Rencontres Ukraine 2006



Table des matières


Rencontres Ukraine 2006

Ouverture

Christian PONCELET
Président du Sénat

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Messieurs les Ambassadeurs, chers collègues, Mesdames et Messieurs,

Il y a presque un an, jour pour jour, j'ouvrais ici même les travaux des « Rencontres Ukraine 2005 », organisées par le Sénat dans le cadre de son partenariat toujours fructueux avec nos amis d'UBIFRANCE.

Il n'est pas usuel que nous réitérions ce type de rencontre à intervalle aussi rapproché : c'est dire l'attention et la sympathie que le Sénat porte à ce pays, en particulier à travers l'action du groupe interparlementaire d'amitié France-Ukraine, présidé par mon collègue et ami le Sénateur Jean-Pierre Plancade.

Actuellement en visite officielle à l'étranger, je lui ai demandé de vous faire part de ce message, et d'exprimer mon cordial souhait de bienvenue à M. Yatseniouk, Ministre de l'Economie d'Ukraine qui a tenu à être des nôtres ce matin ; c'est une marque de considération à laquelle nous sommes très sensibles.

Ce colloque prolonge celui de 2005, mais dans un contexte qui, en un an, a déjà sensiblement évolué. A cette époque, la toute récente « Révolution orange » de l'hiver 2004 et l'engouement qu'elle suscitait sur la scène internationale occupaient les esprits.

Depuis lors, la situation a changé, et nos analyses de l'année dernière, sans être caduques, ne sont déjà plus tout à fait d'actualité ! Elles doivent être, sinon reconsidérées, tout au moins affinées...

Quatre faits marquants doivent en effet être pris en compte : les élections législatives de mars 2006, l'arrivée attendue d'un nouveau Premier Ministre, la mise en oeuvre du Plan d'action entre l'Ukraine et l'Union européenne et, pour ce qui est de nos relations bilatérales, la « feuille de route » franco-ukrainienne adoptée en novembre 2005 : autant d'éléments nouveaux qui, à mon sens, justifient amplement la rencontre d'aujourd'hui.

Sur le plan politique, je ne crois pas nécessaire de revenir sur les élections du mois de mars, à l'organisation desquelles - je le rappelle - la France a apporté un concours actif, avec l'envoi d'une importante délégation d'observateurs.

La communauté internationale a salué la régularité de ce scrutin et je ne peux que m'associer aux propos de notre Ministre des Affaires étrangères devant l'Assemblée nationale : le Gouvernement qui sortira de ces élections « a toute notre confiance et nos encouragements, et nous attendons qu'il poursuive les réformes initiées » depuis lors.

Sur le plan économique, en revanche, les perspectives à court terme, sans être inquiétantes, ne sont peut-être pas aussi enthousiasmantes.

Certes, les grands paramètres devraient porter, a priori , à la confiance : un sous-sol généreux, un pouvoir d'achat en forte hausse, un grand marché, une industrie en pleine restructuration. Pourtant, les résultats ne sont pas tous au rendez-vous : la croissance en 2005 a été finalement modeste, la facture énergétique grève lourdement l'économie ukrainienne et la balance commerciale reste tributaire des cours mondiaux.

Ainsi, comme je l'observais l'an dernier, l'essentiel des exportations ukrainiennes est constitué par les ventes d'acier et de produits chimiques à faible valeur ajoutée. Or, en dépit d'une demande actuellement soutenue, les cours ne sont pas à l'abri de fluctuations rapides et déstabilisatrices.

Par ailleurs, en Ukraine, le secteur financier, boursier et bancaire souffre d'une faiblesse structurelle ; en l'état, il paraît mal armé pour gérer efficacement les grands mouvements de capitaux qu'impliquent aujourd'hui les échanges internationaux.

Enfin, le climat général des affaires n'est pas encore pleinement « sécurisé » et suppose bien sûr la poursuite d'une lutte active contre la corruption.

Tout cela peut - et doit - être amélioré, mais explique aussi pourquoi, aux yeux de certains spécialistes, l'Ukraine n'apparaît pas comme un pays d'opportunités à court terme ; de fait, il se situe encore assez loin dans le « palmarès » des responsables économiques.

Reste que, dans une perspective à plus long terme, nos entreprises auraient grand tort de ne pas s'intéresser à l'Ukraine. Certaines s'y sont déjà engagées, mais ce mouvement gagnerait à s'amplifier, si nous ne voulons pas être distancés par d'autres pays plus réactifs (je pense, en particulier, à nos amis allemands, anglais ou italiens).

Je ne doute pas que les orateurs qui vont se succéder toute la journée à cette tribune sauront vous démontrer l'intérêt d'une collaboration avec un pays où, dans beaucoup de secteurs, nos entreprises peuvent faire valoir leur expertise.

Je voudrais enfin souligner les enjeux européens de cette coopération.

En décembre 2004, le Conseil européen a exprimé son souhait que l'Union européenne développe « une relation spécifique et renforcée » avec l'Ukraine, dans le cadre d'une politique de voisinage tirant pleinement parti du Plan d'action négocié avec la Commission de Bruxelles et adopté en février 2005.

Parmi différentes mesures, ce plan prévoit en particulier l'approfondissement des relations commerciales et économiques et le soutien européen au processus de rapprochement législatif, à travers l'assistance technique et des actions de jumelage. Surtout, il esquisse la perspective d'un accord renforcé en 2008, remplaçant l'actuel accord de Partenariat et de Coopération.

Ne manquons pas cette échéance de 2008, désormais bien proche ; nous ne pouvons demeurer en retrait d'un dossier où, de toute évidence, plusieurs de nos partenaires européens s'impliquent déjà, à commencer par les trois nouveaux membres de l'Union européenne partageant une frontière commune avec l'Ukraine : la Pologne, la Hongrie et la Slovaquie.

Mon dernier mot sera pour saluer l'activité du groupe interparlementaire d'amitié France-Ukraine, qui s'emploie au développement de nos échanges avec ce pays, et pour remercier le Sénateur Plancade qui a accepté de vous lire ce message et qui, en un sens, est privé de parole.

L'intervention des groupes d'amitié, en appui des efforts des entreprises et des services d'expansion économique, permet de rappeler que le Sénat considère comme de sa mission de soutenir nos entreprises ; elles sont non seulement des créatrices d'emplois et de prospérité, mais aussi exportent notre savoir-faire et notre culture et renforcent la présence française dans le monde.

Je souhaite à tous d'excellents travaux, en espérant que vous garderez de votre passage au Sénat un très bon souvenir et que vous y reviendrez.

Louis-Michel MORRIS
Direction générale, UBIFRANCE

Je remercie, au nom d'UBIFRANCE, le Sénat d'accueillir ces troisièmes Rencontres Ukraine. Je salue le Ministre Yatseniouk pour sa présence, ainsi que les ambassadeurs Sergeyev et Veziant, Monsieur Igor Zaglada, Directeur du Centre ukrainien pour l'assistance aux investissements étrangers, et Pierre Compagnon. Je remercie également nos partenaires : les banques BNP Paribas, Calyon, la Société Générale, les consultants Abanico, Alest, Avin, Axioma, Beten Ingénierie, Glezol, les cabinets Salans, Loirest et Mazars Ukraine, les transporteurs ABX Logistics et Daher, ainsi que le voyagiste CGTT Voyages, de leur collaboration à l'organisation de ces journées. Je remercie enfin la section française des Conseillers au Commerce Extérieur (CCEF) et l'Ambassade d'Ukraine en France.

UBIFRANCE encourage les sociétés françaises, non seulement à distribuer, mais aussi à investir à l'étranger. Sa vocation est d'informer les entreprises sur la situation sur le terrain et de répondre à leurs questions sur les importateurs et acheteurs potentiels de leurs produits, les conditions réglementaires et leurs concurrents sur ces marchés. Nous organisons quasiment un événement par jour en France ou à l'étranger - qu'il s'agisse d'un salon, d'un colloque ou d'une rencontre acheteurs. Nous gérons, enfin, pour le compte des entreprises, le système des Volontaires Internationaux en Entreprise (VIE), qui permet à 4 000 jeunes de travailler dans des sociétés françaises à l'étranger pour appuyer leur force de vente et les aider à produire.

Le marché ukrainien est actuellement l'une des priorités d'UBIFRANCE. En témoignent les six opérations sectorielles que nous organisons cette année :

- le 20 juin, un colloque à Kiev sur l'environnement ;

- le 21 juin, un colloque à Kiev sur le lait ;

- les 18 et 19 octobre à Kiev, un forum sur l'énergie ;

- du 5 au 9 novembre, la venue d'acheteurs et de prescripteurs ukrainiens au Salon Equip'Hotel à Paris ;

- du 6 au 10 novembre, la venue de décideurs ukrainiens de la filière sucre à Paris ;

au quatrième trimestre, la venue de décideurs ukrainiens de la filière ferroviaire.

Intervention d'Arseniy YATSENIOUK
Ministre de l'Economie de l'Ukraine

La France et l'Ukraine partagent un même territoire et des valeurs communes, celles de l'Europe. Elles ont également une croissance du PNB quasiment identique (2,6 % pour la France, 2,9 % pour l'Ukraine), même si la situation économique générale de la France est plus favorable que celle de l'Ukraine.

Après les événements qu'a connus l'Ukraine, le pays a traversé une période de stagnation, qui a eu un effet dramatique sur son économie et s'est traduit par des résultats particulièrement négatifs. Depuis huit mois, cependant, la stabilité économique s'est rétablie et la croissance est là, même si elle reste faible.

L'inflation a atteint 2,8 % au cours des cinq premiers mois de 2006, soit un niveau deux fois moindre qu'en Russie, et ce, alors que l'Ukraine a dû absorber la très forte hausse des prix de l'énergie. L'inflation devrait atteindre, d'ici la fin de l'année, 11,4 %. En un an, le prix de l'énergie est passé de 50 à 140 dollars/1 000 m 3 de gaz, ce qui ne correspond pas, contrairement à ce que certains affirment, à son prix réel. La croissance des prix pour le consommateur ukrainien a été de 200 %. Du fait de la crise énergétique que nous traversons, l'ensemble de nos prix se sont fortement accrus. Nous devrons donc lutter activement contre ce phénomène.

Malgré la relative instabilité politique de notre pays, la croissance des investissements directs étrangers, a été, au cours des trois premiers mois de 2006, quatre fois plus élevée que l'année dernière. Ces excellents résultats sont en partie liés à la vente des aciéries Krivorijstal pour un montant de 7,6 milliards de dollars.

Le fait que l'Ukraine ait obtenu le statut de pays à économie de marché de la part de l'Union européenne et des Etats-Unis et que l'amendement Jackson/Vanek ait été abrogé a permis à notre pays de voir son économie croître de 10 %. L'Ukraine n'échappe cependant pas aux déséquilibres liés à la globalisation, notamment du fait de sa situation géographique difficile entre la Russie et l'Union européenne. Ainsi, pour la première fois depuis longtemps, la balance commerciale est négative d'environ 1 milliard de dollars. Nous avons donc besoin de plus d'investissements étrangers pour couvrir notre balance de paiements, qui est négative.

L'autre aspect négatif de notre situation actuelle est lié à la vie politique. D'autres pays connaissent des difficultés similaires, mais l'Ukraine est confrontée, de surcroît, au fait que sa démocratie est très jeune. Il faudra peut-être vingt ans avant qu'elle ne fonctionne sans heurts. Je reconnais que notre manque de détermination politique pose problème. Si un nouveau Gouvernement est nommé demain, cela ne signifie pas qu'il durera longtemps. Nous sommes bien obligés de travailler avec les conditions qui sont les nôtres. Si notre Gouvernement ne peut s'occuper de chaque détail de l'activité économique, il doit au moins mettre en place des règles du jeu claires et transparentes, tant pour les résidents que pour les non-résidents.

Force est de constater que tel n'est pas toujours le cas. La remise en cause des zones économiques libres l'année dernière a posé des difficultés aux investisseurs étrangers. Le Gouvernement a entendu résoudre un problème en ayant recours à des modalités qui n'étaient pas forcément adaptées. D'autres erreurs ont été commises, qui sont toutes liées à un manque d'orientation économique stable.

L'énergie pose d'autres problèmes. Elle est essentiellement basée, en Ukraine, sur le nucléaire. La France se classe au deuxième rang dans ce secteur. Certains affirment qu'il convient d'améliorer l'efficacité de notre système pour diminuer les gaz à effet de serre ou réduire notre consommation d'énergie. Je pense, pour ma part, qu'il nous faut rechercher des sources d'énergie peu chères et sûres. Il est quasiment impossible aujourd'hui de diminuer notre consommation d'énergie compte tenu de nos besoins en développement. Réduire le coût de l'énergie me paraît une voie plus efficace. Nous avons pleinement soutenu l'Europe et l'ambition de la Commission de mettre en place une politique commune en matière d'énergie. Malheureusement, cet objectif n'a pas encore abouti. En l'absence d'une telle politique, l'Ukraine est toutefois consciente qu'elle aura du mal à régler ses problèmes énergétiques.

La politique étrangère et la politique économique doivent être liées. Dans la mesure où l'Ukraine souhaite se rapprocher de l'Europe, il importe que ses échanges avec l'Union européenne soient supérieurs à ceux qu'elle a avec la Russie. En l'occurrence, l'Ukraine ne saurait être un bon partenaire pour l'Europe si elle est en conflit permanent avec la Russie. Nous-mêmes avons intérêt à avoir des relations plus paisibles avec l'une des plus importantes économies mondiales. La question-clé pour l'avenir sera de rechercher des solutions pragmatiques avec la Russie, afin que les relations économiques de nos deux pays ne soient pas entravées par des enjeux d'ordre géopolitique. Dans cette perspective, nous avons sans doute besoin de l'aide d'un arbitre international.

L'année dernière, Raffeisen a racheté la première banque ukrainienne et l'accord a été de 1 pour 4 en termes de capitalisation. Tous les accords qui ont été par la suite conclus avec des investisseurs étrangers n'ont pas été inférieurs à 1 pour 6. Les perspectives du secteur financier sont aujourd'hui parfaitement claires. Les entrepreneurs français ont donc tout intérêt à entrer en contact avec les grandes organisations internationales qui investissent en Ukraine, que ce soit dans le secteur bancaire ou dans le secteur des assurances.

Dans le domaine de l'industrie, les investisseurs étrangers ne se montrent généralement pas intéressés par des investissements directs. Mittal Steel est quasiment le seul à investir réellement dans l'industrie ukrainienne. De tels investissements permettraient pourtant d'accroître la compétitivité de nos produits sur le marché international. A l'heure actuelle, nos avions ne sont pas chers et sont sûrs - la concurrence d'Airbus et de Boeing est toutefois rude.

Le secteur agricole est particulièrement intéressant. Malgré l'absence de dotations de l'Etat, il représente un fort potentiel, grâce à l'extrême fertilité des terres, à des salaires peu élevés et à des engrais relativement peu chers. Nous continuons à exporter notre blé et à transformer notre production agricole. Nous espérons par ailleurs qu'avec la forte augmentation des prix de la canne à sucre, nous pourrons accroître notre production de betterave sucrière. Le secteur agricole est cependant peu intéressant sans la possibilité de posséder des terres. A partir du 1 er janvier 2007, l'interdiction de l'achat et de la vente de terres ukrainiennes devrait être abolie. Il existera alors un véritable marché foncier, qui devrait constituer un bon stimulant pour les investisseurs.

Sur le plan politique, vous devez être assurés que, quelle que soit la personne qui accédera au pouvoir en Ukraine, l'ensemble des partis politiques ont pour objectif de stimuler la croissance économique. Or celle-ci n'est pas possible sans l'Europe et le marché européen. Notre but n'est pas d'être membre dès demain de l'Union européenne, mais nous souhaitons que l'Ukraine puisse atteindre les mêmes standards que ses voisins, lorsque l'Union invitera elle-même l'Ukraine à venir en son sein.

Débat

Alain de PAILLERETS, Bongrain

Vous avez indiqué qu'une approche pragmatique devait prévaloir entre la Russie et votre pays. Je suis Directeur général d'un groupe laitier, Bongrain, qui est implanté en Ukraine et qui y réalise d'importants investissements depuis cinq ans pour produire du fromage, dont la moitié est vendu en Russie. Le 19 janvier 2006, toute exportation vers la Russie nous a été de facto interdite, du fait des certificats sanitaires qui ont été imposés. Depuis six mois, nous essayons d'être inscrits sur la liste des vétérinaires russes. Ce pouvoir appartient à votre Gouvernement. Il serait là aussi utile d'adopter une démarche pragmatique, mais aussi de ne pas mêler géopolitique et économie.

Arseniy YATSENIOUK

Je suis d'accord avec vous sur ce dernier point. Le Gouvernement d'Ukraine n'est cependant pas responsable des certificats émis par la Russie. Lorsque nous avons appris que ces problèmes menaçaient le secteur laitier, j'ai immédiatement déclaré que l'Ukraine était favorable à l'entrée de la Russie à l'OMC, afin que des solutions pragmatiques, conformes aux règles de cette organisation mondiale, puissent être trouvées.

Jean-François VARLET, BNP Paribas

J'ai entendu une rumeur selon laquelle le Gouvernement ukrainien voulait limiter le nombre d'entreprises ou de banques susceptibles de passer sous le contrôle de firmes étrangères.

Arseniy YATSENIOUK

Ne croyez pas les rumeurs. Je pense qu'il n'en est rien, dans la mesure où notre participation à l'OMC nous impose d'avoir un marché financier ouvert. Nous ne pourrions, de surcroît, pas imaginer de limiter la présence française dans le secteur bancaire car elle est très positive.

Irina DUPORT, SOGECORP

Je souhaiterais tout d'abord féliciter le Gouvernement ukrainien pour avoir supprimé les visas pour les Français. J'invite d'ailleurs la France à en faire autant pour faciliter la venue de nos clients ukrainiens.

Pour résoudre la crise de l'énergie, avez-vous l'intention de reconstruire les centrales existantes pour les adapter au combustible nucléaire et, si oui, comment comptez-vous faire accepter cette décision à la population, après l'accident de Tchernobyl ?

Arseniy YATSENIOUK

Il n'est pas question de construire de nouvelles centrales nucléaires car leur puissance actuelle est suffisante. La question clé est celle de la sécurité et nous y travaillons en collaboration avec une entreprise française. Nous pourrions avoir une puissance nucléaire plus importante, mais les réseaux soviétiques ont été construits de telle façon qu'ils favorisent l'exportation et desservent mal les provinces ukrainiennes. Nous espérons pouvoir être un jour membre de l'UCTE, le marché européen unique de l'énergie électrique. Nous travaillons d'ailleurs activement au développement de l'hydroélectricité (qui ne représente encore que 7 % de notre énergie), car elle constitue une forme d'énergie à la fois sûre et bon marché. En matière de nucléaire, nous aurons besoin d'acheter du combustible peu cher en Russie, aux Etats-Unis, voire en France. L'AIEA peut quoi qu'il en soit certifier que nous respectons des niveaux de sûreté élevés.

Jacques MOUNIER

Que reste-il à faire à l'Ukraine pour s'aligner sur l'OMC ?

Arseniy YATSENIOUK

Les négociations avec l'OMC progressent. Nous avons paraphé le dernier accord avec Taïwan et il ne nous reste plus qu'à en trouver un avec le Kirghizistan. Ce dernier pose des conditions qui ne correspondent pas à celles de l'Organisation mondiale. Soit nous réussissons à les régler, soit nous ferons directement appel au Secrétaire de l'OMC pour régler le problème de manière multilatérale.

Quel que soit le parti qui accède au pouvoir, il fera en sorte que notre pays puisse entrer le plus rapidement possible à l'OMC. Tout le paquet de lois est déjà prêt et est à l'étude au Parlement. Il ne reste que six lois à adopter avant que les accords bilatéraux puissent être entérinés. L'Ukraine devrait probablement faire son entrée à l'OMC cette année.

Pascale JULIENNE, Euro Connect

Pourriez-vous faire un point sur le secteur des télécommunications ?

Arseniy YATSENIOUK

Le secteur des télécommunications est accessible à tous les opérateurs privés, notamment étrangers. Nous avons fait l'erreur de privatiser Ukraine Telecom, qui était un monopole d'Etat, de telle manière que l'entreprise a déjà perdu 50 % de ses parts de marché, ce qui en réduit le prix de vente. Il est cependant trop tard pour revenir en arrière car cela porterait tort à toutes les entreprises qui ont déjà investi en Ukraine. La vente aura probablement lieu en 2007.

De la salle

Je suis journaliste à France Soir . Un avocat au Barreau de Paris, maître Pannier, s'est rendu en Ukraine pour acheter des appartements. L'un des locataires, qui était le neveu du Ministre des Affaires étrangères de l'époque, ne payait pas son loyer. Aucun huissier n'ayant accepté de procéder à l'expulsion, il s'y est rendu lui-même avec un serrurier. Il a passé plus de 800 jours en prison. Dans le cadre de ce colloque, vous incitez les entrepreneurs français à investir en Ukraine. Ne courent-ils pourtant pas le risque de vivre la même expérience que Maître Pannier ? Le Président Iouchtchenko lui a promis la révision de son procès. Avez-vous des informations à ce sujet ?

Arseniy YATSENIOUK

Dans votre intervention, ce qui m'inquiète le plus est le fait que Monsieur Iouchtchenko ait libéré Monsieur Pannier. Le pouvoir exécutif ne devrait pas s'immiscer dans les prérogatives du pouvoir judiciaire, car cela est contraire à l'Etat de droit et à la démocratie. Quels que soient les problèmes qui se posent au sein du système judiciaire, ils doivent être réglés devant les tribunaux. Je ne vais certainement pas vous annoncer qu'en rentrant, je sanctionnerai le juge qui a mis Monsieur Pannier en prison, car cela n'est pas de ma responsabilité.

Il est vrai, par ailleurs, que le système judiciaire ukrainien est corrompu, ce dont le Président Iouchtchenko s'est ému devant le nouveau Parlement. Nous devons absolument le réformer. De manière générale, un tribunal ne devrait pas faire de différence entre un Ministre et un non-résident, selon le principe de séparation des pouvoirs.

Moncef KDHIR, Sciences-Po Lyon

L'accident de Tchernobyl a encore des conséquences négatives en France. Qu'en est-il en Ukraine, notamment s'agissant des produits de consommation courante ? Pensez-vous que la Russie ou l'Ukraine devraient prendre leurs responsabilités vis-à-vis des victimes françaises ?

Arseniy YATSENIOUK

Je ne peux pas répondre pour la Russie, car on m'accuserait immanquablement de tenir des propos antirusses. La question doit être posée directement aux responsables de ce pays.

La sécurité sanitaire de la production agroalimentaire ukrainienne est aujourd'hui de 100 %, grâce aux nombreux contrôles effectués. Les règles qui sont par ailleurs appliquées dans nos centrales sont par ailleurs très strictes et conformes aux standards de l'AIEA.

Jean-Pierre PLANCADE

Je suis satisfait des réponses que vous avez apportées, car nous avons besoin d'avoir la certitude que l'Ukraine devient un Etat de droit. Nous comprenons que l'Ukraine est encore une jeune démocratie, mais cela ne la dispense pas de faire les efforts nécessaires pour la renforcer. Si la démocratie ne règle pas tous les problèmes, aucun problème ne peut être réglé sans démocratie.

Ukraine : l'ouverture

Son Excellence Jean-Paul VEZIANT
Ambassadeur de France en Ukraine


Je me félicite de l'intensification des relations entre la France et l'Ukraine et du développement de nos échanges économiques, en particulier dans le secteur bancaire et dans celui de l'agro-industrie. Vous avez souligné, Monsieur le Ministre, votre volonté d'aider l'Ukraine à intégrer l'OMC et l'Union européenne. Vous avez déjà obtenu des résultats importants, en particulier avec le statut d'économie de marché accordé par l'UE, puis par les Etats-Unis. Comme pour la France, la globalisation représente pour l'Ukraine un défi et un stimulant puissant, car il favorise l'investissement dans la recherche et l'innovation technologique, notamment dans le domaine des économies d'énergie.

La France bénéficie d'une bonne économie, mais certains médias ou la façon dont ils traitent certains événements altèrent parfois la perception globale de notre pays à l'étranger. C'est le cas également de l'Ukraine, dont les médias brouillent l'image. Cinq points forts doivent pourtant être mis au crédit des autorités ukrainiennes, du Gouvernement, du Président Iouchtchenko et de la société ukrainienne.

Les élections de mars 2006, tout d'abord, ont fait l'objet d'une campagne et d'un scrutin transparents : tous les partis ont pu s'exprimer sans entrave et les nombreux observateurs de l'OSCE présents sur place (parmi lesquels beaucoup de Français) ont pu constater que le scrutin s'était déroulé avec la plus parfaite régularité. Cela n'aurait pas été possible sans l'entière liberté laissée à la presse. Certes, les rapports entre la télévision et l'argent posent problème, mais c'est le cas dans d'autres pays. Le marché de la publicité est par ailleurs en pleine expansion. Je souhaite que des groupes de communication investissent davantage dans ce pays, comme c'est actuellement le cas de Canal + qui tente de mettre en place des chaînes cryptées.

Le scrutin du 26 mars dernier a également mis en évidence la maturité politique de la société ukrainienne. On craignait une forte abstention, or la participation a été massive (70 %), alors que la campagne n'a pas toujours été à la hauteur des attentes des citoyens sur le plan des programmes. Le spectre politique en Ukraine s'est en outre simplifié : cinq partis ont été élus au Parlement, à l'exclusion de tout parti ouvertement populiste. Le personnel politique a également connu un fort renouvellement, avec près des 2/3 de députés nouveaux. Quant aux liens entre les milieux d'affaires et la représentation nationale, ils sont désormais distendus, même si les milieux d'affaires sont toujours plus ou moins directement représentés. Le Parti des régions est arrivé en tête (32 % des voix) et pourrait parvenir à former une véritable coalition. Nous pouvons espérer que le nouvel équilibre institutionnel mis en place par la réforme constitutionnelle jouera à plein pour lui permettre d'assumer la totalité de ses responsabilités en matière de politique économique - ce qui n'a pas toujours été le cas après la Révolution orange.

Le choix européen était au départ celui de la majorité orange : le parti Notre Ukraine et, dans une certaine mesure, les socialistes. Aujourd'hui, le Parti des régions affirme lui-même que le thème de l'intégration européenne est devenu l'une de ses priorités. L'Europe fait maintenant consensus en Ukraine, ce qui est très important. L'ancrage européen du pays s'est déjà matérialisé lorsque l'Ukraine a signé et ratifié la charte européenne de l'énergie. De fait, l'Ukraine a un rôle essentiel à jouer dans le transit des produits énergétiques vers l'Europe. Le 1 er décembre 2005, un mémorandum sur l'énergie a d'ailleurs été signé entre l'Union européenne et l'Ukraine. Au-delà du Plan d'action, la Commission européenne commence par ailleurs à réfléchir à la définition d'un mandat de négociation qui permettrait à l'Ukraine de mettre en place avec l'UE une zone de libre-échange approfondi.

Il faut également souligner l'envergure internationale du potentiel de l'Ukraine, dans les domaines tant économique qu'intellectuel. Elle bénéficie en effet d'un potentiel agricole et industriel de premier plan et a de grandes potentialités dans le domaine de l'aéronautique, de l'espace, de l'énergie et de la métallurgie. Les universités ukrainiennes, comme celles de Kharkov ou de Donetsk notamment, représentent également un fort potentiel d'innovation grâce à la concentration de nombreux centres de recherches de haut niveau.

Un certain nombre de questions demeurent cependant. Le prix de l'énergie a subi une forte hausse, qui a déjà été absorbée par l'économie ukrainienne, mais auquel le Gouvernement devra répondre pour l'avenir. Un travail doit également être mené sur l'Etat de droit et l'allégement des réglementations.

Il existe en Ukraine un dispositif français à la disposition des milieux d'affaires, en particulier les Conseillers du Commerce Extérieur et la Mission économique de Kiev. A travers la feuille de route du 11 novembre 2005, la France a en outre pris un certain nombre d'engagements, visant notamment à mettre à disposition de l'Ukraine des assistants techniques au service de la réforme de l'Etat, en faveur de l'adaptation de l'économie agricole aux impératifs européens et en faveur d'une réforme de la justice.

La France en Ukraine : l'accélération

Pierre COMPAGNON
Chef de la Mission économique à Kiev

I. La présence française en Ukraine

La présence étrangère en Ukraine est faible, mais elle augmente rapidement depuis 2005-2006. Les investissements étrangers sont passés de 5,4 milliards d'euros en stock en janvier 2004 à 16,4 milliards d'euros en janvier 2006. L'année 2005 a vu l'investissement de Mittal Steel à hauteur de 4,8 milliards d'euros et le rachat de la banque Aval par Raffeisen à hauteur de 1,1 milliard d'euros. Parmi les pays qui investissent le plus en Ukraine, on trouve d'abord l'Allemagne, Chypre, l'Autriche, les Etats-Unis et le Royaume-Uni - la France arrivant loin derrière.

En mars 2005, 110 filiales d'entreprises françaises étaient présentes en Ukraine, dont 40 % de bureaux de représentation. 25 % de ces entreprises intervenaient dans le domaine des services, 20 % dans la distribution, 10 % dans l'agroalimentaire et 9 % dans les transports. A cette date, elles employaient 6 000 personnes et réalisaient 300 millions d'euros de chiffre d'affaires. La société la plus importante, qui travaille dans le bâtiment, employait 1 200 personnes. Le quart des entreprises étaient présentes avant 1995, 30 % sont arrivées entre 1995 et 1999 lorsque la situation économique s'est améliorée. La crise russe a ensuite marqué un coup d'arrêt. De 2000 à 2003, une vingtaine d'entreprises se sont implantées, entre 2004 et 2005, 23 et cette année, une quinzaine.

Aujourd'hui, le nombre de personnes employées est supérieur à 20 000, dont près de 10 000 chez BNP Paribas. Les grandes sociétés implantées sont Saint-Gobain, Arcelor ou Publicis. Le Crédit agricole a racheté une banque, Lafarge a créé une usine, Auchan et la Société générale devraient arriver prochainement sur le marché. Depuis moins d'un an, les grands groupes français mènent une réelle politique à long terme en Ukraine, au-delà des acquisitions d'opportunités. Saint-Gobain, par exemple, envisage d'autres rachats et des créations d'entreprises.

II. Les secteurs porteurs en Ukraine

A l'exception des obstacles législatifs majeurs qui peuvent s'imposer à certains secteurs, tous peuvent être considérés comme porteurs. La rentabilité d'un investissement direct en Ukraine dépend cependant avant tout de la compétitivité de l'entreprise au départ. Les principaux secteurs porteurs sont :

- l'énergie : avec l'installation de compteurs modernes dans les nouveaux appartements, l'installation de technologies performantes dans les industries qui investissent, les investissements du Gouvernement grâce au Plan énergie à 2030 ;

- les équipements mécaniques ;

- les équipements électriques ;

- le matériel de transport : dans le secteur aérien, où la France est peu présente, dans le secteur ferroviaire, où l'Ukraine a un projet d'implantation de lignes à grande vitesse et d'achat de trains pendulaires, et dans le secteur automobile, avec 3 milliards d'euros d'importation ;

- l'agriculture et l'agroalimentaire ;

- les biens de consommation : grâce à l'importante augmentation du pouvoir d'achat depuis plusieurs années et à l'émergence d'une classe moyenne ;

- les produits pharmaceutiques et cosmétiques : augmentation régulière des importations de France ;

- le bâtiment ;

- l'environnement, toutes les municipalités ayant des problèmes d'eaux et de déchets, mais peu de moyens, si bien qu'elles souhaitent des solutions par des contrats à long terme et des offres de financement ;

- les télécoms : explosion de la téléphonie mobile, privatisation d'Ukraine Telecoms.

L'Ukraine compte en outre 47 millions d'habitants, soit un marché plus important que la Pologne. Les opportunités sont nombreuses dans de nombreux secteurs. Les circuits de distribution s'organisent, si bien que les places sont encore bon marché. L'Ukraine est de surcroît une démocratie qui souhaite s'intégrer au commerce mondial et a déjà acquis le statut d'économie de marché. La zone de libre-échange qu'elle a créée avec l'Union européenne concerne tous les secteurs et vise à une harmonisation de la législation. L'ouverture vers la France est forte, notamment grâce à Madame Timochenko. Même si celle-ci ne revient pas au pouvoir, il est clair que le Gouvernement ukrainien poursuivra sa politique de développement des échanges avec l'étranger.

Débat

Maître PANNIER

Je suis avocat-conseil pour de nombreuses entreprises en Ukraine depuis 1992. Ce qui m'est arrivé dans ce pays peut arriver à n'importe qui. J'ai été mis en prison avec l'aide d'une bande organisée qui avait tous les relais jusqu'au pouvoir. J'ai été condamné à huit ans et demi de prison, qui ont ensuite été réduits à quatre, ce qui a laissé le temps à cette bande de tout me prendre, y compris mes effets personnels. Le pays est dangereux, même si des progrès sont annoncés. Depuis un an, des promesses ont été faites, notamment par Monsieur Iouchtchenko, qui m'a libéré quatre jours avant sa venue à Paris. Il est clair, pourtant, que celui-ci n'a pas les moyens de faire régner l'ordre et d'empêcher la corruption.

Philippe CARADEC, groupe EADS

Pensez-vous que des Français pourraient être nommés conseiller au niveau de l'exécutif, comme ce fut le cas d'un ancien ambassadeur allemand ?

Jean-Paul VEZIANT

Ces nominations sont à la discrétion du Président Iouchtchenko.

Philippe PINTAT, EIC Evereast Conseil

Beaucoup de régions françaises développent des pôles de compétitivité et pourraient établir des passerelles avec ce pays.

Pierre COMPAGNON

Au delà de Kiev, des capitales régionales se développent. Le rôle de Monsieur Zglada est d'aider les entreprises à réaliser des investissements et à s'implanter dans tout le pays, et non uniquement à Kiev. Des contacts avec les pôles de compétitivité régionaux français sont les bienvenus.

Micheline FALZON, Dexia Crédit Local

Quel est le pouvoir des collectivités locales en Ukraine et quel est leur mode de financement ?

Pierre COMPAGNON

Une grande réforme des pouvoirs régionaux est en cours d'élaboration. A l'heure actuelle, seules quelques grandes municipalités sont riches, mais la plupart manquent de financement. Le colloque prévu le 20 juin sur les services aux collectivités, organisé en partenariat avec le Ministère des Collectivités locales, sera l'occasion d'étudier les opportunités possibles. La réforme du financement des municipalités ne devrait cependant pas intervenir avant le prochain Gouvernement.

Image de la France,
opportunités et écueils à éviter : l'avis des professionnels

Jacques MOUNIER
Directeur général, Calyon Bank Ukraine, Président de la section Ukraine des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF)


Toutes les entreprises réussissent en Ukraine, même si leur gestion au quotidien n'est pas simple. Le pays bénéficie d'une croissance à deux chiffres et est désormais une démocratie, qui converge progressivement vers l'Europe, même si la route demeure chaotique.

I. L'image

L'image de l'Ukraine en France est relativement négative. Elle est associée à Tchernobyl et à la corruption, mais aussi, depuis peu à la Révolution orange. Elle s'est améliorée, comme en témoignent ceux qui y sont allés, notamment les CCEF. L'Ukraine ne déploie quasiment aucun moyen sur le plan de l'image.

L'image de la France en Ukraine est composée de clichés anciens, mais relativement positifs, qui persistent (la culture, la bonne chair, les bons vins, etc.). Elle est cependant légèrement écornée lorsqu'un Ukrainien cherche à obtenir un visa, la France étant très pointilleuse. La russophilie de certains milieux d'affaires est également un handicap : il est difficile d'être crédible politiquement lorsqu'à l'occasion de tout grand contrat, nous nous interrogeons sur la réaction possible des Russes.

La France est pourtant bien présente en Ukraine : elle y a investi quasiment 1 milliard de dollars, soit 1/15 ème des investissements directs. Les Français ont en outre connu quelques success stories comme Lactalis, Malteurop ou Calyon. La France exerce cependant un faible lobbying. Elle dispose de deux fonctionnaires, bientôt trois, dans des ministères ukrainiens, mais aucune entreprise française, ni aucun syndicat patronal n'est présent au Foreign Investors Advisory Council (FIAC). Un seul Français est présent au Bureau de la chambre américaine de commerce et au Bureau de l'Union européenne des Affaires. Nous aurons, cette année, la visite d'un ministre, à l'occasion du Forum sur l'énergie. Nous pouvons cependant faire mieux en matière d'influence.

II. Les opportunités

Le pays a besoin des Occidentaux, de leurs techniques, comme de leurs investissements directs. Pour être les premiers à y répondre, nous devons jouer sur nos points forts. Il faut commencer par mieux installer les services officiels, attribuer plus de visas, demander plus de postes dans les ministères ukrainiens, désigner un responsable de l'énergie à la Mission économique et organiser des visites régulières de responsables politiques. Si les entreprises françaises ont la capacité de contrôler leurs équipes ukrainiennes, de les former, et n'hésitent pas, si nécessaire, à élargir les routes, elles ont de toute évidence une place à prendre dans ce grand pays de culture chrétienne. L'organisation et la volonté passant également par l'influence. Les organisations patronales et les entreprises devraient mettre leurs efforts en commun.

La grandes entreprises françaises excellent dans tous les domaines liés à la consommation : l'agroalimentaire, les banques, les compagnies d'assurance, l'automobile, la distribution, la construction, le génie civil, les matériaux et l'électricité. Les CCEF estiment aujourd'hui que pour les aider à s'implanter, il faut que le Medef soit présent au FIAC. Il convient que les responsables politiques et ceux du Medef manifestent la forte volonté qu'ils ont de soutenir la France en Ukraine et formulent un projet fort pour ce pays. Le Forum franco-ukrainien de l'énergie, qui aura lieu en octobre 2006, est également une opportunité importante à saisir, qu'il faudra donc bien préparer.

III. Les écueils

Les Français ne doivent pas tout attendre de l'Etat, mais doivent savoir prendre des risques. Ils doivent également faire l'effort de comprendre le pays, en faisant preuve d'humilité et prenant en compte la politique des doubles standards, qui est un héritage de l'histoire de ce peuple et qui exige d'assurer un contrôle étroit sur ses partenaires et ses fournisseurs. Il est même préférable d'acheter une entreprise locale à 100 %. Les cadres expatriés de France doivent en outre être adaptés : ils doivent savoir former, être patients, être présents sur le long terme et savoir dire non. Le pays n'est pas dangereux du point de vue de la sécurité des personnes, dès lors que l'on ne se compromet pas.

Les deux autres écueils à éviter sont la dispersion (la mise en commun des moyens des services officiels, des entreprises et des organisations patronales serait la meilleure politique) et le manque d'influence.

Banques étrangères en Ukraine : l'offensive

Dominique MENU
Directeur du Bureau de représentation, BNP Paribas, CCEF


Depuis dix ans, le système bancaire se mondialise. L'Ukraine, qui partage trois frontières avec l'Union européenne, est arrivée sur la scène l'an dernier, grâce aux avancées permises par la Révolution orange.

L'engouement actuel des banques pour ce pays s'explique par le fait que l'Ukraine tend vers le niveau de vie de la zone euro, où le PNB par habitant est d'environ 25 000 euros par an et les crédits à la consommation représentent environ 50 % du PNB. Les marges de développement de l'Ukraine sont donc très larges, si bien que les banques y voient un potentiel important de croissance à générer.

Après l'indépendance, le nombre de banques s'est multiplié, dans un contexte de forte inflation et de chute du PNB. La situation s'est ensuite stabilisée jusqu'à la crise russe de 1999, qui a conduit à assainir le secteur. Avec la relance actuelle de l'activité depuis cinq ans, les créations de banques sont en légère accélération.

Au 1 er janvier 2006, l'Ukraine compte 165 banques, dont 92 SA de type ouvert (ce qui induit une obligation de transparence à l'égard de la presse), 41 SA de type fermé (ce statut est amené à disparaître) et 32 SARL. Le capital minimal des banques est encore relativement faible du fait de la loi, à hauteur de 3 millions d'euros si la banque est régionale et de 5 millions d'euros si elle couvre tout le pays. La Banque centrale a réussi à faire augmenter le ratio du capital par rapport au total des bilans, mais le FMI reste critique vis-à-vis du secteur bancaire et l'engage à renforcer ses fonds propres, à limiter ses déséquilibres et considère que la Banque centrale devrait apprendre à analyser les risques, plutôt qu'à se montrer bureaucratique dans ses demandes d'informations, et qu'elle devrait être autorisée par la loi à connaître les actionnaires des banques.

Le secteur bénéficie depuis trois ans d'une croissance de 30 à 35 % par an du total des bilans des banques. Celle-ci est supérieure à la croissance de la masse monétaire, ce qui est l'indice d'une très forte expansion. L'Ukraine compte déjà 26 millions de cartes de débit, qui sont octroyées par les entreprises à leurs salariés pour retirer leur salaire et qui pourraient être utilisées pour favoriser les crédits à la consommation. Le nombre de distributeurs de billets est également en augmentation. La croissance des crédits aux entreprises et aux ménages est supérieure à la croissance des dépôts, d'où il résulte que les banques ukrainiennes empruntent de plus en plus sur les marchés internationaux (2 milliards de dollars en 2006). Leur dette s'élève à 37 milliards de dollars. Les taux restent élevés par rapport au reste du monde, mais ils fluctuent souvent car les concurrents réagissent vite.

Les banques ukrainiennes ont adopté des stratégies différentes : certaines fusionnent entre elles (FUIB va absorber DonGorbank), d'autres vendent une part de leur capital sur le marché par le biais de courtiers, d'autres, enfin, mettent en vente leur banque auprès de leurs actionnaires.

Les premiers à investir dans les banques ukrainiennes sont les banques russes, dont la Sberbank et la VTB, et les banques des pays ex-soviétiques et des pays ex-socialistes, dont la banque hongroise OTP qui a racheté Raffeisen. Sont également présents les Grecs, les Turcs, les Scandinaves, les Autrichiens, les Allemands et les Italiens. Quelques grandes banques mondiales, comme la CitiBank et ING Bank, s'intéressent en outre à ce marché. Les Français sont représentés par Calyon, qui est la première à s'être implantée, la Société Générale qui recherche une opportunité et BNP Paribas, qui a racheté Ukrsibbank.

Une agriculture ukrainienne en pleine évolution :
risques et chances

Jean-Jacques HERVE
Conseiller auprès du Vice-Premier Ministre ukrainien, chargé des questions agricoles


L'Ukraine dispose d'un potentiel de production agricole exceptionnel, avec le tiers des terres noires d'Eurasie, une alimentation en eau convenable et une grande tradition agricole et rurale, qui a su résister à la planification soviétique et à la période de transition. Le secteur bénéficie en outre d'un degré de qualification et d'une recherche de haut niveau, malgré la réduction des moyens financiers.

Les entreprises agricoles prennent essentiellement deux formes : les fermes familiales, d'une part, qui sont constituées de petites parcelles de terrain atour de la maison et vivent d'une agriculture vivrière ; les entreprises de grande taille, d'autre part, dont l'évolution contrastée. Il s'agit, soit d'entreprises dont la forme est très proche de celle des anciennes grandes coopératives, soit d'agro-holdings apparues plus récemment. Les entreprises dominent dans la production végétale et les fermes, dans celle de légumes. Les viandes sont produites pour un peu plus d'un tiers par les fermes et pour un peu moins des deux-tiers par les entreprises.

Le point fort de l'Ukraine réside dans ses exportations céréalières, qui s'élèvent, depuis 2000, à plus de 10 millions de tonnes par an. Le blé d'Odessa est redevenu menaçant pour les Occidentaux sur les marchés mondiaux. Les volumes sont cependant sujets à de très fortes fluctuations. Les exportations se sont ainsi effondrées en 2003 pour des raisons climatiques. La concurrence est significative, car l'appareil de commercialisation se rapproche des normes européennes et peut compenser ses charges exorbitantes, en valorisant les avantages concurrentiels de l'agriculture ukrainienne : les dépenses de mise en culture sont d'environ 450 dollars par hectare et permettent de produit 8 tonnes de céréales ; avec un cours mondial compris entre 80 et 100 dollars la tonne, les Ukrainiens peuvent ainsi enregistrer, tous frais payés, environ 200 dollars de marge nette par hectare.

Pour anticiper l'érosion de cet avantage, qui devrait arriver avec l'évolution naturelle du marché, les Ukrainiens s'intéressent aujourd'hui à deux secteurs : les productions animales et les bioénergies. Si les troupeaux ont fondu jusqu'en 2004, la production bovine continue à décliner, tandis que la production porcine reprend et la production de volailles connaît une très forte croissance. La production laitière est en faible augmentation, du fait de l'embargo russe. Celui-ci a conduit les transformateurs industriels à comprendre qu'ils ne pouvaient imposer des normes autres que celles qui prévalent au niveau international et tendre donc à harmoniser la qualité avec celle de l'Europe. Ceci risque toutefois d'orienter la demande vers les entreprises de grande taille, au détriment des fermes familiales. Le secteur des volailles connaît en outre une transformation profonde depuis quatre ans, liée à l'apparition d'industriels souhaitant créer des marques commerciales. Aujourd'hui, cinq ou six entreprises tiennent près de la moitié du marché.

La production est par ailleurs stimulée par l'évolution de la distribution, qui fait l'objet d'importants investissements de la part de groupes ukrainiens, russes et occidentaux, dont Auchan.

L'Ukraine compte actuellement les possibilités de bioénergies dont elles disposent, soit plus de 7,3 millions de tep pour les sous-produits existant dans l'agriculture, sans compter les nouvelles cultures qui se développent, notamment le colza, qui arrive en force sous l'impulsion des Allemands.

Voici deux exemples d'entreprises agricoles.

Le premier est un kolkhoze privatisé de 200 salariés, qui est dynamique, mais encore entravé par les traditions. Il a du mal à gérer sa modernisation, mais est conscient que la demande industrielle l'obligera à s'améliorer. Il attend des Français qu'ils installent une relation de confiance, c'est-à-dire qu'ils acceptent de passer du temps dans cette exploitation, que les experts français s'associent aux experts locaux qui ont encore fort impact sur sa gestion, qu'ils travaillent dans la durée et l'aident à hiérarchiser ses priorités. Il souhaite enfin qu'ils lui présentent une offre globale, c'est-à-dire que les équipements achetés soient installés. Il est prêt à payer pour ce service.

Le second exemple est celui d'une agro-holding un peu vétuste, mais fonctionnelle. Elle donne lieu à 1,5 heure de travail par hectare et par an, depuis la préparation des terrains jusqu'à la commercialisation des produits, soit deux à trois fois moins que dans les meilleures exploitations européennes. L'incidence de la différence de salaires n'est donc pas si déterminante pour expliquer la compétitivité des prix agricoles ukrainiens. Cette agro-holding a externalisé les métiers de la vente et a investi 200 euros par hectare en matériel. Ses coûts de production sont de 50 à 55 euros par tonne, soit 30 euros en dessous des prix minimums de la région. Elle utilise des techniques américaines pour la plantation des semis. Elle ne les a pas achetées aux Français, car leurs prix étaient trop élevés et car ils ne proposaient pas de plan d'accompagnement financier.

Le secteur agricole représente 12 % du PIB ukrainien, mais 17 % des investissements, ce qui prouve son dynamisme dans le développement du pays. Les agro-holdings sont toutes issues d'autres secteurs de l'économie (l'import-export en particulier). Pour y investir, il convient de :

- bien mesurer les potentialités, qui sont variables selon les régions et les structures de production, mais aussi selon la volonté du propriétaire de s'aligner sur les normes européennes pour moderniser ses structures ;

- proposer des offres d'ensemblier, car les Ukrainiens se méfient des experts ukrainiens issus de l'ancien système soviétique et ont donc besoin de l'expertise occidentale ; aussi parce que, souhaitant utiliser les meilleures technologies occidentales, ils sont prêts à en payer le prix, mais attendent que les entreprises prennent en charge une partie du risque en apportant la formation, un accompagnement financier, un appui à la commercialisation, etc. ;

- adopter des stratégies de groupe réunissant des moyens et des compétences en matière d'appréciation du risque, de financement (peut-être grâce aux banques françaises qui s'implantent en Ukraine) et de marketing.

L'Ukraine compte aujourd'hui 300 agro-holdings. Elles seront 3 000 dans dix ans, avec la restructuration des fermes familiales.

L'énergie : changement de cap

Mathieu DELAVENNE
Directeur, Schneider Electric Ukraine, CCEF


Deux faits marquants caractérisent la situation énergétique actuelle de l'Ukraine. Alors que les prix du gaz étaient stables de 1999 à 2005, à hauteur de 50 dollars/1 000 m 3 , ils sont passés à 95 dollars début 2006, sont maintenant à 140 et devraient encore augmenter puisque les cours mondiaux sont à 250-300 dollars. Ceci constitue une contrainte majeure pour l'Ukraine. En termes d'efficacité énergétique, l'Ukraine est en outre un très mauvaise élève, puisqu'elle se situe à un niveau de consommation plus de deux fois supérieur à la moyenne mondiale.

La production électrique provient à 48 % des centrales nucléaires, à 45 % des centrales thermiques et à 7 % des centrales hydrauliques. Le pays est très dépendant de l'importation de ressources énergétiques, en particulier de gaz (31 % des importations), mais aussi de combustible nucléaire (11 %), de pétrole et de charbon.

En février 2006, le Parlement a voté une loin d'orientation sur l'énergie à 2030. Elle vise à réduire la consommation énergétique du pays, à diminuer sa dépendance énergétique vis-à-vis de l'étranger, en particulier vis-à-vis de la Russie, à réorganiser sa dette, à assurer sa sécurité nucléaire, à protéger l'environnement et à s'intégrer à l'UCTE (le marché européen de l'énergie).

Le Ministère de l'Energie ukrainien a prévu que les besoins en gaz diminueraient de 76 milliards de m 3 aujourd'hui à moins de 50 milliards de m 3 en 2030, afin d'orienter radicalement le pays vers l'énergie électrique.

En matière d'efficacité énergétique, l'Ukraine prévoit de se mettre au niveau de la moyenne mondiale, en utilisant toutes les nouvelles technologies d'économies d'énergie, par des améliorations d'ordre structurel, le développement d'énergies renouvelables et l'augmentation des prix à la consommation - qui sont actuellement inférieurs aux coûts de production.

Il s'agit également de réduire la dépendance vis-à-vis de l'étranger, en la faisant passer de 55 à 12 %, grâce à une augmentation de la production de charbon, le développement de programmes permettant de produire du combustible nucléaire localement, le développement d'énergies alternatives et l'exploitation de champs de gaz et de pétrole sur le territoire ukrainien.

Pour adapter l'infrastructure ukrainienne à ces changements d'approvisionnement, le Parlement prévoit d'étendre la durée de vie des centrales nucléaires actuelles, de fermer six tranches, mais d'en garder suffisamment pour conserver une capacité nucléaire du même ordre qu'aujourd'hui - ce qui suppose des investissements conséquents. Tous les systèmes d'approvisionnement doivent passer du gaz au charbon. Les producteurs de chaleur et les consommateurs doivent adapter les systèmes de chauffage pour qu'ils soient au charbon ou électriques. Le processus de production du charbon doit être amélioré pour être propre. Des raffineries doivent être construites pour être capables de traiter du pétrole léger.

Il s'agit en outre d'adapter le système tarifaire - qui est aujourd'hui contrôlé par une agence nationale - pour que les investisseurs trouvent leur intérêt à participer à ces évolutions. Il est prévu d'adapter les prix sur une période de trois à cinq ans (probablement plus vite), de récupérer des moyens de financement par le biais du Protocole de Kyoto (l'Ukraine ayant à faire valoir un bonus en termes d'émissions de CO 2 ) et de réorganiser la dette des entreprises énergétiques.

L'enjeu de cette loi d'orientation est également d'adapter le système énergétique ukrainien au référentiel européen en matière de sûreté nucléaire, de protection de l'environnement et d'interconnexion avec l'UCTE pour réorienter l'approvisionnement énergétique électrique de l'Ukraine vers l'Europe.

Ce programme est vaste et peut paraître illusoire, mais il a le grand mérite d'exister et de donner des orientations claires, ce qui facilite la lecture de l'avenir pour les investisseurs. Le programme implique des investissements véritablement colossaux. Sa mise en oeuvre ne pourra se faire que dans le cadre d'un environnement politique stable. Pour l'heure, l'Ukraine n'a pas de Gouvernement et aucun budget n'a été voté pour le mettre en oeuvre. La seule manière d'impulser le processus est d'augmenter les prix à la consommation, ce qui est difficile à faire passer politiquement. Le changement est toutefois déjà en marche et il nous revient d'être présents pour l'accompagner, en faisant valoir notre savoir-faire et nos solutions. Le Forum franco-ukrainien sur l'énergie d'octobre prochain devrait constituer un élément-clé dans ce sens.

Dix ans de vente et de réalisation de projets en Ukraine

Jean-François DUCHOLET
Directeur commercial, Air Liquide Ingénierie pour Europe centrale et orientale


Air Liquide est le leader mondial des gaz industriels avec 24 % de parts de marché. Son chiffre d'affaires était de 12,5 milliards de dollars en 2005. La partie ingénierie représente 4 % du chiffre d'affaires de l'Entreprise. Cette unité fabrique des usines de production à la fois pour le Groupe et pour des clients tiers. Elle sert de fer de lance stratégique pour le Groupe. Ce fut le cas lors de l'implantation d'Air Liquide en Ukraine.

Celle-ci s'est d'abord faite par le biais de la création d'une société mixte avec Kosloromach en 1992. A la suite de divergences stratégiques, Air Liquide a créé sa propre filiale ukrainienne (ALECO). De 1994 à 2004, nous avons signé des projets pour des petites unités (de 1 à 3 millions d'euros) hautement technologiques, pour des chimistes et des fabricants d'engrais, ce qui nous a permis de comprendre comment travailler en Ukraine. Les permis d'implantation et d'exploitation, notamment, sont si complexes à obtenir, qu'ils exigent d'avoir des personnes sur place pour mener les négociations avec les différentes administrations.

A partir de 2000, nous avons signé des projets nettement plus gros (de 30 à 50 millions d'euros), en particulier dans le secteur des aciéries, ce qui nous a conduits à créer une structure fixe à Mariupol, au coeur de l'industrie minière et sidérurgique, en 2003. Elle compte 20 personnes, qui s'occupent du développement commercial, du suivi local des projets, de l'obtention des licences, du support au montage et au démarrage et de la gestion des fournisseurs locaux. Les Ukrainiens apprennent progressivement nos technologies. Ils ont déjà de fortes compétences grâce aux bonnes formations d'ingénieur qu'ils ont suivies dans leur pays et bénéficient d'une compétitivité-coût favorable. Nous espérons les faire travailler à l'avenir sur des chantiers ailleurs qu'en Ukraine.

L'expérience que nous avons accumulée depuis dix ans nous permet de tirer quelques leçons. Pour travailler en Ukraine, il est en particulier nécessaire d'avoir une structure sur place et d'entrer à petits pas pour connaître les spécificités du pays et gagner la confiance des clients. Nous espérons utiliser cette base pour conquérir d'autres marchés à l'extérieur de l'Ukraine, en utilisant les compétences et les fournisseurs ukrainiens.

Compte tenu de la forte concurrence entre pays européens sur ce marché, il serait d'ailleurs souhaitable que la France facilite la délivrance de visas. Pour l'heure, les difficultés que rencontrent nos partenaires ukrainiens pour participer à nos réunions de travail en France constituent un frein majeur.

Débat

Sébastien LANG, CDF Ingénierie

Le programme énergétique adopté par le Parlement devrait bénéficier de l'effet positif dû à une meilleure organisation. L'Ukraine produit en effet un charbon de mauvaise qualité, car le système de prix n'incite pas les producteurs à l'améliorer, mais ce mauvais charbon brûle mal ensuite dans les centrales thermiques, qui sont également de mauvaise qualité, ce qui nécessite d'y ajouter d'importants apports en gaz naturel. Grâce à une modification du système tarifaire et à une amélioration de l'efficacité des centrales techniques, l'Ukraine devrait voir mécaniquement baisser sa consommation de gaz naturel.

De la salle

Le système bancaire ukrainien est fragile. Pensez-vous qu'il puisse déboucher sur une crise, notamment du fait de créances douteuses détenues par les banques à l'égard du système productif et du surendettement des ménages ?

Dominique MENU

Les banques sont très nombreuses en Ukraine car elles sont issues de la liquidation des entreprises d'Etat, qui ont préféré créer leurs propres banques, plutôt que de prendre le risque de mettre leur argent dans celle de l'un de leurs concurrents. Le marché interbancaire n'existe quasiment pas, ce qui supprime le risque d'effet domino. L'adaptation des ressources par rapport aux emplois se fera par palier. Je n'ai pas d'inquiétude à ce sujet, même s'il faut rester vigilant. Je ne perçois pas de faiblesses structurelles qui engendreraient un risque de crise. La Banque centrale collecte une quantité si importante d'informations qu'elle serait capable de déceler un risque de crise dans une banque. Par ailleurs, les fusions et acquisitions se poursuivent dans le secteur, ce qui permettra de réduire le nombre de banques, comme le souhaite le Gouvernement ukrainien. Il ne faut pas croire les rumeurs selon lesquelles le Gouvernement pourrait interdire aux banques étrangères la possibilité de racheter une banque ukrainienne.

Un représentant de la banque Raffeisen

Je souhaiterais préciser que Raffeisen a, d'une part, acquis Aval Bank, le numéro 2 du secteur, et a, d'autre part, annoncé la vente de sa propre filiale créée en 1998. OTP a racheté le fonds de commerce, mais pas la marque Raffeisen, qui reste dans le groupe. Aval Bank sera, quant à elle, renommée Raffeisen.

Vendre et distribuer en Ukraine

Cette table ronde était animée par Pierre COMPAGNON, Chef de la Mission économique à Kiev et François PARGNY, journaliste, Le Moci

Participaient à la table ronde :

Eugène CHERNOV, gérant, Abanico ;

Isabelle HAAS, Directrice générale, CGTT Voyages ;

Marina KHVATOVA, Directrice associée, Alest ;

Jean-Jacques LIZIARD, Responsable Ukraine, Daher International ;

Jacques MOUNIER, Président, Calyon Bank Ukraine, CCEF ;

Richard MUSZYNSKI, Directeur général, Mazars Ukraine ;

Marianne NUBLAT, Directrice, Cabinet juridique LKI-Loirest, CCEF.

Pierre COMPAGNON

Les exportations françaises en Ukraine augmentent chaque année. En 2005, elles ont augmenté de 22 %. Elles se composent à 60 % de biens d'équipements et de biens professionnels intermédiaires, à 25 % de biens de consommation, à 10 % d'automobiles et à 10 % d'agroalimentaire. Des opportunités sont à saisir dans tous les secteurs, mais le parcours n'est pas facile car l'administration a encore un fonctionnement de type soviétique. Toutes les entreprises qui ont investi ont renouvelé l'expérience, ce qui prouve qu'investir dans ce pays est rentable.

François PARGNY

N'est-il pas temps de créer une chambre de commerce franco-ukrainienne ?

Pierre COMPAGNON

Il faudrait pour cela un nombre suffisant d'entreprises françaises implantées, d'entreprises ukrainiennes intéressées et surtout une personne qui ait l'énergie, l'intérêt et le charisme pour l'animer. Nous ne l'avons pas encore trouvée.

François PARGNY

Les droits de douane posent-ils problème en Ukraine ?

Pierre COMPAGNON

Les droits posent moins de problème que la douane elle-même. Ils ont baissé de quelques pourcents en 2005 et continueront à diminuer dans la zone de libre-échange européenne.

François PARGNY

Daher International est un spécialiste du dédouanement, qui intervient plutôt dans le domaine des biens industriels, mais s'est lancé depuis peu dans le luxe. Ce dernier secteur revêt-il un intérêt particulier en Ukraine ?

Jean-Jacques LIZIARD

Les droits de douane ne sont pas un problème pour les produits de luxe. Ceux-ci ont d'ailleurs continué à s'exporter malgré la crise. Les droits en vigueur sur les produits de cosmétique et de parfumerie sont de 12 %, ce qui n'est pas insurmontable. Le secteur se développe. Louis Vuitton s'implantera prochainement à Kiev.

François PARGNY

Est-il compliqué de s'adapter aux normes ukrainiennes pour les biens industriels ?

Eugène CHERNOV

Les normes techniques ukrainiennes sont issues de la période soviétique. La certification s'impose tant pour les produits techniques, que pour les produits de consommation courante. Cette démarche vise à démontrer la compatibilité du produit avec les normes techniques ukrainiennes. Pour certains équipements, les utilisateurs doivent par ailleurs obtenir un permis d'exploitation.

Compte tenu de l'absence de transparence sur les tarifs de certification, je conseille de consulter plusieurs personnes, ce qui permet, en général, de minimiser les coûts, qui dépendent de l'intermédiaire, et non d'un tarif officiel.

Pierre COMPAGNON

Les normes européennes sont normalement reconnues mais, dans les faits, il est obligatoire de repasser des tests pour obtenir une certification ukrainienne. Cette procédure est coûteuse, mais les entreprises s'y plient. Le rapprochement de l'Ukraine avec l'Union européenne devrait améliorer la situation.

François PARGNY

Comment rassurer les exportateurs français sur les lourdeurs administratives auxquelles ils auront à faire face ?

Jean-Jacques LIZIARD

Les problèmes liés à la certification s'arrangent progressivement, car de nombreux responsables considèrent que les normes européennes devraient suffire, notamment Madame Timochenko. Depuis treize ans, nous n'avons jamais connu d'incident. Si un problème survient à la douane, c'est que l'exportateur n'est pas tout à fait au clair.

Marianne NUBLAT

Je confirme que les relations avec la douane ne font que s'améliorer. Si l'exportateur connaît les règles et les délais et qu'il les respecte, cela se passe bien. Pour les importations, il faut veiller à ce que le nombre de produits annoncé corresponde bien à la marchandise présente dans le camion. Lorsqu'une entreprise française travaille avec des distributeurs sur place, elle doit en outre accepter que les prix soient plus élevés que si elle travaillait avec sa filiale sur place.

Pierre COMPAGNON

Un guichet unique devrait prochainement être mis en place pour simplifier ces démarches. Sur le terrain, les délais sont variables, mais ils s'améliorent.

François PARGNY

Est-il facile de trouver un importateur fiable ?

Richard MUSZYNSKI

Pour plus de fiabilité, il convient de demander le paiement d'avance ou des garanties bancaires suffisantes. Tout exportateur doit en outre tenir compte du fait que le grivna appartient à la zone dollar et les variations importantes de la parité euro-dollar ces dernières années se répercutent sur les prix que les exportateurs facturent généralement en euros. La différence peut être notable.

Les importateurs ukrainiens vivent en outre dans le corset du contrôle des changes. Il en résulte des contraintes et des coûts à supporter pour pouvoir importer. Le fait de payer en euros impose d'acheter des devises, or celles-ci sont taxées à 1,3 %.

Jacques MOUNIER

10 % de nos effectifs s'occupent de contrôle des changes, ce qui montre que cette activité nous demande beaucoup de travail. Les importateurs et les exportateurs ont également à en subir les effets, puisqu'ils doivent obtenir de multiples tampons.

La Banque centrale a beau tenter de les contrecarrer par différentes mesures, les doubles standards sont encore la règle. Même si ce système est pénible pour les exportateurs, ils doivent l'intégrer.

François PARGNY

Quel type de crédit-export conseillez-vous à vos clients ?

Jacques MOUNIER

Si les clients sont des entreprises françaises d'exportation, nous leur conseillons de privilégier le crédit des banques européennes, car il est moins cher. Il ne faut emprunter sur place qu'à la marge, pour des besoins de court terme. Si les clients sont des importateurs et qu'ils sont obligés de demander un crédit documentaire, je conseille aux exportateurs français de demander à des banquiers occidentaux de confirmer la fiabilité de leur partenaire. Sur la vingtaine de banques ukrainiennes, il y a possibilité de trouver une confirmation de crédit. Dans une relation client-fournisseur, je recommande de demander le paiement avant expédition.

François PARGNY

Quel est la position de la Coface en matière de crédit ?

Jacques MOUNIER

Elle traite un nombre non négligeable de lignes de crédit à court terme à des entreprises de plusieurs pays, notamment françaises.

François PARGNY

Un importateur ukrainien est-il libre d'acheter à l'étranger à n'importe quel prix ?

Richard MUSZYNSKI

Pour les transactions qui excèdent 50 000 euros, un organisme d'Etat doit valider le caractère normal du prix de la transaction. Cette mesure vise à lutter contre les fuites clandestines de capitaux. Dans les faits, elle n'empêche cependant pas les entreprises de travailler.

François PARGNY

Y a-t-il de la place pour les PME en Ukraine ?

Marina KHVATOVA

Oui. Les grosses PME agroalimentaires se développent d'ailleurs très bien. Le problème est d'identifier le bon positionnement. Les PME doivent en outre veiller à trouver de bons partenaires sur place pour faciliter leur implantation et savoir qu'une implantation se fait avec un minimum d'investissement et une présence sur place dans la durée. Il ne suffit pas de se rendre à un salon professionnel pour espérer décrocher des contrats.

Isabelle HAAS

CGTT Voyages est une PME, qui est présente sur le marché ukrainien depuis 1993. Notre expérience montre qu'on peut investir à moindre coût en Ukraine, notamment car le coût du loyer et les salaires sont réduits. Pour investir, il ne suffit cependant de faire un ou deux voyages sur place, mais il faut s'y installer, en prenant un correspondant et en investissant dans un petit bureau.

Eugène CHERNOV

Il y a de la place pour les PME. Peu d'entreprises françaises sont actuellement présentes en Ukraine et encore moins de PME, à l'inverse des entreprises italiennes, danoises et allemandes qui n'ont pas peur de s'installer. La capacité à trouver un marché dépend de l'activité de la PME. Les statistiques sont peu fiables, puisqu'elles affichent un salaire moyen à 100 dollars, alors que la grande majorité des salaires sont payés au noir. Le pouvoir d'achat des Ukrainiens est bien plus élevé.

Pierre COMPAGNON

Je ne dispose pas encore des statistiques douanières les plus récentes, mais en 2002, plus de 70 % des entreprises françaises qui exportaient en Ukraine étaient des PME. Or je suis certain que le chiffre a augmenté.

Marina KHVATOVA

Les PME agroalimentaires gagneraient à accompagner l'implantation des chaînes de distribution, comme Métro ou Auchan.

François PARGNY

Le pouvoir d'achat est-il plus fort à Kiev ? La capitale est-elle la meilleure porte d'entrée du marché ?

Eugène CHERNOV

Les habitants de Kiev ont en effet un pouvoir d'achat intéressant, mais le coût de la vie y est plus élevé. Pour un exportateur, le choix de la destination dépend de ses objectifs et de ses produits. Air Liquide a, par exemple, pris la décision de s'implanter à Mariupol car c'est là que sont ses clients. Pour la plupart des sociétés, le potentiel de clients le plus fort est cependant à Kiev, même si d'autres grandes villes ukrainiennes émergent, comme Kharkov.

Philippe PINTAT, EIC Evereast Conseil

Le site de l'Ambassade ne donne pas vraiment envie d'investir en Ukraine, car il fait référence à de nombreuses agressions...

Les Italiens et les Allemands sont davantage présents que les Français en Ukraine. Est-ce parce qu'ils accordent aux importateurs ukrainiens des facilités financières, par exemple ?

Comme plusieurs personnes avant moi, je souhaiterais souligner l'importance pour le Gouvernement français de faciliter l'obtention de visas afin d'améliorer les relations d'affaires avec les Ukrainiens.

Pierre COMPAGNON

Je me rendrai sur le site de l'Ambassade pour vérifier vos informations. Je vous conseille quoi qu'il en soit d'aller plutôt sur le site de la Mission économique, qui est plus actualisé.

Il faut par ailleurs souligner que tous les pays européens freinent la délivrance de visas car ils craignent une émigration clandestine. Nous faisons toutefois des efforts pour faciliter la venue d'Ukrainiens en France. Les Italiens n'accordent, quant à eux, pas plus facilement leurs visas.

Marina KHVATOVA

Un ouvrage qui recueille les témoignages de chefs d'entreprises français, italiens et allemands ayant travaillé en Russie montre que, pour réussir, les Italiens bénéficient de fortes synergies au niveau régional. Le Ministère du Commerce français a émis le voeu de faire travailler ensemble les acteurs du commerce extérieur sur le même modèle. Les Allemands, quant à eux, savent prendre des risques, notamment en acceptant de perdre de l'argent dans un premier temps. Ils sont en outre très réactifs et sont prêts à donner des réponses rapides sur leurs coûts et leurs délais. Les Français ne sont pas pour autant timorés. J'ai vu de nombreuses réussites françaises. Il faut capitaliser sur la bonne image du pays.

Eugène CHERNOV

Pour les PME qui vendent du matériel peu onéreux, les Ukrainiens acceptent sans problème le prépaiement à 100 %.

Vladimir IVANOV

Il est vrai qu'ils l'acceptent, car les banques, tant ukrainiennes qu'occidentales, proposent des taux élevés pour le crédit documentaire et prennent du temps pour répondre. Il est donc plus facile pour les importateurs de payer directement en liquide. La situation pourrait toutefois changer avec l'amélioration du secteur bancaire.

Jacques MOUNIER

L'Allemagne compte en Ukraine plus de 1 500 affaires, dont essentiellement des PME. Ils considèrent l'Ukraine comme un hinterland. Les Français, pour leur part, ne font pas assez de benchmarking pour identifier les méthodes de réussite de leurs concurrents. Alors que le Medef allemand est présent en Ukraine, la France n'a qu'une mission économique. Il ne devrait pourtant pas être du rôle de l'Etat d'intervenir dans les affaires. Enfin, l'Allemagne a l'avantage d'être essentiellement présente par des ex-Allemands de l'Est, qui parlent le russe et connaissent bien les rouages du système soviétique, notamment le système des jeux d'influence. Ceci leur confère un avantage compétitif majeur.

Pierre COMPAGNON

Pour chaque entreprise, nous effectuons une recherche personnalisée. Nous entrons également en contact avec les importateurs potentiels, ce qui donne de bons résultats.

François PARGNY

Constate-on une croissance importante des flux touristiques entre l'Ukraine et la France ?

Isabelle HAAS

Ils se développent en effet grâce à la suppression des visas pour les Français qui se rendent en Ukraine. Les infrastructures touristiques sont encore très pauvres, mais de nombreux investissements sont en cours. Les touristes français restent cependant peu nombreux, car ce pays est éloigné de la France. L'Ukraine ne sera probablement jamais une destination de tourisme de masse.

François PARGNY

Comment un exportateur qui connaît mal l'Ukraine peut-il instaurer une relation de confiance avec des importateurs ?

Marianne NUBLAT

Les Ukrainiens apprécient beaucoup les relations amicales. Ils ne souhaitent pas seulement avoir des échanges de travail et proposent facilement d'accueillir un étranger dans leur famille, de voyager ensemble ou de fêter leur anniversaire avec lui.

Eugène CHERNOV

En affaire, les Ukrainiens sont souvent plus concrets que les Français. Ces derniers sont perçus comme des « touristes » car ils se rendent sur place, trouvent des opportunités, mais ne les concrétisent pas, par peur du risque.

Marina KHVATOVA

Les plus jeunes sont plus pragmatiques. Ils ont souvent fait des études en Europe ou aux Etats-Unis. Ils attendent des réponses claires et veulent aller vite. Ils sont avides de formations et souhaitent avancer rapidement dans leur carrière.

François PARGNY

Les entreprises françaises sont-elles considérées comme mal financées et trop chères ?

Marina KHVATOVA

En effet, les produits français sont plus chers que des produits équivalents espagnols, italiens ou belges, mais ce n'est forcément vrai de tous les produits.

Eugène CHERNOV

J'estime que les Français ne devraient pas avoir peur d'être chers sur le marché ukrainien, car les prix y sont déjà élevés. De surcroît, les produits français sont généralement perçus comme de bonne qualité. Il existe donc des clients qui sont prêts à en payer le prix.

Marianne NUBLAT

Le manque de compétitivité du matériel agricole français est par ailleurs lié au fait que les marques concurrentes américaines et allemandes sont vendues par des entreprises qui sont directement implantées en Ukraine.

François PARGNY

Les importations illégales ne constituent-elles pas un problème pour les importateurs « légaux » ?

Eugène CHERNOV

Oui, dans la mesure où certains parviennent à ne pas payer de droits de douane, ce qui rend leurs produits de facto plus compétitifs. Ce phénomène est toutefois en baisse. Il est possible pour une PME de maîtriser ce problème et de ne pas en être perturbé.

François PARGNY

Beaucoup de produits sont-ils exportés d'Ukraine ?

Jean-Jacques LIZIARD

Par voie de terre, les exportations principales sont le textile, qui est sous-traité en Ukraine, et le bois brut et transformé.

Pierre COMPAGNON

Quel que soit le pays auquel une entreprise destine sa production, elle a intérêt à investir directement sur place. Elle bénéficiera ensuite des liens particulièrement étroits qui unissent l'Ukraine et la Russie. C'est le cas de Bongrain, par exemple, qui exporte 50 % de sa production en Russie.

Marianne NUBLAT

Auparavant, les entreprises choisissaient plutôt la Russie pour exporter vers l'Ukraine. Maintenant, le processus se fait en sens inverse.

François PARGNY

Les relations sont-elles difficiles entre les distributeurs et les fournisseurs ?

Eugène CHERNOV

La distribution grand public ne se développe que depuis quatre ou cinq ans. Elle est en majorité ukrainienne et locale (à part Métro). Les relations avec les fournisseurs sont les mêmes qu'en France : la distribution leur dicte ses conditions, notamment ses frais de référencement.

Quant à la distribution professionnelle, les circuits se sont formés immédiatement après l'éclatement de l'URSS en 1991. Il s'agissait d'abord de petits magasins implantés dans les différentes villes, dont les plus compétitifs ont donné lieu à des chaînes, en s'implantant dans d'autres villes. La distribution n'est pas structurée de la même manière selon le domaine professionnel. Pour les produits techniques qui exigent une mise en oeuvre, les entrepreneurs doivent suivre une logique d'ensemblier, en étant à la fois distributeurs, installateurs et en proposant les services d'un bureau d'études et d'un service après-vente.

Marina KHVATOVA

La place de la grande distribution est encore réduite en Ukraine. Au-delà des chaînes ukrainiennes, des chaînes russes commencent à s'installer. Elles représentent des concurrents majeurs, car elles parlent la langue, connaissent les fournisseurs et sont parfois aidées dans leur financement par la BERD. Elles sont toutefois moins bien structurées que leurs homologues occidentales et n'ont pas le même savoir-faire. De nombreux projets de développement sont en cours dans la grande distribution, notamment dans le Sud de la Russie, à Krasnodar et Rostov, qui est la route vers l'Ukraine.

Il est par ailleurs à noter que les fournisseurs sont beaucoup moins nombreux qu'en France et qu'une chaîne de distribution ukrainienne ne gère en général que 700 références environ.

Larissa CHYBIRYAKOVA, Association des cadres ukrainiens en France

Pour revenir sur l'avance des Allemands sur le marché ukrainien, il faut dire qu'ils bénéficient des Allemands de l'Est, qui parlent le russe grâce aux études qu'ils ont effectuées en URSS et disposent d'un réseau sur place. Les Français pourraient également utiliser les réseaux franco-ukrainiens, qui existent depuis 1991. Les Ukrainiens qui font des études complémentaires en France, notamment des masters en gestion ou en économie, constituent de bons intermédiaires et représentent donc un atout sur lequel les Français devraient capitaliser. Une association d'Ukrainiens diplômés en France mais vivant en Ukraine s'est d'ailleurs créée.

Investir et produire en Ukraine

Cette table ronde était animée par Pierre COMPAGNON, Chef de la Mission économique à Kiev et François PARGNY, journaliste, Le Moci

Participaient à la table ronde :

Georges BLEZAT, Président, Blezat ;

Michel CHOISY, Dirigeant, Axioma ;

James HOGAN, Avocat associé, Cabinet Salans ;

Vladimir IVANOV, représentant, Société Générale, CCEF ;

Dominique MENU, Directeur du Bureau de représentation, BNP Paribas, CCEF ;

Jean ROCHE, Directeur, Beten Ingénierie ;

Serhiy SERDYUK, Directeur, Avin.

François PARGNY

Pouvez-vous nous apporter des précisions sur l'agence ukrainienne pour la promotion des investissements étrangers ?

Pierre COMPAGNON

Pour aider les entreprises étrangères à se mouvoir dans les méandres administratifs, le Gouvernement ukrainien a en effet créé une agence, qui compte aujourd'hui 16 personnes et qui est en train de s'organiser. Elle ne compte pas encore de Français. Il ne s'agit pas réellement d'un guichet unique. Elle vise à conseiller et à orienter les investisseurs potentiels, mais ne leur permet pas d'effectuer les démarches administratives.

François PARGNY

Les orientations politiques et les réglementations actuelles sont-elles propices au lancement de grands projets ?

Dominique MENU

Nous ne connaissons pas les orientations politiques de l'Ukraine, puisque le Gouvernement n'a pas encore été formé. Cela n'a toutefois pas l'air de gêner les investisseurs qui s'intéressent avant tout au potentiel commercial de l'Ukraine, un pays qui compte 47 millions d'habitants et est en cours de rattrapage, ce qui signifie que le niveau de vie des consommateurs est en augmentation.

La réglementation est encore de type postsoviétique. De nombreuses formalités doivent être remplies. Elles exigent en particulier d'avoir une adresse sur place - ce qui n'est pas simple à Kiev pour s'enregistrer, notamment auprès des organismes de collecte des charges sociales. J'espère qu'un guichet unique finira par être instauré. Les Français doivent savoir qu'il est impératif d'emporter avec soi le tampon de leur société car il est systématiquement requis, quel que soit le formulaire à signer.

François PARGNY

Jusqu'à présent, le Gouvernement a davantage orienté ses dépenses vers les secteurs sociaux que vers le développement des infrastructures.

Dominique MENU

C'est vrai. Il va leur falloir maintenant trouver des mécanismes pour financer leurs infrastructures. Le cadre juridique actuel n'est pas propice. Il faudra le faire évoluer pour trouver des solutions dans le cadre de la législation européenne, afin de dégager des moyens de financement autres que bilatéraux. L'Ukraine ne dispose pas encore de la structure juridique adéquate pour apporter des garanties acceptables pour des investissements à long terme dans les infrastructures.

Pierre COMPAGNON

L'Ukraine va toutefois dans le bon sens puisqu'une loi-cadre sur les concessions a été adoptée il y a deux ans. Nous sommes cependant encore en attente des décrets d'application.

Dominique MENU

La BERD a signé des projets qui s'appuieront sur des systèmes de concession, mais il faut en effet encore travailler sur la loi car celle-ci n'est pas encore applicable.

Vladimir IVANOV

La plupart des projets d'infrastructures sont de niveau municipal. Or les municipalités ne sont pas encore gérantes de leur budget, mais vivent des subsides de l'Etat. Il est prévu, dans une deuxième étape de la réforme administrative et constitutionnelle, de leur déléguer davantage d'impôts locaux afin qu'elles deviennent des intervenants actifs et financièrement viables, et qu'en tant que décideurs, elles puissent contribuer à la réalisation de ces projets.

François PARGNY

Est-il facile de trouver des financements en Ukraine ?

Jean ROCHE

Cela n'est pas facile pour une PME-PMI. Cela l'est plus pour les grands groupes internationaux qui, soit les trouvent à l'étranger contre leurs propres garanties dans leur pays d'origine, soit auprès des grands organismes internationaux comme la BERD. Pendant des années, j'ai dû fonctionner en autofinancement. Puis j'ai trouvé des partenaires industriels qui acceptaient de prendre un risque sur la base de mon projet.

Dominique MENU

Un crédit suppose une confiance, or le cadre juridique et la possibilité de prendre des sûretés sont moins favorables pour les PME. Nous finançons quelques grosses PME dans les nouveaux secteurs, mais nous appliquons des taux d'intérêt de près de 14 % en monnaie locale (avec une inflation de 10 %) sur deux ou trois ans.

Vladimir IVANOV

La clientèle d'une banque de détail est composée de particuliers et de PME. La Société Générale pourrait s'adresser à eux, mais elle n'est pas encore implantée en Ukraine. Elle y a seulement un bureau de représentation. Il est toujours plus facile de financer des entreprises occidentales en Ukraine que des entreprises ukrainiennes car elles partagent la même culture entrepreneuriale et acceptent donc facilement de présenter leurs résultats et leur chiffre d'affaires.

François PARGNY

Quelle est la meilleure solution sur le plan juridique pour s'implanter en Ukraine ?

James HOGAN

Il est plus avantageux de créer une société mixte ou une filiale à 100 % en forme de société par actions, car l'alternative qu'est la SARL est défavorable en Ukraine. La règle de l'approbation unanime des participants conduit souvent au blocage des décisions. La société par actions représente, quant à elle, un peu plus de formalités à respecter pour l'émission des actions, l'enregistrement, la préparation du prospectus, etc.

Pour la plupart des entreprises, la société mixte est une bonne solution, car il vaut mieux avoir un partenaire ukrainien. Celui-ci doit toutefois être évalué avec précision, puis il convient d'établir avec lui des relations de confiance, enfin, il faut contrôler ses décisions. Il existe de nombreuses sociétés mixtes à 50/50 car la loi sur les sociétés commerciales étant relativement faible sur le plan de la gouvernance d'entreprise et de la protection des actionnaires ou des participants minoritaires, il vaut mieux éviter d'être actionnaire minoritaire. Pour éviter les blocages, il est en outre préférable de définir à l'avance la procédure de règlement des situations de blocage, par exemple par la désignation d'un médiateur ou le recours à un arbitrage, ou encore de définir dans le contrat entre les actionnaires la possibilité de racheter les parts de l'autre.

Jean ROCHE

J'ai eu plusieurs expériences de partenariat avec des Ukrainiens. Après l'indépendance, ils étaient souvent peu fiables, du fait du contexte, ce qui m'a déçu. Aujourd'hui, je n'ai plus que des filiales à 100 %, financées entièrement par des capitaux étrangers. Les directeurs sont toutefois parfois ukrainiens. Dès lors que l'on exerce un contrôle très strict de l'activité, cela fonctionne très bien.

François PARGNY

Comment s'est déroulé votre développement dans vos différentes activités ?

Jean ROCHE

Du fait des difficultés de départ, le fait de se concentrer sur une seule activité aurait généré des risques trop importants. La monnaie d'échange était souvent le troc, or une interdiction d'exporter des matières premières du pays pouvait être décrétée du jour au lendemain par le Gouvernement. Il nous a donc fallu répartir les risques et c'est pourquoi nous nous sommes diversifiés dans quatre ou cinq domaines différents.

Serhiy SERDYUK

Un étranger peut toujours investir seul en Ukraine, mais il est mieux d'avoir un partenaire local, ne serait-ce que pour faciliter l'acquisition ou le leasing d'un terrain, obtenir un permis de construire, etc., en bref, pour régler tous les problèmes administratifs. Pour le moment, un étranger n'a pas le droit d'acheter un terrain, mais il peut prendre un leasing sur 49 ans. La situation pourrait changer après le 1 er janvier 2007. La spéculation immobilière autour de Kiev est par ailleurs très intense car c'est le marché le plus prometteur. Il convient donc d'être prudent.

Pierre COMPAGNON

Il existe en effet un moratoire sur la vente des terres agricoles, mais il est possible de les louer. Le Parti socialiste reste opposé à une évolution, mais d'autres partis poussent à la libéralisation du secteur foncier.

Jean ROCHE

Nous sommes transformateurs de plantes aromatiques. Pour sécuriser notre activité, nous gérons 4 000 hectares sur lesquels nous cultivons nous-mêmes nos plantes. Le code foncier, qui a été créé en 2001, représentait au départ un véritable maquis. Progressivement, toutefois, l'administration l'a de mieux en mieux intégré, ce qui permet aujourd'hui à tout investisseur de constituer un domaine agricole de plusieurs milliers d'hectares en quelques mois. Les contrats sont signés pour 49 ans, mais ils sont fiables et peuvent inclure une priorité de rachat, si bien qu'ils constituent quasiment un titre de propriété.

De la salle

Est-il possible d'exercer une activité économique en Ukraine à partir d'un bureau de représentation ? Je sais qu'il existe un compte bancaire spécial pour les bureaux de représentation qui ont des encaissements à effectuer et que la réglementation fiscale prévoit cette possibilité, mais je me demande si, d'un point de vue légal, cela est faisable.

James HOGAN

La question se pose souvent. En théorie, un bureau de représentation n'a pas le droit d'exercer une activité commerciale, c'est-à-dire de vendre des produits pour son propre compte et d'en tirer des bénéfices. En réalité, cependant, beaucoup d'entre eux sont utilisés comme succursale commerciale et, à ce titre, paient des impôts. La pratique est tolérée par le Gouvernement à condition que le bureau paye des impôts. La situation est particulière en Ukraine car le pays n'a pas de réglementation sur les succursales. Celles-ci n'ont donc pas d'existence juridique - contrairement à la Russie -, c'est pourquoi les étrangers ont recours à des bureaux de représentation.

Michel CHOISY

Il est toutefois à noter qu'il est difficile de créer un bureau de représentation, car les formalités administratives sont lourdes. Il est plus simple de constituer une SARL, même s'il en résulte une obligation de publier ses résultats financiers trimestriels.

Michel FUTIN, FTI

Lorsqu'elles ont un projet d'implantation en Ukraine, les entreprises françaises devraient penser à utiliser les stages de fin d'études des personnes qui font un double diplôme ukrainien-français et qui ont, dans leur cursus, l'obligation de faire un stage de 4 à 6 mois.

François PARGNY

Comment travaillez-vous à Kiev, Monsieur Blezat ?

Georges BLEZAT

Nous avons développé notre activité à partir de la Pologne. Nous travaillons avec des clients du secteur de l'agroalimentaire, pour lesquels nous créons des usines. Nous sommes implantés en Ukraine depuis presque cinq ans, avec une équipe mixte d'Ukrainiens et d'expatriés. Nous effectuons progressivement un transfert de savoir-faire vers les Ukrainiens.

Michel CHOISY

L'Ukraine recèle de nombreuses opportunités de production, tant à destination du marché ukrainien que des marchés occidentaux. Les avantages sont en particulier des coûts moindres et un accès plus facile aux marchés de Russie, de Biélorussie et des pays de l'Est. Les entreprises françaises ont, quant à elles, l'avantage de pouvoir plus facilement mobiliser des moyens financiers ou du matériel d'occasion, par exemple. Ces investissements sont très appréciés par les Ukrainiens et permettent des débouchés intéressants.

François PARGNY

L'Ukraine fait-elle des efforts suffisants pour attirer les étrangers ?

Serhiy SERDYUK

Le Gouvernement a malheureusement supprimé tous les avantages des zones économiques libres, alors que beaucoup d'entreprises étrangères y avaient investi. Un changement de législation interviendra peut-être prochainement pour rétablir quelques-uns de ces avantages. La région occidentale de l'Ukraine étant proche de l'Europe, elle constitue cependant un avantage en soi pour un investisseur français qui voudrait exporter sa production vers les marchés européens.

Pierre COMPAGNON

Il existait une vingtaine de zones économiques spéciales (ZES), qui permettaient aux entreprises de ne pas payer de TVA et d'impôts sur les bénéfices. Ces avantages ont cependant donné lieu à des trafics. Dans certaines ZES, toutes les entreprises étaient ukrainiennes et la production était destinée au marché local. Le Gouvernement orange a donc décidé de tout supprimer. Les entreprises étrangères qui respectaient les règles du jeu n'ont cependant pas apprécié. Le Gouvernement a élaboré un projet de création de nouvelles ZES qui correspondraient aux standards européens. Le prochain Gouvernement devrait a priori le mettre en oeuvre.

François PARGNY

Jean Roche, pourquoi avez-vous décidé de vous implanter dans l'Ouest de l'Ukraine ?

Jean ROCHE

Il existe des opportunités de production intéressantes en dehors de la capitale. Les coûts d'implantation à Kiev sont d'ailleurs élevés. Nous sommes implantés à Lviv, c'est-à-dire à proximité de la Pologne et de la Slovaquie. Des axes routiers et ferroviaires relient par ailleurs Budapest à Lviv et se rendent jusqu'à Moscou. Notre choix est également lié au fait que nous avons trouvé de bons partenaires sur place, qui nous ont permis de signer différents accords avec d'autres entreprises.

L'Ukraine est considérée comme un pays à risque car il est difficile d'identifier les bons partenaires, mais dès lors que c'est fait, cela devient intéressant. Dans ce pays, l'aspect relationnel des affaires joue un rôle important. Il arrive fréquemment que les bons entrepreneurs vous présentent par priorité d'autres personnes de confiance.

Le choix d'implantation dépend également du domaine de production. J'ai, par exemple, aidé une entreprise espagnole du secteur du bois à s'implanter dans les Carpates, car elle a pu y trouver d'importantes ressources en résineux.

L'idéal pour une PME est de détenir 100 % du capital d'une société afin d'en avoir le contrôle maximal. Même si certaines personnes sont fiables, il vaut mieux se méfier au maximum et prendre le plus grand nombre possible de précautions.

François PARGNY

Voyez-vous des opportunités équivalentes dans l'agroalimentaire et dans la pharmacie et les cosmétiques, Georges Blézat ?

Georges BLEZAT

Le potentiel agricole ukrainien est incontestable. Le secteur de la pharmacie est plus difficile car l'Ukraine ne propose pas de système de remboursement efficace des médicaments et les laboratoires pharmaceutiques sont souvent confrontés au problème des contrefaçons. Les investissements dans l'industrie pharmaceutique ukrainienne sont possibles, mais pas pour produire directement. La cosmétologie représente, quant à elle, un marché non négligeable car les Ukrainiennes sont attirées par les produits de beauté. Il existe quelques marques locales. Le développement de la grande distribution devrait tirer le marché, en achetant d'abord des produits importés de Russie, puis, peut-être, des produits locaux.

Sébastien LANG, CDF Ingénierie

Les entreprises qui souhaitent développer des projets d'infrastructures parviennent généralement à trouver des financements lorsque le dossier de faisabilité est achevé. Le problème est justement celui de la phase d'étude, en particulier pour les PME, car elle est coûteuse. Les petites entreprises disposent de quelques outils de la part de l'Etat français, mais cette étape reste difficile à franchir, en particulier pour des raisons techniques. Savez-vous qui pourrait accepter de prendre ce risque avec une PME ?

Pierre COMPAGNON

Le FASEP (Fonds d'Aide au Secteur Privé) est la réponse la plus adéquate. Les fonds fiduciaires, comme la BERD ou la Banque mondiale, constituent une autre possibilité. Ces organismes ont pour objet de financer les études de faisabilité, mais à condition qu'il en résulte un retour sur investissement pour la France par la suite.

Dominique MENU

Dans le domaine de l'électricité, le prix à la consommation représente 53 % du coût de production. Cette activité est donc peut attractive pour les banques. Il faut donc se tourner vers d'autres sources de financement, par exemple vers ceux de l'Etat. Les Ukrainiens sont toutefois conscients de ce problème et ont élaboré plusieurs projets de modifications législatives, qui sont en discussion entre la Banque mondiale et le Conseil des ministres ukrainien. A défaut de solution, le système électrique pourrait connaître une panne majeure car il n'a fait l'objet d'aucun investissement depuis 15 ans. Le marché est actuellement détenu par Energorynok, dont la dette s'élève à plus d'un milliard de dollars. Cette entreprise est quasiment en banqueroute. Il convient donc d'abord régler le problème de ses dettes pour que les banquiers commencent à trouver un intérêt à financer ses investissements. De nombreux acteurs dans le pays se penchent sur cette question. Il est certain qu'elle débouchera un jour sur une solution, mais il est difficile de savoir quand.

Joseph JAFFES, Evialis

Comment trouve-t-on un bon partenaire en Ukraine ? J'en cherche un depuis un an et mes recherches sont pour le moment infructueuses.

Michel CHOISY

Nous avons noué un tissu relationnel avec des Ukrainiens qui recherchent des partenaires. Vous devez nous adresser un cahier des charges précisant vos attentes et nous vérifierons si nous avons dans notre réseau un partenaire qui vous convient.

François PARGNY

Existe-il des sources d'information fiables en Ukraine ?

Michel CHOISY

Il n'y en a pas vraiment. Il n'existe pas d'annuaire professionnel, ni de statistiques officielles fiables. Les contacts personnels sont la meilleure façon d'avoir des informations sûres. Trouver le partenaire adéquat nécessite, quoi qu'il en soit, d'être patient et de se montrer sélectif. Il faut donc rencontrer beaucoup de monde avant de trouver la bonne personne.

François PARGNY

L'Ukraine dispose-t-elle de bons salons industriels ?

Serhiy SERDYUK

Il en existe surtout à Kiev. Un salon professionnel y est organisé quasiment chaque mois, dans tous les domaines. Le secteur agroalimentaire fait l'objet, à lui seul, de quatre ou cinq salons par an.

François PARGNY

Georges Blézat, combien gérez-vous de personnes ?

Georges BLEZAT

Je gère cinq personnes, qui peuvent par ailleurs compter sur une équipe basée à Moscou et une autre en Pologne. Nous recherchons des partenaires locaux fiables pour nos clients, notamment pour les contacts avec les administrations et pour les formalités lourdes à remplir. Il faut parfois plusieurs partenaires, notamment dans le domaine de l'ingénierie qui nécessite de travailler sur plusieurs secteurs.

François PARGNY

Est-il difficile pour un expatrié d'obtenir un permis de travail ?

Dominique MENU

Nous ne rencontrons pas de grandes difficultés pour faire venir nos expatriés, mais il nous faut tout de même justifier le fait de prendre un Français pour occuper le poste, plutôt qu'un Ukrainien - comme c'est la règle également en France.

François PARGNY

La main d'oeuvre ukrainienne est-elle attractive ?

Serhiy SERDYUK

Elle n'est pas chère et est très qualifiée, en particulier dans l'industrie lourde, l'espace et la sidérurgie, du fait de l'héritage soviétique. Une formation interne reste cependant nécessaire pour l'adaptation au poste.

Michel REDON

Les banques ont-elles la possibilité de rechercher des partenaires pour le compte d'entreprises françaises qui voudraient s'implanter en Ukraine ? Il me semble avoir entendu un responsable du Crédit Agricole mentionner ce genre de service.

Vladimir IVANOV

Je ne pense pas que le l'intervention d'une banque à ce niveau représente une bonne solution car les domaines d'activité qu'il lui faudrait couvrir seraient trop vastes. Ceci dit, si une entreprise s'implante en créant une filiale à 100 %, il vaut mieux pour elle rechercher un bon employé qui gérera l'implantation de l'usine, qu'un bon partenaire.

Dominique MENU

La recherche de partenariats n'entre pas dans le cadre des activités bancaires, mais si vous avez identifié un partenaire potentiel, nous pouvons vous indiquer si nous accepterions de prendre un risque avec lui, ce qui vous donne déjà une première information qui n'est pas inutile.

Pierre COMPAGNON

Vous pouvez aussi interroger la Coface.

Michel CHOISY

Le Crédit Agricole a créé une formule intitulée Euro Challenge, qui travaille dans plusieurs pays, notamment en Ukraine, à travers des correspondants privés installés sur place. Le CIC et les Banques populaires offrent les mêmes services.

Pierre COMPAGNON

Pour conclure, je remercie les intervenants de nous avoir fait partager leur expérience en Ukraine. J'incite tous les participants de ce colloque à venir se renseigner sur les possibilités que recèle le marché ukrainien, car cela vaut la peine et c'est le bon moment.