Colloque "Rencontres Russie 2008" - 10 décembre 2008



Actes du colloque SÉNAT - UBIFRANCE

« Rencontres Russie 2008 »

Mercredi 10 décembre 2008
Palais du Luxembourg

Allocutions d'ouverture

Patrice GÉLARD,
président du groupe interparlementaire d'amitié France-Russie du Sénat

Patrice Gélard donne lecture d'une déclaration de M. Gérard Larcher, Président du Sénat :

« Messieurs les Présidents, Madame le Ministre, Messieurs les Ambassadeurs, Chers collègues, Mesdames et Messieurs,

Le Sénat est heureux d'accueillir cette nouvelle édition des « Rencontres Russie » qui, comme en 2006, va nous permettre de faire un point concret sur les relations économiques et commerciales franco russes.

En cette période d'intense activité parlementaire, les contraintes de mon emploi du temps ne m'ont pas permis d'être des vôtres ce matin. Mais j'ai suivi avec attention l'organisation de ce colloque, et je tiens à adresser à toutes et à tous un chaleureux message de bienvenue.

Cette manifestation, organisée en partenariat avec UbiFrance, se déroule sous l'égide du groupe d'amitié France-Russie qui, une fois encore, démontre sous la présidence de mon ami Patrice GELARD, l'engagement actif des sénateurs dans la promotion des échanges internationaux de la France.

Nous le savons tous, les développements de la politique intérieure russe et leur incidence sur sa politique étrangère réservent souvent des surprises aux observateurs européens.

Pour autant, nous ne perdons pas de vue que la Russie est un pays proche, auquel nous portons la plus grande sympathie.

La Russie est aussi redevenue depuis une dizaine d'années une puissance économique incontournable, ouverte aux entreprises étrangères et qui leur offre les opportunités d'affaires d'un marché de 145 millions d'habitants sur un territoire couvrant, à lui seul, le huitième de la totalité des terres émergées dans le monde.

Comment ne pas évoquer, aussi, ses immenses ressources énergétiques et minières ? Elles la placent parmi les premiers producteurs mondiaux de gaz, de pétrole et tous les métaux stratégiques.

Or, malgré ce formidable potentiel, le marché russe demeure relativement méconnu par nos entreprises : globalement, nos positions ont tendance à y stagner et se concentrent sur un nombre trop restreint de secteurs.

Comme le constate notre chef de mission économique à Moscou, il serait grand temps d'inverser cette tendance, d'autant que plusieurs de nos partenaires de l'Union européenne confortent leur position en Russie et pourraient, tôt ou tard, nous en évincer.

C'est pourquoi nos décideurs économiques doivent se mobiliser sur ce message simple et clair : la Russie est un partenaire commercial de premier ordre, et le bon sens commande de s'y intéresser !

Je ne doute pas que les orateurs qui vont se succéder toute la journée à cette tribune sauront vous en convaincre.

Soyez assurés que pour ce qui le concerne, le Sénat sera à vos côtés dans une démarche à laquelle de toute évidence, l'économie française a beaucoup à gagner.

Je souhaite à tous de fructueux travaux, et une excellente journée au Palais du Luxembourg. »

Anne-Marie IDRAC,
secrétaire d'État chargée du Commerce extérieur

Je vous remercie de votre accueil. La Russie constitue un partenaire important auquel il convient de s'intéresser. Nous connaissons le taux de croissance annuel russe : 8 % en moyenne. Même si celui-ci diminuera dans les prochains mois à cause de la crise financière, ce chiffre montre la puissance économique de ce pays. En outre, les autorités ont prouvé leurs capacités à injecter des liquidités dans l'économie et à poursuivre les projets d'investissement. Au niveau politique, notre relation est extrêmement solide et témoigne de signes d'interdépendance. En effet, au niveau européen, les hydrocarbures ne constituent pas les seuls biens échangés. De plus, l'Europe constitue le premier partenaire économique de la Russie et son premier investisseur. La Russie et l'Europe ont donc vocation à entretenir des relations économiques et politiques toujours plus fortes. Le dernier sommet UE-Russie, qui s'est déroulé à Nice le 14 novembre 2008, a permis de tracer la perspective d'une zone de libre-échange.

Le cadre institutionnel bilatéral est vivant. Le conseil économique, financier, industriel et commercial et le séminaire gouvernemental franco-russe en constituent les entités-clé. En outre, un effort particulier a été entrepris afin d'associer les entreprises à ces rencontres officielles. Le conseil des chefs d'entreprises doit donc jouer un rôle important pour stimuler la relation d'affaires et conseiller les deux gouvernements. Par ailleurs, le volume d'échanges commerciaux franco-russe devrait dépasser 20 milliards d'euros cette année. Ainsi, nous importons des hydrocarbures à hauteur de 11 milliards d'euros. Toutefois, nos exportations doivent progresser. En effet, notre part de marché s'avère insuffisante. Cependant, 7000 entreprises françaises commercent déjà avec la Russie, 500 y sont implantées. Le potentiel est donc absolument extraordinaire.

Notre relation bilatérale se structure autour de projets d'envergure. Ceux-ci touchent les secteurs de l'énergie, de l'aéronautique et des transports terrestres. En outre, les partenariats sont nombreux, par exemple entre Total et Gazprom. La Russie devant diversifier son économie, des perspectives d'exportations s'ouvrent donc pour nous.

Je me réjouis que Bouygues et Vinci participent à l'effort russe d'innovation. Les contrats, que ces entreprises ont décrochés, apporteront de l'activité à nos PME. En outre, je constate avec intérêt que la Russie retient l'attention de nos entreprises dans tous les secteurs économiques. Ce pays constitue donc une cible prioritaire pour nous dans les prochaines années. Alors que 2010 constituera l'année franco-russe, je m'engagerai personnellement afin que nous profitions dès à présent des opportunités qu'ouvre ce marché émergent. Par ailleurs, des soutiens aux exportations ont été apportés par UbiFrance et par la mission économique en Russie. De plus, davantage de fonds publics français seront octroyés à nos entreprises afin de faciliter leur développement en Russie ; en effet, il convient qu'elles n'y soient pas handicapées en raison de motifs financiers. Dans ce contexte, les garanties Coface pour les grands pays émergents, dont la Russie, seront revues à la hausse.

En conclusion, notre politique va être volontariste et engagée envers la Russie. Je vous remercie.

Patrice GÉLARD

Je vous remercie de votre participation à ce colloque. Je profite de cette occasion pour vous présenter brièvement l'activité du groupe d'amitié France-Russie, l'un des plus anciens du Sénat. Avec plus de 40 membres, il entretient des relations privilégiées aussi bien avec l'ambassade de Russie en France -j'accueille ainsi avec plaisir M. l'Ambassadeur Orlov, récemment nommé à son poste- qu'avec l'ambassade de France en Russie, toujours disponible pour répondre à nos besoins.

Notre groupe d'amitié développe actuellement un projet de lycée franco-russe à Paris. Malheureusement, les collégiens et les lycéens se détournent de l'apprentissage du russe. En revanche, je salue les chefs d'entreprises françaises ayant appris la langue suite à leurs activités dans ce pays.

Avec l'ambassade russe à Paris, nous avons tenté d'améliorer le système des visas. De même, avec le concours des deux ambassades, nous avons réussi à résoudre des problèmes relatifs à des adoptions. Ainsi, une convention franco-russe doit impérativement être signée, afin de résoudre les problèmes de droit de la famille. La double nationalité constitue également un défi supplémentaire.

Le groupe d'amitié cherche également à promouvoir les relations et les jumelages entre les collectivités locales françaises et russes. Notre politique de coopération décentralisée doit toutefois aller plus loin, et être repensée dans une approche plus dynamique et élargie : des partenariats doivent être tissés entre les universités, les hôpitaux, les chambres de commerce et d'industrie ou encore les ports autonomes et les aéroports. Par ailleurs, nous avons accueilli avec plaisir de nombreuses délégations russes au Sénat.

Pour conclure, je salue les initiatives d'UbiFrance et les remercie d'avoir organisé cette manifestation. Je vous remercie.

Christophe LECOURTIER,
Directeur général d'UbiFrance

Je vous remercie de votre accueil au Sénat et salue l'ensemble des intervenants présents aujourd'hui. Un constat s'impose : le marché russe fascine nos entreprises. C'est pourquoi nous organiserons une trentaine de manifestations commerciales en Russie en 2009. Ainsi, le grand défi que constitue l'année franco-russe en 2010 doit nous inciter à approfondir les échanges économiques dès 2009. Je suggère d'ailleurs que ces « Rencontres Russie », dont plusieurs éditions se sont déjà déroulées au Sénat, soient institutionnalisées tous les ans. Je vous remercie.

Jean-Paul BACHY,
Président de la Région Champagne-Ardenne
et Président de la Commission Internationale de l'Association des Régions de France

Je souhaite vous présenter le rôle que peuvent jouer les régions dans la relation économique franco-russe. Je représente la Commission Internationale de l'Association des Régions de France, ainsi que ma propre région, Champagne-Ardenne.

La loi d'août 2004 donne à la Région la responsabilité d'animer la vie économique de son territoire. Cet échelon administratif dispose à la fois de la taille et de la proximité avec le terrain nécessaires au développement économique à l'international. Alors que la crise affecte notre vitalité économique, il convient de se développer sur des marchés émergents en forte croissance, notamment la Russie.

Notre expérience a débuté en 1990 à travers des d'échanges organisés entre élèves de filières agricoles. Notre région a ensuite développé des partenariats avec des universités de Russie. Ainsi, chaque année, nous accueillons des doctorants russes et des étudiants de niveau master. Ceux-ci facilitent ensuite la coopération franco-russe, qu'ils travaillent en France ou en Russie. Par ailleurs, nos efforts, appuyés par l'expertise d'UbiFrance, permettent à nos PME de trouver des interlocuteurs en Russie pour y développer leur activité.

Aujourd'hui, les Russes se sentent délaissés : en effet, ils estiment que les pays occidentaux s'intéressent davantage à la Chine. Par ailleurs, ils espèrent que la voix de la France soit davantage entendue au sein de l'UE. En effet, notre image reste extrêmement porteuse en Russie. N'oublions pas, par ailleurs, les gouverneurs de provinces russes qui jouent un rôle majeur dans les relations économiques.

Notons que le champagne est un vecteur d'image de la France extrêmement porteur : il convient donc que d'autres produits de luxe soient exportés.

Les responsables politiques français doivent accompagner les entreprises afin de pérenniser les relations économiques, dans la mesure où les administrations russes sont incontournables. En outre, les actions des responsables politiques et celles des réseaux consulaires doivent être coordonnées. Enfin, les grands groupes français déjà implantés en Russie devraient aider les PME à s'installer en Russie.

En conclusion, la reconquête de parts de marché en Russie implique de coordonner les actions d'UbiFrance, de l'Etat, des collectivités territoriales et des entreprises. L'Association des Régions de France invitera donc avec plaisir à ses réunions les responsables de l'ambassade de France en Russie et les représentants de l'Etat et du secteur privé. Je vous remercie.

Stanislas de LABOULAYE,
Ambassadeur de France en Russie

J'adhère à l'ensemble des éléments qui viennent d'être développés. En effet, les actions menées par la région Champagne-Ardenne sont probantes et se révèlent bien adaptées à la Russie.

Evoquons à présent des éléments politiques. Lorsque la France a pris la présidence de l'UE et s'est employée à soulager les effets des crises géorgienne et financière, l'Union est redevenue un partenaire incontournable pour la Russie. L'UE et la Russie disposent d'un partenariat stratégique. De plus, la relation commerciale est importante, même si elle est souvent perçue comme un combat technique et normatif aux yeux des Russes. L'UE a donc déçu : elle n'a pas su se distinguer des Etats-Unis afin de constituer le partenaire stratégique recherché. De plus, la crise irakienne a fragilisé la crédibilité internationale de l'Union. Enfin, l'adhésion de dix nouveaux Etats membres issus de l'Europe centrale et de l'est a convaincu les Russes de la faiblesse du partenariat stratégique. Par ailleurs, les difficultés bureaucratiques et institutionnelles que rencontre l'UE constituent un aveu de faiblesse aux yeux des Russes. De même, la PESC et la PESD ne les ont pas convaincus. Du coup, l'UE ne constitue pas un partenaire privilégié pour les Russes, qui se tournent davantage vers les grands Etats européens.

La Russie a beaucoup attendu de la présidence française, afin que l'UE améliore ses relations avec elle. Cet objectif a été atteint, alors que la Russie a minimisé l'absence d'accord de partenariat. En effet, les déplacements en Russie effectués par le Président de la République dans le cadre de la crise géorgienne ont démontré que les institutions européennes pouvaient être bousculées pour entreprendre des actions rapides et efficaces. 200 observateurs européens ont ainsi pu être déployés en Géorgie. Alors que le Président de la République a critiqué la réaction militaire russe disproportionnée et la reconnaissance unilatérale de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, la Russie a salué la volonté de dialogue constante de l'UE. La relation s'est donc améliorée : ainsi, la Russie assistera les forces européennes de l'Eufor au Tchad. De même, le projet russe de pacte sécurité européen a été pris au sérieux par les Européens. Enfin, la réflexion sur la nouvelle architecture financière mondiale associera la Russie.

Ainsi, je constate que la relation entre la Russie et l'UE a été significativement améliorée, même si les Russes s'interrogent sur la poursuite de cette dynamique. Pour l'heure, les négociations de l'accord de partenariat ont redémarré sous l'impulsion de la France, qui a estimé que la Russie avait honoré ses engagements relatifs à résolution de la crise géorgienne. Par ailleurs, la marine russe coopère avec la marine des Etats européens au large de la Somalie, ce qui montre le crédit accordé par les Russes aux efforts européens en matière de défense commune. En outre, M. Barroso effectuera un déplacement en Russie en janvier 2009 afin de poursuivre les discussions relatives à l'énergie, aux visas et à l'adhésion russe à l'OMC. Enfin, en 2009, nous reprendrons les discussions relatives au pacte de sécurité européen proposé par M. Medvedev.

En conclusion, je pense qu'un nouveau climat de confiance a été instauré. Les suites de la crise économique financière constituent un défi pour nos relations qu'il conviendra de relever. Je vous remercie.

Christian LEDOUX, Renault

Quelles perspectives se tracent pour l'adhésion de la Russie à l'OMC ?

Stanislas de LABOULAYE

La volonté politique russe est forte. Un calendrier ne peut cependant être présenté, car des difficultés techniques se posent.

Patrick MARTEL

Quelles relations entretenons-nous avec la CEI ? Quelles sont les réalités de cette organisation actuellement ?

Stanislas de LABOULAYE

La CEI permet d'organiser des rencontres entre les dirigeants de ses pays. Ainsi, cette enceinte informelle favorise les relations bilatérales, et ne doit donc pas être négligée, car la Russie y exerce une influence forte.

Jean-Paul BACHY

Je signale que nous avons mis à votre disposition des documents présentant les actions entreprises par notre région et l'ARF envers la Russie.

Elsa LÖCKE, Chef du département Séminaires et Événements multisectoriels, UbiFrance

Je cède à présent la parole à M. Baudry, qui évoquera le climat des affaires et la crise financière en Russie.

Philippe BAUDRY,
Ministre Conseiller, Chef de la Mission économique à Moscou

Il faut prendre un peu de recul pour apprécier la situation économique russe. Je rappelle que la Russie constitue la dixième puissance économique mondiale. Ce pays a traversé plusieurs étapes difficiles, la transition économique en 1991 et la crise financière en 1998. Toutefois, depuis 2000, la Russie connaît une forte croissance. Ainsi, le PIB/habitant s'est amélioré : il se chiffre à 14 600 $ en PPA. En outre, l'espérance de vie a crû. Toutefois, les fortes inégalités de revenus se sont accentuées. Cinq facteurs expliquent la croissance russe : la sous-utilisation des capacités durant la période soviétique, la dévaluation du rouble en 1998, les réformes structurelles fiscales et bancaires, l'évolution du prix des hydrocarbures et le développement de la consommation des ménages.

Cependant, la Russie connaît plusieurs faiblesses structurelles. En effet, les besoins en infrastructures sont considérables. De plus, l'investissement apparaît encore limité et trop concentré sur les hydrocarbures. Enfin, les IDE sont contraints par la loi sur les secteurs stratégiques. Par ailleurs, le climat des affaires est incertain. En effet, à l'incertitude juridique s'ajoute la forte corruption de l'administration, caractérisée de surcroît par un fonctionnement bureaucratique. En outre, les restrictions aux investissements nuisent au développement de certains secteurs. Enfin, la protection de la protection intellectuelle semble insuffisante. Toutefois, l'environnement réglementaire général s'améliore.

Le développement dynamique s'est accompagné d'un boom du crédit. Ainsi, les entreprises ont largement eu recours aux financements externes. La Russie a donc été affectée par la crise financière mondiale ; la bourse russe a chuté. La cotation du risque attribué à la Russie a donc augmenté, mais de manière similaire aux autres pays émergents. En outre, le reflux de capitaux et la chute du prix de pétrole ont amplifié les effets de la crise. De plus, les capitaux sont essentiellement détenus par des entités étrangères. Celles-ci peuvent donc les retirer de la bourse russe facilement. Dans ce contexte, la Banque mondiale prévoit un ralentissement de la croissance. La consommation devrait donc ralentir, tandis que l'assèchement du crédit entraîne le gel des projets d'investissement. Par ailleurs, nous assistons à un mouvement de concentration dans le secteur bancaire.

Les réponses institutionnelles ont consisté à injecter massivement des liquidités afin de recapitaliser les banques et de soutenir l'activité économique. De plus, les dépôts garantis pour les particuliers ont augmenté ; les investissements des entreprises publiques ont été soutenus. Contrairement à la crise financière de 1998, des marges de manoeuvre existent aujourd'hui. En effet, la Russie dispose d'importantes réserves financières et est faiblement endettée.

Si la Russie exporte majoritairement des produits énergétiques, la France exporte des produits plus variés, notamment des biens intermédiaires, de consommation et d'équipement. Alors que près de 500 entreprises françaises sont implantées en Russie, 6 860 y ont réalisé des exportations en 2007, dont 2 000 à hauteur d'un montant supérieur à 100 000 euros. Enfin, d'importants partenariats se nouent actuellement dans les secteurs de l'automobile, de l'aéronautique, spatial et ferroviaire.

En conclusion, la Russie présente de nombreuses opportunités dans de multiples secteurs. 2009 constituera toutefois une année difficile. Néanmoins, la Russie a toujours démontré ses capacités de rebondissement après les crises financières qu'elle a rencontrées. Enfin, la mission économique reste disponible pour répondre à vos attentes. Je vous remercie.

Elsa LÖCKE

Je cède à présent la parole à M. Prostakov, qui évoquera les relations économiques franco-russes dans le contexte de la crise.

Ivan PROSTAKOV,
Représentant commercial, Représentation commerciale de Russie

J'assiste avec plaisir à cette rencontre franco-russe. Je souhaite réagir à ce qui a été dit par M. Bachy. Ainsi, j'adhère aux propos tenus sur la coopération décentralisée. En outre, il convient d'insister sur un point : les spécificités d'organisation administrative des régions russes doivent être prises en compte.

Alors que les négociations relatives à l'adhésion de la Russie à l'OMC progressent, je déplore que cette question soit instrumentalisée politiquement en Europe. Par ailleurs, le message de M. Medvedev est clair : la Russie n'envisage pas de s'enfermer dans une politique protectionniste.

Après cette introduction, j'aborde la question des relations économiques franco-russes dans le contexte de la crise. En Russie, les symptômes de la crise financière dans l'économie réelle ont été signalés en octobre 2008 seulement. Nous avons donc été touchés plus tardivement que les économies européennes et espérons ainsi sortir rapidement de cette crise. La croissance de la production industrielle ralentit, tandis que l'inflation demeure un réel problème. En effet, elle s'élève à 12 %. Toutefois, les revenus des ménages, le commerce extérieur et le niveau de nos réserves semblent stables.

Alors que l'ensemble des secteurs économiques connaît des ralentissements, la Russie restera le premier marché automobile en Europe. En outre, la production agricole de l'année 2008 est tout à fait exceptionnelle. Par ailleurs, les prévisions officielles 2009 sont prudentes. Elles font état d'une croissance du PIB de 3,5 %, d'un solde nul du budget et d'un taux de change USD/RUR de 32. Le solde budgétaire nul s'explique par la volonté russe de réaliser des dépenses afin de soutenir l'activité économique. Le secteur agroalimentaire, l'industrie de la défense et les PME concentreront prioritairement les dépenses.

Dans ce contexte, les perspectives de la coopération franco-russe ne sont pas compromises. En effet, les grands projets d'investissement en Russie sont confirmés. De plus, l'Agence pour l'assurance des crédits export sera créée en 2009. Celle-ci facilitera les échanges économiques bilatéraux. Par ailleurs, le marché du travail sera affecté par une dégradation du taux de chômage. Les salaires devraient stagner. En revanche, la dépréciation du rouble diminuera les coûts des projets menés en Russie. Enfin, la croissance sera moins soutenue mais reste confirmée. La Russie demeure donc un partenaire auquel il convient de s'intéresser dès maintenant. Je vous remercie.

Denis VERRET, EADS

La dépréciation du rouble dépend beaucoup de l'appréciation du dollar. Quelle est la position russe sur le désordre monétaire international ?

Ivan PROSTAKOV

La Russie conteste la supériorité du dollar dans l'économie mondiale. Elle aspire à un système financier international plus contrôlable, plus prévisible, mais pas obligatoirement plus régulé. Par ailleurs, il conviendrait que le rouble devienne une monnaie d'envergure régionale. Enfin, la bourse de Moscou n'est pas aussi importante que celles de Londres, de Paris ou de New-York : j'espère que cette situation changera.

Jean-Claude ABEILLON, Cifal

Ma question s'adresse à UbiFrance. Nous ne devons pas nous satisfaire de notre bilan commercial avec la Russie. En effet, les performances italienne et allemande semblent nettement meilleures. Notre performance relative a ainsi reculé. Comment pourrions-nous trouver de nouvelles opportunités d'exportation, alors que la balance commerciale française est déficitaire ? Qu'envisage UbiFrance pour améliorer cette situation ? Enfin, quand cette manifestation se déroulera-t-elle ailleurs qu'à Paris ?

Elsa LÖCKE

UbiFrance connaît une réorganisation : ainsi, de nombreuses conventions sont signées avec les Régions et les chambres de commerce régionales. En outre, nous organisons de nombreux évènements afin d'accompagner les entreprises. Enfin, nous cherchons à associer davantage les entreprises aux réunions institutionnelles franco-russes.

Philippe BAUDRY

Des représentants de la mission économique participeront en région à des rencontres consacrées à la Russie. Par ailleurs, le CEFIC se tiendra en 2009 en France, en province. Les Russes pourront ainsi découvrir des régions qu'ils ne connaissent pas.

Emmanuel QUIDET, Chambre de Commerce française en Russie

Malgré la crise, nous considérons que de nombreuses opportunités subsistent. Aujourd'hui, des problèmes se posent pour les permis de travail et les visas. Pourriez-vous nous aider ?

Ivan PROSTAKOV

Cette question importante est suivie par les autorités russes. Des délais semblent nécessaires afin de résoudre les problèmes et je ne peux donc vous promettre que des permis de travail et des visas vous seront délivrés rapidement. Soyez toutefois assurés que l'ambassade de Russie en France aidera les Français. Néanmoins, et sans vouloir parler de réciprocité, je souhaite rappeler les difficultés administratives rencontrées par les entreprises russes en France. Il conviendra donc d'oeuvrer en faveur des entreprises de nos deux pays.

Jérôme France, EMI

Je considère qu'il revient aux PME développant des activités à l'export de se tourner vers UbiFrance, et non l'inverse. En revanche, je souhaiterais que soient développées les pépinières d'entreprise. Par ailleurs, il est exact que certaines entreprises d'Europe de l'est rencontrent des problèmes de visas dans les ambassades de France.

Philippe BAUDRY

Malheureusement, nous ne disposons pas des moyens financiers nécessaires à la création de pépinières d'entreprises. Notez cependant que le mécanisme du VIE permet, aux PME notamment, d'envoyer des collaborateurs en Russie. Sachez enfin que la mission économique peut vous accompagner dans vos démarches de demande de visas pour des collaborateurs étrangers en France.

Christian GIRARDEAU, Citilog

Les PME françaises manquent de relais. Les Allemands envoient des représentants régionaux à l'étranger et assurent un réel suivi sectoriel par GTZ, l'équivalent d'UbiFrance. Il conviendrait de copier ce système organisationnel afin de disposer, comme eux, de relais dans les pays étrangers.

Philippe BAUDRY

Nous souhaitons effectivement disposer de davantage de représentants régionaux en Russie. En outre, nous ne pouvons certes pas financer des pépinières d'entreprises, mais des acteurs privés le pourraient.