Document "pastillé" au format PDF (144 Koctets)

N° 770

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 juillet 2011

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer les conditions de sécurité des mineurs accueillis dans le cadre de séjours organisés à l' étranger ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Bruno GILLES, Antoine LEFÈVRE, Charles REVET, Jacques LEGENDRE, Jean-Louis LORRAIN, Mme Colette MÉLOT, MM. Alain MILON, Marc LAMÉNIE, Mme Esther SITTLER, MM. Roland du LUART, Christian CAMBON, Mlle Sophie JOISSAINS, MM. Pierre BERNARD-REYMOND, Louis PINTON, Mme Colette GIUDICELLI, M. François TRUCY, Mmes Marie-Thérèse BRUGUIÈRE, Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, Christiane HUMMEL, MM. François CALVET, Bernard SAUGEY et Mme Catherine DEROCHE,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'accident dramatique survenu en août 2009 et qui a coûté la vie à deux jeunes Françaises aux États-Unis montre que les contrôles exercés sur l'organisation des séjours à l'étranger restent limités. Par ailleurs, cet événement dramatique pose la question de la suspension éventuelle de l'activité de l'organisateur de tels séjours lorsque la sécurité physique et morale des mineurs n'y est pas garantie.

L'accueil de mineurs en dehors du domicile parental est actuellement régi par le chapitre VII du livre II de la partie législative du code de l'action sociale et familiale (CASF). Ce dernier présente l'ensemble des outils dont dispose l'administration afin d'assurer la sécurité des mineurs accueillis hors de leur domicile, notamment lors de séjours de vacances.

Le système actuel repose sur une déclaration préalable des organisateurs et personnes gérant les lieux d'accueil à l'autorité administrative . Ainsi, aux termes de l'article L. 227-5 du CASF, « les personnes organisant l'accueil de mineurs mentionné à l'article L. 227-4 ainsi que celles exploitant les locaux où ces mineurs sont hébergés doivent en faire la déclaration préalable auprès de l'autorité administrative. Celle-ci peut s'opposer à l'organisation de cette activité lorsque les conditions dans lesquelles elle est envisagée présentent des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs et notamment lorsque les exigences prévues au dernier alinéa ne sont pas satisfaites ». Ces dispositions font l'objet de précision par un décret en Conseil d'État, notamment en ce qui concerne « le contenu de la déclaration préalable, les normes d'hygiène et de sécurité auxquelles doit satisfaire l'accueil, les exigences liées à la qualification des personnes assurant l'encadrement des mineurs, les conditions particulières d'encadrement et de pratique des activités physiques ainsi que les modalité de souscriptions aux contrats d'assurance obligatoire ».

En outre, l'article L. 227-9 du CASF permet aux fonctionnaires spécialement habilités du ministère chargé de la jeunesse et des sports de contrôler avant le séjour et pendant le séjour l'organisation et les lieux d'accueil des mineurs .

Le préfet peut adresser à toute personne qui exerce une responsabilité dans l'accueil des mineurs ou aux exploitants des locaux les accueillant une injonction pour mettre fin à des manquements de l'article L. 227-5 du CASF ; ou en cas de risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs que présentent les conditions de leur accueil ; ou encore en cas de manquement aux dispositions relatives au projet éducatif . Il peut, à l'expiration du délai fixé dans l'injonction, de manière totale ou partielle, interdire ou interrompre l'accueil de mineurs, ainsi que prononcer la fermeture temporaire ou définitive des locaux dans lesquels il se déroule, s'il n'a pas été remédié aux situations qui ont justifié l'injonction. En cas d'urgence, l'injonction préalable n'est pas nécessaire.

D es sanctions pénales sont prévues :

- 6 mois d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende en cas d'absence de déclaration préalable, en cas de changement aux conditions d'accueil des mineurs sans avoir souscrit à cette déclaration ou en cas de non souscription à des garanties d'assurance prévues par l'article L. 227-5 du CASF.

- Un an d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende en cas d'opposition, de quelque façon que ce soit à l'exercice des fonctions dont sont chargés les agents de la jeunesse et des sports spécialement habilités dans le contrôle de l'accueil des mineurs.

- Deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende en cas d'exercice des fonctions à quelque titre que ce soit en vue de l'accueil de mineurs ou d'exploiter les locaux les accueillant malgré les incapacités de l'article L. 133-6 du CASF 1 ( * ) ; ou en cas d'inexécution des décisions préfectorales interdisant l'organisation d'activités, l'exercice partiel ou total de quelque fonction que ce soit auprès des mineurs ou l'exploitation des locaux les accueillant ou la participation à l'organisation de ces accueils, ou encore de celles enjoignant de prendre des mesures contre les manquements et les risques observés.

Enfin, l'article R. 227-11 du CASF oblige les personnes organisant l'accueil des mineurs ou leurs représentants à informer sans délai le préfet du département du lieu d'accueil de tout accident grave ainsi que de toute situation présentant ou ayant présenté des risques graves pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs.

Ces dispositions concernent l'ensemble des séjours accueillant les mineurs hors de leur domicile, y compris à l'étranger.

Cependant, il n'existe aucune disposition particulière visant ces derniers . En effet, ils sont soumis aux mêmes règles que le séjour sur le territoire national, la seule exception résidant dans l'obligation d'obtenir un « agrément » pour les associations et une « licence » tourisme pour les sociétés en vertu de l'article L. 211-18 du code du tourisme. Or, l'obtention de cette licence ou cet agrément n'est soumise à aucune règle concernant la spécificité de l'accueil de mineurs et de leur sécurité . En effet, seuls les trois critères suivants doivent être remplis pour l'obtenir :

- justifier d'une garantie financière suffisante ;

- justifier d'une assurance garantissant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle ;

- justifier de conditions d'aptitude professionnelle.

Or, les contrôles des modalités d'accueil à l'étranger sont limités par le fait que les autorités françaises ne peuvent enquêter sur place, de l'absence à l'étranger des réseaux administratifs français d'information existant sur le territoire national.

C'est pourquoi cette proposition de loi vise à prendre en compte les spécificités des séjours et de l'accueil des mineurs à l'étranger en renforçant le contrôle a priori et les sanctions en cas de non transmission d'informations susceptibles d'aider les fonctionnaires du ministère chargés de la jeunesse et du sport dans leurs missions.

En premier lieu, il s'agit, pour les seuls personnes et organismes organisant l'accueil de mineurs à l'étranger ainsi que ceux exploitant les locaux où ces mineurs sont hébergés, de substituer un dispositif d'agrément préalable à la déclaration préalable auprès de l'autorité administrative . Cet agrément permettrait un contrôle plus approfondi, notamment en matière d'hygiène et de sécurité des mineurs, par l'administration et répondrait aux difficultés inhérentes aux séjours de mineurs à l'étranger que rencontrent les agents du ministère chargé de la jeunesse et des sports ainsi que de l'administration pour suivre et contrôler « en temps réel » les conditions d'accueil des mineurs et les séjours à l'étranger qui leur sont proposés.

En second lieu, il est proposé, d'une part, d' aligner l'incrimination pénale en cas d'organisation de l'accueil de mineurs dans le cadre d'un séjour à l'étranger sans disposer de l'agrément sur ce qui existe actuellement en cas d'organisation de l'accueil de mineurs et de séjour en France malgré l'opposition de l'autorité préfectorale à celle-ci ou à l'exploitation de locaux accueillant les mineurs en France.

D'autre part, il est proposé d' instaurer des sanctions administratives par le retrait de l'agrément en cas de non signalement volontaire au représentant de l'État du département du siège de l'organisme organisant l'accueil des mineurs de tout incident grave survenu lors d'un séjour à l'étranger ; et des sanctions pénales dans les cas d'omissions volontaires les plus graves .

Le décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 227-12 du CASF devra préciser les modalités d'application du texte proposé. Il devra prévoir notamment le contenu détaillé de la demande d'agrément préalable et du projet pédagogique qui devront être davantage étoffés pour permettre à l'autorité administrative d'exercer un contrôle a priori approfondi du séjour. De même en cas de séjours itinérants, l'autorité administrative devra veiller à dissocier les fonctions de transport de celles de l'animation.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Après l'article L. 227-5 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 227-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 227-5-1. - Dans le cadre d'un séjour de mineurs à l'étranger, l'autorité administrative, après un contrôle des conditions d'accueil des mineurs, délivre un agrément autorisant l'organisation du séjour. »

Article 2

L'article L. 227-8 du code de l'action sociale et des familles est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° Le fait d'organiser l'accueil de mineurs dans le cadre d'un séjour à l'étranger sans disposer de l'agrément mentionné à l'article L. 227-5-1. ».

Article 3

Après l'article L. 227-8 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 227-8-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 227-8-1 . - Les personnes organisant l'accueil de mineurs à l'étranger signalent au représentant de l'État dans le département du siège de l'organisme organisant l'accueil des mineurs tout incident grave survenu lors d'un séjour à l'étranger, notamment un décès, un accident nécessitant une hospitalisation supérieure à 24 heures, un accident susceptible d'entraîner une incapacité de longue durée, un incident concernant un nombre important de victimes, un incident ayant nécessité l'intervention des forces de l'ordre public ou ayant entrainé le dépôt d'une plainte en France ou à l'étranger.

« En cas de non signalement volontaire d'un incident mentionné au premier aliéna, l'agrément mentionné à l'article L. 227-5-1 est retiré.

« Est puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende le fait de ne pas signaler volontairement l'un des incidents suivants survenu lors d'un séjour à l'étranger : un décès, un accident nécessitant une hospitalisation supérieure à 24 heures, un accident entraînant une incapacité de longue durée, un incident ayant entraîné le dépôt d'une plainte en France ou à l'étranger. »

Article 4

Après l'article L. 227-10 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 227-10-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 227-10-1 . - En cas d'incident grave mentionné au premier alinéa de l'article L. 227-8-1, le représentant de l'État dans le département du siège de l'organisme peut retirer l'agrément mentionné à l'article L. 227-5-1, après avis de la commission départementale compétente en matière de jeunesse et des sports. »

Article 5

À l'article L. 227-12, après les mots : « Les conditions d'application des articles », sont insérés les mots : « L. 227-5-1, L. 227-8-1, ».

À l'article L. 227-12, après les mots : « L. 227-10 » sont insérés les mots : «, L. 227-10-1 ».


* 1 Notamment les atteintes à la vie des personnes, atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne, mises en danger d'une personne, atteintes aux libertés d'une personne, atteintes à la dignité d'une personne, atteintes aux mineurs et à la famille, appropriations frauduleuses, recels et infractions assimilées ou voisines.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page