Étude d'impact au format PDF (288 Koctets)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

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Ministère des affaires étrangères et

du développement international

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PROJET DE LOI

autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement de la République de Croatie relatif à la coopération

dans le domaine de la défense

NOR : MAEJ1412495L/Bleue-1

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ÉTUDE D'IMPACT

I- Situation de référence et objectifs de l'accord

1) Dans le cadre d'une réactualisation et d'une évolution globale des modalités de coopération avec les pays d'Europe centrale et orientale et du fait de l'adhésion de la Croatie à l'OTAN et à l'Union européenne, il a été proposé à ce pays de conclure un accord intergouvernemental de coopération de défense.

Les négociations avec les autorités croates ont été engagées en mai 2009 et se sont conclues avec la signature de l'accord le 14 juillet 2013, en marge des manifestations de la Fête nationale auxquelles le ministre croate de la défense avait été invité à assister.

2) La coopération croate en matière de défense :

a) Un partenariat de défense à trois niveaux :

Le premier, le plus important, est celui résultant de sa nouvelle appartenance à l'OTAN et une relation quasi-exclusive avec les États-Unis. Washington est le premier bailleur en équipement (dons et cessions) et le premier pourvoyeur pour les entraînements et la préparation opérationnelle (partenariat avec la Garde nationale).

Le deuxième cercle de partenariat est celui s'inscrivant au plan régional. Il s'affirme de plus en plus comme un axe également sous influence américaine. Les échanges bilatéraux - Serbie, Bosnie-Herzégovine, Slovénie - ou régionaux (dans le cadre de la Charte adriatique ou de l'initiative adriatico-ionienne) montent en puissance depuis le début du second semestre 2013.

Le troisième niveau est celui dirigé vers les pays membres de l'Union européenne et particulièrement certains partenaires privilégiés (Autriche, pays scandinaves). La France se situe sous la moyenne du nombre d'activités bilatérales terrestres, aériennes et navales des pays comparables (Allemagne, Grande Bretagne, Italie). A l'inverse de ses principaux partenaires européens, la France est actuellement absente des exercices régionaux conduits par l'OTAN et de toutes les manifestations du RACVIAC (« Regional Arms Control Verification and Implementation Assistance Centre »), qui constitue le seul forum régional de sécurité où tous les pays balkaniques sont représentés et dont la montée en puissance dans la sphère sécurité-défense s'affirme.

b) La coopération franco-croate en matière de défense de 1997 à 2013 :

De 1997 à 2013, la relation bilatérale de défense a couvert le champ des coopérations institutionnelle, structurelle et opérationnelle. Parmi les actions les plus marquantes, on peut mentionner l'audit de la marine de guerre croate effectué par la Marine nationale en 2005. Il a débouché sur une coopération active dans le domaine de la guerre des mines et de la formation des plongeurs-démineurs. Le deuxième temps fort a été la mise en place d'une chaire de langue française à l'Académie de défense de Zagreb. Dans le domaine de la formation, des officiers croates ont suivi la formation du Collège interarmées de défense jusqu'en 2010, celle du diplôme d'état-major (armée de Terre) ainsi que des actions de formation du cycle discontinu (écoles de spécialités de l'armée de terre, Ecole nationale des sous-officiers d'active). La relation bilatérale de défense a baissé d'intensité après l'adhésion de notre partenaire à l'OTAN (2009), les forces armées croates étant intégrées dans tous les programmes de formation et d'entraînement de l'alliance atlantique.

Depuis le 1er juillet 2013 et l'entrée de la Croatie dans l'UE, et du fait de restrictions budgétaires, les deux pays sont convenus de recentrer leurs actions sur les besoins qui ne nécessiteraient pas de déplacements d'unités ou de personnel. Trois domaines ont été retenus : coopération maritime (action de l'État en mer), préparation opérationnelle des forces (en cas d'engagements communs dans les opérations de l'UE), enseignement du français en milieu militaire :

- coopération maritime :

Les escales régulières des bâtiments de la marine nationale qui croisent en Adriatique permettent de conduire des exercices tournés vers l'action de l'État en mer, concept que le partenaire croate, fort conscient de ses responsabilités en matière de surveillance des frontières de l'UE, s'approprie progressivement. Les deux marines échangent, par des exercices et des séminaires organisés lors des escales ainsi que par l'embarquement d'officiers croates à bord des bâtiments français, sur la lutte contre la pollution, la surveillance maritime en surface ou aérienne, la lutte contre les trafics et contre l'immigration clandestine, le contrôle des approches et la guerre des mines. Il est à noter que, concernant la coopération maritime en matière de contrôle des frontières de l'UE, le Président de la République et le Premier ministre croate ont manifesté lors de leur rencontre d'octobre 2013 leur volonté de faire de la sécurité en Méditerranée un nouvel axe fort de notre coopération. Le Président avait alors fait savoir que le Secrétariat Général à la Mer et la Préfecture maritime de Toulon seraient à la disposition des Croates pour les aider à renforcer leur dispositif de surveillance en mer ; des contacts ont depuis été pris afin de mettre en oeuvre cette coopération.

- coopération des forces terrestres :

La préparation opérationnelle des forces est le seul domaine identifié par nos partenaires pour valoriser notre relation bilatérale entre armées de Terre. L'objectif est d'intégrer des officiers d'état-major croates dans des organismes français, à l'occasion d'exercices notamment. Cette connaissance mutuelle s'inscrit dans la volonté des deux parties d'une prise de responsabilité croissante de Zagreb dans les opérations de l'UE.

- enseignement du français :

En corollaire de la précédente activité, l'enseignement du français en milieu militaire fait l'objet d'un effort particulier.

Le soutien à notre industrie de défense est l'un des objectifs de cette coopération : les efforts pour promouvoir le patrouilleur hauturier ADROIT - promu par DCNS et la DGA - en sont une part importante car ce bâtiment répond parfaitement aux besoins des garde-côtes croates. En parallèle, les possibilités de promouvoir notre industrie dans le domaine de la défense aérienne croate (pour laquelle EADS, SAFRAN et THALES pourraient intervenir) ne sont pas négligées.

3) Sans espérer devenir le partenaire prioritaire de la Croatie dans ce domaine, notre pays attend de l'accord conclu qu'il l'amène à y occuper à l'avenir une place accrue en matière de coopération de défense.

Cet accord consolidera évidemment la position française dans les domaines évoqués ci-dessus.

Au-delà de cette coopération technique, la partie française vise, avec cet accord, d'une part, à oeuvrer pour la stabilité régionale en accompagnant la consolidation d'un processus de défense régionale et, d'autre part, à affermir la composante européenne de l'axe euro-atlantique suivi par Zagreb en positionnant notre pays comme un interlocuteur majeur dans le domaine de la défense européenne (axe de développement PSDC) pour laquelle l'aide et l'expertise française sont demandées par la Croatie. Les autorités civiles et militaires de Croatie ayant, à la suite du sommet de Brdo (Slovénie) le 25 juillet 2013 et des déclarations du Président François Hollande sur la perspective européenne de la région, réitéré leur souhait de voir la France y jouer un rôle moteur dans une approche multilatérale et régionale des questions de défense.

II- Conséquences estimées de la mise en oeuvre de l'accord

- Conséquences en matière de coopération de défense

L'accord ne prévoit pas de clause d'assistance en cas de menace ou d'agression extérieure ni de crise interne.

Les domaines de la coopération, évoqués à l'article 3, sont variés et peuvent notamment concerner la politique de défense et de sécurité, l'organisation et le fonctionnement des armées, la recherche et le développement dans le domaine de l'armement, la gestion des ressources humaines ou encore la médecine militaire. La coopération peut prendre différentes formes, précisées à l'article 4, en particulier échanges, visites, actions diverses de formation, participation d'observateurs à des exercices militaires et à des manoeuvres, ou encore coopérations entre institutions et unités militaires scientifiques et techniques des deux Parties. Il est par ailleurs prévu que les modalités de mise en oeuvre de l'accord peuvent être définies par voie d'accords ou d'arrangements particuliers.

L'accord prévoit en outre la tenue de réunions régulières entre représentants des états-majors des Parties afin de dresser le bilan de la coopération mise en oeuvre au cours de l'année écoulée et de rechercher les moyens de développer la coopération bilatérale en matière de défense et d'en coordonner la mise en oeuvre (article 7). Co-présidée par un responsable des armées de chacune des Parties, cette réunion se tient alternativement en France et en Croatie. Coté français, y participe un représentant du ministère des Affaires étrangères (direction de la coopération de sécurité et de défense) pour les sujets le concernant.

- Conséquences économiques

Le budget de la défense croate s'est élevé en 2013 à 640 millions d'euros soit 1,35% du PIB. 56% ont été consacrés à la masse salariale, 21 % à l'équipement et 7% à l'entraînement. Le contexte économique ne permet pas à la Croatie de soutenir un important effort de défense : le cadre financier très contraint freine la rénovation des infrastructures et le renouvellement ou l'acquisition des équipements, ce qui conduit Zagreb à rechercher soit le parrainage de généreux donateurs - États-Unis en premier lieu - soit à renoncer, au moins provisoirement, à des capacités (flotte aérienne de combat, patrouilleurs). En 2013, l'aide en nature des États-Unis a atteint 150 millions d'euros, soit 20% du budget total. Le budget 2014 alloué aux acquisitions devrait s'élever à 60 millions d'euros dont environ les deux-tiers pour la passation de contrats. Avec la rénovation, avec l'Ukraine, des chasseurs MIG 21 et des hélicoptères MI 8 et MI 17 et la revalorisation de ses chars de combat M 84 d'origine yougoslave (motorisation, protection, optiques), c'est sur l'équipement des véhicules blindés PATRIA acquis en Finlande en canons de 30 mm que devrait porter l'effort croate en 2014. Cela se ferait évidement au détriment de l'achat de patrouilleurs pour les garde-côtes qui constitue le seul créneau sur lequel sont positionnés actuellement les industriels français, à moins que, le contrôle des côtes pouvant être considéré comme une mission de sécurité intérieure, le gouvernement croate n'obtienne des fonds européens conséquents pour procéder à ces acquisitions.

- Conséquences financières

La répartition, entre l'État d'origine et l'État d'accueil, des frais liés aux activités de coopération est conforme à ce qui est prévu habituellement dans ce type d'accords (article 8).

L'effort financier consenti par le ministère des Affaires étrangères (DCSD) en matière de coopération structurelle de défense et de sécurité avec la Croatie s'est élevé, en 2013, à environ 42.000 euros et devrait atteindre 45.000 euros en 2014 (+ 8%).

- Conséquences sociales et en matière de parité hommes-femmes

Sans objet.

- Conséquences environnementales

Sans objet.

- Conséquences juridiques

L'entrée en vigueur de l'accord ne nécessite aucune modification du droit existant.

Eu égard à l'applicabilité des stipulations de la Convention entre les États parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces (dite « SOFA OTAN »), signée à Londres, le 19 juin 1951, au personnel civil du ministère des Affaires étrangères, mentionné au paragraphe 4 de l'article 2 de l'accord, l'approbation de ce dernier nécessite une autorisation parlementaire préalable au titre de l'article 53 de la Constitution. En effet, si le SOFA OTAN, qui comporte plusieurs stipulations touchant à des matières législatives, a déjà fait l'objet d'une autorisation parlementaire d'approbation, ses stipulations ne sont pas en tant que telles applicables au personnel civil du ministère des Affaires étrangères. L'applicabilité à ces personnels opérée par l'accord franco-croate du 14 juillet 2013 a pour conséquence de faire entrer cet accord dans le champ de l'article 53 de la Constitution.

Articulation avec le cadre juridique existant

Il n'existait aucun accord intergouvernemental liant la France et la Croatie relatif à leur coopération dans le domaine de la défense préalablement à la signature de ce texte. Seul un arrangement technique entre les ministres de la Défense de nos deux États, en date du 7 octobre 1997, avait été signé en ce domaine.

Les deux États étant désormais membres de l'OTAN, des renvois importants à la Convention entre les États parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, signée à Londres, le 19 juin 1951 (en vigueur pour la Partie croate depuis le 22 octobre 2009) sont effectués. Ainsi, l'article 10 stipule que les forces françaises et croates appliquent la Convention entre les États Parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces armées dans le cadre de leurs activités en coopération. De la même manière, l'article VIII du SOFA OTAN s'applique en matière de règlement des dommages (art. 12).

Les échanges d'informations et de matériels classifiés s'effectueront dans le cadre de l'accord de sécurité entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie sur la protection mutuelle des informations classifiées, signé le 25 janvier 2011 1 ( * ) .

Articulation avec le droit de l'Union européenne

Enfin, l'accord est conforme au droit de l'Union européenne. Le traité sur l'Union européenne (article 42 paragraphe 7) renvoie aux engagements souscrits par les États membres dans le cadre de l'OTAN. Pour mémoire, des accords similaires ont récemment été signés avec plusieurs pays membres de l'Union européenne. Parmi eux, ont fait l'objet d'une procédure parlementaire d'autorisation les accords signés avec :

- la Slovaquie : accord signé le 4 mai 2009 (décret de publication n° 2011-1124) ;

- la Lituanie : accord signé le 12 juillet 2013 (procédure d'approbation parlementaire en cours).

- Conséquences administratives

L'accueil réciproque de militaires dans chacune des deux Parties et l'organisation de réunions bilatérales régulières entre les États-majors des deux Parties que prévoit l'accord n'engendre que des conséquences administratives limitées :

- l'accord ne génère pas de conséquence particulière du fait de la réunion annuelle d'état-major qu'il prévoit car cette activité sera convoquée en marge et à l'occasion de l'établissement du plan de coopération militaire bilatérale ;

- l'accord ne met pas en place de système de reconnaissance des grades, cette question étant régie par les accords de normalisation de l'OTAN ;

- l'accord ne régit pas non plus la question de la reconnaissance des diplômes militaires. Il est cependant à signaler que le diplôme décerné à un militaire croate à l'issue d'une formation en France est reconnu par le ministère croate de la défense ; la question ne s'est pas posée en sens inverse.

III - Historique des négociations

Les négociations avec les autorités croates ont été engagées en mai 2009 et se sont achevées, sans avoir fait l'objet de difficulté particulière, en septembre 2012.

IV - État des signatures et ratifications

L'accord a été signé le 14 juillet 2013. Le parlement croate (« Sabor ») en a voté l'approbation le 28 octobre 2013 ; l'instrument croate d'approbation a été reçu le 11 décembre suivant.

V - Déclarations ou réserves

Sans objet.

III-


* 1 Décret n° 2011-1592 du 18 novembre 2011 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie sur la protection mutuelle des informations classifiées, signé à Zagreb le 25 janvier 2011

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