EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La violence à l'égard des femmes représente en Europe l'une des plus graves violations des droits de la personne fondée sur le genre, et bien que ces dernières années, la parole continue progressivement de se libérer, il demeure encore difficile pour nos sociétés de traverser la chape du silence.

La lutte contre la violence sexiste reste l'une des grandes priorités de la stratégie de l'UE en faveur de l'Egalité hommes-femmes 2020-2025, qui s'inscrit dans la continuité des engagements pris sur le même registre.

L'Union européenne a mis en oeuvre divers moyens pour résoudre ce problème, mais elle ne dispose encore aujourd'hui, d'aucun instrument contraignant consacré spécialement à la protection des femmes contre la violence, et ce malgré les efforts récents du Parlement en la matière.

De fait, la lutte contre les violences faites aux femmes doit entrer dans un nouveau paradigme et dépasser le clivage des frontières. Sur les bases établies par la « Convention d'Istanbul », adoptée et ratifiée par l'immense majorité des États-membres du Conseil de l'Europe et par 21 de ses 27 États membres, l'Union européenne doit se construire un cadre juridique commun en matière de prévention, de protection des victimes, de poursuite des auteurs de violence ainsi que de politiques intégrées.

Il apparait donc, aujourd'hui, nécessaire d'uniformiser et de faire front commun dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Et bien que l'on observe des tendances communes dans les politiques nationales de lutte contre la violence envers les femmes, tous les États membres n'abordent pas le problème de la même facon. La mise en place d'un tel dispositif européen bloque donc au sein de certains des États-membres qui, à l'image de la Pologne, menacent même de se retirer d'accords déjà existants. Par conséquent, le Parlement a également demandé à la Commission d'agir pour dissiper les malentendus que peut provoquer l'utilisation des termes « genre » et « violence fondée sur le genre », qui empêchent des États membres de ratifier certains traités.

La pression doit donc être accentuée face aux États membres réticents quant à l'application de telles mesures. Il faut alors penser à la Hongrie qui encore aujourd'hui, fait partie des nations qui refusent cette notion de « genres » ainsi que les problématiques qui en découlent.

La mise en place d'une harmonisation européenne dans la lutte contre les violences à l'égard des femmes est d'autant plus importante qu'on observe de nombreuses disparités au sein du territoire. Les pays du Nord de l'Europe, le Danemark, la Finlande, la Suède et les Pays Bas, ont les plus mauvaises statistiques en termes de violences faites aux femmes, notamment de violences conjugales, alors même qu'ils ont les meilleurs résultats en termes d'éducation sur l'égalité. À l'inverse, les pays du Sud tels que l'Espagne ou l'Italie font plutôt bonne figure et semblent disposer d'un arsenal juridique renforcé pour lutter contre les violences de genre.

Pourtant, dans la réalité de l'Union européenne, une femme sur cinq est victime de violences physiques ou sexuelles et chaque jour, sept femmes meurent sous les coups de leurs partenaires. De plus, d'après une enquête de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA) menée sur un échantillon de 42 000 femmes issues de l'UE et publiée en 2014, il en résulte qu'une femme sur trois a subi des violences physiques et/ou sexuelles après l'âge de 15 ans, qu'une femme sur dix a été victime de violences sexuelles après l'âge de 15 ans et qu'une femme sur vingt a été violée.

De surcroît, pendant la crise sanitaire, les cas de violences faites aux femmes ont, de manière générale, augmenté sur l'ensemble de l'Europe, mettant en cause des confinements successifs et une promiscuité à risques entre les victimes et leurs tourmenteurs. Ainsi, le Secrétaire général des Nations unies, début avril 2020, attirait déjà l'attention sur le fait que les mesures de confinement étaient effectivement liées à une «horrible flambée mondiale de violence domestique» visant les femmes et les jeunes filles.

C'est donc à la lumière de l'actualité qu'il faut réagir. Ainsi, dans les pays disposant de mesures efficaces dans le cadre de la lutte contre les violences fondées sur le genre, la médiatisation des cas a permis à la voix des victimes de s'élever dans la sphère publique et par conséquent, d'entraîner une réaction en chaîne de la part des autorités. Dès lors, des milieux très enclins et perméables à ce type de criminalité ont pu s'exprimer. Il est alors possible d'évoquer les conséquences aux révélations de l'affaire Epstein ou bien le rôle crucial des réseaux sociaux qui ont libéré la parole des victimes.

Par ailleurs, le Sénat s'est saisi récemment de cette actualité en organisant une conférence dans le cadre des violences faites aux femmes le mardi 14 septembre 2021. Ainsi, de nombreuses femmes, victimes de viols et d'agressions sexuelles au sein d'agences de mannequins dans les années 1980 et 1990, pour la plupart mineures à l'époque des faits, ont pu témoigner en présence de la Sénatrice Annick Billon, Présidente de la délégation au droit des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes au Sénat.

Mais les différents régimes juridiques entre les États membres déséquilibrent d'une certaine manière la lutte contre les violences faites aux femmes. Dans sa globalité, l'Union européenne doit alors considérer et traiter cette forme de criminalité de manière uniforme.

En France, bien que certaines lois telles que la loi du 27 février 2017 ou la loi du 3 août 2018 dite « Schiappa » aient prévu un allongement des délais de prescription, il serait judicieux de procéder à certaines mesures telles qu'une nouvelle modification de ces délais de prescription voire une suppression totale telle qu'elle a été souhaitée par de nombreuses victimes.

Des mesures aussi fortes sont toutefois difficilement envisageables, il serait alors préférable d'envisager des dispositifs juridiques plus ponctuels favorisant le jugement des dérives violentes fondées sur le genre. Dans ce registre, le Child Victims Act (2019) a permis à un certain nombre de victimes ayant subi des abus et des violences sexuels avant leur majorité de lever les délais de prescription afin de pouvoir traduire leurs agresseurs devant les juridictions compétentes. C'est en outre le type de dispositif qui a pu manquer à certains mannequins dans l'affaire Epstein, victimes encore mineures au moment des faits ; et qui par conséquent, n'ont pu se présenter devant la justice qu'en tant que témoins.

Dans la mesure où il apparait comme nécessaire de lutter par tous les moyens possibles contre les violences fondées sur le genre, la présente proposition tend à mettre en place une base juridique commune sur les principes que promeuvent les institutions et les traités de l'Union européenne, elle vise donc à :

1. protéger les femmes contre toutes les formes de violence, et de prévenir, poursuivre et éliminer toutes formes de violence fondées sur le genre ;

2. contribuer à éliminer toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et de promouvoir l'égalité réelle entre les femmes et les hommes ;

3. concevoir un cadre juridique global, des politiques et des mesures de protection et d'assistance pour toutes les victimes de violence à l'égard des femmes sur le territoire de l'Union européenne ;

4. promouvoir la coopération internationale en vue d'éliminer la violence à l'égard des femmes ;

5. soutenir et d'assister les organisations et services répressifs pour coopérer de manière effective afin d'adopter une approche intégrée visant à éliminer la violence à l'égard des femmes.

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