EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Comme l'a tragiquement rappelé l'année 2022, la France subit actuellement une évolution défavorable du risque de feux de forêt, sous l'effet structurel du réchauffement climatique et de l'augmentation du combustible en forêt.

Cette détérioration se manifeste tout d'abord par une intensification du risque incendie sur son territoire : en région méditerranéenne, les surfaces brûlées pourraient ainsi augmenter de 80 % d'ici 2050. Parallèlement, la France fait face une extension géographique du risque, comme l'a montré l'été 2022. L'extension du risque est également temporelle : la période à risque fort devrait tripler, et les feux hivernaux se multiplier. On assiste enfin à un développement d'incendies de végétation ou de terres agricoles, se combinant et renforçant les feux de forêt.

L'efficacité de la stratégie de lutte contre les incendies, qui a fait de la France un modèle partout en Europe et dans le monde, ne suffira malheureusement pas face à ce péril, et en particulier, à l'émergence de feux « hors norme » : la « guerre contre le feu » ne sera gagnée qu'au prix d'un effort impliquant toutes les politiques publiques et faisant une plus large part à la prévention. Tel est le message central du rapport de la mission conjointe de contrôle relative à la prévention et à la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie adopté en août 2022, par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et la commission des affaires économiques du Sénat. Tel est, également, le sens des annonces du président de la République, le 28 octobre dernier, qui s'inscrivent sans équivoque dans la filiation des travaux sénatoriaux.

La présente proposition de loi vise à traduire les recommandations législatives du rapport d'information adopté en août dernier.

Son titre I er porte sur la stratégie nationale et territoriale permettant de renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie.

L'article 1 er prévoit, d'une part, l'élaboration d'une stratégie nationale et interministérielle de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies, et d'autre part, l'intégration de cette stratégie au Programme national de la forêt et du bois (PNFB) lors de sa prochaine révision.

Afin de tenir compte de l'évolution géographique du risque, l'article 2 prévoit la fixation de la liste des territoires réputés particulièrement exposés aux risques d'incendies par voie réglementaire, plutôt que par voie législative.

L'article 3 vise à encourager l'élaboration de plans de protection des forêts contre les incendies, pierre angulaire de la politique de prévention au niveau local, dans les territoires simplement classés à risque d'incendie et prévoit une évaluation récurrente des plans de protection des forêts contre les incendies pour favoriser leur adaptation à l'évolution de l'aléa.

L'article 4 étend la politique de défense des forêts contre les incendies aux surfaces de végétation et aux surfaces agricoles en les incluant dans le périmètre des plans de protection des forêts contre les incendies, ainsi qu'aux mesures de nature à assurer la prévention des incendies que les préfets peuvent édicter au titre du code forestier.

L'article 5 vise à intégrer systématiquement le risque incendie dans les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR), sur tout le territoire, au titre de l'anticipation et de la prévention des risques.

L'article 6 permet la création de délégations à la protection de la forêt, placées auprès du préfet de zone de défense et de sécurité, inspirées par la délégation à la protection de la forêt méditerranéenne (DPFM), garante dans cette région de l'interministérialité de la politique de lutte contre les incendies. Cette disposition permettrait en particulier la création d'une délégation à la protection de la forêt en région Aquitaine.

L'article 7 précise enfin que la recherche appliquée sur la forêt et le bois doit concourir à leur adaptation au changement climatique et à la promotion de pratiques et itinéraires sylvicoles qui augmentent leur résilience.

Le titre II de la présente proposition de loi vise à mieux réguler les interfaces forêt-zones urbaines pour réduire les départs de feux et la vulnérabilité des personnes et des biens.

À cette fin, ce titre comprend plusieurs articles visant à mieux faire appliquer les obligations légales de débroussaillement (OLD), qui constituent une mesure essentielle de prévention contre les incendies, permettant de limiter les départs de feux, d'en diminuer l'intensité, d'en limiter la propagation et de renforcer la défendabilité des habitations.

L'article 8 prévoit ainsi d'intégrer le périmètre des OLD dans les documents d'urbanisme, pour rendre plus visibles et explicites les périmètres concernés et pour mieux informer les particuliers de l'existence de cette obligation au moment de la délivrance des permis de construire.

L'article 9 conditionne la mutation d'un terrain concerné par les OLD au respect de ces OLD sur ce même terrain.

L'article 10 instaure un crédit d'impôt pour la réalisation des OLD. Le bénéfice du crédit d'impôt serait subordonné au respect des obligations et à la réalisation des débroussaillements par des entrepreneurs de travaux forestiers certifiés dans des conditions définies par décret.

L'article 11 prévoit de rendre la franchise obligatoire dans les contrats d'assurance habitation en cas de non-respect des OLD et de doubler son montant maximal, de 5 000 à 10 000 euros.

L'article 12 vise à étendre plus largement la réalisation de plans de prévention des risques incendies de forêt (PPRIf) dans les territoires particulièrement exposés au risque incendie, par l'identification par arrêté d'une liste des communes où la protection contre les incendies rend nécessaire l'adoption d'un tel plan. Cet article prévoit par ailleurs la possibilité de recourir, dans ces territoires, à une procédure de modification simplifiée des PPRIf pour adapter ces plans à l'intensification et à l'extension du risque incendie, pour les PPRIf dont la modification serait engagée avant le 1 er janvier 2025.

L'article 13 prévoit de systématiser l'envoi de « cartes d'aléas », adressées par le préfet aux collectivités territoriales compétentes, dans l'ensemble des territoires exposés au risque incendie et particulièrement exposés au risque incendie, afin de cartographier, à l'échelle des communes concernées, le risque d'incendies de forêt, de surfaces agricoles et de végétation.

L'article 14 vise à accroître la résistance des bâtiments aux incendies de forêt, en prévoyant l'envoi de recommandations techniques, adressées par le préfet aux collectivités territoriales compétentes, dans l'ensemble des territoires exposés au risque incendie et particulièrement exposés au risque incendie. À cette même fin, cet article prévoit la possibilité, pour le règlement du plan local d'urbanisme, dans l'ensemble des territoires exposés au risque incendie et particulièrement exposés au risque incendie, de définir des secteurs dans lesquels il impose aux constructions de respecter des prescriptions techniques permettant d'en réduire la vulnérabilité aux incendies de forêt et de végétation.

Le titre III de la présente proposition de loi vise à dynamiser la gestion forestière et à promouvoir la sylviculture comme outil de protection des forêts contre l'incendie.

L'article 15 entend confier aux commissions régionales de la forêt et du bois le soin d'enrichir les programmes régionaux de la forêt et du bois (PRFB) par des orientations spécifiques au risque incendie (choix des essences, type de gestion...). Il propose de faire apparaître de façon plus cohérente ces orientations dans les documents de gestion durable, au travers des prescriptions des schémas régionaux de gestion sylvicole élaborés par les centres régionaux de la propriété forestière.

L' article 16 vise à abaisser le seuil d'obligation d'élaboration des plans simples de gestion pour la forêt privée à 20 hectares, contre 25 aujourd'hui, afin de faire entrer 500 000 hectares supplémentaire dans une gestion durable et multifonctionnelle, avec à la clé des programmes de coupes et travaux. Il prévoit en outre de donner la possibilité au préfet de région d'abaisser encore ce seuil, selon l'opportunité, après avis de la commission régionale de la forêt et du bois, afin de s'adapter aux caractéristiques de chaque région, et en particulier de l'exposition au risque d'incendie.

Pour tenir compte de cette évolution, l' article 17 propose de hiérarchiser le contenu des documents de gestion durable et de généraliser la télédéclaration pour réduire les délais d'instruction par le Centre national de la propriété forestière. Cette évolution permettra, en outre, d'améliorer les connaissances sur la gestion des forêts.

L'article 18 entend lui aussi dynamiser la gestion par l'amélioration de l'animation des massifs. Il donne le droit au propriétaire forestier de bénéficier de la visite d'un technicien forestier à mi-parcours de l'exécution de son document de gestion durable, afin d'identifier les possibilités de coupes et travaux et de diagnostiquer l'exposition des parcelles au risque d'incendie. Pour les parcelles en dessous des seuils obligatoires d'élaboration de documents de gestion durable, le présent article majore l'aide publique dont peuvent bénéficier les associations syndicales libres de gestion forestière, afin de les aider à renseigner un document de gestion durable facultatif.

L'article 19 prévoit la création d'un réseau de référents défense des forêts contre l'incendie (DFCI) au sein de chaque Centre régional de la propriété forestière (CRPF), autour d'un coordinateur du Centre national de la propriété forestière, afin de mutualiser les retours d'expérience sur l'ensemble du territoire et ainsi constituer une culture commune du feu. Ces référents DFCI sont conçus comme les interlocuteurs privilégiés des services départementaux d'incendie et de secours.

Enfin, l' article 20 pérennise le dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt au-delà de 2025, et prévoit la possibilité de bénéficier du DEFI assurance en ayant souscrit uniquement à une assurance incendie. Il fixe un seuil minimal de 4 hectares d'un seul tenant pour bénéficier du DEFI travaux, afin de constituer des unités de gestion plus cohérentes, et ainsi de dynamiser la gestion forestière pour améliorer la défendabilité des massifs forestiers.

Afin d'accroître la couverture assurantielle contre le risque incendie, il crée un dispositif d'encouragement fiscal (DEFI) « assurance incendie » dont la seule condition serait de souscrire à une assurance incendie, seule l'assurance tempête ou tempête-incendie y donnant aujourd'hui accès.

Il augmente enfin la surface minimale pour bénéficier du DEFI acquisition, en précisant que la surface consolidée doit être de 4 hectares « d'un seul tenant ».

Le titre IV est destiné à améliorer l'aménagement et la valorisation des forêts en appréhendant la DFCI à l'échelle du massif.

Pour mieux adapter la gestion du risque aux réalités territoriales et assurer une meilleure association des élus locaux à la politique de DFCI, l'article 21 inscrit dans la loi la nécessité de décliner les PPFCI départementaux ou interdépartementaux au niveau des massifs, en recherchant notamment les synergies avec les stratégies locales de développement forestier (SLDF).

C'est dans le cadre de cette stratégie collective concertée à l'échelle des massifs que devra s'inscrire la « pédagogie des obligations légales de débroussaillement (OLD) » auprès des principaux intéressés, via l'information, la mise à disposition de conseils personnalisés et la réalisation de contrôles plus réguliers.

C'est aussi dans ce cadre que pourront être identifiées des sources de financement, publiques et privées, pour l'entretien et l'élaboration de pistes DFCI, en associant les régions à cette démarche, afin notamment de faciliter la mobilisation des fonds européens.

L'article 22 vise à instaurer un droit de préemption des parcelles forestières sans document de gestion durable et présentant un enjeu au regard de la défense des forêts contre les incendies, au profit des communes, dès lors que ces parcelles ont été identifiées dans un PPFCI. Il s'agit de favoriser les projets d'exploitation et d'aménagement des forêts par les communes, dans le cadre du régime forestier, afin de limiter le nombre de parcelles non gérées et donc vulnérables au risque incendie.

L'article 23 intègre aux objectifs des stratégies locales de développement forestier (SLDF) - chartes forestières de territoire ou plans de massifs -, la prévention du risque incendie, aujourd'hui absente, afin de faire de la structuration de filières en circuits courts un atout dans la connaissance et la gestion des massifs.

Afin de favoriser les synergies entre voies d'accès à la forêt et pistes DFCI, l'article 24 prévoit l'élaboration d'un cahier des charges commun entre Centre régional de la propriété forestière, unité territoriale de l'ONF et services départementaux d'incendie et de secours. De même, il est prévu que soit établie une cartographie des synergies actuelles et potentielles de la desserte forestière et des voies de défense des forêts contre les incendies au niveau régional, et que les schémas de dessertes fassent l'objet d'un avis consultatif des SDIS.

Le titre V de la présente proposition de loi vise à mobiliser le monde agricole pour renforcer les synergies entre les pratiques agricoles et la prévention des feux de forêt.

L'article 25 prescrit de minorer par défaut le coefficient de l'indemnité compensatrice de défrichement, dans le cas de défrichement de ces surfaces à but agricole ou pastoral ayant pour effet de renforcer la défense des forêts contre les incendies dans le périmètre d'un plan de protection des forêts contre les incendies.

L'article 26 propose de confier explicitement au Fonds stratégique de la forêt et du bois la mission de rechercher les synergies entre sa dimension d'abord économique et la défense des forêts contre les incendies.

L'article 27 demande aux chambres d'agriculture, en lien avec le SDIS, le préfet, les unités territoriales de l'ONF et les Centres régionaux de la propriété forestière, de renforcer la sensibilisation et l'accompagnement des acteurs agricoles pour limiter les départs de feux sur des surfaces non boisées.

L'article 28 précise dans la loi la possibilité pour le préfet de prescrire, en cas de risque incendie très sévère, la réalisation des travaux agricoles et en particulier des moissons la nuit, en concertation avec les organisations professionnelles d'exploitants agricoles, et en indemnisant le cas échéant les agriculteurs pour les coûts induits (hausse de charges, récolte détériorée).

L'article 29 ajoute la possibilité pour le préfet de prescrire, selon les conditions locales, des coupures de combustible sur les terres agricoles aux interfaces avec la forêt.

Le titre VI vise à sensibiliser les populations au risque incendie.

L'article 30 prévoit de s'appuyer sur la filière de responsabilité élargie du producteur (REP) pour financer des actions de communication afin de prévenir l'abandon de mégots, notamment dans les territoires réputés particulièrement exposés aux risques d'incendie et dans les bois et forêts classés à risque d'incendie.

L'article 31 consacre au niveau législatif l'interdiction de fumer dans un bois ou une forêt classé à risque d'incendie ou particulièrement exposé à ce risque pendant la période à risque définie par arrêté du préfet de département.

Le titre VII prévoit d'équiper la lutte incendie à la hauteur du risque.

L'article 32 exonère de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) les carburants utilisés par les véhicules opérationnels et de surveillance des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

L'article 33 exonère de malus écologique tout véhicule affecté aux besoins de la protection civile et des services de lutte contre les incendies.

Pour atteindre d'ici 2027 l'objectif de 250 000 sapeurs-pompiers volontaires, l'article 34 instaure une réduction de cotisations patronales pour les entreprises et administrations en contrepartie de la disponibilité de leurs employés et agents exerçant en tant que sapeurs-pompiers volontaires. En ce sens, elle rétablit une disposition qu'avait adoptée le Sénat lors de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels.

Le titre VIII vise à reboiser les parcelles brûlées et à financer la reconstitution de forêts plus résilientes après l'incendie.

L'article 35 prévoit de conditionner plus strictement les aides publiques à un choix d'essences adaptées aux stations forestières et à leur évolution prévisible en raison du changement climatique, à la diversité des essences et au maintien de zones pare-feu dans les territoires exposés au risque incendie.

Afin d'anticiper au mieux la survenue d'un sinistre pour les sylviculteurs et de diversifier les sources de financement dans les cas où un tel sinistre survient, l'article 36 confie au Centre national de la propriété forestière la mission, en lien avec les syndicats de propriétaires forestiers, de promouvoir l'intérêt de l'assurance contre les risques incendie et tempête.

L'article 37 augmente le plafond de dépôts autorisés sur un Compte d'investissement forestier et d'assurance (CIFA), afin d'inciter les sylviculteurs à la souscription d'une assurance et à la constitution d'une épargne de précaution mobilisable en cas de dégâts sur leur parcelle.

Le titre IX et son article unique, l'article 38 , garantissent enfin la recevabilité financière de cette proposition de loi.

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