Étude d'impact au format PDF (147 Koctets)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

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Ministère l'Europe

et des affaires étrangères

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Projet de loi

autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas relatif à la coopération en matière

de défense et au statut de leurs forces sur les territoires caribéens

et sud-américain de la République française

et du Royaume des Pays-Bas

NOR : EAEJ2212467L/Bleue-1

ETUDE D'IMPACT

I. Situation de référence

Les Pays-Bas sont un partenaire précieux de la France, au niveau bilatéral, européen mais aussi international.

La relation entre les Pays-Bas et la France continue de se situer à un haut niveau. Dans le contexte du Brexit notamment, les Pays-Bas se sont montrés ouverts à davantage de coopération avec la France. Cette dynamique, déjà présente depuis quatre ans dans le dialogue bilatéral (accroissement considérable des visites bilatérales, propositions franco-néerlandaises sur des sujets variés), a été consacrée par la déclaration d'intention du 31 août 2021 1 ( * ) endossée à l'occasion de la visite du Premier ministre Rutte à Paris. Cette déclaration pose le principe de consultations gouvernementales bilatérales, du renforcement de notre coordination sur les sujets européens et de l'instauration d'un dialogue entre sociétés civiles sur le modèle de ce que les Néerlandais ont développé avec le Royaume-Uni.

En tant que pays des Antilles, la France et le Royaume des Pays-Bas ont déjà une riche coopération bilatérale 2 ( * ) dans le cadre des entraînements militaires, de la gestion des catastrophes naturelles et de la crise sanitaire liée à la Covid-19. A ce titre, la déclaration d'intention d'août 2021 prévoit d'approfondir la coopération entre nos deux États, en particulier en matière de défense et de lutte contre la grande criminalité et la criminalité organisée, y compris le trafic de stupéfiants. Cette coopération s'appliquera notamment, pour ce qui est des Pays-Bas, à Aruba, Saint Martin et aux Pays Bas Caraïbes (les îles de Bonaire, de Saint Eustache et de Saba). Pour ce qui est de la France, l'accord s'appliquera à ses territoires dans les Caraïbes et en Amérique du Sud 3 ( * ) . Des progrès sur les questions de délimitation de la frontière dans la zone dite de l'étang aux huîtres sur l'île de Saint-Martin, ou de la lutte contre la fraude fiscale sont également attendus courant 2022.

Dans le domaine de la défense, la relation franco-néerlandaise se développe depuis plusieurs années. En témoignent le déploiement néerlandais dans le cadre de la mission Agénor, volet militaire de l'initiative EMASoH 4 ( * ) qui vise à mettre en oeuvre une mission de surveillance et de sécurité maritime dans le détroit d'Ormuz, et l'accroissement des échanges entre nos forces. Ainsi, en novembre 2018, les forces françaises et néerlandaises ont pu procéder à des entraînements conjoints visant à renforcer l'interopérabilité des forces présentes dans la mer des Caraïbes, en plus des échanges d'unité qui ont lieu chaque année dans la même zone.

La visite du chef d'état-major de la Marine nationale (CEMM) en mai 2021 puis celle de la ministre des armées, Mme Florence Parly, en juin 2021 ont également permis d'ouvrir la voie à des coopérations renforcées dans des domaines essentiels comme la lutte anti-sous-marine. Par ailleurs, des perspectives de déploiement conjoints au Sahel se dessinent.. Dans la pratique, cet accord permettra des coopérations opérationnelles entre les forces armées des deux États présents dans la zone, hors du cadre OTAN dans lequel se déroule la plupart des coopérations franco-néerlandaises actuelles.

II. Historique des négociations

Les négociations portant sur un projet d'accord de coopération en matière de défense et au statut de leurs forces sur les territoires caribéens et sud-américain des deux États ont été lancées en 2012, à la suite d'une demande formulée en octobre 2011 par les Néerlandais. Après plusieurs années de travaux et d'échanges, l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas relatif à la coopération en matière de défense et au statut de leurs forces sur les territoires caribéens et sud-américain de la République française et du Royaume des Pays-Bas a été signé le 25 juin 2021 à La Haye par la ministre française des Armées, Florence Parly, et le ministre néerlandais de la Défense, Ank Bijleveld.

III. Objectifs de l'accord

Cet accord de coopération en matière de défense et de statut des forces a été rendu nécessaire eu égard aux exercices se déroulant régulièrement sur les territoires caribéens et sud-américain sans aucun cadre juridique pérenne et de niveau intergouvernemental. En effet, la convention entre les États parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces du 19 juin 1951 (dit « SOFA OTAN ») 5 ( * ) , en vertu de son article 20, ne trouve à s'appliquer qu'aux territoires métropolitains des Etats parties et, à certaines conditions, à ses territoires dans l'Atlantique Nord. L'accord permettra aux forces armées françaises et néerlandaises de bénéficier d'un cadre juridique solide dans le cadre de leurs missions conjointes aux Caraïbes. Il s'appliquera ainsi aux déploiements de personnels, essentiellement pour des entraînements terrestres et des exercices maritimes conjoints. Il rendra par ailleurs inutile l'échange annuel de notes verbales prévoyant l'accès réciproque au territoire des Parties en cas de catastrophe naturelle, lequel avait été mis en place à la suite de l'ouragan Irma en 2017.

IV. Conséquences estimées de la mise en oeuvre de l'accord

Cet accord entraîne des conséquences financières et juridiques.

a. Conséquences financières

Il s'agit, pour l'essentiel, d'encadrer le déploiement de personnels militaires qui se rendent pour de courtes périodes d'entraînements terrestres sur le territoire de l'État de l'autre Partie. Cet accord n'a pas vocation à encadrer des coopérations de longue durée. C'est la raison pour laquelle il n'a pas été prévu de régime pour les personnes à charge ni de dispositions fiscales.

L'accord prévoit, sous le régime de l'admission temporaire, l'importation et la réexportation en exonération totale de droits et taxes des matériels et marchandises destinés à l'usage exclusif des forces présentes sur le territoire de l'autre partie.

Par ailleurs, l'accord prévoit que la Partie d'accueil fournit le soutien logistique à la partie d'envoi à titre onéreux, et que chaque partie prend à sa charge les coûts de participation des membres de son personnel aux activités de coopération, sauf accord contraire sur ce dernier point qui sera formalisé par tout instrument juridique approprié.

En outre, si les actes médicaux et les rapatriements sanitaires sont à la charge de la partie d'envoi, les actes médicaux urgents ainsi que les évacuations d'urgence sont effectués à titre gratuit.

Enfin, pour les modalités de mise à disposition d'installations, biens et services, l'accord renvoie à la conclusion d'instruments appropriés ultérieurs.

Ces clauses sont classiques s'agissant de ce type d'accord.

b. Conséquences juridiques

L'accord définit les principes généraux et les domaines de la coopération en matière de défense et de sécurité, ainsi que le statut des forces armées présentes sur le territoire de la Partie d'accueil. Il définit le cadre juridique de la présence des membres du personnel sur le territoire de l'autre Partie.

• Articulation avec les accords ou conventions internationales existantes

Les stipulations de l'accord sont pleinement compatibles avec les engagements de la France dans le cadre des Nations unies (articles 2 et 51 de la Charte des Nations unies) 6 ( * ) et de l'Organisation du Traité de l'Atlantique nord (OTAN) 7 ( * ) . Le Traité de l'Atlantique Nord n'exclut pas la possibilité pour un État partie à ce traité de conclure des accords avec d'autres Etats, pour autant que ces accords ne soient pas en contradiction avec ce traité (article 8). Enfin, le traité sur l'Union européenne (article 42.7) 8 ( * ) renvoie aux engagements souscrits par les États membres dans le cadre de l'OTAN.

Conformément aux stipulations classiques des accords de coopération dans le domaine de la défense, inspirées des clauses du SOFA OTAN 9 ( * ) , les autorités compétentes de la Partie d'envoi exercent par priorité leur compétence juridictionnelle en cas d'infractions résultant de tout acte ou négligence d'un membre du personnel accompli dans l'exercice de ses fonctions officielles, ainsi que dans les cas où l'infraction porte uniquement atteinte à la sécurité ou aux biens de la partie d'envoi, ou lorsqu'elle porte uniquement atteinte à la personne ou aux biens d'un autre membre du personnel de la Partie d'envoi. Dans tous les autres cas, la Partie d'accueil exerce par priorité sa compétence juridictionnelle. L'État qui a le droit d'exercer par priorité sa compétence peut y renoncer et notifie alors immédiatement cette décision aux autorités compétentes de l'autre État (article 17).

Parallèlement, tout membre du personnel de la Partie d'envoi bénéficie des garanties relatives au droit à un procès équitable au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH) 10 ( * ) et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) 11 ( * ) telles qu'elles sont traditionnellement formulées dans les accords de coopération en matière de défense. On relèvera, de façon non limitative, le droit à être jugé dans un délai raisonnable, à être représenté ou assisté par un avocat, à communiquer avec un représentant du gouvernement de la Partie d'envoi, et lorsque les règles de procédure le permettent, à la présence de ce représentant aux débats, à être informé, avant l'audience, des accusations portées contre lui, à être confronté avec les témoins à charge, à ne pas être poursuivi pour tout acte ou négligence qui ne constitue pas une infraction à la législation de la Partie d'accueil au moment où cet acte ou négligence a été commis. Enfin, l'accord prévoit que les membres du personnel ressortissants des deux États sont protégés contre toute peine contraire aux engagements résultant des conventions internationales auxquelles l'une ou l'autre des Parties est partie (article 17).

• Articulation avec le droit de l'Union européenne

Les stipulations de l'accord sont pleinement compatibles avec les engagements de la France dans le cadre de l'Union européenne. L'accord prévoit, sous le régime de l'admission temporaire 12 ( * ) , l'importation et la réexportation en exonération de droits de douanes et taxes pour les matériels et autres marchandises destinés à l'usage exclusif des forces de la partie d'envoi, sous certaines conditions (article 9). Cet article est conforme au droit de l'Union européenne, et en particulier à l'article 131, paragraphe 1, du règlement relatif à l'établissement du régime communautaire des franchises douanières 13 ( * ) qui prévoit que, jusqu'à l'établissement de dispositions communautaires dans le domaine considéré, les États membres peuvent octroyer des franchises particulières aux forces armées stationnées sur leur territoire en application d'accords internationaux.

En vertu du code de l'entrée et du séjour des étrangers transposant la directive relative aux droits des citoyens européens et de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres 14 ( * ) , tout citoyen de l'UE muni d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité est admis sur le territoire français (article R.121-1), entendu comme incluant les départements d'outre-mer, Saint-Barthélemy et Saint-Martin 15 ( * ) . Tout citoyen européen est également admis à y séjourner pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions prévues par l'article L. 121-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile 16 ( * ) . Ils ne sont pas tenus de détenir un titre de séjour (article L. 121-2). En l'espèce, les membres du personnel français et néerlandais, civils et militaires, n'auront pas à présenter de titre de séjour sur le territoire de l'autre Partie.

• Articulation avec le droit interne

L'entrée en vigueur du protocole ne nécessite aucune modification du droit interne.

V. État des signatures et ratifications

L'accord a été signé à La Haye le 25 juin 2021 par la ministre des armées, Mme Florence Parly pour la France et par le ministre de la défense, M. Ank Bijleveld pour les Pays-Bas.

Il est conclu pour une durée de dix ans renouvelable par tacite reconduction pour de nouvelles périodes de même durée.

Chaque Partie devra notifier à l'autre l'accomplissement des conditions internes nécessaires à l'entrée en vigueur de l'accord. A ce jour, les autorités néerlandaises n'ont pas notifié l'accomplissement de leur procédure nationale requise.


* 1 Déclaration franco-néerlandaise sur les relations entre la France et les Pays Bas, 31 août 2021.

* 2 Accord du 4 janvier 2021 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume des Pays-Bas, pour Saint Martin, relatif à la prolongation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume des Pays-Bas, pour Sint Maarten, sur le statut juridique des personnels militaires et gouvernementaux présents sur leurs territoires respectifs de Sint Maarten/Saint-Martin pour des activités liées à la crise du Covid-19 et à l'aide humanitaire d'urgence en cas d'ouragans signé à La Haye le 4 août 2020 ; Arrangement technique cadre du 2 avril 2019 relatif aux modalités et aux conditions d'activités conjointes entre nos forces armées dans les Antilles et en Guyane française et dans la partie caribéenne du Royaume des Pays-Bas.

* 3 Article 22 du présent accord. Pour la Partie française : la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, la Guyane.

* 4 European-led maritime awareness on the Strait of Hormuz (EMASOH).

* 5 Convention entre les Etats parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces publiée par décret n°52-1170 du 11 octobre 1952 .

* 6 Charte des Nations unies et décret n° 46-35 du 4 janvier 1946 portant publication de la Charte des Nations unies.

* 7 Traité de l'Atlantique Nord et décret n° 49-1271 du 4 septembre 1949 portant publication du traité de l'Atlantique Nord.

* 8 Traité sur l'Union européenne et décret n°94-80 du 18 janvier 1994 portant publication du traité sur l'Union européenne.

* 9 Convention entre les Etats parties au traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces du 19 juin 1951 et décret n°52-1170 du 21 octobre 1952 portant publication de la Convention entre les Etats parties au traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces.

* 10 Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 1952 et Décret n° 74-360 du 3 mai 1974 portant publication de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

* 11 Pacte international relatif aux droits civils et politiques et Décret n° 81-76 du 29 janvier 1981 portant publication du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

* 12 Articles 250 à 253 du Code des douanes communautaires.

* 13 Règlement n° 1186/2009 du 16 novembre 2009 relatif à l'établissement du régime communautaire des franchises douanières.

* 14 Directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative aux droits des citoyens de l'UE et des Etats membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres.

* 15 Le code régit l'entrée et le séjour des étrangers en France métropolitaine, dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin (articles L111-2 et L. 111-3).

* 16 Comme le fait de disposer de ressources financière suffisantes et d'une assurance maladie.

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