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N° 164

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 janvier 2008

PROPOSITION DE LOI

tendant à réglementer les nuisances sonores le long des infrastructures autoroutières construites avant 1992,

PRÉSENTÉE

Par M. Jean Louis MASSON,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La lutte contre le bruit a fait l'objet de plusieurs textes importants depuis une quinzaine d'années.

La loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit a notamment imposé aux maîtres d'ouvrage d'infrastructures nouvelles la prise en compte des nuisances sonores produites par ces infrastructures. Elle a aussi obligé les constructeurs de bâtiments à proximité des infrastructures routières de prendre en compte le bruit généré par ces dernières dans la conception desdits bâtiments.

Toutefois, cette loi n'a pas imposé de règles aux infrastructures anciennes qui pouvaient exister avant son entrée en vigueur.

Certes, l'État a lancé un programme national de résorption des points noirs mais celui-ci est largement dépendant des crédits budgétaires et, en tout état de cause, n'a pas de caractère contraignant ni général.

Pourtant, dans un contexte de développement du trafic, les nuisances sonores engendrées par une autoroute et leurs conséquences peuvent être considérables : une gêne constante, troubles de santé, dépréciations du patrimoine immobilier.

Il est d'autant plus injuste que cela ne soit pas pris en compte par la loi que, pour une large part, le réseau autoroutier est antérieur à son entrée en vigueur. Aussi, en 1990, près de 7 000 km d'autoroutes étaient déjà construits. Comme l'a reconnu la directive européenne n° 2002/49 du 25 juin 2002, le bruit est l'un des principaux problèmes de l'environnement qui se posent en Europe. Il revient au législateur d'en tirer les conséquences.

*

* *

I - La loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992

Cette loi relative à la lutte contre le bruit concernait entre autres les nuisances sonores générées par les infrastructures routières. En la matière, elle comportait trois grands volets.

1 er volet : la prise en compte des nuisances sonores par les maîtres d'ouvrage de nouvelles infrastructures

Ce premier principe a été établi par l'article 12 de la loi, codifié à l'article L. 571-9 du code de l'environnement. Sa mise en oeuvre a été précisée par le décret n° 95-22 du 9 janvier 1995 et un arrêté du 5 mai 1995. Il résulte de la combinaison de ces textes que la réalisation d'infrastructures routières doit respecter des niveaux sonores maxima. Ce respect doit être obtenu en priorité par un traitement de l'infrastructure ou de ses abords immédiats. Si ce traitement ne permet pas d'atteindre les niveaux sonores autorisés, un traitement sur le bâti peut être envisagé.

Cette limitation du bruit n'est applicable qu'aux infrastructures nouvelles ou à la transformation « significative » d'une infrastructure existante. Le décret n° 95-22 considère comme significative la modification ou la transformation d'une infrastructure existante, résultant d'une intervention ou de travaux successifs telle que la contribution sonore qui en résulterait à terme serait supérieure de plus de 2 dB (A) à la « contribution sonore » de l'infrastructure avant cette modification ou cette transformation.

En revanche, ne constituent pas une modification ou une transformation significative : 1° Les travaux d'entretien, de réparation, d'électrification ou de renouvellement des infrastructures ferroviaires ; 2° Les travaux de renforcement des chaussées, d'entretien ou de réparation des voies routières ; 3° Les aménagements ponctuels des voies routières ou des carrefours non dénivelés.

Les niveaux sonores maximaux pour une infrastructure nouvelle sont fixés par l'arrêté du 5 mai 1995. Pour les logements « en zone d'ambiance sonore préexistante modérée », la limite est fixée à 60 dB (A) de jour et 55 dB (A) de nuit. Pour les autres logements, cette limite est de 65 dB (A) de jour et de 60 dB (A) de nuit.

2 ème volet : la prise en compte du bruit par les constructeurs de bâtiments

Ce principe a été établi par l'article 13 de la loi n° 92-1444, codifié à l'article L. 571-10 du code de l'environnement. Sa mise en oeuvre a été précisée par le décret n° 95-21 du 9 janvier 2005 et un arrêté du 30 mai 1996.

Conformément à ce principe, le préfet procède au classement des infrastructures de transport terrestre. Sur la base de ce classement, il fixe les niveaux de nuisances sonores à prendre en compte pour la construction de bâtiments et les prescriptions techniques de nature à réduire ces nuisances. Les secteurs ainsi déterminés et les prescriptions qui s'y appliquent sont mentionnés au plan local d'urbanisme. Les prescriptions d'isolation acoustique ne s'appliquent qu'aux bâtiments à construire.

3 ème volet : la résorption des « points noirs bruit »

L'article 15 de la loi de 1992 avait prévu que le Gouvernement présenterait au Parlement un rapport sur les nuisances sonores routières et ferroviaires. Ce rapport devait comprendre, notamment, une évaluation des travaux nécessaires à la résorption des « points noirs ».

En novembre 1999, l'État a présenté un programme national de rattrapage des « points noirs » dont l'ambition est de traiter 200 000 logements d'ici à 2010. Ce programme a fait l'objet d'une circulaire en date du 12 juin 2001.

Dans chaque département, le préfet a été chargé de proposer au préfet de région les opérations prioritaires. Sont concernés les bâtiments d'habitation, de soins, de santé, d'enseignement ou d'action sociale qui souffrent d'une exposition spécifique au bruit (supérieure à 70 dB en période diurne et à 65 dB en période nocturne) et qui ont été autorisés avant 1979 ou avant l'infrastructure en cause pour les bâtiments d'habitation, avant l'entrée en vigueur de l'arrêté préfectoral portant classement sonore de l'infrastructure en cause pour les autres bâtiments.

Des financements d'État de 50 millions d'euros par an sont prévus qui peuvent s'ajouter aux financements des sociétés d'autoroutes et des collectivités locales. Par ailleurs, les préfets de département peuvent accorder des subventions pour l'insonorisation des bâtiments, qui complètent les aides servies par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) ou par les collectivités locales (décret n° 200-867 du 3 mai 2002).

II - La directive européenne n° 2002/49/CE

Relative à l'évaluation et à la gestion du bruit dans l'environnement, cette directive a été transposée en droit français notamment grâce aux articles L. 572-1 à L. 572-11 du code de l'environnement, au décret n° 2006-361 du 24 mars 2006 et à un arrêté du 4 avril 2006. Elle a également imposé de nouvelles obligations pour les grandes infrastructures et les grandes agglomérations.

Ces nouvelles obligations sont de deux ordres, d'une part, l'établissement de cartes de bruit et d'autre part, la réalisation d'un plan de prévention du bruit. Elles concernent : les infrastructures routières et autoroutières dont le trafic annuel est supérieur à 3 millions de véhicules ; les infrastructures ferroviaires dont le trafic annuel est supérieur à 30 000 passages de train ; les agglomérations de plus de 100 000 habitants.

Les cartes de bruit sont réalisées :

par le préfet de département pour les infrastructures routières et autoroutières dont le trafic annuel est supérieur à 3 millions de véhicules ainsi que pour les infrastructures ferroviaires dont le trafic annuel est supérieur à 30 000 passages de trains ;

par les organes délibérants des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants.

Les plans de prévention du bruit sont établis :

par le préfet du département pour les routes et autoroutes d'intérêt national ou européen faisant partie du domaine routier national ainsi que pour les infrastructures ferroviaires ;

par l'organe délibérant de la collectivité gestionnaire pour les infrastructures routières n'appartenant pas au domaine routier national ;

par les organes délibérants des collectivités ou établissements publics de coopération intercommunale compétents pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants.

Ces plans doivent notamment comporter les mesures visant à prévenir ou réduire le bruit dans l'environnement arrêtées au cours des dix années précédentes et prévues pour les cinq années à venir. L'arrêté du 4 avril 2006 fixe les valeurs limites du bruit produit par une infrastructure routière, applicables aux plans de prévention, à 68 dB pour le niveau d'exposition total, 62 dB pour le niveau d'exposition la nuit.

Ces cartes et ces plans ne sont pas des obligations contraignantes mais constituent seulement l'expression d'une volonté politique.

Devront être publiées avant le 30 juin 2007, les cartes de bruit pour les agglomérations de plus de 250 000 habitants ; les infrastructures routières à trafic annuel supérieur à 6 millions de véhicules ; les infrastructures ferroviaires à trafic annuel supérieur à 60 000 passages de trains.

Devront être publiés avant le 18 juillet 2008 les plans de prévention du bruit correspondants.

Devront être publiés avant le 30 juin 2012, les autres cartes de bruit et avant le 18 juillet 2013, les plans de prévention correspondants.

III - Le vide juridique en ce qui concerne les infrastructures construites avant 1992

S'agissant des voies existant avant l'entrée en vigueur de la loi de 1992 et qui ne sont pas concernées par le programme de résorption des « points noirs bruit », et dans l'attente de la publication des plans de prévention du bruit dans l'environnement pour les voies qui pourraient être concernées, aucune législation ne s'impose. Toutefois, les personnes subissant les nuisances sonores de ces voies peuvent saisir le tribunal administratif sur le fondement du caractère anormal et spécial du préjudice.

Le juge pourra éventuellement décider d'une indemnisation en examinant notamment : les troubles de jouissance, la dépréciation du logement, l'état antérieur des nuisances sonores. Il sera d'autant plus sensible aux demandes du requérant que celui-ci pourra démontrer une aggravation des nuisances postérieures à son installation. Dans le cas contraire, surtout si le requérant s'est installé après la mise en service de l'autoroute, le juge risque de rejeter les requêtes.

En fait, la jurisprudence est assez rare en la matière, plus rares encore les demandes d'indemnisation admises par le juge. Le Conseil d'État rejette fréquemment les requêtes en se fondant sur la notion de « nuisances que peut être appelé à subir, dans l'intérêt général, tout propriétaire riverain d'une autoroute » ( Conseil d'État , Rougier, 6 avril 1979 ou Flayac, 11 février 1981 ). À l'inverse, cette notion peut justifier l'octroi d'indemnités (cf. Conseil d'État , époux Grosgeorge, 8 octobre 1986 ). En tout état de cause, le juge est souverain pour apprécier d'une part, l'étendue du préjudice subi par le requérant et, d'autre part, les éventuels dommages intérêts s'y rattachant.

*

* *

Le but de la présente proposition de loi est donc de remédier aux lacunes de la législation. Son article premier fixe un principe selon lequel les infrastructures autoroutières anciennes doivent, comme les nouvelles, respecter les normes de référence en matière de nuisances sonores. Son article second constitue un gage.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

L'article L. 571-9 du code de l'environnement est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV. Les infrastructures autoroutières anciennes auxquelles ne sont pas applicables les dispositions du I et qui créent des nuisances sonores affectant les populations voisines habitant dans des bâtiments construits avant l'autorisation de réalisation desdites infrastructures font l'objet d'un traitement destiné à respecter les niveaux de bruit admissibles fixés par la réglementation en vigueur pour les infrastructures nouvelles. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article ».

Article 2

Les charges pour l'État résultant de l'article 1 er sont compensées à due concurrence par l'augmentation des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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