la coopération décentralisée France Russie, organisé notamment par le Dialogue Franco-Russe et le groupe sénatorial d'amitié France-Russie.

Je vais maintenant vous lire le message de Monsieur Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères, qui ne peut malheureusement pas être parmi nous aujourd'hui.

« Par la coopération décentralisée, les collectivités territoriales françaises - régions, départements, communes et leurs groupements - sont présentes dans près de 120 pays. La législation française, encore améliorée par l'adoption, ce mois même, de la proposition de loi du sénateur Thiollière, leur permet d'agir dans le domaine de leur compétence, sous la seule condition de respecter les engagements internationaux de la France. Les partenariats se nouent librement, en fonction des affinités, sur la base des intérêts réciproques de chacune des parties.

Actifs dans le domaine de la gouvernance, de l'aménagement et de la promotion des territoires, des services d'intérêt économique général et, plus largement, des services aux citoyens, les acteurs locaux français contribuent au rayonnement économique et culturel du pays, mais ils sont aussi disposés à partager leurs expériences sur des questions techniques très concrètes.

Je forme le voeu que ce thème soit largement abordé lors de la rencontre organisée par le Dialogue franco-russe au Sénat le 15 février 2007. Cet échange doit permettre de répondre aux attentes des milieux économiques et favoriser à la fois l'émergence de nouveaux partenariats et l'approfondissement de nos relations bilatérales. »

Sergueï NARYCHKINE ,
Ministre, Chef de l'Appareil du Gouvernement de la Fédération de Russie

Je tiens à remercier le Sénat, le Ministère des Affaires étrangères, ainsi que les autres organisateurs de ce colloque, de m'avoir invité et de me donner la parole pour son ouverture.

De nombreuses initiatives ont été mises en oeuvre pour renforcer les relations entre la France et la Russie, notamment dans le cadre du Conseil franco-russe économique, financier, industriel et commercial (CEFIC). Plusieurs groupes de travail ont été constitués. Ils traitent de sujets divers, comme la coopération dans le domaine de la conquête spatiale, du tourisme ou de l'énergie. Nous avons déjà remporté de grands succès. Néanmoins, je suis convaincu que nous ne sommes qu'au début du chemin.

L'étude du potentiel d'investissement réciproque des deux pays montre que l'essentiel de ce dernier se trouve dans les régions. C'est la raison pour laquelle, cette année, la réunion du CEFIC s'est tenue dans l'une des principales régions industrielles de Russie, à Nijni Novgorod. Nous allons maintenir cette tradition pour les prochaines rencontres, qui se tiendront dans une région française.

Je voudrais profiter de cette tribune pour proposer à nos collègues français de réfléchir à la création d'un nouveau groupe de travail, dans le cadre du CEFIC. Celui-ci serait composé des régions engagées dans la coopération décentralisée ou intéressées par cette démarche. Il pourrait être placé sous la direction des représentants plénipotentiaires de nos deux pays.

Je salue les efforts menés par le gouvernement français pour renforcer la présence des entreprises françaises sur le marché russe et la porter au même niveau que celle des autres grands pays. De notre côté, nous avons engagé des actions similaires.

La croissance économique est très forte en Russie. Les grandes entreprises russes attirent désormais des capitaux en provenance des marchés financiers du monde entier. L'année dernière, nous avons franchi un seuil important. Pour la première fois, l'inflation n'était qu'à un seul chiffre, autour de 9 %. Nous sommes fermement décidés à ce qu'elle continue à baisser. Notre objectif est de faire en sorte qu'elle parvienne à un niveau de 4 à 5 %. Par ailleurs, la Russie s'est acquittée avant terme de la dette de l'ancienne Union Soviétique. L'an passé, celle-ci s'élevait à 22 milliards de dollars. Au milieu des années 90, elle atteignait, pour la seule Russie, environ 265 milliards. Nos réserves d'or et de devises se montent maintenant à 300 millions de dollars, ce qui nous situe à la troisième place mondiale. La Russie dispose donc des moyens de faire face à la chute des prix des hydrocarbures. La croissance économique russe n'est pas seulement liée à la conjoncture extérieure. Elle s'appuie également sur la progression de la demande intérieure.

Par le passé, l'apport de capitaux en Russie représentait de l'ordre de 15 à 20 milliards de dollars. L'an dernier, ceux-ci ont atteint 40 milliards. Après une phase de stabilisation, nous sommes maintenant dans une phase de développement. Le gouvernement a adopté un certain nombre de programmes dans le domaine de l'énergie, des transports ou de la construction navale. Les représentants des régions vous diront peut-être quelques mots sur les projets qui ont également été mis en oeuvre au niveau de ces territoires.

Je pense que les efforts engagés par les autorités russes ont bien été perçus par les entreprises françaises. En 2006, elles ont réalisé des investissements très importants dans les régions de Moscou, de Saint-Pétersbourg, de Nijni Novgorod, de Rostov sur le Don ou de Novossibirsk. Néanmoins, le potentiel de notre coopération n'a pas encore été épuisé. Dans le cadre du CEFIC, nous avons donc décidé de rechercher d'autres moyens de renforcer les relations économiques franco-russes. A mon sens, celles-ci passent en grande partie par les régions.

Pour conclure, permettez moi de former le voeu que notre colloque d'aujourd'hui soit utile pour les entrepreneurs, qu'il permette de renforcer l'intérêt réciproque de nos deux pays et qu'il contribue au développement de la coopération russo-française.

Brice HORTEFEUX ,
Ministre délégué aux Collectivités territoriales

Je vous remercie de votre invitation qui me donne l'occasion de saluer des personnalités russes que j'ai eu l'occasion de rencontrer lors du sommet du G8 ou que j'ai récemment accueillies en France, notamment dans le cadre de la Foire européenne de Strasbourg.

Dans le cadre de mes fonctions ministérielles, il m'a été demandé de mener des réflexions sur l'organisation des coopérations décentralisées. La France doit faire évoluer son engagement dans ce secteur. Elle est très dynamique, puisque 3 250 collectivités ou groupements sont impliqués dans plus de 6 000 coopérations localisées dans 120 pays. Mais il convient probablement d'aller vers des modes d'action plus efficaces.

La relation bilatérale franco-russe est en très nette expansion. Il existe actuellement 67 partenariats impliquant six régions, trois départements, six groupements intercommunaux, ainsi que de nombreuses communes. Seuls 22 d'entre eux ont été concrétisés avant 1990. La grande majorité a vu le jour au cours des quinze dernières années, lorsque les acteurs français ont pris la mesure du potentiel de la Russie et des débouchés qu'elle pouvait offrir à nos PME.

Aujourd'hui, un grand nombre de coopérations prennent la forme de jumelages de villes, comme Dijon et Saint-Pétersbourg, Paris et Moscou ou Toulon et Kronstadt. Il existe également de multiples échanges culturels, sportifs et éducatifs. Mais nous devons désormais réfléchir à d'autres pistes.

Même si nous enregistrons des réussites, le dispositif actuel comporte plusieurs imperfections et introduit un certain nombre d'obstacles. Compte tenu de l'importance de la Russie, il n'y a pas suffisamment de relations interrégionales. Au-delà de cet aspect quantitatif, nous sommes également limités sur les thématiques et l'engagement opérationnel. La France et la Russie n'ont pas encore mis en place la coopération décentralisée qu'elles méritent.

La France doit intensifier ses relations avec de nouveaux partenaires. La présence du monde local français est encore trop discrète dans des pays qui s'affirment de plus en plus sur la scène internationale. Les pays en développement ou émergents totalisent 220 partenariats, soit seulement 11 % des engagements hors Union Européenne. La priorité a trop longtemps été donnée à des schémas traditionnels, qui se sont également accompagnés d'une concurrence inutile entre les différents niveaux de collectivités territoriales. Il est maintenant souhaitable que les dispositifs se rééquilibrent vers des pays majeurs et en forte croissance, comme la Thaïlande, les Philippines, la Malaisie, la Corée du Sud, le Mexique, le Brésil, l'Afrique du Sud, l'Inde et évidemment la Russie. Nous avons ainsi rédigé et rendu publique une nouvelle orientation de la coopération décentralisée. Approuvée en réunion interministérielle en mars 2006, elle classe la Russie parmi les pays justifiant des actions prioritaires.

Nous devons nous adapter à notre époque. Notre coopération doit changer de nature et devenir plus opérationnelle. Une première phase a été initiée après la Seconde Guerre mondiale. Celle-ci privilégiait les liens d'amitié et de connaissance mutuelle. Logiquement, elle était prioritairement tournée vers l'Allemagne, qui continue à représenter 1 800 liens sur les 6 000 existants. Dans les années 70, l'action s'est davantage tournée vers l'aide humanitaire, notamment dans les pays du Sud issus de la colonisation française. La coopération a alors commencé à être plus concrète et à s'attaquer à des thèmes comme l'environnement ou le développement urbain. Puis, plus récemment, les collectivités territoriales ont pris en considération les aspects économiques. Ils doivent évidemment être privilégiés dans le cadre des relations franco-russes.

Il est important de repositionner notre coopération, en développant les relations interrégionales et en créant une collectivité de référence. Il est difficile de déterminer le meilleur interlocuteur. Pour ma part, je pense toutefois que le choix de la région ou de la capitale régionale serait le plus lisible pour nos interlocuteurs étrangers. En tout état de cause, quand nous aurons avancé sur ce point, il faudra que la collectivité chef de file organise les différentes initiatives.

La coopération franco-russe est actuellement à la croisée des chemins. Nous sommes suffisamment liés pour être certains de notre amitié, mais nous sommes également suffisamment ambitieux pour vouloir aller plus loin. Nous devons donc nous mobiliser pour franchir une nouvelle étape. Celle-ci nécessitera un effort de pédagogie et une vraie volonté politique. C'est à ces conditions que notre coopération bilatérale sera à la hauteur de ce que nous sommes, les uns et les autres, en droit d'attendre.

Réforme économique en Russie
et développement des liens interrégionaux
entre la France et la Russie

Présidence : Sergueï NARYCHKINE, Ministre, Chef de l'Appareil du Gouvernement de la Fédération de Russie

Modérateur : Louis SCHWEITZER, Coprésident de Dialogue Franco-Russe

Dimitri MEZENTSEV ,
Vice-président du Conseil de la Fédération de Russie

Il est symbolique que notre colloque se déroule au Sénat. Nos débats font suite aux accords de l'automne 2003, à l'occasion desquels le Premier Ministre français et le Président de la chambre haute du Parlement russe avaient rappelé l'importance de l'engagement des régions et des assemblées les représentant dans le développement de la coopération.

J'ai été très heureux d'entendre, par la voix du Ministère délégué aux Collectivités territoriales, qu'il était possible d'intensifier les relations entre nos deux pays et que la Russie faisait partie des axes de développement prioritaires.

Depuis 2001, lorsque le Président Vladimir Poutine a annoncé la stratégie de développement des régions, un soutien important leur a été apporté. Une législation transparente a été mise en place. Trois textes de base ont été signés. Ils permettent aux personnes qui vivent dans des villages ou des petites villes d'être beaucoup plus responsables de ce qu'il s'y passe.

Pour aborder la question du contenu de la coopération, il faut comprendre que la Russie d'aujourd'hui est une nouvelle Russie, qui a profondément changé depuis le début des années 90 et même depuis six ou sept ans. La confiance est un élément très important pour attirer les investisseurs. Lors du sommet du G8 à Saint-Pétersbourg l'an dernier, le Président Vladimir Poutine a cité l'un des facteurs clefs du développement de la coopération, notamment avec l'Union européenne. Nous voulons souligner, une nouvelle fois, que la Russie est un fournisseur fiable, qui respecte à la lettre ses engagements.

Nous comprenons le mécontentement qui s'exprime parfois vis-à-vis de la structure de nos exportations. La place du secteur énergétique ne nous permet pas de développer la coopération comme nous devrions le faire dans le domaine de l'éducation ou des sciences appliquées. Nous avons certes de grands projets, comme notre nouveau cosmodrome, mais nous devons également disposer de structures capables de soutenir les PME.

Le flou pouvant exister sur le meilleur interlocuteur a tout à l'heure été évoqué comme l'un des obstacles au développement de la coopération. C'est un constat que je partage. Il faudrait identifier les régions qui ont déjà enregistré des succès, comme celles de Moscou ou de Nijni Novgorod, et ouvrir des centres d'information. Les partenaires potentiels pourraient s'adresser à ces structures et obtenir tous les renseignements dont ils ont besoin pour tisser des liens avec des acteurs locaux. Aujourd'hui, ce mécanisme existe, mais il se heurte à une certaine inertie dans son fonctionnement.

Je remercie tous les membres du groupe d'amitié franco-russe du Sénat, qui n'ont pas hésité à s'aventurer dans cette contrée lointaine et sévère, mais néanmoins chaleureuse, qu'est la Sibérie. Des forums ont été organisés à Baïkal en 2004 et 2006. Ils ont présenté les potentiels de coopération interrégionale. En septembre dernier, les 700 participants à cet événement ont entendu le discours du Sénateur Patrice Gélard et ont apprécié son intervention, qui proposait un certain nombre de modifications pour faciliter les liens entre nos deux pays.

En regardant une carte, les kilomètres qui nous séparent peuvent être considérés comme un frein. Mais si nous pouvons nous appuyer sur des exemples concrets, nous pourrons avancer. J'espère que notre colloque y contribuera. Encore une fois, je répète que la Russie a changé au cours des dernières années. Certaines publications, y compris dans la presse française, restent très sévères à l'égard de notre pays. Nous les considérons souvent comme injustes, car notre gouvernement a déployé de réels efforts de modernisation. Quatre grands projets ont été mis en oeuvre pour modifier en profondeur le système de santé, le système d'enseignement, le système bancaire et l'accès au logement. Un pas important a été franchi.

S. Exc. Alexandre AVDEEV ,
Ambassadeur de la Fédération de Russie en France

L'association Dialogue franco-russe a su créer un réseau de contacts très utiles entre les entrepreneurs et les acteurs culturels de nos deux pays. Elle se penche aujourd'hui sur le développement des liens interrégionaux.

Nos relations économiques avec la France ne se limitent pas aux matières premières énergétiques. La coopération s'étend désormais à de grands projets hautement technologiques. Je ne peux pas passer sous silence l'usine Renault de Moscou, qui a vu le jour grâce à la ténacité et au talent de l'ancien Président Louis Schweitzer. Dans quelques jours, nous inaugurerons la représentation russe au cosmodrome de Kourou. Des négociations très intéressantes sont par ailleurs en cours sur la participation de la Russie à la production des Airbus. Actuellement, nous fournissons pour 20 millions d'euros de pièces détachées, mais il ne s'agit que d'un début. Nous réfléchissons également à la création d'une entreprise commune pour l'implantation des émetteurs de télévision numérique. Nous n'avons le droit d'échouer dans la mise en oeuvre de ce programme, initié par les Présidents russe et français.

La coopération technologique entre la Russie et la France concerne le domaine des infrastructures de transports. Des projets très intéressants sont en outre en cours dans l'agriculture. Cette année, nous attendons l'arrivée de plus de 2 000 vaches françaises, de race limousine. Très productives, elles sont aussi très belles et sont très appréciées des paysans russes.

Nos relations se développent, malgré les obstacles. Le combustible nucléaire russe peut difficilement entrer en France. Les taxes sur l'aluminium restent également très élevées. Des procès s'éternisent. Mais au-delà des freins que nous pouvons rencontrer, la coopération entre les régions se renforce. La question des visas s'est grandement améliorée. Notre ambassade les délivre maintenant dans des délais de deux à six jours. Malheureusement, la situation n'est pas aussi favorable dans l'autre sens. Pour les citoyens russes qui souhaitent se rendre en France, l'attente est de l'ordre de trois semaines. Ce point est évidemment très préjudiciable. Si les personnes qui ont des contacts à haut niveau peuvent faire accélérer la procédure, ce n'est pas le cas de tous. Je sais que des efforts sont faits dans ce domaine et j'espère qu'une solution pourra être trouvée rapidement.

Le Ministre délégué aux Collectivités territoriales a tout à l'heure énuméré les partenaires de la France en dehors de l'Union européenne, comme l'Inde, le Brésil ou la Russie. Je voudrais apporter une petite précision à ce sujet. Certes, nous n'appartenons pas à l'Union européenne, mais nous sommes néanmoins un pays européen.

La France, comme la Russie, vont vivre une année d'élections. Des échéances importantes sont attendues. Dans ce contexte, permettez-moi cependant de vous assurer que les efforts entrepris pour développer les partenariats franco-russes seront poursuivis et renforcés, quelles que soient les équipes qui se trouveront prochainement au pouvoir.

Ara ABRAMIAN ,
Coprésident de Dialogue Franco-Russe

C'est, pour moi, un très grand honneur de participer à ce colloque. Son organisation témoigne du passage à une nouvelle étape dans les relations politiques et économiques entre nos deux pays. Notre association y a contribué, même si la très forte croissance russe constitue un contexte très favorable.

Dans son action, notre association travaille notamment au renforcement des liens régionaux. Il est très agréable de constater que les autorités françaises et russes y prêtent également une forte attention. Avec le département de la Coopération interrégionale du ministère des Affaires étrangères français, nous avons élaboré un programme spécifique. Nous proposons de préparer un rapport sur l'état des partenariats dans les domaines de l'agriculture et de l'industrie. Nous pourrons ainsi dresser un premier bilan et identifier les marges de progression. Dans un second temps, cette année ou l'année prochaine, nous prévoyons de créer un club permanent, rassemblant les régions françaises et russes. Ce dernier devrait permettre d'approfondir les contacts. Nous tiendrons également un séminaire en Russie sur la coopération mise en oeuvre dans le secteur de la transformation des produits agricoles. Nous développerons par ailleurs nos actions en direction de la recherche, en encourageant les échanges de jeunes chercheurs.

Antoine JOLY,
Délégué pour l'Action extérieure des Collectivités locales
au Ministère des Affaires étrangères

La coopération décentralisée ne se décrète pas. Elle est bien souvent le fruit du hasard des rencontres et de la nécessité liée aux enjeux économiques.

Les liens des universités et des centres de recherche français et russes sont très actifs. Il existe actuellement plus de 250 partenariats. Malheureusement, ces relations étroites ne se retrouvent pas forcément entre les collectivités territoriales concernées. Nous espérons que la dynamique des pôles de compétitivité contribuera à les développer. Une volonté politique, visant à instaurer une coopération pérenne au niveau des régions, s'est exprimée dès 2003. Une visite du Premier Ministre français à Moscou a permis d'arrêter une déclaration commune en fixant les grands axes.

Des résultats ponctuels ont été atteints, mais sans mettre en place de relations institutionnelles nouvelles et durables entre les régions françaises et russes. Ce qui fonctionnait bien a perduré. Malheureusement, d'autres projets ont tourné court en raison de contraintes externes ou de difficultés administratives.

Le Ministre délégué au Tourisme, Monsieur Léon Bertrand, s'est rendu avec une délégation française au Forum économique de Baïkal. Le tourisme fait en effet partie des secteurs dans lesquels nous pouvons certainement densifier les partenariats, en s'appuyant sur l'expérience de nos collectivités territoriales. Nous avons aussi, avec les Ministères des affaires étrangères français et russes, contribué à organiser des visites de gouverneurs. Fort de ces premières initiatives, le gouvernement a souhaité faire de la Russie l'une des priorités dans le développement de la coopération décentralisée et a proposé une concertation sur ce thème avec les collectivités territoriales françaises.

Quelques obstacles ou malentendus pèsent parfois sur le développement de la coopération décentralisée franco-russe. Du côté russe, l'approche est parfois faussée par l'illusion qui subsiste de pouvoir négocier, par le canal des autorités locales, des investissements directs. Or cette compétence ne relève pas des collectivités territoriales. Ces dernières peuvent, en revanche, mobiliser le potentiel économique de leur région, notamment en ce qui concerne les PME. L'Alsace en est, à ce titre, un parfait exemple. Du côté français, nous ne saurions dissimuler une certaine réticence des exécutifs régionaux à l'égard de la démocratie locale en Russie. Celle-ci, souvent injuste, ne se retrouve pas en ce qui concerne la Chine. Mais peut-être le niveau d'exigence est-il plus fort lorsqu'il s'agit d'un pays considéré comme faisant partie de l'Europe.

Même si certaines ont déjà engagé des partenariats, il est probable que toutes les régions françaises n'aient pas bien pris la mesure des enjeux économiques existants dans les grandes agglomérations russes. Afin de mieux connaître le contenu des coopérations en cours et de concourir à la mutualisation des expériences, le Ministère des Affaires étrangères a conclu une convention avec l'association « Dialogue franco-russe ». Ce colloque constitue une première étape dans la sensibilisation des collectivités territoriales. Il est également envisagé, sous réserve d'une étude de faisabilité à mener avec les autorités russes, d'instituer un fonds franco-russe de coopération décentralisée. Ce dispositif fonctionne depuis trois ans, de manière satisfaisante, avec le Québec. Nous souhaitons l'étendre au Brésil, à la Chine ou à l'Inde. Cette solution, dans laquelle chacun des pays peut affecter des crédits et cibler des domaines d'action prioritaires, semble assez bien correspondre aux besoins des pays développés ou émergents.

Pour poursuivre le dialogue que nous avons engagé, nous avons prévu d'organiser des rencontres avec les collectivités territoriales, en Russie et en France, dès 2008. L'ambassade de France va en outre s'attacher à alimenter la base de données sur les coopérations existantes. L'objectif est de dresser une cartographie, comme nous l'avons fait avec la Chine. Enfin, l'ambassade de France doit procéder à la traduction en russe d'ouvrages de référence et à leur diffusion auprès de nos partenaires russes.

L'Etat souhaite accompagner les collectivités territoriales et faciliter leur coordination, afin d'améliorer la complémentarité et l'efficacité de leurs interventions. Dans cette perspective, il est important de mettre à leur disposition des outils. Avec l'aide de notre ambassade, un état des lieux exhaustif et actualisé des relations entre les structures infra-étatiques françaises et russes a été réalisé. Il sera disponible sur le site de la Commission nationale de la coopération décentralisée dans les prochains jours.

Patrice GÉLARD ,
Sénateur, Président du groupe interparlementaire d'amitié France-Russie du Sénat

Nous avons pris de très mauvaises habitudes en privilégiant les relations entre Etats. Cette approche a donné l'illusion que ces questions n'étaient pas du ressort des collectivités territoriales. Nous devons changer d'attitude, comme l'ont fait les Allemands ou les Italiens.

Nous devons également faire un effort particulièrement important pour l'enseignement du russe. La situation actuelle est très mauvaise. Or il n'est pas possible de développer les échanges de chercheurs sans une certaine maîtrise de la langue. Les Russes sont bien meilleurs que nous dans ce domaine. Une grande partie des intervenants qui sont parmi nous aujourd'hui parlent parfaitement le français. Contrairement aux Allemands ou aux Britanniques, il est regrettable que nous n'ayons pas de fondations pour favoriser la présence de notre langue en Russie.

Nous assistons malheureusement à une baisse du tourisme français en Russie. Ce phénomène me paraît un peu inquiétant. Nous devrions essayer de développer à nouveau des voyages à des prix abordables.

La coopération décentralisée doit impliquer à la fois les collectivités territoriales mais aussi les principaux partenaires locaux, comme les universités, les CHU, les Chambres de commerce et d'industrie. Ainsi, même si certains projets rencontrent des difficultés, d'autres peuvent se développer. Les liens sont maintenus.

Quels que soient les constats que nous pouvons faire, nous devons admettre que la présence française ne cesse de se renforcer, y compris dans d'autres régions que celles de Moscou ou de Saint-Pétersbourg. Des magasins Auchan ont notamment été ouverts dans plusieurs villes. Certains entrepreneurs, qui ne parlaient pas le russe en se lançant dans cette aventure, le maîtrisent aujourd'hui parfaitement.

Sergueï NARYCHKINE ,
Ministre, Chef de l'Appareil du Gouvernement de la Fédération de Russie

L'organisation même de ce colloque marque l'intérêt que la France porte à la Russie. En une heure, nos discussions ont déjà fait émerger un certain nombre de propositions concrètes visant à intensifier la coopération interrégionale. Cette dernière, alliée à la coopération économique et commerciale, pourra renforcer les liens entre nos deux pays et les rendre plus durables.

Il a été évoqué la difficulté à trouver les bons interlocuteurs. En Russie, une loi a été adoptée dans ce domaine. Les gouverneurs sont habilités à organiser des partenariats au niveau régional.

En ce qui concerne la création d'un fonds de coopération décentralisée, je n'ai pas l'expérience des régions françaises dans ce domaine. Je ne connais pas précisément les mécanismes mis en oeuvre. Mais je suis persuadé qu'il s'agit d'une initiative intéressante.

La Russie porte un grand intérêt au développement de nos relations. Nous sommes, comme la France, en période préélectorale. Mais quels que soient les résultats des échéances à venir, je peux vous assurer que la coopération sera renforcée. Il existe déjà des centaines de liens entre les régions russes et françaises. J'espère qu'ils seront bientôt des milliers.

L'engagement des territoires et des collectivités -
Comment promouvoir les coopérations décentralisées ?

Modérateurs : Charles JOSSELIN, Sénateur, Président de Cités Unies France, ancien Ministre
et Sergueï MNDOYANTS, Vice-président exécutif de Dialogue Franco-Russe

Charles JOSSELIN ,
Sénateur, Président de Cités Unies France, ancien Ministre

Après en avoir connu les vertus en tant que Président de Conseil général, j'ai contribué à la reconnaissance de la coopération décentralisée en tant que Ministre. J'essaye de poursuivre cette mission comme Président de Cités Unies France, en insistant notamment sur la nécessaire coordination des interventions. Je suis très heureux que ce colloque mette aujourd'hui l'accent sur ce sujet.

La coopération décentralisée entre la France et la Russie est déjà importante mais totalement insuffisante, surtout au regard de la taille des territoires concernées, du nombre de collectivités territoriales qui pourraient s'impliquer et des thèmes à investir. Après les traditionnels jumelages, de nombreux projets ont pris un caractère plus économique. Ils se sont également multipliés dans le domaine de l'environnement et du développement durable.

Les conditions du partenariat entre les collectivités françaises et russes sont largement réunies, même si elles méritent d'être encore améliorées. Le besoin d'organisation, de part et d'autre, a été rappelé tout à l'heure. Il faut aussi des moyens. Je ne voudrais pas que la reconnaissance par les Etats de la coopération décentralisée leur serve d'excuse pour se désengager, notamment financièrement. Son appui est en effet le meilleur outil de cohérence.

Nous avons enfin pris conscience que nous sommes tous sur la même planète. Je souhaite maintenant que la coopération décentralisée entre la France et la Russie nous aide à produire un monde plus sûr et moins inégal.

Christian PONCELET ,
Président du Sénat

Les contraintes de la fin de session - et, en l'occurrence, la préparation du prochain Congrès du Parlement français - ne m'ont pas permis d'assister avec vous au début de la matinée, mais j'ai tenu à vous rejoindre dès que possible car, vous le savez, la coopération décentralisée est un thème auquel le Sénat apporte une grande attention, et vous connaissez le prix personnel que j'attache à la qualité et à l'intensité des relations entre la France et la Russie.

Le Sénat est particulièrement heureux d'accueillir ce colloque sur la coopération décentralisée avec les régions de Russie, qui vient prolonger de manière opportune l'importante rencontre à dominante économique que nous avons tenue en novembre 2006.

Je tiens d'abord à remercier et à féliciter toutes les personnalités qui se sont mobilisées pour assurer la meilleure organisation et le succès de cette opération.

La manifestation d'aujourd'hui a été organisée avec l'Association Dialogue franco-russe, co-présidée par MM. Louis Schweitzer et Ara Abramian, et avec le Ministère des Affaires étrangères, représenté par le Délégué à l'Action extérieure des collectivités locales, M. Antoine Joly, ainsi qu'avec le concours actif du groupe d'amitié France-Russie présidé au Sénat par le Doyen Patrice Gélard, que je remercie. Il a succédé dans cette fonction à Jacques Chaumont qui, je le sais, s'est aussi beaucoup investi dans ce projet.

Permettez-moi également d'adresser un message de cordiale bienvenue au Sénat à nos amis russes, en nombre dans cette salle :

- à Monsieur Narichkine, Chef de l'Appareil du Gouvernement de la Fédération de Russie, que je suis particulièrement heureux de saluer aujourd'hui parmi nous ;

- à Monsieur Mezentzev, Vice-président du Conseil de la Fédération de Russie - que j'ai eu le plaisir d'accueillir à plusieurs reprises au Sénat, notamment en 2004 et en 2006, et à qui je demande de bien vouloir transmettre mes amitiés fidèles au Président du Conseil de la Fédération de Russie, Monsieur Mironov ;

- ainsi qu'aux délégations des différentes régions de Russie, qui ont spécialement effectué le voyage pour être parmi nous ce matin.

Les régions russes sont, pour nous, des interlocutrices privilégiées, comme en témoigne le nombre important de régions françaises, de départements et de villes qui ont noué des accords de coopération avec leurs homologues de Russie.

Si je me réfère aux statistiques du Ministère des Affaires étrangères, on ne compte en effet pas moins de 50 projets en cours, dont sept projets avec des régions françaises, trois projets avec des départements et le reste avec des villes, moyennes ou grandes, ou des intercommunalités. Vous me permettrez de citer « au hasard » la région Lorraine qui a lancé en 2003 un programme de coopération avec la ville de Novossibirsk.

Ces coopérations revêtent, bien sûr, différentes formes et portent sur des domaines très variés, parfois modestes, mais toujours très concrets pour les citoyens : la formation professionnelle, l'agriculture, l'éducation, la recherche, l'environnement, les équipements sportifs, la gestion municipale...

À cet égard, la coopération décentralisée prolonge au niveau local la coopération entre les Etats, en même temps qu'elle « exporte » à l'étranger le savoir-faire de nos collectivités locales et leur expertise dans beaucoup de domaines intéressant la vie quotidienne des citoyens. Elle peut aussi déboucher sur des échanges économiques fructueux pour les deux partenaires, car très souvent, les échanges entre collectivités publiques créent un climat de confiance et des opportunités d'affaires, dont les entreprises auraient tort de ne pas profiter.

Ne voulant pas allonger cette matinée déjà très chargée, je vous souhaite à tous d'excellents travaux. Soyez convaincus que le Sénat - et notamment sa Délégation du Bureau à la coopération décentralisée, présidée par mon collègue Jean-Claude Gaudin - demeurera à vos côtés pour soutenir et encourager vos initiatives.

Vladimir TCHOUB ,
Chef de l'Administration de Rostov

Je suis très heureux de venir, pour la deuxième fois, au Sénat et d'avoir, à nouveau, l'occasion de m'exprimer à la tribune. L'organisation de ce colloque montre à quel point la coopération interrégionale est importante pour nos deux pays. Je pense qu'il permettra de progresser dans le développement des relations entre nos collectivités territoriales.

Rostov sur le Don entretient des liens avec le Mans depuis plus de trente ans. Pour ma part, je considère que la coopération entre les villes est encore plus efficace que la coopération entre les régions. Les relations qui se mettent en place ne sont pas des initiatives de l'Etat, mais des ambassades ou des milieux d'affaires. Elles sont évidemment bénéfiques. Un certain nombre de résultats ont déjà été obtenus, notamment dans le domaine agricole. La région que je dirige produit plus de 6 millions de tonnes de blé par an, plus de 1,7 million de tonnes d'huile de tournesol et près de 0,5 million de tonnes de légumes. Nous exportons, y compris en France. Des partenariats ont également été mis en oeuvre dans les secteurs de l'aluminium, du textile ou de la grande distribution.

Au-delà des aspects économiques, il me semble important d'insister sur les liens culturels entre nos deux pays. Je pense que nous avons beaucoup de points communs. Il ne faut pas oublier que nous habitons le même continent.

La région de Rostov présente de réelles potentialités pour d'éventuels partenaires français. Beaucoup de projets pourraient être lancés dans le domaine des infrastructures, de la santé, de l'éducation ou de la culture. Nous disposons de financements et de structures pour encadrer ces actions. Il y a deux ans, à cette même tribune, j'ai invité les entrepreneurs à venir. Environ deux milliards d'euros ont d'ores et déjà été investis.

Jean-Pierre MOINAUX ,
Vice-président du Conseil régional de Lorraine

Historiquement, les relations entre la France et la Russie sont fortes. Il est néanmoins opportun d'asseoir les coopérations sur des réalités humaines. La solidité des échanges passe au moins autant par la science et la culture que par l'économie. Il en est ainsi des collaborations durables que la Lorraine a su mettre en oeuvre.

Au-delà des associations franco-russes, qui tissent depuis bien longtemps des liens entre nos deux pays, nous avons développé de nombreuses coopérations entre les établissements de recherche, notamment dans le domaine de l'acier et des matériaux innovants. Des conventions d'abord bilatérales ont été signées. Elles ont ensuite été élargies aux universités et aux différents instituts que compte notre région. Plusieurs jeunes effectuent chaque année des études complémentaires en France. Il existe des doubles diplômes et des thèses sont réalisées en cotutelle. Des entreprises lorraines du secteur de la construction et des travaux publics travaillent également à Moscou, Novossibirsk ou en Sibérie.

Le Président du Conseil régional a souhaité que l'une des régions les plus industrialisées de France, la Lorraine, s'appuie davantage sur les talents de ses universités, de ses écoles d'ingénieurs et de ses laboratoires de recherche pour dynamiser ses capacités de transfert de technologie et d'innovation. Outre le textile et la sidérurgie, en restructuration, d'autres secteurs se développent, comme la construction automobile, la construction électrique et électronique ou la plasturgie. Cette diversification est facilitée par l'implantation d'entreprises étrangères. Elles sont désormais 560 et emploient 69 000 salariés.

La Lorraine dispose d'atouts, notamment une population jeune et une main d'oeuvre qualifiée. Dans ce contexte, les partenariats avec la Russie ont connu une forte accélération au cours des dernières années. En matière d'enseignement supérieur et de recherche, cette coopération a fait l'objet d'une reconnaissance internationale par la labellisation de l'un des premiers réseaux ARCUS. La Lorraine avait été identifiée dès le premier appel à propositions lancé en 2005. Les projets, développés dans le domaine des matériaux et de l'environnement, sont déjà bien avancés.

Une délégation régionale s'est récemment rendue à Moscou pour envisager la poursuite et l'approfondissement des partenariats existants. Le bilan qui a pu être dressé de ces derniers est très positif. Les échanges d'étudiants et de chercheurs ont été considérablement renforcés. La France et la Russie ont inscrit l'innovation parmi leurs priorités. Les mécanismes de stimulation mis en place par ces deux pays et la dynamique que nous observons actuellement devraient nous permettre de renforcer notre coopération et de définir conjointement des plans d'action.

Viktor KOKCHAROV ,
Ministre des échanges internationaux et économiques de la région de Sverdlovsk (Ekaterinbourg)

Je voudrais, moi aussi, remercier le Sénat de m'avoir invité et de me donner, pour la deuxième fois, la parole. Depuis cette dernière visite, un certain nombre de succès ont été enregistrés et de nouveaux projets ont été initiés.

La région de Sverdlovsk est la troisième de Russie en ce qui concerne la production industrielle et la septième pour les investissements étrangers. Nous avons établi un schéma de développement jusqu'en 2015. Nous prévoyons que sur cette période, notre PIB sera multiplié par trois. Notre région est très riche en ressources naturelles, comme le nickel, l'or ou le platine.

L'essentiel des investissements étrangers s'oriente vers la métallurgie, les communications, l'énergie ou la transformation du bois. Au cours des prochaines années, nous prévoyons d'augmenter très significativement la production dans nos principaux secteurs d'activité.

Nous disposons d'ores et déjà de 11 représentations diplomatiques étrangères. Nous avons créé plus de 400 entreprises communes avec des sociétés venues de plus de 64 pays. Nous disposons de 173 établissements de crédits et nous pouvons nous appuyer sur de grandes banques, russes ou étrangères. La France est désormais le 14 ème partenaire commercial de notre région. Nous avons constitué huit entreprises communes avec des sociétés françaises, dont Areva ou Sagem. La Société Générale est également très présente et a initié de nombreux projets. Un supermarché Auchan vient par ailleurs d'ouvrir ses portes et Bouygues réalise un complexe hôtelier Hyatt. De nouvelles perspectives sont à attendre pour les prochaines années, notamment avec la construction du quartier d'Ekaterinbourg City.

Nous collaborons aussi avec l'Alliance française et nous attachons beaucoup d'importance au développement des relations avec la France au niveau gouvernemental. L'ouverture prochaine du consulat général et la constitution d'une mission économique constituent les premiers pas vers la création d'une représentation diplomatique.

Elena BABINOVSKAIA ,
Vice-premier ministre du Gouvernement de la région de Kaliningrad

Avant de vous rejoindre, je me suis promenée dans Paris. Les petites rues, les façades et les lampadaires m'ont rappelé ma région. Kaliningrad est la ville la plus occidentale de Russie. Entourée par des Etats étrangers, en l'occurrence la Lettonie et la Pologne, le temps y coule autrement. Mais notre territoire se caractérise également par ses châteaux ou ses champs de bataille. Il a été créé après la conférence de Postdam, lorsque les deux tiers de la Prusse orientale ont été confiés à la Pologne.

Depuis cinq ans, une loi fédérale fait de notre région une zone économique particulière. Il existe un régime de protection pour les investissements venant de l'Union Européenne. Notre potentiel économique et culturel est très important. Nous devons donc créer les conditions permettant de les développer.

L'histoire de notre région est emplie de mémoire, avec les évènements dramatiques de la Première, puis de la Seconde Guerre mondiale. Notre héritage culturel n'est pas que russe. Il fait partie de celui de l'Europe toute entière. Notre programme de développement jusqu'aux années 2011 ou 2012 intègre totalement cette dimension. Nous prévoyons notamment de restaurer certains monuments d'importance mondiale. L'an dernier, notre gouvernement a décidé d'organiser des rencontres pour célébrer le bicentenaire de la paix de Tilsit. Nous avons également placé un certain nombre de plaques commémoratives.

Les travaux de déblaiement du centre de Kaliningrad ont permis de découvrir les restes de plus de 500 soldats français. Notre gouvernement est prêt à participer à leur conservation et à l'organisation des cérémonies en partenariat avec la France.

Toutes les conditions d'une coopération fructueuse existent au sein de la région de Kaliningrad. Nous souhaitons initier un certain nombre de projets, notamment dans le domaine de l'enseignement et des enfants handicapés.

Philippe GUÉRIN ,
Vice-président du Conseil régional de Midi-Pyrénées

La région Midi-Pyrénées représente plus de 45 000 kilomètres carrés et compte un peu moins de trois millions d'habitants. Située entre le Massif central et les Pyrénées d'une part, la côte atlantique et la côte méditerranéenne d'autre part, elle est notamment connue pour le pôle aéronautique et spatial de l'agglomération toulousaine. Mais des succès ont été enregistrés dans d'autres domaines, parmi lesquels la recherche médicale ou les nouvelles technologies. Notre région dispose de plus d'une centaine de laboratoires. Il existe trois grandes universités à Toulouse, qui accueillent plus de 150 000 étudiants. Le secteur agricole est également très fort.

Pour le moment, il n'existe pas de coopération décentralisée avec la Russie. Nous avons connu, il y a quelques années, une expérience malheureuse en matière d'élevage. Celle-ci s'est en effet déroulée pendant la crise de la « vache folle ». Le projet a donc été abandonné rapidement.

Les initiatives qui ont été évoquées ce matin, notamment la création d'un club de régions et d'une coordination régionale me semblent très intéressantes. En matière de coopération décentralisée, je pense en effet qu'une approche coordonnée, à la fois sur les territoires et les thématiques, est indispensable pour conduire au succès.

La région Midi-Pyrénées est prête à s'investir dans la coopération décentralisée avec les régions russes dans le domaine de la recherche ou de l'agriculture. Notre objectif est clairement de relancer et de promouvoir de nouvelles collaborations avec la Russie.

Nikolaï LIOUBIMOV ,
Ministre du développement économique de la région de Kalouga

La région de Kalouga présente de nombreux atouts pour le développement de la coopération décentralisée. Elle bénéficie d'une situation géographique favorable, au centre de la Russie et à proximité de Moscou. Les risques pour les investisseurs y sont très limités. Notre région dispose en outre d'infrastructures solides, y compris dans le secteur financier, et de ressources. Nos principales spécialités sont notamment l'ingénierie, le traitement des métaux, l'électronique et les composants automobiles. Le secteur secondaire représente l'essentiel de notre activité économique. La population est également nombreuse et qualifiée, grâce à l'existence de nombreux établissements de formation professionnelle, financés par le budget régional. Nous pouvons ainsi répondre aux attentes et aux besoins de nos partenaires.

En ce qui concerne la coopération avec la France, nous disposons d'un institut franco-russe de gestion des affaires. Créé il y a dix ans, son niveau est aujourd'hui très élevé. Nous avons également signé un accord depuis plus de deux ans avec le Limousin. Celui-ci fonctionne principalement dans le domaine de l'agriculture et plus précisément de l'élevage. Mais de nouveaux projets pourront être initiés avec d'autres régions françaises, notamment dans le cadre de la constitution de notre pôle technologique. Nous avons déjà eu des contacts et les perspectives sont tout à fait encourageantes. L'an dernier, nous avons réussi à attirer un acteur important du secteur de l'automobile, en l'occurrence Volkswagen. Cette entreprise a investi dans notre région près de 450 millions d'euros. Il s'agit pour nous d'un pas important.

Nelli KRETCHETOVA ,
Chef du département des échanges internationaux et régionaux de la région de Tomsk

Une grande partie des Français présents aujourd'hui ne connaît probablement pas la ville de Tomsk. Notre région présente pourtant de nombreux atouts pour le développement de partenariats. Tomsk, qui se situe à peu près au centre du pays, est considérée comme l'une des villes les plus jeunes et les plus éduquées. Elle compte 500 000 habitants, dont 100 000 étudiants.

Il y a un an et demi, la région a remporté un concours lui permettant d'implanter un pôle de compétitivité sur son territoire. Ils sont quatre au total en Russie. Notre pôle s'articule autour de plusieurs axes, que sont les nouveaux matériaux - la coopération avec la Lorraine a commencé dans ce domaine -, les biotechnologies ou les technologies de l'information. Des projets peuvent être développés dans ces domaines avec des partenaires français. L'énergie nucléaire et l'enrichissement d'uranium constitue un autre champ d'action envisageable pour nos deux pays, de même que l'écologie ou les ressources en matières premières (pétrole, minerai de fer...).

La région de Tomsk serait très contente de participer au conseil des régions franco-russe qui a été évoqué tout à l'heure. Nous avons déjà initié un partenariat avec la Lorraine, mais nous aimerions conclure de nouveaux accords. Nous sommes prêts à développer les coopérations.

Gilles DABEZIES ,
Directeur des Actions et de la Coopération internationale à la CCI de Paris

Après avoir donné la parole à de nombreuses collectivités territoriales, je vous remercie de permettre à un opérateur de s'exprimer.

Les Chambres de commerce sont des institutions publiques dirigées par les chefs d'entreprise. Leur mission est de faciliter le développement des acteurs économiques de leur région. La CCI de Paris est la principale de ces structures. Elle représente, à elle seule, 20 % de l'action internationale. Elle est présente en Russie depuis les années 80 et 90. Des coopérations ont été mises en oeuvre dans le domaine de l'enseignement commercial. Un Master franco-russe de management international a été créé à Moscou. De même, la CCI de Paris est l'opérateur pour la France du programme présidentiel de formation des cadres russes.

La CCI de Paris apporte par ailleurs son soutien à de très nombreuses PME, qui sont de plus en plus intéressées par le marché russe. Au départ, nous étions surtout présents dans les régions de Moscou et de Saint-Pétersbourg. Puis, nous avons décidé d'approcher, grâce à l'aide de notre bureau à Moscou, de nouvelles régions russes. Nous avons ainsi accompagné des PME dans l'Oural ou au bord de la Volga. Celles-ci interviennent principalement dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, de l'aéronautique ou de l'automobile.

Il n'est pas toujours simple pour les opérateurs russes de trouver les bons interlocuteurs en France. Nous avons donc lancé, avec un certain nombre de CCI, des actions communes, notamment sur la filière aéronautique. Même si je comprends l'intérêt des régions russes pour les grandes entreprises, comme Volkswagen, il est clair que ce n'est pas avec elles que nous travaillons. Notre démarche concerne des structures beaucoup plus petites et, par voie de conséquence, plus fragiles et plus hésitantes. Mais elles disposent également d'atouts très forts. Nous souhaitons donc établir des liens nous permettant de les accompagner dans leur aventure internationale.

Dilara REZBAÏEVA ,
Représentante du ministère des Relations et du Commerce extérieur
de la République du Bachkortostan (Oufa)

La majorité d'entre vous ne connaît probablement pas la République du Bachkortostan et se demande où elle se situe. En 1991, avec la dissolution de l'Union soviétique, quinze républiques, dont les pays baltes, l'Ukraine ou la Russie ont obtenu leur indépendance. La Fédération de Russie a été divisée en 88 républiques et régions, dont certaines ont, à leur tour, obtenu leur autonomie. Parmi elles, figure la République du Bachkortostan. Elle dispose de son propre Président, de son propre gouvernement et de sa propre langue officielle.

Idéalement placé, le Bachkortostan bénéficie d'une position stratégique entre l'Europe et l'Asie. Il dispose d'un système économique et politique stable. Le PIB, qui a augmenté de 51 % en sept ans, le place au 8 ème rang au sein de la Fédération de Russie. L'agence internationale de notation Standard and Poor's a revu son classement à la hausse, compte tenu de la croissance économique et du niveau très bas de la dette.

Fort de ses ressources naturelles et de ses savoir-faire, le Bachkortostan tient une place importante dans l'économie russe. Plusieurs coopérations ont été initiées avec la France, au bénéfice des deux parties. Technip et l'Institut français du Pétrole ont investi dans le raffinage. Accor a par ailleurs engagé la construction d'hôtels à Oufa. Les relations culturelles se développent, même si elles visent principalement à promouvoir l'enseignement de la langue française. Mais le Bachkortostan organise, en septembre prochain, un évènement au siège de l'UNESCO à Paris pour commémorer ses 450 ans d'existence. Cette manifestation constituera une chance unique pour rencontrer les représentants de la République et de ses principales sociétés.

Bien que le Bachkortostan soit l'une des Républiques les plus développée de Russie, il lui manque encore des savoir-faire pour accompagner son essor et diversifier son économie. Le secteur tertiaire reste très peu exploité. Le Bachkortostan, qui peut être considéré comme un partenaire sûr, constitue un immense marché à conquérir.

Clôture : « Les initiatives à prendre »

Louis SCHWEITZER ,
Coprésident de Dialogue Franco-Russe

Je voudrais remercier le Sénat de nous accueillir aujourd'hui. Je voudrais également remercier Monsieur Sergueï Narychkine, qui se trouve à la tête d'une remarquable, délégation d'avoir fait le voyage.

L'association, que je dirige avec Monsieur Ara Abramian, a été créée avec le soutien et l'appui des Présidents Jacques Chirac et Vladimir Poutine. Elle a pour vocation d'aborder les domaines politique, économique et culturel. Elle rassemble en son sein des personnalités issues de ces trois mondes.

Le succès de cette rencontre, l'importance des auditeurs et la qualité des intervenants témoignent de la vitalité des relations franco-russes. Mais je souhaiterais, pour conclure, vous faire part de quelques remarques.

Grâce à sa croissance économique, qui n'est - comme cela a d'ailleurs été souligné - pas uniquement fondée sur les hydrocarbures, et à sa vitalité culturelle, la Russie est redevenue un acteur majeur. Elle constitue évidemment un marché pour les entreprises françaises, mais elle est aussi un exportateur important dans plusieurs domaines. Elle investit également dans nos régions et représente un partenaire scientifique de premier plan. Toutefois, le changement a été si rapide que le pays reste mal connu. Je constate régulièrement en France, l'existence d'interrogations et une certaine perplexité. Il faut donc adopter une approche pédagogique et apprendre à connaître la Russie. Dans cette perspective, une journée comme celle d'aujourd'hui est évidemment une initiative à renouveler.

En France comme en Russie, les pouvoirs publics et les collectivités territoriales jouent un rôle essentiel dans la dynamique sociale. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, les Présidents Jacques Chirac et Vladimir Poutine ont joué, lors de la création de notre association, un rôle critique dans le développement des relations entre nos deux pays. Monsieur Sergueï Narychkine a rappelé la place du CEFIC et a souligné combien ce lieu de rencontre était important pour apprendre à se connaître. Il a d'ailleurs fait une proposition sur la représentation des régions au sein de cette instance, qui, je l'espère, sera reprise par son homologue français.

Monsieur Brice Hortefeux a rappelé le nombre de liens existants entre les collectivités territoriales françaises et russes. Il a dénombré 67 partenariats, impliquant six régions. Mais il a également souligné que cette coopération serait utilement généralisée à l'ensemble des régions françaises et que les relations existantes se développaient encore souvent sur le terrain de l'amitié et de la culture. Elles pourraient être étendues à l'ensemble des champs d'activité, c'est-à-dire l'économie, l'industrie ou la science. A cet égard, ma proposition est de créer un club de régions permettant de faciliter les échanges et de diffuser les expériences acquises afin qu'elles puissent bénéficier aux uns et aux autres. Ce point me semble particulièrement important pour les PME, qui, compte tenu des obstacles auxquels elles peuvent être confrontées, n'ont pas toujours la possibilité de se lancer dans l'aventure internationale.

Nous avons vu qu'il existait de nombreuses coopérations sectorielles, qui n'impliquent pas seulement de grandes entreprises ou des capitales régionales. Mais il convient certainement de développer les initiatives dans ce domaine. L'association Dialogue franco-russe a fait un pas dans ce sens en organisant un séminaire sur les industries agricoles et alimentaires. Les pôles de compétitivité, créés récemment en France, sont également des points d'appui essentiels pour le développement des coopérations internationales. L'exemple du Québec, qui se fonde sur des relations historiques, pourrait être étendu à la Russie, puisque ce pays présente, de ce point de vue, les mêmes caractéristiques. Des actions sont aussi engagées dans le domaine de la culture, avec l'année de la France en Russie en 2009 et l'année de la Russie en France en 2010.

Toutes les relations économiques, politiques, scientifiques ou culturelles passent par des échanges d'hommes. J'ai été frappé des propos de Monsieur Alexandre Avdeev, qui nous a expliqué comment la Russie avait réussi à surmonter les obstacles administratifs en matière de délivrance de visas. Dans ce domaine, la France semble avoir pris un peu de retard. Plus largement, je pense qu'il serait très important de créer un réseau de personnes, issues de la société civile mais dotées d'un certain rayonnement, pour porter les relations franco-russes dans nos deux pays.

L'entreprise que je préside a engagé, il y a près de dix ans, une opération avec la Russie. Elle a mis un peu plus de temps que nous l'imaginions à se concrétiser, mais son succès est finalement supérieur à nos espérances initiales. J'espère également que tous ceux qui s'engageront sur la voie de la coopération pourront - sans mettre plus de temps, car ils pourront s'appuyer sur les expériences de leurs prédécesseurs - en tirer plus de satisfaction qu'ils n'en attendaient.