EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Près d'un demi-siècle après le premier choc pétrolier, l'année 2022 marque un tournant énergétique majeur. A une nouvelle crise d'approvisionnement provoquée par la pandémie mondiale, puis par le conflit ukrainien, s'ajoute une prise de conscience planétaire de l'ampleur du dérèglement climatique. En 2022, le monde - et particulièrement l'Europe - a connu un été dramatiquement exceptionnel

En France, cet été est le deuxième plus chaud enregistré par Météo France après 2003. Il a été marqué par 33 jours de canicule, une première depuis 1947. 87 villes françaises ont battu leur record historique de température, certaines dépassant leur précédente marque de plus de 5 degrés. Nice a connu 61 nuits consécutives considérées comme tropicales, c'est-à-dire où la température ne descend jamais sous les 20°C.

La période estivale a également été la plus sèche depuis 1958, touchant tous les territoires métropolitains. Au mois de juillet, la France a connu des précipitations inférieures de 85 % aux moyennes saisonnières. 95 départements ont appliqué de mesures de restriction d'eau pour les consommateurs et au moins 100 communes ont été totalement privées d'eau potable et ont dû être ravitaillées par camion-citerne.

Conséquences dramatiques de cette sécheresse, à la fin du mois d'août, plus de 62 000 hectares de forêts françaises avaient brulé, quatre fois plus qu'une année moyenne, 50 % de plus que le record historique de 2019. En Europe ce sont plus de 700 000 hectares qui sont partis en fumée, record historique également.

La mer Méditerranée a également connu un record de température à plus de 30,7 °C, multipliant le risque de tempête cet automne. En Iran, les températures ont atteint le niveau mortel de 53°C, au Pakistan les inondations ont entrainé la mort de plus de 1300 personnes et touché 33 millions d'habitants.

Même si l'on n'en mesure pas encore toute l'ampleur, les conséquences sur la vie humaine, sur nos habitations, nos infrastructures, sur nos récoltes, sur notre production électrique, sur les forêts, sur la biodiversité, etc sont catastrophiques.

Or tous les spécialistes sont formels, demain cet été cataclysmique n'aura rien d'exceptionnel : c'est une porte-ouverte sur notre futur proche. Même si l'on stoppait immédiatement toutes les émissions de gaz à effet de serre dans le monde, d'ici le milieu du siècle, un été sur deux sera aussi étouffant que cet été 2022.

Les Françaises et les Français ont davantage pris conscience de l'ampleur du dérèglement climatique. Enfin la thématique de la sobriété s'impose enfin dans le discours public, jusque dans les mots du président de la République. Les efforts collectifs que nous devons entreprendre sont considérables et ne sauraient être délayés plus longtemps.

Or les épisodes des dernières années, notamment la crise des gilets jaunes ont montré toute la difficulté politique que représente cette démarche de sobriété. Pour favoriser l'acceptation des mesures qui s'imposent à nous, il est essentiel que nos compatriotes les plus aisés, qui sont les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, contribuent en premier chef à l'effort collectif. Rappelons que selon Oxfam, les 63 milliardaires français, par leur consommation ostentatoire et par leur patrimoine financier, émettent 152 millions de tonnes de CO2 chaque année, autant que la moitié de la population française, autant que les émissions de CO2 combinées du Danemark, de la Finlande et de la Suède.

Ceci est de plus en plus difficile à accepter pour nos compatriotes, qui soit par contrainte, soit par devoir citoyen, réalisent de plus en plus d'efforts et de sacrifices.

L'exemple des jets privés est particulièrement symbolique. Qu'il s'agisse des trajets totalement déraisonnables effectués tout l'été par les milliardaires français, où par les joueurs d'une célèbre équipe football, le sujet ne peut plus être pris à la légère et suscite une émotion légitime.

En 2019, selon l'ONG Transport et Environnement, les vols en jets privés étaient responsables de l'émission de plus de 400 000 tonnes de CO2, soit le bilan carbone annuel de près de 100 000 Françaises et Français. Toujours selon cette ONG, un vol en jet privé émet par passager, selon la distance parcourue, 4 à 14 fois plus de CO2 qu'un avion de ligne, 50 fois plus qu'un train à grande vitesse. Depuis 2019, le secteur est en pleine expansion et représente, en 2022, 17 % des vols commerciaux en Europe.

La limitation de l'usage de ces vols est indispensable, tant d'un point de vue des émissions de CO2 dont le ratio quantité/utilité peine à convaincre, que d'un point de vue symbolique.

D'autant que des alternatives bas carbone existent. Ainsi, l'opérateur ferroviaire historique propose des offres adaptées, notamment en matière d'horaire et de sécurité, aux publics privilégiés concernés.

L'article 145 de LOI n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, adoptée l'an dernier prévoit l'interdiction des vols commerciaux du transport aérien public quand existe une solution ferrée de moins de 2h30, sans correspondance, proposant des liaisons quotidiennes régulières.

Cette proposition de loi envisage modestement d'élargir cette disposition à l'intégralité des vols privés. Ainsi, plus aucun jet privé ne pourrait circuler quand existe une alternative ferrée directe de moins de 2h30. Cette mesure, que le groupe Ecologiste, Solidarité et Territoires a déjà défendu, dans son plan sobriété du mois de juillet 2022 est tout à la fois une mesure de bon sens et d'équité.

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