EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Face à l'explosion des taxes et redevances d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM et REOM), principale source de financement des services locaux de collecte et de traitement des déchets et à la charge des administrés, l'objectif de la présente proposition de loi est d'instaurer un gel temporaire de l'augmentation du taux de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) qui pèse sur les collectivités locales, en le maintenant à son niveau de 2022.

En effet, la TGAP instituée par la loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999 est entrée en vigueur le 1er janvier 2000 pour appliquer le principe pollueur-payeur. Elle contribue au respect de la « hiérarchie des déchets » en renchérissant le coût de l'élimination qui constitue le mode de gestion des déchets le moins efficace d'un point de vue environnemental, en favorisant la prévention, la réutilisation, le recyclage et la valorisation des déchets.

Cette taxe, dont le principe est défendable et qu'il ne s'agit pas de remettre en cause, vise à inciter les acteurs économiques à investir dans des secteurs d'activité comme le recyclage des déchets, qui sont amenés à prendre une importance croissante compte tenu des pressions de plus en plus fortes qui s'exercent sur les matières premières. Elle est due par les exploitants d'installations de traitement de déchets et finalement assumées par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en charge de la compétence.

Dans un objectif global de lutte contre le gâchis de ressources et de réduction du volume de déchets non recyclés, la Feuille de route pour l'économie circulaire publiée en avril 2018 a proposé une réforme de la TGAP, dans la continuité des objectifs fixés par la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte. Une augmentation progressive et pluriannuelle du taux de la TGAP portant sur les déchets a ainsi été actée par la loi n°2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 afin de créer un effet incitatif pour les collectivités locales en les poussant à trouver des moyens de réduire les déchets non recyclés au travers de ce signal-prix.

Ainsi, les collectivités territoriales sur lesquelles pèsent principalement cette réforme ont dû faire face à un surcoût de TGAP estimé à 104 millions d'euros en 2021. À terme en 2025, l'augmentation de TGAP représentera un surcoût total estimé à 851 millions d'euros.

Depuis, un certain nombre de collectivités ont progressé en matière de recyclage des déchets. Des mesures sont en cours de mise en oeuvre avec, par exemple, l'extension des consignes de tri.

Bien que la volonté d'instaurer un signal-prix sur l'élimination des déchets pour favoriser le recyclage soit positive, force est de constater que la réforme de la trajectoire de la TGAP pose également un certain nombre de difficultés aux collectivités territoriales. Elle semble passer à côté de son objet en entraînant simplement une hausse des taxes payées par les collectivités locales pour la gestion des déchets (qui représentent 25 % du coût du service public). Cette hausse devait être compensée par les mesures de la Feuille de route pour l'économie circulaire traduites dans la loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Le texte prévoyait de nouvelles filières de recyclage ou le renforcement des filières existantes parmi les mesures de compensation mais à ce jour les décrets d'application se font toujours attendre. En conséquence, les collectivités locales doivent assumer une hausse fiscale sans les mesures leur permettant d'agir sur une partie du gisement de déchets car la mise en place d'une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) réduite à 5,5 % pour les activités de prévention, recyclage et tri à la source des biodéchets ne constitue pas un niveau de compensation apparaissant comme suffisant eu égard au surcroît de fiscalité.

Par ailleurs, les collectivités locales ne disposent d'aucune prise pour réduire une partie du gisement de déchets. La hausse uniforme du taux de TGAP a ainsi l'inconvénient de frapper indistinctement les déchets qui pourraient être mieux triés grâce aÌ l'intervention des collectivités territoriales et les déchets non recyclables du fait des choix techniques des entreprises sur les volumes desquels les collectivités ne disposent d'aucun moyen d'action, comme le relève la Cour des comptes dans son rapport public thématique Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser de septembre 2022.

La crise de la Covid-19 couplée au renouvellement des conseils municipaux a entrainé des retards dans le déploiement des politiques de diminution des volumes d'ordures ménagères résiduelles non recyclées. Par ailleurs, le retard pris dans la mise en place de filière à responsabilité élargie des producteurs pour le bâtiment et les travaux publics (qui représente de très loin le premier flux de déchets) est un facteur d'incertitude et d'inquiétude pour nombre de collectivités locales car il est en effet très compliqueì d'accueillir ces grands volumes de déchets.

Avec cette combinaison de facteurs, la baisse des volumes d'ordures ménagères résiduelles non recyclées n'a pas pu se faire dans la temporalité qui pouvait être imaginée au moment où a été actée l'augmentation de la TGAP. Il était en effet attendu que la hausse du taux de TGAP provoque une baisse du volume d'ordures ménagères résiduelles, mais on se retrouve aujourd'hui dans une situation où les volumes de déchets non recyclés restent élevés, tout en étant frappés de plein fouet par une TGAP avec un taux très élevé.

À cette hausse de la TGAP qui représente un coût élevé pour les collectivités, s'ajoute une situation macro-économique difficile de forte inflation, couplée à une explosion des coûts de l'énergie. Pour les déchets ménagers, ce contexte inflationniste se concrétise par un renchérissement des coûts de collecte et de traitement. Cette addition de charges oblige les collectivités à répercuter les coûts sur les usagers en augmentant les TEOM et REOM. Dans beaucoup de territoires, ces hausses de fiscalité ont un effet contreproductif car l'usager, qui fournit des efforts et essaye de bonne foi d'avoir un comportement vertueux en triant ses déchets, a l'impression d'être pénalisé en voyant sa facture augmenter. Beaucoup de nos concitoyens deviennent alors rétifs à ces mesures.

Il convient donc d'accompagner plus fortement les collectivités locales engagées dans cette transition et il parait nécessaire de faire d'urgence une pause dans l'augmentation de la TGAP pour ne pas ajouter de l'inflation à l'inflation et permettre aux acteurs de mieux s'organiser. C'est l'objet de cette proposition de loi qui vise à geler le taux de la TGAP pour l'année 2023 à son niveau de 2022 afin de ne pas aggraver la situation financière des collectivités locales et de leurs administrés.

Le caractère incitatif de la hausse de la tarification pour réduire la quantité d'ordures ménagères collectées ayant été confirmé par plusieurs études, il ne s'agit pas de remettre en cause la trajectoire de hausse pluriannuelle et progressive de la TGAP, mais d'instaurer une temporisation d'un an en raison du contexte économique défavorable et de décaler en conséquence l'objectif final à 2026. Enfin, cette modulation ne porte pas atteinte au financement du plan de soutien de la politique de déchets, son produit n'étant plus affecté à l'Agence de l'environnement et de la maitrise de l'énergie (ADEME) mais au budget général de l'État depuis l'adoption de la loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

La conclusion du rapport public thématique Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser de septembre 2022 de la Cour des Comptes relève d'ailleurs que : « le citoyen ne peut pas être responsabiliseì sur ses déchets uniquement aÌ travers la hausse des prélèvements obligatoires qui concernent ce domaine. Les entreprises, les eìco-organismes, l'État et les collectivités territoriales doivent conjointement lui offrir les moyens de modifier ses habitudes de consommation en vue de réduire le gisement des déchets. » Dans un contexte économique et social marqué par la hausse de l'inflation, cette proposition de loi vise donc à soutenir les collectivités locales organisatrices de la collecte et du traitement des ordures ménagères afin de leur offrir un répit en 2023, sans perdre de vue l'objectif de réduction des déchets.

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