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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

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Ministère de l'Europe et

des affaires étrangères

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Projet de loi

autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement

de la République française et le Gouvernement de la République argentine

du 4 avril 1979, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir

l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune

NOR : EAEJ2017077L/Bleue-1

ÉTUDE D'IMPACT

I- Situation de référence

Membre du G20 et candidate à l'OCDE, l'Argentine est un partenaire majeur de la France en Amérique latine.

Selon les données recueillies par la Direction Générale du Trésor 1 ( * ) , la France est le 10 ème fournisseur de l'Argentine et le 4 ème parmi les pays européens, derrière l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne.

Les principaux produits d'exportation en provenance de la France sont les préparations pharmaceutiques (12,3 % du total des exportations sur les dix premiers mois de 2019), les parfums et produits pour la toilette (7,73 %) et les produits chimiques organiques de base (7,58 %). Les exportations de véhicules et de pièces automobiles, qui ont longtemps figuré au premier plan, ont significativement diminué (respectivement -55,6 % et -68,5 % en 2019).

L'excédent commercial en faveur de la France a chuté de 44 % en 2019 à 225 M€ (contre 401,6 M€ en 2018). Il s'agit du 6 ème excédent commercial de la France en Amérique latine et du 39 ème dans le monde.

En sens inverse, l'Argentine, dont les exportations vers la France ont légèrement progressé en 2019 (+ 9,9 % à 418 M€), est actuellement le 70 ème fournisseur de la France dans le monde (74 ème en 2018, 72 ème en 2017) et le 5 ème sur le continent, derrière le Brésil, le Mexique, le Chili et le Pérou.

Les principaux produits que la France importe d'Argentine sont les huiles et graisses (20,7 % du total des importations en 2019), les préparations et conserves à base de poisson et de produits de la pêche (14,9 %), les produits du raffinage du pétrole (12,6 %), les céréales, légumineuses et oléagineux (9,7 %) et les viandes de boucherie (3,9 %).

En matière d'investissements directs étrangers (IDE) et selon les données de la Banque de France, le stock d'investissements directs français en Argentine s'élevait fin 2018 à 1,88 Md d'€. L'Argentine est ainsi le 4 ème récipiendaire de nos IDE en Amérique latine, derrière le Brésil (23,66 Mds€), le Mexique (4,88 Mds€) et le Chili (4,18 Mds€), mais devant le Pérou (981 M€), la Colombie (936 M€), le Venezuela (759 M€), la Bolivie (683 M€) et l'Uruguay (160 M€).

De même, la Banque d'Argentine fait état d'un stock d'investissements français de 2,76 Mds$ fin 2016, soit 3,7 % du total des investissements étrangers en Argentine. La France figure ainsi au 8 ème rang des investisseurs étrangers en Argentine et au 4 ème rang des investisseurs européens derrière l'Espagne (17,6 %), les Pays-Bas (12,2 %) et la Suisse (4,6 %).

Sur le plan fiscal, la France et l'Argentine sont liées par une convention en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un Protocole), signée le 4 avril 1979 2 ( * ) et modifiée par un avenant en date du 15 août 2001 3 ( * ) .

Cette convention fixe les règles de répartition du droit d'imposer entre la France et l'Argentine en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune. Elle a pour objet d'éliminer les doubles impositions pouvant résulter de l'application des législations fiscales nationales sur les différentes catégories de revenus qu'elle vise.

Certaines conventions de non-double imposition conclues ultérieurement par l'Argentine avec d'autres Etats partenaires fixent, pour ces mêmes revenus, un plafond de retenue à la source inférieur à ceux prévus dans la présente Convention, ancienne. Par ailleurs, cette convention ne prend pas en compte certaines spécificités de la législation française, tel le traitement des sociétés à prépondérance immobilière.

II - Historique des négociations

L'unique tour de négociation s'est déroulé en mai 2019 à Buenos Aires à l'initiative de la France. Il a permis d'aboutir à la signature du présent avenant le 6 décembre 2019.

III - Objectifs et présentation de l'avenant

La signature du présent avenant aura pour effet de réduire, conformément à l'objectif poursuivi par la France, les retenues à la source sur les dividendes et les intérêts, les redevances et les gains en capital. Cette réduction des taux plafonds conventionnels bénéficiera, d'une part, aux entreprises françaises dont la position concurrentielle en Argentine sera renforcée et d'autre part, au Trésor public français à la charge duquel le montant de l'impôt étranger à éliminer sera diminué. Par ailleurs, dans un contexte d'asymétrie de flux d'investissement 4 ( * ) , qui se traduisent par une forte présence des entreprises françaises en Argentine (cf. supra) et par une moindre importance des investissements argentins en France, l'abaissement de ces taux joue mécaniquement en faveur des intérêts économiques de la France.

Les taux accordés correspondent aux taux les plus favorables accordés par l'Argentine à d'autres partenaires et, dans le prolongement de l'objectif précité, la France a en outre obtenu l'ajout d'une « clause de la nation la plus favorisée » à portée large. L'insertion de cette clause permettra à la France de bénéficier automatiquement du traitement plus favorable que l'Argentine serait susceptible d'accorder à un autre Etat en matière de revenus passifs (intérêts, dividendes, redevances), de gains en capital, de revenus de professions indépendantes ou d'établissement stable.

S'agissant des gains en capital, l'avenant vient limiter le taux maximal d'imposition à la source auquel peuvent être soumis les gains tirés de l'aliénation d'actions, droits ou participations similaires représentant le capital d'une société. Il permet également à la France d'appliquer sa législation pour l'imposition des plus-values de cession des titres de sociétés à prépondérance immobilière 5 ( * ) .

Par ailleurs, le champ d'application des redevances taxables en Argentine, prévu à l'article 12 de l'actuelle convention, a été précisé. Sont désormais exclues de façon expresse de la définition de « travaux d'étude ou de recherche de nature scientifique ou technique concernant des méthodes ou procédés industriels, commerciaux ou administratifs » les rémunérations de services normalisés, c'est-à-dire ceux ne nécessitant pas un savoir-faire spécifique et ne faisant appel qu'à un savoir-faire usuel à la profession du prestataire. Cette précision conduira à limiter l'imposition en Argentine des services rendus par les entreprises françaises sans recours à un établissement stable sur place, ainsi que du montant de l'impôt argentin devant être éliminé par le Trésor français.

Enfin, une clause relative aux volontaires internationaux à l'étranger (VIE), souhaitée par la France a été insérée 6 ( * ) . Conforme à celle que négocie habituellement la France dans ses conventions, elle permet l'exonération d'impôt de leurs salaires dans l'Etat d'exercice de leur activité.

En contrepartie, la France a dû consentir l'introduction d'une stipulation permettant la reconnaissance d'un établissement stable (c'est-à-dire d'une base taxable) en l'absence de toute installation matérielle dès lors qu'une entreprise rend des services dans un Etat pour une ou des durées représentant plus de 183 jours au cours d'une année. Cet établissement stable de services constitue cependant une concession limitée par rapport à la demande initiale de l'Argentine d'octroyer un droit à taxer l'ensemble des services rendus par des entreprises françaises sans condition de durée, qui figure par ailleurs dans la quasi-totalité des conventions fiscales conclues par l'Argentine. En effet, cette clause a une portée plus limitée car elle nécessite une présence supérieure à 183 jours et revient à imposer les bénéfices réalisés par l'entreprise française sur une base nette, tandis que la demande initiale argentine aurait conduit à imposer tous les paiements effectués sur une base brute. De ce point de vue, les entreprises françaises sont par conséquent favorisées par rapport à leurs concurrentes étrangères.

IV - Conséquences estimées de la mise en oeuvre de l'avenant

L'avenant emporte des conséquences dans les domaines économique, financier, administratif et juridique.

a. Conséquences économiques

Les entreprises françaises de tous secteurs économiques, procédant à des investissements en Argentine, verront leur charge fiscale locale diminuée et plafonnée en matière de dividendes, intérêts, redevances et gains en capital. Compte tenu de la politique conventionnelle de l'Argentine avec d'autres Etats en matière de taux de retenue à la source, elles seront ainsi placées dans une position concurrentielle équivalente à celles des autres groupes étrangers implantés en Argentine et meilleure que celle que leur offre le cadre actuel des relations fiscales franco-argentines.

La réduction des taux conventionnels de retenue à la source aura également un effet bénéfique pour le Trésor public français. En effet, diminuant les taux plafonds de retenue à la source en Argentine, le reliquat d'impôt dû au Trésor français après imputation du crédit d'impôt argentin sera augmenté à due concurrence.

Il convient également de noter que l'imposition des revenus d'un éventuel établissement stable de services en Argentine s'opérera sur la base d'un profit net (produits moins charges), et non sur une base brute, comme l'aurait pratiqué l'Argentine si la France avait accepté sa demande initiale d'un droit de taxer l'ensemble des services rendus depuis la France. Il en résulte, en présence d'un établissement stable de services, une imposition moins lourde en Argentine que celle qui aurait résulté de la mise en oeuvre de la clause souhaitée par nos partenaires argentins.

b. Conséquences financières

Compte tenu des déséquilibres des flux d'investissement, ceux-ci étant majoritairement réalisés de la France vers l'Argentine, la réduction des retenues à la source procurera un avantage financier à l'administration fiscale française. La diminution des retenues à la source prélevée en France sur les flux en direction de l'Argentine sera en effet très largement compensée, au regard de la faible présence économique des entreprises argentines en France, par l'économie réalisée sur les crédits d'impôt argentin imputables sur l'impôt français.

L'effort consenti par la France avec l'établissement stable de services est par ailleurs très limité. Contrairement à l'option initialement souhaitée par l'Argentine, l'établissement stable de services repose sur une condition de délai. De plus, la plupart des prestataires de services qui interviennent sur une durée aussi longue dans un Etat finissent par y constituer une installation fixe d'affaires constitutive d'un établissement stable (par exemple, un bureau).

c. Conséquences administratives

La Direction générale des finances publiques, responsable de l'application des conventions fiscales conclues par la France, sera chargée de l'application du présent avenant.

Les modalités administratives d'application du présent avenant seront identiques à celles applicables à l'ensemble des conventions fiscales conclues par la France et ne nécessiteront pas de ressources supplémentaires.

d. Conséquences juridiques

• Articulation de l'avenant avec la convention en vigueur

Le présent avenant modifie les articles de la convention relatifs à l'établissement stable, aux redevances et gains en capital ainsi que son Protocole, et se substitue à ses articles portant sur les dividendes et les intérêts.

• Articulation avec le droit européen

En vertu du principe d'attribution prévu à l'article 5 du Traité sur l'Union européenne, la fiscalité directe est une compétence des Etats membres. Elle est exercée dans le respect du droit de l'Union européenne. Dans son arrêt Schumacker du 14 février 1995 (aff. C-279/93), la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que les Etats membres sont fondés à répartir entre eux les droits d'imposer par des conventions fiscales visant à prévenir les doubles impositions en suivant les recommandations internationales de l'OCDE.

A cet égard, les dispositions du présent avenant ont pour objet de prévoir les modalités d'élimination des doubles impositions entre la France et l'Argentine. Elles sont donc pleinement conformes au droit de l'Union européenne.

• Articulation avec le droit interne

L'ordonnancement juridique français n'est pas affecté par cet avenant. Ce dernier pourra être appliqué dès son entrée en vigueur et ne nécessitera pas de mesure d'application particulière.

L'avenant s'appliquera, pour les impôts perçus par voie de retenue à la source, aux sommes payées à partir du 1 er janvier de l'année civile suivant celle au cours de laquelle il entrera en vigueur et, pour les autres impôts, pour les années fiscales commençant à partir de cette même date.

V - Etat des signatures et ratifications

L'avenant a été signé à Buenos Aires le 6 décembre 2019, pour le Gouvernement de la République française, par Mme Claudia Scherer-Effosse, Ambassadrice de France en Argentine et, pour le Gouvernement de la République argentine, par M. Jorge Faurie, ministre des relations extérieures et du culte.

L'Argentine n'a pas fait connaître, à ce stade, l'état d'avancement de sa procédure interne pour l'entrée en vigueur du présent avenant.


* 1 Site de la DG Trésor : « Commerce bilatéral France-Argentine », 30 décembre 2019 .

* 2 Décret n° 81-211 du 3 mars 1981 portant publication de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République Argentine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un Protocole), signée à Buenos Aires le 4 avril 1979.

* 3 Décret n° 2007-1453 du 9 octobre 2007 portant publication de l'avenant à la convention du 4 avril 1979 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signé à Buenos Aires le 15 août 2001.

* 4 En 2017, le stock d'investissements directs français en Argentine était de 3,18 Md€ et celui d'investissements directs argentins en France était de 0,12 Md€.

* 5 La rédaction de l'avenant permet d'appliquer en France le prélèvement prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts sur les plus-values portant sur des titres de sociétés à prépondérance immobilière lorsqu'elles sont réalisées par des personnes physiques ou morales domiciliées à l'étranger.

* 6 Une quarantaine de personnes est concernée annuellement.

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