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N° 570 rectifié bis

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 mai 2012

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer un moratoire sur l'utilisation et la commercialisation d'armes de quatrième catégorie , et à interdire leur utilisation par la police ou la gendarmerie contre des attroupements ou manifestations,

PRÉSENTÉE

Par Mmes Éliane ASSASSI, Cécile CUKIERMAN, M. Christian FAVIER, Mme Marie-France BEAUFILS, MM. Michel BILLOUT, Éric BOCQUET, Mmes Laurence COHEN, Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, Évelyne DIDIER, MM. Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Mme Brigitte GONTHIER-MAURIN, MM. Pierre LAURENT, Gérard LE CAM, Michel LE SCOUARNEC, Mmes Isabelle PASQUET, Mireille SCHURCH, MM. Paul VERGÈS et Dominique WATRIN,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Définis par le décret n° 95-589 du 6 mai 1995, les matériels de guerre, armes et munitions sont classés en huit catégories. Parmi les armes dites de 4 ème catégorie qui concernent les armes à feu et leurs munitions, on trouve des armes dites « à létalité atténuée » ou « sub-létales », tels les lanceurs de balle de défense (LBD) commercialisés notamment sous le nom de Flashball et de LBD40 et les pistolets à impulsion électronique, souvent appelés Taser du nom du principal fabricant.

Ces armes ont pour fonction de neutraliser une personne dangereuse pour elle-même ou pour autrui, en minimisant les risques et en évitant le recours incomparablement plus dangereux aux armes à feu. Correctement utilisées, elles sont conçues pour que la « cible » ne soit ni tuée, ni blessée grièvement, mais « impressionnée », selon les termes du ministre de l'intérieur qui a généralisé son utilisation en 2002.

Pourtant, la multiplication des incidents met au jour la dangerosité et la banalisation de ces armes. Elles servent de plus en plus en plus comme moyens offensifs pour la dispersion des attroupements et manifestations. Les incidents survenus lors des mobilisations contre la réforme des retraites ont, une fois de plus, mis en lumière la dangerosité des armes de 4 ème catégorie utilisées pour le maintien de l'ordre.

Leur utilisation est sensée permettre « une riposte graduée et proportionnée à des situations dangereuses ». Mais, dans de nombreux cas d'utilisation, la question de la proportionnalité des moyens utilisés par la police a été au coeur des polémiques.

La multiplication de drames entraînant parfois la mort a suscité des réactions et des interrogations de la part de nombreuses associations et de nos institutions.

Saisie en juillet 2009, afin de procéder à une enquête sur un incident survenu le 8 juillet 2009, au cours duquel un homme atteint par un tir de flashball avait perdu l'usage d'un oeil, la Commission nationale de déontologie et de la sécurité avait noté que « même si le tireur respecte les prohibitions et injonctions exprimées dans la doctrine d'emploi technique, l'utilisation d'une telle arme à plus de sept mètres, et plus encore de nuit, par des hommes casqués, sur des cibles mobiles, sans prendre de visée précise, est susceptible d'occasionner de graves blessures ». C'est une « probabilité qui confère à cette arme un degré de dangerosité totalement disproportionné au regard des buts en vue desquels elle a été conçue », ajoutait cette autorité administrative indépendante qui était chargée de veiller au respect de la déontologie par les personnes ou institutions exerçant des activités de sécurité. La commission recommandait alors « de ne pas utiliser cette arme lors de manifestations sur la voie publique, hors les cas très exceptionnels qu'il conviendrait de définir très strictement ». Elle mettait par ailleurs en cause « l'imprécision des trajectoires des tirs de flashball qui rendent inutiles les conseils d'utilisation théoriques et la gravité comme l'irréversibilité des dommages collatéraux manifestement inévitables qu'ils occasionnent ».

En septembre 2010, le Conseil d'État a ordonné la suspension de l'utilisation par la police municipale des pistolets à impulsion électrique, estimant qu'ils avaient été introduits en l'absence de formation et de garanties adéquates.

Le 4 mai 2012, Le Défenseur des droits s'inquiétait à son tour « des problèmes soulevés par l'utilisation de cette arme par les forces de l'ordre ». Il a décidé de mener une réflexion sur l'usage du pistolet à impulsion électrique et des lanceurs de balle de défense de type flashball. Il re commande notamment l'interdiction immédiate des « Taser X 26 » de couleur orange, « armes de remplacement » qui, contrairement aux pistolets jaunes, ne sont pas munies d'un dispositif d'enregistrement vidéo et audio (décision MDS 2010-167).

C'est aujourd'hui au législateur de réagir en encadrant strictement toutes les formes d'utilisation de ces armes, afin de prévenir les dérives et les risques concernant leur utilisation. Ceci est essentiel à la protection de la liberté de manifestation et d'expression des mouvements sociaux, qui ne peuvent être soumis à une pression policière tendant à les marginaliser et à les criminaliser.

Il est urgent dans un premier temps de suspendre par un moratoire l'utilisation de ces armes dangereuses pour faire un état des lieux de leur utilisation, mais également d'interdire l'utilisation des armes de 4 ème catégorie par la police et la gendarmerie nationale contre des attroupements et des manifestations.

Telles sont les raisons de la proposition de loi qu'il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, d'adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Dans l'attente d'une nouvelle législation en la matière, il est institué un moratoire sur la commercialisation, la distribution, et l'utilisation par toute personne des armes de 4 ème catégorie, dont la liste est définie par décret en conseil d'État.

Un décret précisera les conditions d'application de cet article.

Article 2

Au sixième alinéa de l'article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure, après les mots : « le terrain qu'ils occupent.», il est ajouté une phrase ainsi rédigée :

« Ils ne peuvent utiliser à cette fin les armes de 4 ème catégorie, définies par décret pris en Conseil d'État, que dans les circonstances exceptionnelles où sont commises des violences ou des voies de fait d'une particulière gravité et constituant une menace directe contre leur intégrité physique. »

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