Colloque "Rencontres Russie 2008" (10 décembre 2008)



Table-Ronde

Biens d'équipement, biens de consommation, agro-alimentaire : tendances et réalités du marché russe

Cette table-ronde est animée par Philippe Pelé-Clamour, Président, Thaïs Capital Partners, Fondateur du Courrier de Russie, CCEF

Philippe PELÉ-CLAMOUR

Je vous présente les intervenants de cette table ronde : Mme Olszowy et MM. Cousin, Aleton, Monnier et Sebille. J'ouvre le débat en cédant la parole à M. Cousin.

Laurent COUSIN, Directeur général, Roquette Russie (industries des amidons et dérivés)

L'entreprise Roquette produit des amidons et dérivés en écrasant des céréales. Nous sommes implantés en Russie depuis plus de 15 ans, grâce à des partenariats tissés avec Rhône-Poulenc et Rhodia. Malgré les inquiétudes qui pèsent sur la Russie, nous envisageons d'y développer un outil industriel.

Philippe PELÉ-CLAMOUR

Que pense la famille Peugeot de la Russie ? Quel rôle a joué l'actionnariat familial dans la décision d'implantation en Russie ?

Didier ALETON, Directeur du projet Russie, PSA Peugeot Citröen

Je tiens à préciser que, d'une part, mon expérience sur la Russie est faible et que, d'autre part, notre projet industriel a débuté il y a peu de temps. Quatre ans avant la décision d'implantation, l'image du pays était celle du risque et des difficultés. Celle-ci a significativement changé au sein de notre groupe. Ainsi, la Russie constitue désormais un axe majeur de développement pour le groupe PSA. En 2008, nous avons vendu 65 000 des 3 millions de véhicules commercialisés en Russie. PSA n'est donc que faiblement implanté sur le marché russe mais souhaite s'y développer.

Philippe PELÉ-CLAMOUR

MM. Cousin et Aleton, pensez-vous que la continuité d'un actionnariat familial vous a aidé dans la prise de décision ?

Didier ALETON

Notre décision de nous implanter en Russie résulte d'une décision stratégique. En effet, nos anciens marchés étaient saturés. Je ne pense pas que cette décision soit liée à la nature de notre actionnariat.

Laurent COUSIN

Le fait d'être une entreprise familiale permet de raccourcir les distances entre les relais et rend plus aisée la diffusion des messages.

Philippe PELÉ-CLAMOUR

Je souhaiterais que M. Monnier nous expose à présent la situation du secteur agroalimentaire en Russie.

Christophe MONNIER, Chargé de mission agricole, Ubifrance, Mission économique à Moscou

La Russie constitue un marché important pour les produits agricoles et agroalimentaires. Ainsi, le volume d'importation russe de produits agroalimentaires a fortement crû. En effet, la Russie ne couvre que deux tiers de ses besoins alimentaires. Le gouvernement russe a ainsi pris conscience de la nécessité de développer le secteur agricole, alors que la production de ce dernier a été divisée par deux dans les années 90. Dès 2005, il a donc été décidé que d'importants moyens financiers seraient octroyés aux entreprises agricoles russes jusqu'en 2012. L'objectif est de diminuer la dépendance vis-à-vis des fournisseurs étrangers.

Philippe PELÉ-CLAMOUR

M. Sebille, pourriez-vous nous préciser les besoins et les acteurs de l'infrastructure russe ?

Robin SEBILLE, Chef de secteur BTP, Environnement, Transports, Mission économique à Moscou

Le président Medvedev souhaite que l'innovation, l'investissement, les institutions et les infrastructures soient développés. Un ambitieux programme de développement d'infrastructures de transports a donc été présenté récemment.

Le secteur du BTP/Transports occupe un septième de la population active. En Russie, les infrastructures routières présentent de nombreuses carences, davantage encore que celles présentées par les infrastructures ferroviaires. 4 750 milliards d'euros seront donc consacrés au développement d'infrastructures routières et ferroviaires dans les vingt prochaines années. Ainsi, durant les cinq prochaines années, la Russie prévoit de construire 8 000 km de routes fédérales et 2 000 km d'autoroutes à péage. Alors que Vinci et Bouygues ont déjà décroché des contrats relatifs à la construction d'autoroutes, d'autres appels d'offres devraient suivre.

Philippe PELÉ-CLAMOUR

Je demande à présent à Mme Olszowy de nous indiquer les tendances du marché des biens de consommation.

Jennifer OLSZOWY, Chef de secteur Biens de consommation, Mission économique à Moscou

Les Russes sont entrés dans une ère de consommation de masse. Ainsi, de nombreuses opportunités s'ouvrent aux entreprises du secteur des biens de consommation. Notons que la France est le premier exportateur de produits cosmétiques et de parfumerie en Russie. Par ailleurs, le secteur de l'habillement croît plus vite en Russie qu'en Europe ; des opportunités existent donc. L'industrie textile russe est en crise, même si des projets publics de relance seront prochainement mis en oeuvre. Enfin, de nombreuses franchises d'entreprises d'habillement se développent dans le secteur du moyen de gamme. En effet, la franchise constitue un moyen de développement pertinent.

Philippe PELÉ-CLAMOUR

Quel est l'impact de la crise ? Quelle est votre vision ?

Didier ALETON

La Russie n'échappe pas à la crise, mais elle est moins durement touchée. Nous estimons qu'un délai d'un à deux ans est nécessaire pour que le marché automobile sorte de la crise.

Laurent COUSIN

La situation commence à être difficile. Le développement de la grande distribution facilite celui de l'industrie agroalimentaire. Malgré les difficultés qui se posent, le marché connaît toujours une croissance soutenue. Nous continuons donc notre stratégie de développement.

Paul VIOLETTE, SPF

Nos activités sont modestes en Russie. La difficulté est de comprendre les schémas décisionnels administratifs. Comment obtenir plus facilement des permis de construire ?

Didier ALETON

Nous nous sommes dotés de technical customers . En outre, nous nous appuyons sur des bureaux d'étude locaux russes disposant des certifications requises pour délivrer des permis de construire.

Christian GIRARDEAU, Citilog

Alors qu'une réglementation européenne précise la surveillance des tunnels et des carrefours, la Russie accompagnera-t-elle ses projets d'infrastructure par des équipements électroniques de surveillance ?

Robin SEBILLE

Des programmes d'équipements de surveillance seront effectivement déployés, même si la police ne souhaite pas perdre une partie de ses prérogatives. Ces mesures ne seront toutefois pas généralisées à l'ensemble du réseau.

Philippe PELÉ-CLAMOUR

Je souhaiterais savoir comment Rhodia a soutenu Roquette en Russie.

Laurent COUSIN

Ses équipes commerciales distribuaient nos produits. De plus, nous avons appris comment vendre dans ce pays grâce à Rhodia. Notre activité a ainsi été développée, puis nous avons pu construire notre propre structure commerciale.

Philippe PELÉ-CLAMOUR

Vos propos montrent que même une grande entreprise internationale telle que la vôtre nécessite un soutien pour s'implanter durablement en Russie.

Laurent COUSIN

Nous n'étions pas un grand groupe international lorsque nous sommes arrivés en Russie, nous le sommes devenus. Ainsi, notre modèle peut être étudié avec soin par les représentants des PME ici présents.

Philippe PELÉ-CLAMOUR

En Russie, quels sont les intérêts d'un groupe tel que PSA ? M. Aleton, pensez-vous accompagner vos sous-traitants en Russie ?

Didier ALETON

Le groupe PSA s'est implanté en Russie pour fabriquer des voitures moyen de gamme. Avec Mitsubishi, l'implantation industrielle sera dédiée aux 4×4. Par ailleurs, le groupe PSA a été accompagné en Russie par ses propres fournisseurs bancaires. En outre, la filiale logistique Gefco est implantée depuis 8 ans en Russie. Enfin, je pense que la Russie a besoin d'équipementiers d'envergure mondiale, afin d'opérer un rattrapage des normes internationales de qualité.

David MASGRANGEAS, SAFT

La société Roquette a-t-elle mis en avant ses produits standards ou de dernière génération lorsqu'elle s'est implantée en Russie ?

Laurent COUSIN

Nous avons opéré un développement par spécialités. Les produits de base n'ont donc été commercialisés que plus tard.

Philippe PELÉ-CLAMOUR

Qu'en est-il pour les biens de consommation ?

Jennifer OLSZOWY

Les entreprises françaises du secteur de la mode ne sont pas suffisamment nombreuses en Russie. Notez que les salons de la mode se tenant à Moscou permettent aux entreprises développant des produits moyen de gamme de se faire connaître. Toutefois, les créateurs de luxe rencontrent des difficultés : en effet, en Russie, les produits de luxe doivent émaner de marques connues pour être vendus.

Jean-Philippe LOUIS, Aelis Air Services

M. Sebille, vous n'avez pas évoqué le transport aérien régional. Par ailleurs, je souhaiterais savoir si Roquette et PSA ont été accompagnées par des banques russes ou françaises.

Robin SEBILLE

L'infrastructure aéroportuaire russe vieillit mal ; de nombreux petits aéroports ont été fermés. En revanche, les aéroports d'envergure internationale ont connu un fort développement.

Laurent COUSIN

Nous nous autofinançons beaucoup. Toutefois, notre développement commercial a été accompagné par des banques françaises.

Didier ALETON

Notre activité commerciale a été initialement soutenue par la Société Générale.

Christophe DURUPT, Boccard

Quel est la situation du marché de la pharmacie ?

Laurent COUSIN

Des groupes pharmaceutiques européens se développent actuellement en Russie. En outre, l'industrie russe se réorganise.

Jean-Guy COLLIGNON, Université de Paris II

Quel réseau entretient les 65 000 véhicules vendus chaque année par le groupe PSA ?

Didier ALETON

Nous disposons de 80 concessionnaires pour les deux marques et envisageons d'atteindre le chiffre de 250 concessionnaires en 2012. Par ailleurs, sachez que de nombreux garages multimarques existent, même si leurs prestations ne sont pas toujours fiables.

Christian LEDOUX, Renault

Renault a construit un partenariat afin de se développer en Russie. Pourquoi le groupe PSA a-t-il adopté une stratégie du green field ?

Didier ALETON

Valeo pratique la même démarche que vous. Nous pensons que le marché adoptera rapidement les normes de qualité internationales. Nous estimons donc qu'une stratégie de green field est plus adaptée qu'un partenariat avec un constructeur russe, pour lequel d'importants efforts de mise à niveau devraient être consentis.

Christian LEDOUX

Cette tâche nous paraît également compliquée mais nous comptons la poursuivre. Du temps pourrait ainsi être gagné sur les délais d'obtention de permis de construire.

Didier ALETON

Nous avons estimé que les investissements nécessaires étaient trop lourds.

Philippe PELÉ-CLAMOUR

Je précise que le secteur automobile ne constitue pas un secteur stratégique protégé.

Didier ALETON

Nos stratégies ont été différentes, nous verrons ultérieurement laquelle paye.

Philippe PELÉ-CLAMOUR

M. Cousin, parlez-nous du monde agricole et scientifique russe.

Laurent COUSIN

La Russie dispose d'un très haut niveau scientifique et nous travaillons donc avec ses chercheurs. Par ailleurs, notre stratégie d'implantation locale dépend des infrastructures céréalières. Notons enfin que le transport des céréales depuis le sud, zone de production, vers le nord, zone de consommation, est difficile.

Philippe PELÉ-CLAMOUR

Quid des perspectives d'avenir.

Robin SEBILLE

Le secteur des infrastructures est incontestablement un secteur d'avenir pour la Russie : il est indispensable pour son économie. J'invite donc les entreprises françaises à venir en Russie.

Christophe MONNIER

Les grandes régions agricoles russes, qui sont le district fédéral sud autour de la région de Rostov et Krasnodar, la région des terres noires et la zone de la Volga, doivent être prospectées par les entreprises françaises. Même si la Russie a l'intention d'augmenter son taux d'autosuffisance alimentaire, le marché reste largement ouvert aux entreprises étrangères.

Jennifer OLSZOWY

Les perspectives demeurent en effet intéressantes en Russie. Cependant, la mode française doit être mise davantage en valeur. Enfin, des actions collectives constituent des moyens plus efficaces.

Laurent COUSIN

Le développement d'Auchan en Russie facilite celui de l'industrie agroalimentaire.

Christophe MONNIER

Je précise que de nombreux hypermarchés seront construits en Russie durant les prochaines années.

Didier ALETON

Le marché automobile russe est actuellement devant l'Allemagne. A terme, la Russie adhérera à l'OMC et disposera d'une industrie automobile autochtone. PSA sera l'un des acteurs incontournables de ce marché.

Philippe PELÉ-CLAMOUR

Je vous remercie.