EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'approvisionnement énergétique de notre pays est plus que jamais en question. Il est vrai que l'actualité nous pousse à nous interroger sur ce sujet. Les récentes tensions internationales, faisant suite à l'attaque de l'Ukraine par la Russie, et les conséquences sur l'approvisionnement et le prix du pétrole et du gaz remettent en cause notre schéma d'approvisionnement, pour ne pas dire l'insouciance collective dans laquelle nous nous complaisions. Car, ces récentes tensions géopolitiques ne font que remettre sur le dessus de la pile, ce dossier stratégique trop longtemps délaissé et dont nous devons urgemment nous saisir, quand bien même la guerre en Ukraine se terminerait demain.

La suppression des énergies fossiles en général, et du pétrole en particulier, dans notre mix énergétique est indispensable et ce, à plusieurs titres. C'est tout d'abord un besoin, que nous pouvons qualifier de vital. La diminution de nos émissions de gaz à effet de serre est en effet, aux dires des experts internationaux, indispensable pour que la terre reste un endroit vivable pour l'homme. C'est aussi par ailleurs un de nos propres objectifs pour 2050 du SNBC (Schéma National Bas Carbone). C'est enfin un futur inévitable puisque nous avons passé, aux dires mêmes des compagnies pétrolières, le pic du pétrole conventionnel en 2008. Cela signifie pour simplifier que nous avons déjà consommé ces dernières 70 années, la moitié du pétrole disponible. Et, malgré les découvertes et les améliorations technique dans l'extraction pétrolière, vu la vitesse à laquelle nous le consommons aujourd'hui, le stock mondial exploitable est en déclin. Que nous le voulions ou non, que nous souffrions d'éco-anxiété ou au contraire que nous soyons climatosceptiques, nous allons devoir nous passer du pétrole dans les prochaines années et nous devons l'anticiper.

En France, nous avons bien sûr une filière nucléaire particulièrement développée. Elle est en revanche vieillissante et nécessiterait d'être renouvelée ou remplacée. De plus nous ne devons pas confondre électricité et énergie, et rappeler que, si 75% de notre électricité est nucléaire, cela ne représente que 27% de notre énergie. Se passer des énergies fossiles ne se fera pas sans mal ou sans difficulté.

Le récent rapport de RTE, fruit d'une large concertation d'experts, est limpide. La sécurisation de notre approvisionnement énergétique doit passer par une diversification de notre mix énergétique. Même en diminuant de près de la moitié notre consommation énergétique, ce qui est en soit un défi, le scénario proposant un investissement massif dans l'électronucléaire est accompagné d'une augmentation significative de l'énergie éolienne terrestre. Il faudrait donc au moins 2,5 fois plus d'énergie éolienne terrestre et ce, malgré, et en complément, du développement de l'éolien off-shore. Nous passerons sous silence les autres scénarios plus ambitieux en énergie renouvelable.

Une des questions qui se posent à nous n'est donc pas de savoir si nous sommes pour ou contre l'éolien mais de comment nous devons accompagner cette filière de production d'énergie électrique.

Car, il faudrait être sourd pour ne pas entendre les oppositions qui s'exprime contre l'éolien : nuisances sonores, lumineuses, phénomène de saturation voire d'encerclement, impact sur le foncier ou la biodiversité. Cette énergie bien que renouvelable n'est ni magique ni merveilleuse, et présente, comme toute activité humaine, des impacts sur l'environnement.

Les processus d'évaluation, et surtout les recours judiciaires quasi-systématiques, rendent les projets de plus en plus longs à se concrétiser avec des délais qui atteignent facilement 10 ans. Il convient donc d'impliquer obligatoirement toutes les personnes concernées dans ces projets et adapter la réglementation en fonction de nos retours d'expérience.

En la matière celui de la Somme, 1 er département français en termes d'éolien regroupant à lui seul 1/8 ème du parc national avec ses 1100 éoliennes, peut nous aider à tirer quelques conclusions. Car s'il faut indiscutablement développer l'éolien, cela doit se faire dans le respect des territoires et de leurs habitants.

La validation d'un projet éolien par le conseil municipal n'est aujourd'hui pas requise. Cependant il est bien souvent demandé par le porteur de projet à la commune qui accueille les éoliennes sur son territoire. Cela dit, les éoliennes sont placées, et fort heureusement, au plus loin des habitations de la commune et peuvent finalement être tout aussi près, voire plus, des habitations de la commune voisine. Le recours contre le projet est alors inéluctable. Il convient tout d'abord de donner à tous les habitants réellement concernés, et plus précisément à leurs représentants, les élus aux conseils municipaux, la possibilité de choisir librement s'ils désirent ou non accueillir des éoliennes sur leur lieu de vie. Le lieu de vie dépasse les frontières administratives des communes, toute comme la visibilité et les diverses nuisances des éoliennes d'ailleurs. Si ces dernières dépassent les frontières de la commune hôte, elles ne dépassent pas quelques kilomètres. L'intercommunalité devenue particulièrement grande depuis la loi NOTRe, n'est donc pas des plus pertinentes pour décider de l'installation ou non d'éoliennes sur l'ensemble de son territoire. Avec notamment le récent projet de loi 3DS, plusieurs articles du code de l'urbanisme permettent en théorie aux collectivités qui le désirent de réglementer avec leur PLU l'installation d'éolienne sur leur territoire. Mais, cette procédure est longue et onéreuse. De plus, dans le secteur rural, de nombreuses communes ont transféré la compétence urbanisme à leur EPCI et n'ont de ce fait plus de capacité à décider de leur sort. Il convient de donner le pouvoir de décision des communes réellement concernées. Pour cela, il faudrait et il suffirait d'exiger une simple délibération favorable des conseils municipaux concernées, basée sur une présentation sommaire du projet définissant : la zone d'implantation, le nombre d'éoliennes, la hauteur totale maximale, et la distance minimale aux habitations.

L'implication et la validation au préalables de toutes les communes concernées (définie par une distance et non une simple limite administrative) doit aussi permettre de limiter les recours et donc in-fine faciliter et accélérer les installations.

L' Article 1 propose de rendre obligatoire l'obtention d'une délibération favorable des conseils municipaux concernés par le projet. Sont concernés par le projet toutes les communes dont le territoire est à moins de 6 fois la hauteur totale (en bout de pale) des éoliennes envisagées.

Toujours en considérant que les principales nuisances sont concentrées en proximité immédiate des éoliennes, il semble légitime et nécessaire de changer la répartition des compensations financières associées afin que les territoires les plus concernées bénéficient d'une part plus importante. Si dans un monde idéal, les communes concernées devraient pouvoir s'entendre par délibération concordantes sur la répartition de ces compensations financières pour prendre par exemple en compte la topographie et l'orientation des vents dominants, un tel accord semble dans les faits, difficile à obtenir. Une répartition standard entre toutes les communes concernées semble donc finalement préférable. Le changement de répartition de l'IFER pouvant en théorie entrainer une perte de recettes pour le département devra, afin de se conformer à l'article 40 de la Constitution, être compensé par l'Etat. Ainsi, les départements qui jouent le jeu et participent à la production d'énergie renouvelable du pays verraient leurs dotations augmenter.

L' Article 2 propose donc de passer la répartition de l'IFER entre les communes, l'EPCI et le département de respectivement 20, 50 et 30% à 70, 30 et 0% et instaure une répartition égale entre les communes avec néanmoins un bonus de 10% des recettes à la commune accueillant les éoliennes sur son sol. Les pertes de recettes résultant pour l'État du présent article sont compensées par la création d'une taxe additionnelle sur les transactions financières.

Selon les conditions, les nuisances sonores existent et ce, quelque soient les progrès réalisés par les constructeurs. Les émergences sonores sont officiellement de moins de 5dB. Nous avons malheureusement quelques retours d'expérience où les émergences sont très fluctuantes et donc parfois bien plus fortes. Et, les moyens de la DREAL (Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement) ne sont pas prévus pour contrôler ces installations soumises à l'auto-contrôle de leurs exploitants. Il est à noter que les acousticiens experts de l'AFNOR n'ont pas réussis à se mettre d'accord pour finaliser et officialiser la norme (NFS31-114) devant mesurer et évaluer ces nuisances ayant pour particularité d'être à de basses fréquences.

Par ailleurs, la distance minimale des aérogénérateurs de plus de 50m de haut avec les habitations est aujourd'hui de 500m et n'a pas augmenté alors que les éoliennes sont de plus en plus grandes. La taille de ces machines a en effet quasiment doublé en 15 ans.

Afin de répondre à cette double problématique (bruit et évolution de la taille des aérogénérateurs), et au lieu de fixer une distance fixe tel que c'est le cas actuellement, il apparait plus pertinent de définir un éloignement minimal proportionnel à la hauteur de l'éolienne. Ceci dit, la hauteur maximale des éoliennes ne doit pas être réduite au détriment de la garde au sol. Une mortalité importante de chiroptère et d'oiseaux est constatée au pied des éoliennes présentant une garde au sol de moins de 30m.

Ainsi l' Article 3 propose que la distance minimale d'éloignement des éoliennes vis-à-vis des habitations soit de 3 fois la hauteur totale des éoliennes (en bout de pale) et instaure une garde au sol minimale de passage de pale à 30m.

Au-delà de ces problématiques et nuisances liées à la proximité immédiate des éoliennes, d'autres nuisances naissent davantage de l'effet cumulé des différents parcs : phénomène d'encerclement ou de saturation visuelle et pollution lumineuse nocturne.

Certaines zones cumulent plus de 120 éoliennes dans un rayon de 10 km créant une « respiration paysagère » très faible et des angles de vue sans éolien inférieur à 90°. Cela crée un phénomène de saturation et un légitime sentiment d'encerclement.

L' Article 4 instaure pour chaque localité un angle continu minimal de 90° sans éolienne situées à moins de 10km afin d'éviter les phénomènes d'encerclement.

Le balisage lumineux cumulé est aussi particulièrement dérangeant notamment la nuit. Fin 2021, une expérimentation a été initiée pour au moins diminuer le balisage lumineux vers le sol et ne le laisser que celui vers le ciel. Une autre expérimentation a été lancée sur le site des Sources de la Loire en Ardèche pour étudier les possibilités de déclencher les feux de balisage nocturnes uniquement au passage des aéronefs. Le parlement n'a à ce jour pas reçu les résultats de ces expérimentations.

L' Article 5 impose au gouvernement de produire un rapport exhaustif sur ces expérimentations réalisés afin de limiter le balisage lumineux le plus possible et le plus rapidement possible.

Enfin sur le plus long terme et bien que tous les projets de parc éolien aient l'obligation légale de déposer à la Caisse des Dépôts et Consignations une somme proportionnelle à la puissance des machines pour permettre leur démantèlement complet, certains démantèlements auraient engendré des coûts bien plus importants que les sommes prévues. Si la filière de l'éolien justifie ces dépenses en évoquant des situations particulières, il conviendrait de tirer profit des prochaines opérations de repowering pour exiger des données comptables complètes et permettre si besoin de réévaluer le montant consignés et ainsi éviter que les parcs éoliens d'aujourd'hui ne soient pas nos friches de demain. Cela est d'autant plus d'actualité dans un contexte inflationniste.

L' Article 6 propose la création d'une commission indépendante présidée par un membre de la Cour des comptes qui serait appelée à se prononcer sur le caractère approprié des garanties financières chaque fois qu'elles doivent être constituées ou renouvelées.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi.

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