EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le code de l'urbanisme a évolué au cours des dernières années pour protéger l'artificialisation des sols et les zones agricoles, la conséquence réelle est aujourd'hui d'interdire les constructions sur les territoires ruraux et condamne ces derniers à disparaitre. La problématique aujourd'hui est de favoriser un retour à la campagne, cela passe par :

- Réhabiliter l'ancien ;

- Faciliter les réaffectations du patrimoine bâti ;

- Autoriser les constructions nouvelles, sans exiger un chiffrage toujours réducteur.

Depuis maintenant plus de dix ans, les maires des territoires ruraux font remonter régulièrement leur mécontentement face aux dispositions du code l'urbanisme qui, à raison, a fortement règlementé l'urbanisation galopante des périphéries urbaines. Si la législation a été bien adaptée à l'urbain et au périurbain, les territoires ruraux, voire ultra ruraux, sont aujourd'hui fortement pénalisés par cette législation.

Le code de l'urbanisme dans sa rédaction actuelle, impose aux collectivités de fixer des objectifs en fonction de l'évolution de la démographie d'un territoire sur les années précédentes. Si cela parait tout à fait cohérent pour un territoire en évolution permanente, c'est en revanche beaucoup moins adapté pour un territoire très rural. En effet, une commune dont la démographie évolue peu, se verra attribuer peu ou pas de permis de construire. C'est donc un cercle vicieux pour ces territoires qui se voient doublement pénalisés, une baisse de population, doublé d'une impossibilité de rendre leur territoire plus attractif en construisant ou en rénovant.

Ce constat est d'autant plus difficile à supporter quand on connait l'engouement justifié des citadins pour la campagne du fait de la crise sanitaire actuelle. Les communes ultra rurales ne peuvent pas répondre à cette demande.

Les zones de revitalisation rurales, un outil adapteì pour prendre en compte les difficultés de la ruralitéì en matière d'urbanisme

Cette proposition de loi a pour objectif de modifier le code de l'urbanisme afin de l'adapter à ces territoires ruraux en perte de densité démographique et pris dans ce cercle vicieux qui ne leur permet pas de revitaliser leur territoire par le biais de l'urbanisme.

Pour ce faire, il apparait important de donner des critères spécifiques à ces territoires en perte de vitesse, afin de délimiter dans la loi, ces territoires et restreindre à eux seuls ces dispositions particulières. Par mesure de cohérence, les Zones de Revitalisation Rurales (ZRR), qui existent déjà dans la loi, nous sont apparus les plus cohérentes.

À ce jour, le code de l'urbanisme ne fait pas écho de la volonté clairement affichée par le législateur de prendre en compte les difficultés propres aux ZRR. En effet, selon l'article 61 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire : « Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A du code général des impôts, l'État et les collectivités territoriales mettent en oeuvre des dispositions visant notamment à :

- développer les activités économiques,

- assurer un niveau de service de qualité et de proximité,

- améliorer la qualité de l'habitat et l'offre de logement, notamment locatif,

- lutter contre la déprise agricole et forestière et maintenir des paysages ouverts,

- assurer le désenclavement des territoires,

- développer la vie culturelle, familiale et associative,

- valoriser le patrimoine rural,

et d'une façon plus générale à assurer aux habitants de ces zones des conditions de vie équivalentes à celles ayant cours sur les autres parties du territoire . »

Un tel programme semble difficilement réalisable sans un levier au niveau du droit de l'urbanisme. Or, à aucun moment le code de l'urbanisme ne mentionne les zones de revitalisation rurales. Cette proposition de loi vise à corriger cette situation, permettant ainsi de concrétiser une volonté affichée du législateur qui, appliquée au droit de l'urbanisme, reste un simple voeu pieux.

Cette loi permettrait également de respecter la mesure 155 de l'Agenda Rural, « Renforcer la connaissance des collectivités en déprise démographique sur les possibilités existantes en matière de dérogation aux droits aÌ construire prévue dans les documents d'urbanisme. Les préfets seront mobilisés afin de mieux faire connaitre ces dispositifs aux collectivités ainsi que la prise en compte des enjeux de la lutte contre l'artificialisation des sols et de réhabilitation de l'habitat existant. »

Encourager le maintien et le développement des activités agricoles

Lorsque nous abordons le sujet de l'urbanisme en milieu rural, l'activité agricole est un sujet qui en fait partie intégrante, c'est pourquoi cette proposition de loi aborde l'activité agricole et le bâti au sein des exploitations.

Aborder la problématique de l'urbanisation en milieu rurale, c'est toucher au sujet sensible qu'est l'activité agricole. Nous entendons de plus en plus d'actualités faisant état de mésententes ou même de batailles judiciaires entre agriculteurs, accusés de tous les maux du fait de leur activité agricole, et néo ruraux. Cette proposition de loi entend sanctuariser l'activité agricole, en indiquant dans la loi que les troubles inhérents à l'activité agricole ne sont pas considérés comme des dommages auprès du voisinage, si ces troubles étaient présents avant l'installation de ce dit voisinage.

Les agriculteurs ne représentent plus que 1,5% de l'emploi total du pays, et on compte environ 400.000 agriculteurs exploitants 1 ( * ) . Ces chiffres sont importants à souligner pour montrer la faible proportion des agriculteurs exploitants dans la population globale et donc les conséquences très limitées des dispositions de cette proposition de loi.

Aujourd'hui, il arrive qu'un agriculteur-exploitant souhaite transmettre son activité à un de ses enfants tout en continuant à vivre sur cette exploitation où il a passé sa vie. La législation est pourtant trop sévère pour permettre ce type de passation et de double installation. En effet, il est bien souvent impossible de pratiquer un changement d'affectation d'un bâtiment agricole ou une simple construction de maison individuelle dans ce genre de situation, pour que deux familles, qui travaillent dans l'exploitation puissent elles même y vivre. Le changement d'affectation est pourtant très souvent le seul moyen pour préserver le patrimoine rural, partie intégrante de nos paysages. Il faut aussi mentionner le cas des associés voulant vivre sur leur exploitation conjointement afin d'assurer un roulement dans les tâches inhérentes à leur exploitation (parfois de nuit), qui ne peuvent pas construire un deuxième logement.

Cette proposition de loi vise à rétablir le droit pour chaque agriculteur à vivre sur son exploitation.

Aujourd'hui, on constate de plus en plus de bâtiments agricoles en ruine sur nos territoires, il est temps d'agir et de permettre la réhabilitation de ce bâti, tout en favorisant la transmission d'exploitation agricoles.

Cette proposition de loi s'articule en trois chapitres et huit articles :

Le chapitre premier de cette proposition de loi vise à faciliter l'habitat dans les zones de revitalisation rurale dans le respect de l'agriculture et de l'environnement.

L'article 1 er vise à inscrire dans le code de l'urbanisme les zones de revitalisation rurale et les objectifs tels que cités dans l'article 61 de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

L'article 2 ajoute un chapitre au sein du titre II du livre Ier du code de l'urbanisme qui vise à créer des dispositions particulières aux zones de revitalisation rurales dans le but de développer l'habitat de ces espaces en perte de densité démographique. Ces dispositions particulières assouplissent les conditions de réfection/changements d'affectation des constructions existantes.

Cet article vise également à donner à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDEPENAF) la possibilité de se prononcer sur les Plan locaux d'urbanisme qui seraient modifiés suite à la publication de cette loi, et qui auraient pour conséquence une réduction des surfaces agricoles.

Enfin cet article vise à protéger l'activité agricole en indiquant qu'il est interdit d'autoriser des constructions incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole.

L'article 3 précise la prise en compte des particularités, décrites dans l'article 2 de cette loi, des zones de revitalisation rurale dans l'établissement des SCoT et l'analyse de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix dernières années.

L'article 4 étend le dispositif PINEL aux ZRR, ou tout autre dispositif favorisant le développement de logement locatif.

Le chapitre II de cette proposition de loi vise à faciliter l'exercice d'activités agricoles.

L'article 5 crée une section dans le code de l'urbanisme à propos de la construction de logements destinés à faciliter l'exercice d'activités agricoles. Cette section propose la possibilité pour les agriculteurs, dans un cadre bien défini, de constructions ou aménagement de constructions existantes nécessaires au logement d'un foyer dont l'un des membres au moins exerce à titre principal une activité sur l'exploitation. Cet article donne la possibilité de fixer par décret la surface maximale du logement (en fonction du nombre de personnes composant le foyer). En résumé, cet article rétablit le droit pour chaque agriculteur à vivre sur son exploitation.

L'article 6 inscrit dans le code civil que les troubles inhérents à l'activité agricole causés sur le voisinage d'une exploitation ne sont pas considérés comme des dommages si cette activité était déjà exercée à la date à laquelle la personne a acquis son titre à occuper son logement. Il prévoit aussi que ne sont pas des troubles inhérents un changement d'exercice n'excédant pas les troubles de l'activité précédente.

Le chapitre III porte diverses dispositions.

L'article 7 vise à instaurer la présence d'au moins un élu issu d'une ZRR au sein de la CDEPENAF.

L'article 8 a pour objectif d'équilibrer les recettes de l'État que cette proposition de loi pourrait éventuellement modifier.


* 1 Note "Focus" de l'Insee portant sur l'année 2019

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