N° 323

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 4 mai 2005

PROPOSITION DE LOI

tendant à accroître la place des femmes dans le collège électoral des sénateurs ,

PRÉSENTÉE

Par Mme Gisèle GAUTIER,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Femmes.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La place des femmes dans la vie politique est en train, aujourd'hui, de devenir réalité.

Les dernières consultations électorales ont marqué une progression spectaculaire de leur place dans les assemblées locales : la récente consultation effectuée par le Sénat auprès des 4 076 femmes maires de France a montré également que la part des femmes maires avait connu une progression très spectaculaire (de l'ordre de 25 % entre 1995 et 1989 et entre 2001 et 1995). Malgré ce progrès, ce pourcentage se compare plus qu'avantageusement avec la situation des présidentes de conseil général (1 %) et celle des présidentes de conseil régional (3,8 %) - en régression sensible du reste par rapport à 1998 (12 %).

L'analyse de l'échantillon des femmes maires effectuée dans le cadre de l'enquête dont le Sénat a pris l'initiative, a montré cependant que le pourcentage des femmes maires n'avait pas encore de lien direct avec le pourcentage de conseillères municipales.

Force est donc de reconnaître que si la mise en oeuvre de la parité dépend, certes, de mesures législatives, elle doit répondre aussi à un mouvement de fond de la société.

Il apparaît donc, une fois de plus, que la démocratie de proximité, dans ce domaine comme dans d'autres, donne peut-être plus de chances à l'expression de qualités que l'on veut bien prêter en général aux femmes : leur sens du concret, leur goût pour l'intérêt général, et, peut-être, une plus grande ouverture à la participation des citoyens.

Les consultations nationales, en effet, apparaissent encore en décalage par rapport à ces progressions importantes.

Il importe que ce mouvement de fond puisse se traduire désormais au niveau des assemblées.

Sans doute en raison de son enracinement dans la démocratie de proximité, le Sénat a bénéficié, plus spontanément que l'Assemblée nationale, de cette évolution. Avec 57 sénatrices représentant 17,3 % de son effectif, il est désormais l'assemblée la plus féminisée de toute l'histoire de la République.

Cette situation lui donne une vocation particulière pour se préoccuper d'aider encore un développement de ce mouvement.

Il est proposé, pour cela, de poursuivre l'adaptation spontanée de son mode de scrutin heureusement entamée à l'initiative de son président, en 2003.

Si le scrutin majoritaire se prête moins, a priori, que le scrutin proportionnel à l'adoption de mesures en faveur de l'égalité des sexes, les particularités de scrutin de l'élection des délégués sénatoriaux peuvent offrir, semble-t-il, de nouveaux leviers.

On sait que le législateur, depuis 1948, a prévu, afin d'améliorer la représentation par rapport à la population du Sénat, l'élection, dans les communes de plus de 30 000 habitants, de délégués supplémentaires, c'est-à-dire n'appartenant pas au conseil municipal mais élus par celui-ci (à raison d'un délégué supplémentaire par tranche de 1 000 habitants supplémentaires).

Cette question des délégués supplémentaires avait été au coeur du conflit qui a opposé la majorité du Sénat et les gouvernements qui avaient souhaité procéder à la réforme de son mode de scrutin. La voie choisie par le gouvernement en 2000 avait été notamment d'augmenter massivement ces délégués supplémentaires afin de parvenir à un nombre strictement proportionnel à la population.

Cette mesure, qui aboutissait à changer la nature de représentant des collectivités territoriales du Sénat, s'est heurtée au Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 6 juillet 2000 sur la loi relative à l'élection des sénateurs, le Conseil constitutionnel a en effet rappelé qu'en application des dispositions de l'article 24 de la Constitution, « le Sénat doit, dans la mesure où il assure la représentation des collectivités territoriales de la République, être élu par un corps électoral qui est lui-même l'émanation de ces collectivités ; que, par suite, ce corps électoral doit être essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ».

On peut penser, en effet, et contrairement aux idées reçues, que l'élection au troisième degré de délégués des conseils municipaux, loin de renforcer la légitimité du Sénat, peut apparaître comme une faiblesse de son mode de scrutin. Pour tempérer ce qui pourrait être considéré comme une anomalie - certains conseils municipaux élisent plus d'électeurs sénatoriaux qu'ils ne comptent eux-mêmes de membres - il nous semble que l'application du principe de parité à l'élection de ces délégués supplémentaires présenterait un double avantage.

Elle atténuerait le caractère artificiel de l'élection de ces « élus d'un jour ». Elle permettrait de donner un essor nouveau à la parité au coeur même du scrutin sénatorial.

Il s'agirait donc d'une mesure à la fois simple, facile à comprendre et qui comporterait une portée politique non équivoque.

Elle manifesterait à nouveau et avec clarté l'intérêt particulier que le Sénat apporte au développement de la démocratie locale au féminin. La convocation des premiers États généraux de la démocratie locale et de la parité par son président le 7 mars 2005 et l'ampleur de l'intérêt suscité chez les femmes maires en sont le symbole le plus éclatant.

C'est la raison pour laquelle il vous est proposé d'adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Le deuxième alinéa de l'article L. 285 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les listes de délégués supplémentaires sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe ».

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