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N° 392

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 juin 1997

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 juillet 1997

PROJET DE LOI

autorisant la ratification de l'accord européen établissant entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République de Lituanie , d'autre part,

PRÉSENTÉ

au nom de M. LIONEL JOSPIN,

Premier ministre,

par M. HUBERT VÉDRINE,

Ministre des Affaires étrangères.

(Renvoyé à la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Traités et conventions.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser la ratification de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République de Lituanie, d'autre part, signé le 12 juin 1995.

Cet accord est fondé sur l'article 238 du traité de Rome et sur l'article 98 du traité CECA. Il comporte des dispositions de compétence nationale et doit donc être ratifié par les quinze États membres de l'Union européenne.

L'article 132 précise que la date d'entrée en vigueur sera le premier jour du deuxième mois suivant la date à laquelle les Parties contractantes se notifient l'accomplissement des procédures d'approbation.

I. - Historique de l'accord

Lors du Conseil européen de Copenhague (juin 1993), les chefs d'État et de Gouvernement des Douze ont reconnu la vocation des États baltes à entrer dans l'Union. Les conclusions de ce Conseil prévoyaient en effet : « Afin de renforcer les liens en matière d'échanges et de commerce entre les trois États baltes et la Communauté, le Conseil européen a invité la commission à présenter des propositions visant à transformer les accords commerciaux existants en accords de libre-échange. L'objectif de la Communauté reste de conclure des accords européens avec les pays baltes dès que les conditions auront été réunies. »

Le mandat de négociation pour des accords de libre-échange avec les trois États baltes a été adopté le 7 février 1994. Les accords ont été signés le 18 juillet 1994 et sont entrés en vigueur le 1 er janvier 1995. Lors de l'adoption du mandat, le Conseil et la commission avaient adopté une déclaration, proposée par la France, qui indiquait notamment que la création de zones de libre-échange entre l'Union et ces pays au 1 er janvier 1995 serait une « étape importante sur la voie du renforcement de l'intégration », que le Conseil prendrait « toutes les initiatives nécessaires en vue de négocier et de conclure des accords européens aussitôt que possible » et que le dialogue politique entre l'Union et les pays baltes devrait être renforcé.

Les accords européens avec les trois États baltes ont été signés le 12 juin 1995. Ils sont similaires aux accords d'association déjà entrés en vigueur avec six pays d'Europe centrale et orientale et à celui signé récemment avec la Slovénie. À cet égard, ils s'intègrent dans l'architecture globale des relations de l'Union européenne avec les pays tiers et visent tout particulièrement à préparer les futurs élargissements de l'Union. Bien entendu, comme les autres États associés, les pays baltes devront être en mesure de remplir les obligations qui découlent de l'adhésion, en remplissant les conditions économiques et politiques requises et énumérées par le Conseil européen de Copenhague.

Le texte de l'accord comprend cent trente-deux articles, cinq protocoles annexés, dix annexes, neuf déclarations communes, deux accords sous formes d'échanges de lettres, quatre déclarations unilatérales.

II. - Contenu de l'accord

Le texte de l'accord est proche de celui des autres accords européens d'association. Le jour de son entrée en vigueur, il remplacera l'accord de commerce et de coopération signé le 11 mai 1992. Les objectifs de l'accord européen sont décrits par l'article 1 er et le titre I er (« Principes généraux ») :

- promouvoir le dialogue politique entre les Parties ;

- établir progressivement une zone de libre-échange et promouvoir le développement des relations économiques et commerciales ;

- constituer une base pour l'assistance technique et financière de la Communauté ;

- créer un cadre pour le soutien des efforts économiques de la Lituanie et l'intégration progressive de ce pays dans l'Union européenne.

Préambule

Dans le Préambule, la Lituanie souligne en particulier sa volonté de devenir membre de l'Union européenne : « reconnaissant le fait que l'objectif final de la Lituanie est de devenir membre de l'Union européenne et que, de l'avis des Parties, l'association, au moyen du présent accord, aidera la Lituanie à atteindre cet objectif ». L'accord est donc conçu comme une étape devant permettre la mise à niveau de l'économie et une adaptation aux exigences communautaires.

Dialogue politique (titre II)

La mise en place d'un dialogue politique (articles 4 à 7) est un des éléments qui confèrent à l'accord un caractère mixte et impliquent sa ratification par chacun des Parlements nationaux. Ce dialogue, qui institutionnalise les principes énoncés par une déclaration commune dès le mois de mai 1992, contribuera à l'intégration de la Lituanie dans l'Union et au rapprochement des positions sur les questions de politique internationale et de sécurité. Dans cet esprit, des procédures de concertation sont instaurées « dans le cadre multilatéral et selon les formes et pratiques établies avec les pays associés d'Europe centrale » (article 5). En effet, le Conseil européen, réuni en décembre 1994 à Essen, a décidé du principe et de la fréquence d'un « dialogue structuré » avec les pays associés, qui prend la forme de rencontres au niveau ministériel en marge des réunions du Conseil de l'Union. Les États baltes ont été admis à participer à ces rencontres dès la Présidence française de l'Union européenne, c'est-à-dire avant même la signature des accords européens.

Comme dans les accords avec les autres pays associés, l'accord avec la Lituanie comprend une clause suspensive en cas de violation des principes démocratiques, des droits de l'homme et des règles de l'économie de marché (titre I er , article 2). Depuis la déclaration du Conseil du 11 mai 1992, cette clause apparaît désormais dans tous les nouveaux accords de l'Union avec ses partenaires de l'OSCE.

Structures institutionnelles

L'accord crée (articles 111 à 119) un conseil d'association, composé des membres du Conseil de l'Union européenne, de représentants de la commission et du Gouvernement du pays associé, qui examinera toute question portant sur le cadre de l'accord ou sur tout autre sujet bilatéral ou international d'intérêt mutuel. Un comité d'association assistera ce Conseil dans sa tâche. Une commission parlementaire d'association est également créée, dont la présidence est assurée alternativement par le Parlement européen et par le Parlement lituanien ; informée des décisions du conseil d'association, elle peut formuler des recommandations.

Dispositions relatives au commerce (titre III)

L'accord (article 8) conduit à la réalisation, au terme d'une période transitoire de six années au maximum à compter du 1 er janvier 1995, date de l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange, d'une zone de libre-échange pour les produits industriels, conformément aux dispositions du GATT et de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Ainsi, les droits de douane, restrictions quantitatives et mesures d'effet équivalent à l'importation applicables dans la Communauté aux produits originaires de Lituanie ont été supprimés dès le 1 er janvier 1995 (article 10). Les droits de douane et restrictions quantitatives à l'importation applicables en Lituanie aux produits originaires de la Communauté ont été supprimés le 1 er janvier 1995 (article 11), à l'exception des produits couverts par les annexes II, III et IV de l'accord pour lesquels un calendrier de démantèlement des droits de douane est prévu. Des arrangements spécifiques (article 16) s'appliquent au commerce des produits textiles (annexe VI et protocole n° 1). L'accord prévoit par ailleurs l'octroi de concessions communautaires dans le domaine des produits agricoles (chapitre II, article 18 à 21), un protocole annexé (protocole n° 2) étant consacré aux produits agricoles transformés. Ces concessions prennent la forme de réductions de droits mais les restrictions quantitatives à l'importation ont été supprimées dès le 1 er janvier 1995. Le Conseil d'association peut décider de nouvelles concessions. Les échanges de produits de la pêche (chapitre III, articles 22 et 23) font l'objet de concessions (annexes XIV et XV).

En cas de perturbations sérieuses dans un secteur de l'activité économique ou de préjudice grave pour les producteurs nationaux, les Parties contractantes pourront mettre en place une clause de sauvegarde (articles 21, 28, 30 et 33). De même, le recours à des procédures anti-dumping est prévu (articles 29 et 33). Enfin, des mesures de protection en cas de détérioration de la balance des paiements sont possibles selon les règles du GATT.

L'accord devrait promouvoir le développement des échanges entre les Parties. En 1994, les exportations de la Communauté vers la Lituanie ne représentaient que 1,8 % des exportations totales de la Communauté vers les pays d'Europe centrale et orientale et les importations en provenance de la Lituanie 2,2 % des importations totales en provenance de ces pays.

Dispositions relatives à la circulation des travailleurs, à l'établissement et à la prestation de services (titre IV)

Dans le domaine de la circulation des travailleurs (chapitre I er , articles 37 à 43), l'Union et la Lituanie s'engagent, sous réserve des conditions et modalités applicables dans chaque État partie à l'association, à faciliter l'accès au marché du travail des résidents en situation régulière de l'autre Partie, ainsi que de leur conjoint et enfants. Le traitement national sera accordé aux ressortissants en situation régulière, s'agissant des conditions de travail, salaire ou rémunération. Par ailleurs, les Parties se déclarent prêtes à conclure des accords afin de coordonner leur système de sécurité sociale.

La Liberté d'établissement (chapitre II, articles 44 à 60) en matière de prestations de services, notamment banque, assurance et services financiers, sera assurée pour partie dès l'entrée en vigueur de l'accord, à l'exception des services de transport aérien, de navigation intérieure et de cabotage maritime. La Communauté et ses États membres accordent le traitement national à l'établissement de sociétés lituaniennes ainsi qu'à l'activité des filiales et succursales de sociétés lituaniennes établies sur leur territoire, à l'exception d'une liste de certains secteurs (annexe XVI). La Lituanie accorde le traitement national aux sociétés des États membres de l'Union (à l'exception des secteurs visés par l'annexe XVII b auxquels le traitement national sera accordé au plus tard à la fin de la période transitoire de l'accord prévue au 31 décembre 1999) ainsi qu'à l'activité de filiales et de succursales de ces sociétés établies sur son territoire.

Les travailleurs salariés de sociétés visées aux chapitres II et III du titre IV peuvent être transférés temporairement auprès d'une autre firme, dans le cadre d'activités économiques, sur le territoire de l'autre Partie, sous certaines conditions (faire partie du personnel clé et avoir une ancienneté professionnelle d'un an dans l'entreprise). Le présent Accord ne doit pas être interprété comme donnant droit d'entrer et de séjourner sur le territoire de l'autre Partie à des salariés non couverts par les articles précités.

La Lituanie pourrait toutefois (article 51) instaurer, mais jusqu'au 31 décembre 1999 seulement, des mesures de protection dans les domaines couverts par la liberté d'établissement si les secteurs concernés se trouvaient confrontés à de graves difficultés économiques, exposés à des réductions excessives de parts de marché ou étaient en cours de restructuration.

Dispositions relatives aux paiements, capitaux, concurrence et autres dispositions, en particulier le rapprochement des législations (titre V)

Les mouvements de capitaux (chapitre I er , articles 61 à 63) seront également facilités conformément aux dispositions de l'article VIII des statuts du Fonds monétaire international. Les États membres et la Lituanie s'engagent notamment, dès l'entrée en vigueur de l'accord, à assurer la libre circulation des capitaux concernant les investissements directs et de portefeuille ainsi que le rapatriement du produit de ces investissements.

L'accord prévoit également (chapitre II, articles 64 à 67) l'application par la Lituanie des règles de concurrence telles que prévues par le traité, notamment le régime des aides d'État, des positions dominantes et des monopoles. La Lituanie devra se conformer à des dispositions contraignantes dans ce domaine, les réglementations nécessaires à cette fin devant être prises par le conseil d'association au plus tard le 31 décembre 1997. La Lituanie s'engage en outre à poursuivre l'amélioration de la protection des droits de la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale, afin d'atteindre le niveau communautaire au plus tard le 31 décembre 1999. Les deux Parties estiment enfin souhaitable l'ouverture de leurs marchés publics sur base de non-discrimination et de réciprocité (article 68).

Une vaste coopération (articles 69 à 110) est instituée par l'accord. Elle porte notamment sur la normalisation, la science et la technologie, l'éducation et la formation, l'agriculture, l'agro-industrie et la pêche, l'énergie, la sûreté nucléaire, l'environnement, les transports, les télécommunications, les services financiers, la protection et la promotion des investissements, la lutte contre le blanchiment de l'argent de la drogue, le développement régional, le tourisme, la coopération sociale, la protection des consommateurs, l'information, les petites et moyennes entreprises, les douanes, les statistiques et la culture. Elle doit aussi promouvoir le rapprochement des législations (articles 69 à 71), dans le but de faciliter à terme une future adhésion des pays associés. À cet égard, le Conseil européen de Cannes a entériné un Livre Blanc sur la préparation des pays associés à l'intégration dans le marché intérieur de l'Union, qui recense les textes communautaires qui devraient être transposés en priorité dans les vingt-trois secteurs du marché intérieur.

Pour conduire et faciliter cette coopération, la Communauté s'est engagée à apporter une assistance financière au pays associé : dons du programme PHARE (la Lituanie a reçu 122 millions d'écus au cours de la période 1990-1995) et prêts de la Banque européenne d'investissement. Enfin, en cas de besoin, dans le contexte du G 24 qui coordonne l'aide des pays de l'OCDE aux pays d'Europe centrale et orientale, la Communauté peut examiner la possibilité d'apporter une assistance financière temporaire pour soutenir des mesures ayant pour objectif l'introduction de la convertibilité de la monnaie ou les efforts de stabilisation économique et d'ajustement structurel. Ce programme est subordonné à la présentation et au respect, par la Lituanie, de programmes de convertibilité ou de restructuration de l'économie approuvés par le Fonds monétaire international dans le cadre du G 24, ainsi qu'à l'acceptation de ces programmes par l'Union.

Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République de Lituanie, d'autre part, qui est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des Affaires étrangères,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant la ratification de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République de Lituanie, d'autre part, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre des affaires étrangères, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée la ratification de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République de Lituanie, d'autre part, fait à Luxembourg le 12 juin 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 23 juillet 1997.

Signé : LIONEL JOSPIN

Par le Premier ministre :

Le ministre des Affaires étrangères,

Signé : HUBERT VÉDRINE

ANNEXE

ACCORD

européen établissant une association

entre les Communautés européennes

et leurs États membres, d'une part,

et la République de Lituanie, d'autre part

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