EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La politique agricole commune (PAC) européenne prévoit fort opportunément un droit de plantation au sein de l'Union européenne.

Il s'agit d'un contrôle des superficies nouvellement plantées, dans l'objectif de limiter les excédents de production, tels que la filière a pu en connaître durant certaines décennies antérieures. Cette nouvelle réglementation permet également de créer un nouveau contingentement, au niveau régional, pour les appellations.

Afin de garantir la régulation du potentiel de production viticole au sein de l'Union, la réglementation actuelle du droit de plantation des parcelles viticoles a été revue et est entrée en vigueur le 1 er janvier 2016. Lors de la préparation la réforme de la PAC de 2013, la France a ainsi obtenu le maintien du système existant et ce jusqu'en 2030, en acceptant quelques modifications. Cet heureux résultat n'a été acquis in fine que grâce aux parlementaires nationaux, qui se sont efficacement mobilisés en ce sens dans plusieurs États membres, à l'initiative notamment du Sénat français et de sa commission des Affaires européennes, sous la présidence alors de notre collègue Simon SUTOUR.

Le nouveau dispositif permet la délivrance d'autorisations de plantation pour l'ensemble des segments de vins (AOP, IGP et VSIG) et sur tout le territoire.

Ces autorisations sont incessibles et octroyées à titre gratuit pour toutes les plantations soumises à autorisation préalable (plantations nouvelles, replantations, replantations anticipées ou autorisations de droits convertis).

Chaque année, la France rend disponible des autorisations de plantations nouvelles correspondant au maximum à 1 % de la superficie nationale totale plantée en vigne. La délivrance d'autorisations de replantation, de replantation anticipée et issues de la conversion de droits n'est pas contingentée. Ces plantations sont néanmoins soumises à notification.

Le dispositif exempte d'autorisation préalable les plantations destinées à l'expérimentation, à la consommation familiale (et assimilés), les plantations de vignes-mères de greffons et les superficies plantées ayant été perdues en raison d'expropriation pour cause d'utilité publique.

En cas d'excédent de l'offre ou en cas de risque de dépréciation importante d'une indication géographique (AOP ou IGP), le dispositif de régulation peut se traduire par :

• la réduction de la superficie disponible au niveau national pour les plantations nouvelles ;

• la mise en place de contingents de plantations nouvelles à un niveau régional, le cas échéant par segment ou AOP/IGP ;

• la mise en place de restrictions à la replantation ;

• les obligations liées aux droits acquis dans le cadre d'une autorisation « ancien système » de transfert de droit, d'achat de droit à la réserve ou issus d'un arrachage avant le 31 décembre 2015 sur l'exploitation peuvent, sous certaines conditions, s'appliquer aux autorisations « nouveau système » issues de la conversion de ces droits.

En l'état actuel du droit, l'organisation commune du marché (OCM) vitivinicole, cadre général du droit européen déterminant les mécanismes de la PAC applicables à l'exploitation de la vigne dans les pays membres de l'Union européenne, prévoit la fin du système de régulation des droits de plantation dès 2030.

La fin d'un dispositif aussi essentiel à une échéance aussi proche serait fortement dommageable. Elle serait en effet synonyme de baisse des revenus des vignerons, de faillites d'entreprises familiales, de diminution de la qualité des vins. Elle serait d'autant plus préjudiciable que la crise des revenus agricoles touche la plupart des productions affectant un peu plus le renouvellement des générations au sein de la population agricole.

Pour le vignoble européen et surtout pour le vignoble français, l'outil de régulation du potentiel de production doit être impérativement maintenu. La régulation des plantations de vignes est en effet indispensable pour assurer la croissance de l'économie du vin, permettre à nos viticulteurs de développer leur production, assurer le rayonnement des vins français à l'échelle internationale et envisager sereinement l'installation des jeunes viticulteurs.

En avril 2019, une proposition de prorogation jusqu'à l'horizon 2050 a été adoptée à l'occasion de l'examen de la réforme de la politique agricole commune, par la commission Agriculture (AGRI) du Parlement européen. Cette dernière a en effet adopté le rapport du député Éric ANDRIEU concernant la réforme de l'OCM vitivinicole après 2020. Le projet de règlement ainsi amendé prévoit la prolongation du système des autorisations de plantation jusqu'en 2050 afin de créer une prévisibilité à long terme, avec un mécanisme de révision tous les dix ans. Pour ce faire, les articles 61 à 64 du Règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil seraient modifiés.

L'adoption du rapport et des amendements proposés par Éric ANDRIEU constitue certes un signal positif, mais malheureusement insuffisant. Le renouvellement du Parlement européen, intervenu à l'occasion des élections de mai 2019 pourrait en effet avoir fragilisé cette disposition : les nouveaux membres de la commission AGRI reprendront-ils ne varietur , sur ce point essentiel, les travaux de leurs prédécesseurs ? En outre et surtout, les votes à venir en séance plénière du Parlement européen vont-ils garantir la pérennité de la régulation des droits de plantation jusqu'à l'horizon 2050 ?

Notons par ailleurs que le Comité européen des entreprises du vins (CEEV), à savoir la représentation du négoce européen, s'est prononcé a contrario contre l'initiative d'Éric ANDRIEU, soutenue par la commission AGRI sous la précédente législature : « Le CEEV regrette que le système des droits de plantation ait été prolongé jusqu'en 2050, faisant fi de la nécessité du secteur à travailler ensemble à l'amélioration de ce système avant 2030 », indique un communiqué de l'organisation. Cette prise de position met également en évidence la nécessité d'évaluer le système des droits de plantation, auquel la majorité des acteurs s'accorde à donner satisfaction. Il y a donc lieu de pérenniser ce régime juridique, tout en maintenant l'obligation d'évaluation, afin de contribuer aÌ l'améliorer si besoin est.

Le véritable enjeu, au-delà de convaincre les nouveaux députés au Parlement européen et de satisfaire les demandes et les besoins des professionnels de la viticulture, consiste désormais à convaincre les ministres de l'agriculture des États membres de l'Union de l'opportunité de prolonger de vingt années supplémentaires la régulation des droits de plantation.

Lors de la séance de l'Assemblée nationale du 11 juin 2019 consacrée aux questions au Gouvernement, M. Didier GUILLAUME, ministre de l'Agriculture, a indiqué, avoir défendu cette prorogation en Conseil européen des ministres de l'Agriculture. Mais une telle annonce ne garantit nullement le maintien de ce dispositif pourtant indispensable.

En définitive, l'outil de régulation est particulièrement indispensable dans nos régions viticoles méridionales en phase de développement, d'amélioration de la qualité des vins et de structuration commerciale. La fin du dispositif serait synonyme de baisse de revenus des vignerons particulièrement bas dans nos régions méridionales, et notamment dans l'Aude.

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