EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La révolution numérique a profondément modifié l'organisation du travail dans les entreprises et dans le secteur public : le recours de plus en plus fréquent au travail à distance ou à des formes de travail nomade est une composante essentielle de cette mutation. Aussi, le télétravail est aujourd'hui un enjeu majeur afin de permettre à l'économie française de s'adapter aux nouvelles tendances de la société numérique.

À ce titre, la volonté d'encourager le développement des tiers-lieux sur le territoire via le programme interministériel « Nouveaux lieux, nouveaux liens » va dans le bon sens. En effet, ce programme illustre la prise de conscience des pouvoirs publics de l'importance d'accompagner les agents économiques affectés par ces récentes évolutions.

Toutefois, bien que la France ait vu son nombre de télétravailleurs augmenter ces dernières années à la suite des dernières modifications législatives concernant le télétravail, elle est toujours à la peine au regard de ses voisins européens. Selon l'Observatoire du télétravail du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), le taux de télétravailleurs en France est estimé entre 8 % et 17,7 %. Le taux moyen en matière de télétravail est d'environ 20 % voire 30 à 35 % dans les pays du nord de l'Europe. En France, le recours au télétravail reste donc encore trop peu utilisé.

Or l'enjeu est de taille : 28,8 millions d'actifs employés parcourent en moyenne 26 km pour se rendre sur leur lieu de travail et en repartir, y consacrant chaque jour environ une heure. Ainsi, chaque année, pour que l'économie française puisse fonctionner, les travailleurs doivent effectuer plus de 6 milliards d'heures de déplacements (soit plus de 4 millions d'équivalents temps plein).

Rappelons d'ailleurs aussi que le télétravail constitue une opportunité pour redynamiser l'attractivité de tous nos territoires : ruralités, villes moyennes, espaces périurbains. Encourager son développement s'inscrit donc dans une dynamique de connexion du territoire puisque le télétravail favorise la décentralisation de certaines activités sur l'ensemble du pays. Il est donc un enjeu majeur pour revitaliser des territoires qui souffrent d'un sentiment d'abandon. Cela suppose, bien évidemment, une politique volontariste de déploiement du haut débit, comme cela est par exemple le cas grâce à l'action du Conseil départemental depuis 2015 dans l'Oise, premier territoire rural entièrement fibré qui achèvera son programme fin 2019.

Aussi, la présente proposition de loi vise à donner les moyens au télétravail d'exister efficacement dans les entreprises françaises et au sein de l'administration.

« Favoriser le recours au télétravail » était déjà l'un des buts de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 confirmé par la loi de ratification n° 2018-217 du 29 mars 2018 qui ont permis d'assouplir les conditions de mise en oeuvre du télétravail. La réussite reposait sur deux évolutions : simplification et sécurisation. Le premier objectif est largement atteint car les règles juridiques concernant le télétravail ont été simplifiées puisqu'il suffit d'un simple accord entre l'employeur et le salarié pour autoriser le télétravail. La sécurisation est moins certaine. Or elle est essentielle pour que le développement du télétravail puisse profiter au plus grand nombre. Le télétravail fait actuellement l'objet d'un contrat collectif ou individuel indiquant les modalités détaillées et il repose sur un double volontariat : volontariat de l'entreprise, volontariat du salarié. Mais quelles que soient la précision et la qualité du contrat de télétravail, conjuguer lien de subordination (le télétravailleur reste évidemment un salarié) et autonomie du télétravailleur à domicile n'est pas facile. Seule la confiance réciproque permet de gérer les ambiguïtés et contradictions d'un contrat qui n'est jamais assez complet pour donner une solution purement juridique aux problèmes soulevés par le travail à domicile, et force est de constater que cette confiance n'est pas généralisée dans notre pays. C'est l'une des raisons principales pour lesquelles le télétravail est encore trop peu développé.

Ainsi, deux axes peuvent être identifiés afin d'accélérer la transition des territoires et favoriser le développement du télétravail.

Le premier entend réduire les freins culturels qui empêchent un recours plus généralisé au télétravail. Pour lutter contre l'un de ces freins majeurs, la défiance, il convient d'adapter l'environnement culturel et d'éduquer tant les salariés que les employeurs aux nouvelles pratiques impliquées par le télétravail. L' article 1 er renforce le lien de confiance entre employé et employeur. Pour ce faire, il impose le suivi et la mesure du temps de travail, un accord sur la protection des données et conditionne le recours au télétravail à une période minimum de 3 mois de présence dans les locaux de l'employeur.

Enfin, le dernier axe vise à favoriser l'évolution de l'espace et du lieu de travail pour les adapter aux contraintes des télétravailleurs. L'un des risques du télétravail est la diminution des liens avec l'entreprise et le développement de l'isolement puisque le télétravail est effectué majoritairement à domicile. Aussi, l' article 1 er précise le statut légal du domicile du télétravailleur pour en faciliter l'usage dans le cadre du télétravail. La croissance du taux de télétravailleurs contribue au développement des espaces dédiés au télétravail, qui se multiplient à ce jour. L'effort du Gouvernement pour soutenir le développement des tiers-lieux va dans le bon sens mais ne peut se faire sans un recours plus important au télétravail. Dans son article 2 , la présente proposition de loi complète le code du travail en permettant aux salariés de recourir au télétravail lorsque leur entreprise se situe dans une zone à forte densité de trafic routier ou lorsqu'ils ne disposent pas de solution adaptée de transport en commun.

Dans un contexte de désindustrialisation et de métropolisation, le télétravail est une véritable opportunité pour les territoires ruraux afin qu'ils conservent des activités et leurs habitants, synonymes de survie. Tel est l'objectif premier du présent texte.

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