N° 294

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 mai 2001

PROPOSITION DE LOI

relative à la création d'une commission départementale du patrimoine ,

PRÉSENTÉE

Par M. Pierre FAUCHON,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Affaires culturelles sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

Patrimoine.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les dispositions de notre droit en matière de police du patrimoine architectural suscitent des critiques nombreuses et provoquent trop souvent l'incompréhension des personnes à l'égard desquelles elles s'appliquent.

La principale difficulté réside incontestablement dans la manière dont est conçu le rôle des Architectes des Bâtiments de France pour toute autorisation de travaux aux abords des monuments historiques, dans les secteurs sauvegardés au titre de la loi Malraux ou dans les zones de protection du patrimoine architectural et urbain.

Pour l'essentiel, trois régimes de protection du patrimoine architectural coexistent aujourd'hui :

- la protection des abords des monuments historiques prévue par la loi modifiée du 31 décembre 1913 : cette loi impose en particulier l'obtention d'une autorisation pour tous travaux sur un bâtiment situé à proximité de monuments classés ;

- la protection au titre des secteurs sauvegardés : l'application de la loi Malraux s'est traduite par la mise en place de plans de sauvegarde et de mise en valeur protégeant d'importants ensembles architecturaux et urbains ; après la publication d'un plan de sauvegarde, une autorisation est nécessaire pour entreprendre des travaux ;

- les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) : les communes ont un pouvoir de codécision sur la création de ces zones, à l'intérieur desquelles une autorisation est exigée préalablement à la réalisation de travaux.

Ces trois régimes ont en commun le rôle joué par l'Architecte des Bâtiments de France, qui donne au nom de l'Etat sur les travaux projetés un avis qui, lorsqu'il est négatif, s'impose au pétitionnaire comme à l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation.

Pendant longtemps, ces avis n'ont pu faire l'objet d'aucun appel, sauf en ce qui concerne les ZPPAUP : dans ce dernier cas, la loi du 7 janvier 1983 a ouvert la possibilité au maire ou à l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation de faire appel de l'avis de l'architecte devant le préfet de région.

En 1996, à l'initiative de notre excellent collègue M. Claude Huriet, le Sénat a souhaité modifier cette situation afin de garantir dans tous les cas une possibilité d'appel des avis conformes de l'architecte des Bâtiments de France.

Sur le rapport de notre excellent collègue, M. Philippe Richert, le Sénat a donc permis, quel que soit le régime de protection, au maire ou à l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation, de saisir le préfet de région, celui-ci devant alors émettre, après consultation d'une commission régionale du patrimoine et des sites, un avis appelé à se substituer à celui de l'architecte des bâtiments de France. La proposition du Sénat a été acceptée par l'Assemblée nationale et est devenue la loi n° 97-179 du 28 février 1997 relative à l'instruction des autorisations de travaux dans le champ de visibilité des édifices classés ou inscrits et dans les secteurs sauvegardés.

*

Quatre ans après l'adoption de cette loi, il semble que ses effets n'aient pas été à la hauteur des espérances formées par notre assemblée. Il a fallu deux ans au Gouvernement pour publier le décret précisant la composition et le fonctionnement des commissions régionales de protection du patrimoine et des sites. La composition de ces commissions ne répond pas aux objectifs poursuivis par le législateur. Composées de trente membres, ces commissions ne comprennent que huit titulaires d'un mandat électif qui, singulièrement, sont nommés par le préfet de région... Est-il besoin de préciser que les avis des architectes des bâtiments de France sont, dans ces conditions, rarement remis en cause ?

En définitive, les défauts de l'ancien système n'ont pas disparu. Dès 1996, dans son rapport approfondi et éclairant sur la proposition de loi qui a conduit à l'adoption de la loi de 1997, notre excellent collègue M. Philippe Richert notait : « Ce « droit de veto » (...) qui s'exerce dans les conditions les mieux faites pour faire peser sur les architectes des bâtiments de France les pires soupçons d'arbitraire, les cantonne en outre dans un rôle ingrat qui ne peut que nuire à la mission de conseil et à la fonction pédagogique qui sont inséparables d'une politique de protection architecturale. Mais s'étonnera-t-on, la procédure étant ce qu'elle est, que les pétitionnaires -et souvent ceux d'entre eux qui auraient le plus besoin de conseils éclairés - soient davantage portés à considérer l'architecte des Bâtiments de France comme un censeur que comme un homme de l'art ? ».

Il faut constater que la situation n'a guère évolué malgré l'instauration d'une procédure d'appel, qui demeure largement théorique et ne dissuade en rien les architectes des Bâtiments de France de multiplier, parfois sur des points mineurs, des prescriptions dont le caractère personnel et discriminatoire pose problème.

La présente proposition de loi vise à réformer de manière plus substantielle la procédure d'autorisation, afin précisément de renforcer le rôle de conseil de l'architecte des Bâtiments de France au détriment de son rôle discrétionnaire de censeur. La solution proposée consiste à substituer à un homme seul un collège réduit composé d'une manière équilibrée et placé sous l'autorité du représentant de l'Etat.

Quel que soit le régime de protection, il est souhaitable que l'architecte ne puisse plus, seul, bloquer une demande d'autorisation des travaux. La proposition de loi prévoit donc que l'architecte des Bâtiments de France doit soumettre les projets de travaux à une commission départementale lorsqu'il est en désaccord avec ces projets . La commission, après avoir entendu l'architecte et, le cas échéant, le pétitionnaire, rendrait un avis qui, s'il était négatif, s'imposerait à l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation. Contrairement aux actuelles commissions régionales de protection du patrimoine et des sites, la commission départementale serait une structure légère au sein de laquelle siégeraient le préfet ainsi que le président du conseil général ou son représentant, le président de l'association départementale des maires ou son représentant, le président de la commission départementale des sites ou son représentant et une personnalité qualifiée désignée par le préfet.

Cette réforme doit permettre qu'un véritable dialogue s'instaure entre le pétitionnaire et l'architecte des Bâtiments de France, leur intérêt commun étant de s'accorder pour éviter la saisine de la commission.

Il convient de noter que cette évolution du régime d'autorisation de travaux dans le champ de visibilité des édifices classés ou inscrits et dans les secteurs sauvegardés ne compromettrait pas la conduite d'une politique nationale de protection du patrimoine, le ministre chargé de la culture conservant en tout état de cause un pouvoir d'évocation de tout projet de travaux.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi qu'il vous est demandé de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Il est institué dans chaque département une commission départementale du patrimoine.

La commission est présidée par le préfet et comprend en outre le président du conseil général ou son représentant, le président de l'association départementale des maires ou son représentant, le président de la commission départementale des sites ou son représentant, une personnalité qualifiée désignée par le préfet.

Le mode de fonctionnement de la commission est précisé par décret en Conseil d'Etat.

Article 2

Les deuxième et troisième alinéas de l'article 13 bis de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques sont ainsi rédigés :

« Le permis de construire délivré en vertu des lois et règlements sur l'alignement et sur les plans communaux et régionaux d'aménagement et d'urbanisme tient lieu de l'autorisation prévue à l'alinéa précédent.

« Tout projet de travaux est soumis avant la décision de l'autorité compétente à l'architecte des Bâtiments de France. Celui-ci peut soit approuver le projet soit décider de le soumettre à la commission départementale du patrimoine. Dans le délai d'un mois, la commission émet un avis après avoir entendu l'architecte des Bâtiments de France et le pétitionnaire s'il en fait la demande. Aucune autorisation ne peut être accordée en l'absence d'avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France ou de la commission départementale du patrimoine ».

Article 3

L'avant-dernier alinéa de l'article L. 313-2 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :

« Tout projet de travaux est soumis avant la décision de l'autorité compétente à l'architecte des Bâtiments de France. Celui-ci peut soit approuver le projet soit décider de le soumettre à la commission départementale du patrimoine. Dans le délai d'un mois, la commission émet un avis après avoir entendu l'architecte des Bâtiments de France et le pétitionnaire s'il en fait la demande. Aucune autorisation ne peut être accordée en l'absence d'avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France ou de la commission départementale du patrimoine ».

Article 4

Les deux premiers alinéas de l'article 71 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat sont ainsi rédigés :

« Les travaux de construction, de démolition, de déboisement, de transformation et de modification de l'aspect des immeubles compris dans le périmètre de la zone de protection instituée en vertu de l'article précédent sont soumis à autorisation spéciale, accordée par l'autorité compétente en matière de permis de construire. Le permis de construire et les autres autorisations d'utilisation du sol prévues par le code de l'urbanisme en tiennent lieu.

« Tout projet de travaux est soumis avant la décision de l'autorité compétente à l'architecte des Bâtiments de France. Celui-ci peut soit approuver le projet soit le soumettre à la commission départementale du patrimoine. Dans le délai d'un mois, la commission émet un avis après avoir entendu l'architecte des Bâtiments de France et le pétitionnaire s'il en fait la demande. Aucune autorisation ne peut être accordée en l'absence d'avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France ou de la commission départementale du patrimoine ».

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