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N° 618

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 mai 2013

PROPOSITION DE LOI

facilitant la reprise d' entreprise sous forme de société coopérative de production ,

PRÉSENTÉE

Par Mme Marie-Noëlle LIENEMANN,

Sénatrice

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La reprise d'entreprise constitue un enjeu économique majeur pour la France. Même si le caractère multiforme du phénomène, tant sur le plan juridique qu'économique, rend pour l'heure toute appréhension statistique très incertaine, on dispose néanmoins d'ordres de grandeurs qui permettent de cerner son importance pour le maintien de l'emploi et la dynamisation du tissu productif . Selon certaines estimations, le nombre annuel de cessions-transmissions d'entreprises de plus de 10 salariés est de l'ordre de 13 000 en France (12 900 en 2010, 13 200 en 2011). Ce dénombrement inclut toutes les formes juridiques de reprises, d'une part celles qui se font à titre onéreux dans le cadre d'une cession de fonds de commerce, d'une mise en location-gérance, d'une fusion, de l'acquisition via une holding créée à cet effet ou encore d'un changement d'actionnaire majoritaire et, d'autre part, celles réalisées dans le cadre des dévolutions successorales. Ce serait ainsi plus de 6% des PME qui « changent de mains » chaque année, impactant plus d'un million d'emplois salariés . Si l'on inclut les micro-entreprises, le nombre de cessions-transmissions se situerait annuellement autour de 60 000.

Compte tenu des enjeux économiques et sociaux de la cession-transmission, aucune voie de reprise d'entreprise ne saurait être négligée, qu'il s'agisse de la reprise familiale, par un investisseur ou par les salariés. On constate pourtant que, pour des raisons tant culturelles, financières que juridiques, les reprises par les salariés n'ont pas la place qu'elles mériteraient dans notre pays. C'est pourquoi, dans le prolongement du rapport sur les coopératives adopté le 25 juillet 2012 par la commission des affaires économiques du Sénat, la présente proposition de loi vise à encourager la reprise de leur entreprise par les salariés, notamment sous forme de sociétés coopératives de production (Scop) .

Ce type de reprise profite aux salariés , qui en tant que sociétaires sont directement bénéficiaires des performances de l'entreprise grâce à la « ristourne » coopérative.

Il profite également à l'entreprise elle-même . D'une part en effet, la formule coopérative, qui fait la part belle à l'accumulation des réserves, permet de réinvestir dans l'outil productif une grande partie des profits. D'autre part, la reprise par des salariés ayant une bonne connaissance de l'entreprise et de son environnement, permet généralement une transition sans heurt. Autre avantage : la reprise par des salariés coopérateurs est propice à une implication forte de l'ensemble du personnel, ce qui est bon pour la productivité et la compétitivité.

Enfin, ce type de reprise profite au territoire qui accueille l'entreprise , car les salariés sont naturellement peu enclins à délocaliser leur propre emploi. La reprise constitue ainsi le gage d'une implantation territoriale forte de l'emploi et fait obstacle aux délocalisations .

Pour toutes ces raisons, cette proposition de loi vise en premier lieu à développer la reprise par les salariés d'entreprises en bonne santé . Deux mesures sont envisagées. D'abord, une réforme du régime des scop permettant aux salariés repreneurs de monter progressivement au capital de leur entreprise. Ensuite, la mise en place d'un droit de reprise préférentiel pour les salariés en cas de cession de leur société, le tout dans le respect du droit de propriété et de la volonté de transmission familiale, si cette volonté existe.

Ainsi, l'article 1 er permet le maintien du régime fiscal des SCOP pour les coopératives de salariés minoritaires et ce pendant une période de dix ans suivant la reprise d'une entreprise sous forme coopérative . Actuellement en effet, aux termes de l'article 26 bis de la loi de 1978, le régime fiscal des SCOP n'est pas applicable si les associés extérieurs détiennent plus de la moitié du capital. Or, ce régime fiscal spécifique, qui se traduit par une réduction significative de l'imposition des SCOP, permet de dégager les bénéfices grâce auxquels les salariés financent au bout du compte le coût de la reprise de leur entreprise. Sans cela, le bouclage financier de l'opération devient quasiment impossible pour des salariés dont l'apport en capital initial est forcément très réduit.

L'article 2 crée un droit d'information et de préférence pour les salariés en cas de cession d'une société à titre onéreux . Le dispositif proposé vise les reprises de sociétés qui se font au moyen d'un changement d'associé ou d'actionnaire majoritaire. Il prévoit une information obligatoire des salariés avant toute cession majoritaire sous peine de nullité de la vente. Il prévoit également un mécanisme destiné à assurer la sincérité de l'information transmise aux salariés concernant le projet de cession de leur entreprise : pour éviter la communication d'une information biaisée destinée à « faire monter les enchères » artificiellement, la vente à un tiers est nulle si elle se fait dans des conditions moins avantageuses que celles prévues dans le projet de cession communiqué aux salariés.

Le second volet de la proposition de loi concerne la reprise d'entreprises en difficulté , dans le cadre des procédures prévues au Livre VI du code de commerce. L'article 3 renforce l'information des salariés à l'occasion des procédures judiciaires applicables aux entreprises en difficulté . Par ailleurs, il prévoit que, si le tribunal doit choisir entre des offres de reprises de qualité équivalente, il donne sa priorité à l'offre de reprise sous forme de SCOP .

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

I.- La loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives ouvrières de production est ainsi modifiée :

1° L'article 26 bis est ainsi rédigé :

« Les sociétés coopératives ouvrières de production dont le capital est détenu pour plus de 50 % par des personnes définies au 1 quinquies de l'article 207 du code général des impôts ou des titulaires de certificats coopératifs d'investissement ne peuvent bénéficier des dispositions prévues par le 3 du II de l'article 237 bis A et par l'article 1456 du même code, à l'exception toutefois :

« - de celles dont la majorité du capital est détenue par une autre société coopérative ouvrière de production dans les conditions prévues à l'article 25 de la présente loi ;

« - de celles issues de la transformation d'une société dans les conditions prévues au chapitre I er du titre IV de la présente loi, pendant une période de dix ans à compter de la transformation. »

2° Après l'article 49 bis , il est inséré un article 49 ter ainsi rédigé :

« Art. 49 ter. - Pendant une période de dix ans à compter de la transformation d'une société en coopérative ouvrière de production, pour l'application de l'article 3 bis de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération :

« - le seuil de 35 % mentionné aux deuxième et quatrième alinéas peut être porté à 50 % si les associés non coopérateurs possèdent une fraction majoritaire du capital social de la société ;

« - le cas particulier prévu au troisième alinéa n'a pas lieu d'être distingué. »

II. - Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa du 3 du II de l'article 237 bis A, les mots : « dont la majorité du capital est détenue par une autre société coopérative ouvrière de production dans les conditions prévues à l'article 25 » sont remplacés par les mots : « mentionnées aux deuxième et troisième alinéas de l'article 26 bis » ;

2° L'article 1456 est ainsi modifié :

a) Au second alinéa, les mots : « ou dont le capital est détenu pour plus de 50 % par des personnes définies au 1 quinquies de l'article 207 et des titulaires de certificats coopératifs d'investissement, à l'exception de celles dont la majorité du capital est détenue par une autre société coopérative ouvrière de production dans les conditions prévues à l'article 25 modifié de la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives ouvrières de production » sont supprimés ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« En sont également exclues les sociétés coopératives ouvrières de production dont le capital est détenu pour plus de 50 % par des personnes définies au 1 quinquies de l'article 207 et des titulaires de certificats coopératifs d'investissement, à l'exception toutefois de celles mentionnées aux deuxième et troisième alinéas de l'article 26 bis de la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives ouvrières de production. »

III. - La perte de recettes qui pourrait résulter pour l'État de l'application du présent article est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Article 2

Le titre III du livre II du code de commerce est complété par un chapitre ainsi rédigé :

« CHAPITRE X

« Du droit d'information et de préférence des salariés en matière de reprise

« Article L. 240. - Les associés ou les actionnaires détenteurs d'une part majoritaire du capital social d'une société dont les titres de capital ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé informent les salariés de tout projet de cession à titre onéreux à un tiers des parts ou des actions qu'ils détiennent, dès lors que cette cession conduit à transférer la propriété d'une part majoritaire du capital social. Cette information est communiquée aux salariés au moins trois mois avant que la cession ne soit réalisée. Elle porte notamment sur le volume et le prix des titres dont la cession est envisagée et doit permettre aux salariés, s'ils le souhaitent, de proposer une offre de rachat concurrente des parts cédées.

« La cession à un tiers réalisée en méconnaissance du droit d'information prévu à l'alinéa qui précède est nulle. Il en va de même de la cession à un tiers réalisée dans des conditions significativement moins avantageuses pour le cédant que celles communiquées aux salariés dans les trois mois précédents la vente des parts ou actions.

« Les salariés candidats à l'acquisition des parts ou actions cédées dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article disposent d'un délai de deux mois à compter de la communication du projet de cession pour informer le cédant de leur intention. À l'expiration de ce délai, en l'absence de proposition des salariés, la cession peut intervenir immédiatement.

« Les dispositions des trois premiers alinéas ne s'appliquent pas au cas d'une cession à des personnes qui, en vertu de dispositions législatives, statutaires ou conventionnelles, disposent d'un droit de rachat prioritaire des parts représentatives du capital social de cette société.

« Lorsque les salariés proposent une offre de rachat des parts cédées dans la situation prévue au premier alinéa, cette offre est prioritaire par rapport aux offres concurrentes si elle n'est pas moins avantageuse pour le cédant.

« Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret. »

Article 3

Le livre VI du code de commerce est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l'article L. 626-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le tribunal tient compte des possibilités de reprise de l'activité par les salariés, notamment sous forme de société coopérative, pour arrêter le plan de sauvegarde. »

2° Après l'article L. 631-1, il est inséré un article L. 631-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 631-1-1 - Dès l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, le tribunal informe les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel que les salariés sont admis à soumettre à l'administrateur des offres, notamment sous la forme d'une société coopérative, tendant au maintien de l'activité de l'entreprise, par une cession totale ou partielle de celle-ci selon les dispositions de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre VI. »

3° Le premier alinéa de l'article L. 642-2 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il informe les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel que la cession totale ou partielle de l'entreprise est envisageable et que les salariés ont le droit de présenter une offre de reprise, notamment sous la forme d'une société coopérative. »

4° Le premier alinéa de l'article L. 642-5 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« S'il se trouve devant des offres de qualité équivalente, il accorde sa priorité à la reprise sous forme de société coopérative. »

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