EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Près de 340.000 enfants font aujourd'hui l'objet d'une mesure de protection au titre de l'Aide sociale à l'enfance.

Les lois de décentralisation de 1982 et 1983 ont placé les services de l'Aide sociale à l'enfance sous l'autorité et la responsabilité du Président du Conseil départemental, désormais responsables de la protection des mineurs en danger ou en risque de danger.

La protection de l'enfance vise ainsi à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l'enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation.

Ces enfants, qui représentent 2 % des mineurs sur l'ensemble du territoire français, ont souvent des parcours de vie chaotiques qui nécessitent l'intervention de la puissance publique, leur permettant ainsi de se reconstruire et devenir des futurs citoyens à part entière.

Toutefois, si des départements mènent une politique volontariste, innovante et protectrice des enfants, des disparités importantes persistent dans la prise en charge des enfants en fonction du territoire concerné.

Ces disparités sont multifactorielles : elles sont la conséquence de manque de moyens, de choix politiques et budgétaires délibérés ou de réalités sociales complexes.

Le constat est sans appel : 70 % des jeunes placés sortent du dispositif sans diplôme et 25 % des personnes sans domicile fixe de moins de 25 ans ont eu un parcours à l'Aide sociale à l'enfance.

Ces inégalités ne sont pas acceptables dans un État de droit et entrent en contradiction avec les engagements internationaux de la France.

Ainsi, la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), adoptée à l'unanimité par l'Assemblée générale des Nations unies en 1989, met en avant un certain nombre principes fondamentaux concernant les enfants dont la non-discrimination et l'intérêt supérieur de l'enfant.

Les évolutions législatives récentes ont permis de renforcer et d'améliorer le système de protection de l'enfance en consacrant des avancées réelles en faveur de ce public fragile.

La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance a permis de renforcer la prévention, améliorer le dispositif d'alerte et de signalement et diversifier les modes d'intervention auprès des enfants et de leur famille.

La loi du 14 mars 2016 a apporté une nouvelle définition du sens donné à la protection de l'enfant en plaçant ce dernier au centre de l'intervention. Ses dispositions ont permis de renforcer la prise en compte de l'enfant et de ses besoins dans un parcours de protection et vont dans le sens d'une meilleure cohérence en ce qui concerne les dispositifs, les pratiques et l'articulation institutionnelle.

Enfin, face aux dérives constatées du système de protection de l'enfance, le projet de loi relatif à la protection des enfants apporte des réponses concrètes en matière de modernisation du métier des assistants familiaux, gouvernance nationale de la protection de l'enfance, mesures sur les mineurs non-accompagnés (MNA), normes d'encadrement des foyers...

En dépit de ces avancées salutaires, de nombreux dysfonctionnements persistent et continueront d'exister, tout comme les traitements inégalitaires que subissent les enfants sous protection.

Lors de son allocution devant les Maires de France le 18 novembre 2021, le Président de la République questionnait, à juste titre que nous ne votions pas, dans notre pays, « pour avoir 100 politiques sociales (...), parce que personne ne veut que des règles soient différentes quand il s'agit du handicap ou de l'aide sociale à l'enfance, entre un département et un autre ».

Ce constat alarmant est également fait par le président de la mission d'information sur l'Aide sociale à l'enfance à l'Assemblée nationale, qui indique que « l'aide sociale à l'enfance est aujourd'hui une politique décentralisée au niveau des départements et il existe autant de politiques de l'aide sociale à l'enfance qu'il existe de départements. Cette pluralité entraîne inévitablement des inégalités inacceptables ».

Il est aujourd'hui indispensable de parvenir à une homogénéisation de la protection de l'enfance sur l'ensemble du territoire afin d'offrir une protection digne à tous les enfants sous protection, quel que soit le territoire dans lequel ils se trouvent.

Ainsi, la présente proposition de loi vise à recentraliser l'aide sociale à l'enfance à titre expérimental et pour une durée de trois ans, tant en matière de financement que d'exercice de la compétence.

Elle prévoit une mise à disposition des services et parties de services chargés de l'aide sociale à l'enfance, une expérimentation étant par nature provisoire.

L' article 1 er de la proposition de loi prévoit d'établir une convention entre l'État et le département, sur la base d'un modèle de convention fixé par décret. Celle-ci devra en déterminer les modalités, s'agissant notamment des services concernés et de l'évaluation préalable des charges de fonctionnement devant être déduites de la compensation financière en faveur de l'État.

L' article 2 fixe les mesures d'adaptation du droit en vigueur concernant l'aide sociale à l'enfance. Il s'agira notamment de remplacer les règlements départementaux d'aide sociale par des projets de service de l'aide sociale définis en application d'un référentiel national établi par décret, afin de garantir une égalité effective des droits en matière d'aide sociale à l'enfance quel que soit le département dans lequel réside le mineur. En conséquence, la tarification sera fixée au niveau national.

Aucune ressource des départements n'étant spécifiquement affectée au financement de l'aide sociale à l'enfance, l' article 3 propose, plutôt que de déduire les charges transférées de ressources fiscales, de les déduire en premier lieu de la dotation globale de fonctionnement, afin de préserver les ressources d'origine fiscale des départements, seul le solde éventuel étant déduit des ressources fiscales. Les modalités de cette compensation seront fixées par une loi de finances, après consultation de la commission consultative sur l'évaluation des charges du comité des finances locales.

Enfin, l' article 4 fixe une clause de revoyure afin de discuter du bilan provisoire de l'expérimentation un an avant son expiration.

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