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N° 206

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 janvier 2010

MOTION

tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 170, 2009-2010) ,

PRÉSENTÉE

Par M. Jean-Pierre BEL, Mmes Nicole BORVO COHEN-SEAT, Michèle ANDRÉ, M. Jean-Etienne ANTOINETTE, Mme Éliane ASSASSI, MM. David ASSOULINE, Bertrand AUBAN, Jean-Michel BAYLET, Mme Marie-France BEAUFILS, MM. Claude BÉRIT-DÉBAT, Jacques BERTHOU, Jean BESSON, Mme Maryvonne BLONDIN, M. Yannick BODIN, Mme Nicole BONNEFOY, M. Yannick BOTREL, Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, M. Martial BOURQUIN, Mme Bernadette BOURZAI, M. Michel BOUTANT, Mme Nicole BRICQ, M. Jean-Pierre CAFFET, Mme Claire-Lise CAMPION, M. Jean-Louis CARRÈRE, Mmes Françoise CARTRON, Monique CERISIER-ben GUIGA, MM. Yves CHASTAN, Gérard COLLOMB, Yves DAUDIGNY, Marc DAUNIS, Mmes Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, Christiane DEMONTÈS, M. Claude DOMEIZEL, Mme Josette DURRIEU, MM. Jean-Luc FICHET, Guy FISCHER, François FORTASSIN, Thierry FOUCAUD, Bernard FRIMAT, Jean-Pierre GODEFROY, Mme Brigitte GONTHIER-MAURIN, MM. Claude HAUT, Edmond HERVÉ, Mme Odette HERVIAUX, M. Robert HUE, Mme Annie JARRAUD-VERGNOLLE, M. Claude JEANNEROT, Mmes Bariza KHIARI, Marie-Agnès LABARRE, MM. Serge LAGAUCHE, Jacky LE MENN, Jean-Jacques LOZACH, François MARC, Mme Josiane MATHON-POINAT, MM. Rachel MAZUIR, Jean-Pierre MICHEL, Gérard MIQUEL, Jean-Jacques MIRASSOU, Mme Renée NICOUX, MM. Jean-Marc PASTOR, François PATRIAT, Jean-Claude PEYRONNET, Bernard PIRAS, Roland POVINELLI, Daniel RAOUL, Marcel RAINAUD, François REBSAMEN, Daniel REINER, Mme Patricia SCHILLINGER, MM. Michel SERGENT, Jean-Pierre SUEUR, Mme Odette TERRADE, MM. René TEULADE, Bernard VERA et Richard YUNG,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Avec la réforme territoriale, scindée en quatre projets de loi, le Gouvernement entreprend une profonde réorganisation administrative locale qui soulève des questions fondamentales, constitutionnelles et politiques, que seul le peuple souverain doit trancher.

Le recours au référendum constitue une obligation pour au moins cinq motifs.

Alors que l'article premier de la Constitution prescrit que l'organisation de la France est décentralisée, la politique conduite depuis 2007 à l'égard des collectivités locales se traduit par une recentralisation comme en témoigne la suppression de la taxe professionnelle, le projet de rapprochement des départements et des régions, le rôle renforcé des préfets dans l'organisation territoriale. Cette politique se traduit aussi par une défiance envers les élus locaux, accusés de gabegie et d'inefficacité.

La France avait fait un choix historique en 1981 basé sur la responsabilité locale, l'innovation des territoires, la démocratie de proximité, choix confirmé depuis par plusieurs lois de renforcement de la décentralisation. À l'heure où le pays a besoin de la vitalité de ses collectivités, de l'engagement de leurs élus, ce retour trente ans en arrière doit être soumis aux Français. Ils doivent pouvoir se prononcer directement sur la recentralisation ou sur la poursuite de la décentralisation.

Alors que l'article 72 de la Constitution dispose que les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus, et donc que chaque collectivité doit disposer d'une assemblée délibérante qui lui est propre, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales prévoit la quasi-fusion des conseils généraux et des conseils régionaux avec les mêmes élus gérant les deux niveaux de collectivité. Chaque niveau perdra sa spécificité, impulsion et coordination pour la région, proximité pour le département. L'un deviendra une simple structure d'accompagnement des politiques nationales, l'autre préparera sa suppression programmée. Les Français doivent pouvoir se prononcer directement sur la pérennité des départements et des régions ou sur leur fusion programmée.

Alors que l'article 72 de la Constitution précise que les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon, le projet de loi envisage de supprimer la clause générale de compétence et donc de priver les départements et les régions de la seule solution qui permette d'appliquer des politiques différentes dans des territoires qui ont des problématiques différentes. Les Français doivent pouvoir se prononcer directement pour savoir si les collectivités locales doivent être cantonnées dans des compétences décidées par l'État ou maintenir leur compétence générale afin notamment de répondre aux attentes des usagers des services publics locaux et permettre le développement de leurs territoires.

Alors que l'article premier de la Constitution oblige la loi à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux, les projets de loi procèdent à une régression de la place des femmes au sein des futurs conseils territoriaux compte tenu du recul du scrutin proportionnel. Les Français doivent pouvoir se prononcer directement sur le maintien, ou non, d'un mode de scrutin qui favorise la parité.

Alors que l'élection, c'est-à-dire la désignation d'une femme ou d'un homme par le suffrage des citoyens, constitue un principe constitutionnel fondamental de la République, ces projets instaurent un mode de scrutin dans lequel une partie des conseillers territoriaux élus à la proportionnelle le seront grâce aux suffrages obtenus par les candidats qui n'ont pas été élus au mandat de conseiller territorial mais qui se sont rattachés à une liste. Les Français doivent pouvoir se prononcer directement sur le maintien, ou non, du principe républicain selon lequel un candidat est élu s'il a bénéficié du plus grand nombre de suffrages exprimés sur son nom ou s'il appartient à la liste ayant remporté le plus grand nombre de voix.

La réforme territoriale proposée modifierait donc en profondeur l'organisation des pouvoirs publics. Elle porte une volonté de réduction de la place d'un contre-pouvoir important, les collectivités locales, et de remise en cause des services publics et de l'action publique au niveau décentralisé. Elle entraînerait un bouleversement d'une organisation façonnée par l'histoire et la pratique, où les mots décentralisation, libertés et démocratie locales seraient remplacés par centralisation, négation de la libre administration, recul de la démocratie et des solidarités locales.

Dans ce contexte, il nous paraît indispensable que cette question soit concrétisée par la voie référendaire. Nos concitoyens ne comprendraient pas qu'ils puissent être exclus d'un processus de décision qui concerne aussi intrinsèquement l'organisation de leurs pouvoirs publics, leur vie quotidienne et leur avenir.

En conséquence, les auteurs de la motion demandent la soumission du projet de loi de réforme territoriale au référendum, conformément à l'article 11 de la Constitution qui indique qu'entre dans le champ d'application de cette procédure les projets de loi « portant sur l'organisation des pouvoirs publics ».

MOTION

Article unique

En application de l'article 11 de la Constitution et des articles 67 et suivants du Règlement, le Sénat propose au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 170, 2009-2010).

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