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N° 521

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 juin 2010

PROPOSITION DE LOI

relative à la reconnaissance de l' optométrie en France ,

PRÉSENTÉE

Par Mme Jacqueline PANIS,

Sénateur

(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Aujourd'hui, la France est confrontée à un grave problème de santé publique. La santé oculaire des Français est menacée à court terme sous l'effet d'un double phénomène :

- d'une part, la diminution du nombre de médecins ophtalmologistes sur notre territoire. Celle-ci résulte de l'instauration d'un numerus clausus qui ne permet plus de remplacer l'intégralité des médecins partant à la retraite ;

- d'autre part, la demande plus importante de soins oculaires couplée à l'accroissement démographique.

La baisse du nombre de médecins spécialistes en ophtalmologie ne permet plus de répondre efficacement aux besoins visuels de la population.

Les délais d'obtention d'un rendez-vous chez les ophtalmologistes s'allongent - 2 à 6 mois d'attente pour un rendez-vous - et les consultations à l'hôpital se raréfient.

Or, faute d'une prise en charge rapide, certains troubles oculaires et visuels peuvent avoir des conséquences médicales et sociales dramatiques.

Cette réalité concrète nous oblige à prendre en compte le rôle éventuel d'autres segments professionnels qui pourraient contribuer à renforcer l'offre de soins pour les affections de l'oeil.

Comme le préconisait le rapport Attali sur la libération de la croissance française, il est nécessaire de déléguer certains actes de prévention et de soins aux optométristes.

Selon la définition du World Council of Optometry , la seule définition internationale existante, les optométristes sont les professionnels de santé de l'oeil et du système visuel qui assurent un service oculaire et visuel complet, qui inclut la réfraction et la fourniture des équipements optiques, la détection/diagnostic, le suivi des maladies oculaires et la réhabilitation du système visuel.

La majorité des pays européens s'est donné les moyens d'assurer correctement les besoins de la population en faisant une place aux optométristes dans l'organisation des soins oculaires. La prise en compte de cette profession dans la filière de soins de la vue a largement fait ses preuves dans ces pays.

Ainsi, dans ces pays, les lunettes correctrices et les lentilles de contact sont prescrites et peuvent être délivrées par des optométristes, qui peuvent également exécuter des examens approfondis de l'oeil et envoyer les patients vers les médecins spécialistes pour des soins.

En France, alors que les optométristes suivent une formation universitaire de haut niveau, leur profession n'est pas reconnue dans le code de la santé publique.

Le législateur doit faire preuve de volontarisme pour faire une place à cette profession dans l'organisation des soins visuels en France. L'optométrie convenablement réglementée est un moyen de pallier l'accès difficile aux soins des ophtalmologistes et de résorber les déserts ophtalmologiques qui se sont peu à peu constitués sur notre territoire.

La présente proposition de loi vise à reconnaitre légalement l'optométrie par l'insertion dans le code de la santé publique d'un chapitre dédié à cette profession.

La proposition de loi vise à réglementer le titre d'optométriste. En l'état actuel, les optométristes suivent une formation reconnue et dispensée par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. La proposition de loi vise à ce que le droit de porter le titre d'optométriste soit réservé aux seuls titulaires d'une attestation de succès à l'examen final d'une formation en optométrie.

Cette formation, définie par décret, sera reconnue et dispensée par le ministère de la santé. Elle doit comprendre, à l'instar de ce qui a par exemple été fait aux Pays-Bas, un enseignement sur les matières optométriques de base (technologie des lunettes et lentilles, dépistage et examen des conditions oculaires anormales), un enseignement sur les matières médicales (pharmacologie, pathologie...) et un stage en milieu professionnel effectué sous la responsabilité d'un ophtalmologiste ou d'un optométriste qualifié.

La proposition de loi permet aux optométristes de prescrire à toute personne, des verres correcteurs ainsi que des lentilles oculaires de contact. La reconnaissance de cette compétence est nécessaire et urgente pour répondre dans des délais raisonnables au besoin de la population française en prescription.

De plus, elle vise à permettre aux optométristes de réaliser tout acte de dépistage des états oculaires anormaux. L'examen oculaire doit être pratiqué de façon méthodique dans des conditions déterminées par décret, de façon à ce que toutes les fonctions oculaires, anatomiques, physiologiques et visuelles soient passées en revue. L'octroi de cette compétence est essentiel pour mener une politique de santé oculaire ambitieuse.

En cas de constatation d'une atteinte oculaire, il est fait obligation aux optométristes d'orienter les patients vers les médecins spécialistes en ophtalmologie pour les soins. Le traitement des atteintes oculaires est expressément exclu du champ de compétences de l'optométriste.

L'insertion de l'optométrie, encadrée, dans l'organisation des soins visuels en France est un moyen de répondre efficacement et durablement au grave problème de santé oculaire auquel nous sommes confrontés.

Telles sont les principales dispositions de la présente proposition de loi qu'il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Le titre VI du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Dans l'intitulé, les mots : « et d'orthésiste pour l'appareillage des personnes handicapées » sont remplacés par les mots : « d'orthésiste pour l'appareillage des personnes handicapées et d'optométriste ».

2° Il est ajouté un chapitre V ainsi rédigé :

« CHAPITRE V

« Optométriste

« Art. L. 4365-1. - Est considérée comme exerçant la profession d'optométriste toute personne qui exécute habituellement des actes professionnels d'optométrie, définis par décret en Conseil d'État pris après avis de l'Académie nationale de médecine.

« Les optométristes prescrivent des verres correcteurs ainsi que des lentilles oculaires de contact, dans des conditions fixées par décret.

« Les optométristes effectuent les actes nécessaires au dépistage des états oculaires anormaux, dans des conditions fixées par décret.

« En cas de constatation d'une atteinte oculaire, l'optométriste doit en référer à un médecin ophtalmologiste, dans des conditions fixées par décret.

« Art. L. 4365-2. - Sont tenues de se faire enregistrer auprès du service ou de l'organisme désigné à cette fin par le ministre chargé de la santé, avant leur entrée dans la profession, les personnes ayant obtenu un titre de formation ou une autorisation requis pour l'exercice de la profession d'optométriste.

« L'enregistrement de ces personnes est réalisé après vérification des pièces justificatives attestant de leur identité et de leur titre de formation ou de leur autorisation. Elles informent le même service ou organisme de tout changement de résidence ou de situation professionnelle.

« La procédure d'enregistrement est sans frais.

« Il est établi, pour chaque département, par le service ou l'organisme désigné à cette fin, une liste de cette profession, portée à la connaissance du public.

« Peuvent exercer la profession d'optométriste les personnes titulaires d'un diplôme, certificat ou titre mentionné aux articles L. 4365-5 et L. 4365-6 enregistré conformément au premier alinéa.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.

« Art L. 4365-3. - Les organismes délivrant les titres de formation transmettent ces titres au service ou à l'organisme mentionné à l'article L. 4365-2 sous forme d'informations certifiées.

« Art L. 4365-4. - Lorsqu'elles sont disponibles, les informations certifiées mentionnées à l'article L. 4365-3 tiennent lieu de pièces justificatives pour l'accomplissement des obligations prévues à l'article L. 4365-2.

« Art L. 4365-5. - Les diplômes, certificats ou titres mentionnés à l'article L. 4365-2 sont l'attestation d'examen final à la formation d'optométrie.

« L'optométriste peut faire usage de son titre de formation dans la langue de l'État qui le lui a délivré. Il est tenu de faire figurer le lieu et l'établissement où il l'a obtenu.

« Dans le cas où le titre de formation de l'État d'origine, membre ou partie, est susceptible d'être confondu avec un titre exigeant en France une formation complémentaire, l'autorité compétente peut décider que l'optométriste fera état du titre de formation de l'État d'origine, membre ou partie, dans une forme appropriée qu'elle lui indique.

« L'intéressé porte le titre professionnel d'optométriste.

« Art L. 4365-6. - L'autorité compétente peut, après avis d'une commission composée notamment de professionnels, autoriser individuellement à exercer la profession d'optométriste les ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui ont suivi avec succès un cycle d'études postsecondaires et qui, sans posséder l'un des diplômes, certificats ou titres prévus à l'article L. 4365-5, sont titulaires :

« 1° D'un titre de formation délivré par un État, membre ou partie, et requis par l'autorité compétente d'un État, membre ou partie, qui réglemente l'accès à cette profession ou son exercice, et permettant d'exercer légalement ces fonctions dans cet État ;

« 2° Ou, lorsque les intéressés ont exercé dans un État, membre ou partie, qui ne réglemente pas l'accès à cette profession ou son exercice, d'un titre de formation délivré par un État, membre ou partie, attestant de la préparation à l'exercice de la profession, accompagné d'une attestation justifiant, dans cet État, de son exercice à temps plein pendant deux ans au cours des dix dernières années ou à temps partiel pendant une durée correspondante au cours de la même période. Cette condition n'est pas applicable lorsque la formation conduisant à cette profession est réglementée ;

« 3° Ou d'un titre de formation délivré par un État tiers et reconnu dans un État, membre ou partie, autre que la France, permettant d'y exercer légalement la profession.

« Dans ces cas, lorsque l'examen des qualifications professionnelles attestées par l'ensemble des titres de formation et de l'expérience professionnelle pertinente fait apparaître des différences substantielles au regard des qualifications requises pour l'accès et l'exercice de la profession en France, l'autorité compétente exige que l'intéressé se soumette à une mesure de compensation qui consiste, au choix du demandeur, en une épreuve d'aptitude ou en un stage d'adaptation.

« La délivrance de l'autorisation d'exercice permet au bénéficiaire d'exercer la profession dans les mêmes conditions que les personnes titulaires de l'un des diplômes, certificats ou titres mentionnés à l'article L. 4365-5.

« Art L. 4365-7. - L'optométriste ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui est établi et exerce légalement les activités d'optométriste dans un État, membre ou partie, peut exécuter en France des actes professionnels, de manière temporaire et occasionnelle, sans avoir à procéder à l'enregistrement prévu par l'article L. 4365-2.

« Lorsque l'exercice ou la formation conduisant à la profession n'est pas réglementé dans l'État où il est établi, le prestataire de services doit justifier y avoir exercé pendant deux ans au moins au cours des dix années précédentes.

« L'exécution de ces actes est subordonnée à une déclaration préalable, accompagnée de pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé.

« Le prestataire de services est soumis aux conditions d'exercice de la profession ainsi qu'aux règles professionnelles applicables en France.

« Les qualifications professionnelles du prestataire sont vérifiées par l'autorité compétente après avis d'une commission composée notamment de professionnels, avant la première prestation de services. En cas de différence substantielle entre les qualifications du prestataire et la formation exigée en France, de nature à nuire à la santé publique, l'autorité compétente demande au prestataire d'apporter la preuve qu'il a acquis les connaissances et compétences manquantes notamment au moyen de mesures de compensation.

« Le prestataire de services peut faire usage de son titre de formation dans la langue de l'État qui le lui a délivré. Il est tenu de faire figurer le lieu et l'établissement où il l'a obtenu.

« Dans le cas où le titre de formation de l'État d'origine, membre ou partie, est susceptible d'être confondu avec un titre exigeant en France une formation complémentaire, l'autorité compétente peut décider que l'intéressé fera état du titre de formation de l'État d'origine, membre ou partie, dans une forme appropriée qu'elle lui indique.

« La prestation de services est réalisée sous le titre professionnel de l'État d'établissement, de manière à éviter toute confusion avec le titre professionnel français. Toutefois, dans le cas où les qualifications ont été vérifiées, la prestation de services est réalisée sous le titre professionnel français.

« Art. L. 4365-8. - L'optométriste, lors de la délivrance de l'autorisation d'exercice ou de la déclaration de prestation de services, doit posséder les connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de la profession et celles relatives aux systèmes de poids et mesures utilisés en France.

« Art. L. 4365-9. - Sont déterminés par décret en Conseil d'État :

« 1° En tant que de besoin, les règles professionnelles ;

« 2° La composition et le fonctionnement de la commission mentionnée à l'article L. 4365-6 et les conditions dans lesquelles l'intéressé est soumis à une mesure de compensation ;

« 3° Les modalités de vérification des qualifications professionnelles mentionnées à l'article L. 4365-7;

« 4° Les modalités d'application de l'obligation de transmission des informations mentionnées à l'article L. 4365-3. »

3° Au premier alinéa de l'article L. 4363-2 et au premier alinéa de l'article L. 4363-3, après les mots : « d'opticien-lunetier, », sont insérés les mots : « d'optométriste, ».

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