EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Au nom de l'Office Parlementaire d'Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques, un récent rapport, « Pollution plastique : une bombe à retardement ? », fruit de l'audition de plus de 450 experts, détaille les causes, les conséquences et les solutions de la pollution plastique. Il met notamment en évidence :

- Que tous les plastiques ne contribuent pas à part égales à la pollution et que celle-ci provient à titre principal des fuites de plastiques dans l'environnement sous différentes formes : granulés de polymères vierges, microplastiques intentionnellement ajoutés aux produits cosmétiques et d'entretiens, macrodéchets plastiques abandonnés dans l'environnement, usures des pneumatiques et des vêtements synthétiques, pertes au niveau des systèmes de tri, de collecte et de traitement des déchets notamment lors de l'exportation des déchets aux graves conséquences sociales, environnementales et humaines. Ces fuites de plastiques concernent tous les pays et contribuent à l'apparition d'une pollution qui se disperse sur l'ensemble de la planète à la suite de phénomènes de fragmentation ;

- Que la recherche scientifique se démultiplie et foisonne pour comprendre les conséquences des formes insidieuses et invisibles (micro et nanoplastiques) de la pollution sans pour autant permettre, faute de méthodologie commune et donc de données congruentes, de croiser les résultats afin d'obtenir des conclusions convergentes, indispensables à la levée des doutes et des incertitudes ;

- Que si les politiques nationales mises en oeuvre sont hétérogènes, l'Europe apparaît, dans le concert des nations, comme un leader mondial en matière de mobilisation contre la pollution plastique et que seule une prise en compte universelle et coordonnée permettra de maîtriser et de réduire une pollution globale à l'échelle planétaire qui concerne tout l'écosystème : les eaux, les sols et l'air.

Aussi, une politique globale, cohérente et coordonnée doit voir le jour afin de réduire les effets néfastes des fuites de plastiques dans l'environnement.

Le rôle d'appui de la France dans la structuration d'une telle politique globale apparaît pertinent en raison de ses engagements politiques : la multiplicité des législations récentes1(*), en cohérence avec une stratégie européenne plastique2(*), démontrent qu'une telle initiative française bénéficierait de bases juridiques solides et des preuves tangibles d'une volonté ambitieuse.

À partir de son action nationale et en appui des initiatives qui prennent d'ores et déjà formes au sein de sommets internationaux3(*), la France peut ainsi fédérer une dynamique proactive et convaincante auprès de ses voisins européens, méditerranéens et mondiaux ; en collaboration active avec les pays développés autant qu'en soutien, y compris technologique, des pays en développement, pour l'émergence de pratiques communes, tant scientifiques, qu'industrielles et sociétales.

- À l'échelle nationale, d'abord, en appelant à l'élaboration d'un plan national sur les plastiques visant à réunir et à faciliter les objectifs que la France s'est fixée en matière de réduction, de réemploi, de recyclage et de valorisation des déchets en plastique. Ce plan doit s'appuyer sur un inventaire4(*) des matières plastiques mises sur le marché français et être décliné en mesures concrètes, contraignantes et incitatives. À l'instar de la stratégie nationale carbone adossée à des plans dédiés de réduction des émissions de CO2 dans l'atmosphère, ce plan national sur les plastiques déclinera, globalement et aux différentes échelles pertinentes, les efforts de réduction des fuites des polymères vers l'environnement. La dispersion dans les milieux des particules de plastique est aux eaux et aux sols ce que certaines émissions de CO2 sont à l'atmosphère. Dans un cas, comme dans l'autre, il convient de lutter contre le déstockage puis la dispersion planétaire, sous différentes formes, de CO2 d'origine fossile ;

- à l'échelle européenne, ensuite, en profitant de la dynamique de la nouvelle taxe européenne, assise sur des contributions nationales sur les déchets plastiques, pour initier une réflexion menant à un mécanisme harmonisé de soutien aux prix des résines recyclées face aux prix bas des résines vierges. À l'échelle européenne, encore, en militant pour une accélération de la modification de la liste des restrictions à l'annexe XVII du règlement REACH afin de tenir compte de l'avis de l'Agence Européenne des Produits Chimiques visant à supprimer les microplastiques ajoutés intentionnellement et susceptibles d'être relargués dans l'environnement pendant leur usage. À l'échelle européenne, toujours, en soutenant l'intégration d'un paramètre microplastique dans le processus d'évaluation du bon état écologique de la Directive Cadre sur l'Eau ;

- à l'échelle internationale, enfin, en positionnant la France comme fédératrice des initiatives portées par les pays du bassin méditerranéen, particulièrement touché5(*) par la pollution plastique, et, à plus large échelle, en soutenant la participation active de la France à la création d'un groupe d'experts intergouvernemental sur la pollution plastique, à l'instar du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat (GIEC), chargé notamment d'harmoniser les recherches scientifiques. A l'échelle international, encore, en positionnant la France comme soutien actif aux initiatives défendant l'adoption d'un texte juridiquement contraignant ciblant la lutte contre la pollution plastique et intégrant notamment un volet relatif au contrôle des exportations des déchets plastiques.

Justifiée par l'urgence environnementale et la nécessité de lutter contre les effets néfastes de l'activité humaine sur la Nature, cette résolution a pour ambition de proposer un projet universaliste et fédérateur au service du bien commun et de la protection de notre planète.

* 1 Telle la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire

* 2 Encore renforcée par la directive 2019/904/UE du 5 juin 2019 relative à la réduction de l'incidence sur l'environnement de certains produits en plastique et le « pacte plastique européen » lancé le 6 mars 2020 à Bruxelles.

* 3 Aux côtés de l'initiative de plateforme mondiale contre la pollution plastique de la Commission européenne et du Programme des Nations Unies pour l'environnement ainsi que des déclarations au sein de l'UNEA 5 des 22 et 23 févriers 2021 favorables à l'élaboration d'un traité plastique ; traduction des résolutions précédentes de cette instance relative aux déchets marins et microplastiques d'une part et aux plastiques à usage unique d'autre part.

* 4 Portant sur la qualité, l'évitabilité, la durée de vie, les risques de fuite vers l'environnement et la substituabilité des plastiques.

* 5 La Méditerranée est soumise à une concentration en plastiques équivalente à celle des gyres océaniques.