N° 324

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 4 mai 2005

PROPOSITION DE LOI

relative au développement de la vie associative ,

PRÉSENTÉE

Par M. Bruno RETAILLEAU,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Associations.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le mouvement associatif dans notre pays représente 1 million d'associations, 12 millions de bénévoles, 22 millions d'adhérents et près de 45,7 milliards d'euros de budget, dont la moitié est financée sur les fonds publics. La multiplication et la diversité de ces dernières expriment leur profond enracinement dans la réalité sociale de notre pays. À l'heure où notre société est particulièrement fragmentée par un individualisme triomphant, où le « nous » collectif recule toujours un peu plus au profit du « je » égoïste, le bénévolat constitue un formidable élan de solidarité et de mécénat personnel de son temps indispensables à la vie en commun. Les associations sont le meilleur remède à cette fragmentation sociale et à la dislocation du lien social. Elles sont, en outre, une véritable école de la vie et d'apprentissage de la responsabilité. La vitalité du monde associatif doit donc être une priorité à la fois au niveau national et au niveau local.

Le rôle des associations est d'autant plus nécessaire que ces dernières ont su, grâce à leur souplesse, s'adapter aux évolutions de notre société en prenant en compte les nouvelles aspirations de la population dans des domaines extrêmement différents et variés. Dans le cadre de cette évolution, les champs d'activité concernés par le monde associatif se sont multipliés, de sorte que, aujourd'hui, les associations sont présentes dans tous les aspects de la vie sociale et assurent, bien souvent en lieu et place des collectivités locales, de véritables missions d'intérêt général. Pourtant, le bénévolat paraît parfois s'essouffler. La complexité croissante des procédures administratives qui font peser une lourde charge de travail sur des bénévoles souvent insuffisamment formés, l'esprit consumériste et le chacun pour soi qui freinent l'engagement pour les autres, constituent les plus sérieux obstacles à la diffusion de l'esprit associatif.

Bien que la création du chèque emploi associatif soit venue apporter des solutions satisfaisantes concernant la gestion des associations à but non lucratif, il subsiste un vide juridique quant à la reconnaissance du rôle primordial joué par certaines associations locales.

En effet, la reconnaissance d'utilité publique ainsi que les avantages qu'elle implique sont pour l'heure réservés aux seules grandes associations nationales. Ce vide juridique est à l'origine d'une situation particulièrement problématique : de nombreuses associations à dimension locale, solidement implantées dans la vie des français et assumant des missions d'intérêt public local ne peuvent se voir reconnaître d'utilité publique. Elles ne peuvent donc bénéficier des avantages fiscaux et juridiques liés à cette reconnaissance.

Cette abstraction juridique doit être comblée au plus vite afin de donner à ces associations les moyens nécessaires à leur maintien et à leur développement. Pour ce faire, il convient d'instituer un label de reconnaissance d'utilité locale. Ce label permettrait à la fois de reconnaître l'importance de ces associations, de leur garantir des moyens d'action efficace et de soutenir un mécénat de proximité. Ainsi, elle pourraient disposer de ressources nouvelles et plus diversifiées.

Il est donc nécessaire d'encadrer strictement les critères d'octroi de la qualité d'utilité locale de sorte que ne soient concernées que les associations assurant une réelle mission d'intérêt public local. Il est également essentiel que cette reconnaissance s'inscrive dans une procédure de concertation locale.

Enfin, face à la juridisation du monde associatif et aux risques pesant sur ses élus, de nombreux dirigeants encourent des risques de poursuite pénale pour des faits ne se rattachant pas à une faute intentionnelle de leur part. Cette situation est inacceptable car elle fait peser sur ces dirigeants une responsabilité excessive compte tenu de leur rôle.

La présente proposition de loi vise également à garantir et mutualiser les risques liés à d'éventuelles poursuites pénales contre les dirigeants associatifs en assurant une solidarité à leur égard.

L'article 1 entend créer dans chaque département une commission d'utilité publique dont la mission est d'organiser une concertation en vue de rendre un avis concernant la reconnaissance d'utilité locale demandée par une association.

L'article 2 a pour objet de créer le label de reconnaissance d'utilité locale. Il énumère différents critères impératifs à la reconnaissance de cette utilité tout en réaffirmant que cette reconnaissance ne concerne que les associations assurant une mission d'intérêt public local. Enfin, il place cette reconnaissance sous la compétence du représentant de l'État dans le département.

L'article 3 prévoit que les associations reconnues d'utilité locale bénéficient des mêmes droits et obligations que ceux des associations reconnues d'utilité publique.

L'article 4 donne une définition du statut de dirigeant associatif.

L'article 5 pose le principe selon lequel les associations assurent une protection à leurs dirigeants en cas de poursuite pénale à l'encontre de ce dernier pour des faits relatifs à une faute non intentionnelle et non détachable de ses fonctions.

L'article 6 met en oeuvre cette protection en instituant un fonds de garantie pour ces dirigeants. Ce fonds est abondé à la fois par les associations d'une certaine taille et par l'État et possède une double mission de prise en charge des frais de justice et d'indemnisation suite à une condamnation. Le bénéfice de ce fonds n'est réservé qu'aux cas de faute non intentionnelle et non détachable des fonctions de dirigeant.

L'article 7 compense les charges résultant de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

TITRE 1 : Reconnaissance d'utilité locale

Article 1

Est créée dans chaque département une commission départementale d'utilité locale composée paritairement d'élus locaux et de représentants du monde associatif et de l'État.

Cette commission départementale d'utilité locale a pour mission d'étudier chaque demande de reconnaissance d'utilité locale formée par une association et d'émettre un avis motivé au représentant de l'État dans le département.

Article 2

Après l'article 10 de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association, insérer un article 10 bis rédigé comme suit :

« Peuvent être reconnues d'utilité locale par arrêté préfectoral et après avis motivé de la commission départementale d'utilité locale, les associations dont l'objet consiste à assurer une mission d'intérêt public local et qui en font la demande.

Pour ce faire, ces associations doivent répondre à différents critères définis par un décret en Conseil d'État.

Parmi les différents critères indispensables à la reconnaissance d'utilité locale, sont notamment retenus :

- Le caractère non lucratif de l'association

- Son nombre d'adhérents

- Son objet

- Ses modalités de financement, notamment l'existence d'une dotation constituant les fonds propres de l'association

- Son implantation locale

- La durée d'existence de l'association

- Le respect de certaines obligations légales telles que la déclaration, la publication des statuts.

Article 3

Les associations reconnues d'utilité locale possèdent des droits et obligations identiques à ceux des associations reconnues d'utilité publique tels qu'énoncés notamment à l'article 11 de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association.

TITRE 2 : Des garanties accordées aux dirigeants associatifs

Article 4

Est considéré comme dirigeant associatif toute personne élue par l'ensemble des membres d'une association régie par la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association en vue d'assurer des fonctions exécutives au sein de cette association.

Article 5

Les associations sont tenues d'accorder leur protection à leurs dirigeants lorsque ceux-ci font l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute intentionnelle détachable de l'exercice de leurs fonctions.

Article 6

Dans le cadre de la protection prévue à l'article 5 de la présente loi, est institué un fonds de garantie des dirigeants associatifs. Ce fonds a pour mission de couvrir les frais de justice engagés par les dirigeants associatifs dans le cadre d'un procès pénal ainsi que d'indemniser les dirigeants dont la responsabilité serait engagée.

Le bénéfice des précédentes dispositions n'est accordé aux dirigeants associatifs que lorsque ceux-ci font l'objet de poursuites pénales relatives à des faits constituant une faute non intentionnelle et non détachable des fonctions qu'ils assument.

Ce fonds est abondé à la fois par les associations qui comprennent effectivement plus de 100 membres actifs à jour de leur cotisation et par l'État.

Pour ce faire, chaque association visée précédemment doit allouer, en vue d'abonder ce fonds, 2 % du montant total des cotisations annuelles qu'elle perçoit.

Article 7

Les dépenses résultant pour l'État des dispositions de la présente loi sont compensées par une augmentation des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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