EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Pourquoi se donner tant de mal pour réduire les pouvoirs du Parlement ? » 1 ( * ) C'est avec cette interrogation que notre collègue Jean-Pierre Sueur interpellait les députés de la majorité présidentielle le 4 février 2020 lors de la commission mixte paritaire sur la modification de la loi organique n°2010-837.

La loi « nouveau pacte ferroviaire » de 2018 a modifié l'intégralité de l'édifice SNCF en transformant les EPIC en Sociétés anonymes à capitaux publics. Mais alors que le gouvernement souhaitait que seul le directeur général de la société « mère » SNCF soit nommé par le Président de la République et donc soumis à la procédure définie par la loi organique n°2010-837, le Sénat a unanimement exprimé, à l'initiative de Didier MANDELLI et de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable 2 ( * ) , que la nomination du PDG de SNCF Réseau soit toujours soumise à audition et confirmation du Parlement, et non seulement celle du directeur général de la SNCF.

La suppression de la procédure pour la direction de SNCF Réseau a été opérée selon des motifs contradictoires : d'un côté la nouvelle organisation prévoit que le gestionnaire d'infrastructures ferroviaires soit complètement indépendant (incitant donc à avoir un contrôle parlementaire), alors même que l'entreprise reste intégrée au groupe SNCF, donc avec un lien hiérarchique.

Mais surtout, alors que les Français n'ont jamais autant pris le train, que le Président de la République fait un tête-à-queue en relançant des lignes à grande vitesse sans moyens financiers supplémentaires, que l'état général du réseau se dégrade, que le contrat de performance signé en catimini en avril 2022 ne permet en aucun cas de changer de trajectoire et d'affirmer une véritable ambition ferroviaire 3 ( * ) ; alors que la Conseil d'orientation des infrastructures alerte sur le « mur d'investissement » qui se dresse pour faire face aux urgences écologique et d'aménagement du territoire, que les financements dévolus au gestionnaire de Réseau restent stables malgré le retour de l'inflation diminuant de fait les liquidités disponibles ; alors que le gouvernement vient de débarquer le PDG de SNCF Réseau en ce qu'il n'était pas à même de répondre à l'ensemble des injonctions contradictoires qui lui étaient assénées... Dès lors comment accepter que le nouveau PDG ne soit pas auditionné et confirmé par le Parlement ?

La présente proposition de loi s'inscrit donc dans la parfaite continuité des votes et expressions du Sénat en 2019, tout comme de la proposition de loi des députés socialistes du 10 avril 2014, portant sur le même sujet, qui précisait dans son exposé des motifs qu' « il est impératif que les processus de nomination des dirigeants du futur groupe public ferroviaire continuent de se dérouler sous le regard des parlementaires. Nul ne comprendrait ni n'admettrait que la réforme soit l'occasion de soustraire ces personnalités à un contrôle qui constitue une avancée unanimement reconnue de la démocratie » 4 ( * ) .


* 1 Rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, 4 février 2020.

* 2 Amendement de Didier MANDELLI au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

* 3 Voir la proposition de loi visant à développer le transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises en libérant SNCF Réseau de son carcan réglementaire et budgétaire afin de répondre à l'urgence écologique d'Olivier JACQUIN et plusieurs de ses collègues, 27 juillet 2022.

* 4 Proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF présentée par Jean-Paul CHANTEGUET et plusieurs de ses collègues, 10 avril 2014.

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