N° 181

SENAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 28 janvier 1999.

PROPOSITION DE LOI

tendant à modifier les articles L. 145-3 et L 145-7 du code de l'urbanisme,

PRÉSENTÉE

PAR MM. Georges GRUILLOT, Louis ALTHAPÉ, Jean-Paul AMOUDRY, Paul BLANC, Jean BOYER, Gérard BRAUN, Jean-Paul ÉMIN, Jean FAURE, Bernard FOURNIER, Louis GRILLOT, Pierre HÉRISSON, André JOURDAIN, Marcel LESBROS, Paul NATALI, Louis-Ferdinand de ROCCA SERRA et Guy VISSAC,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement)

Urbanisme.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Le droit de l'urbanisme doit concilier les impératifs de l'aménagement du territoire et du développement, d'une part, de la protection des sites et de la défense de l'environnement, d'autre part. Cela peut s'avérer délicat dans les espaces les plus fragiles, à commencer par la montagne.

La loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne illustre bien les difficultés d'arbitrer équitablement entre ces finalités souvent antagonistes. Les règles spécifiques de préservation du milieu naturel qu'elle institue sont susceptibles de compromettre, à terme, l'équipement et la mise en valeur économique des territoires concernés.

Introduites aux articles L. 145-1 à L. 145-13 du code de l'urbanisme, les dispositions issues de la loi de 1985 enferment en effet les possibilités de construction et d'équipement en zone de montagne dans un cadre contraignant, dont la rigueur se trouve renforcée par la jurisprudence. En particulier, l'article L. 145-3 sur le fondement duquel ont été intentés la plupart des recours contentieux tend à faire prévaloir la présentation des terres à vocation agricole, pastorale et forestière (article L. 145-3-1). S'il rend aussi possible l'extension de l'urbanisation, cela doit être en continuité avec les bourgs et villages existants (auxquels la loi n° 95-115 du 4 février 1995 a ajouté les hameaux), sauf à délimiter de nouveaux hameaux intégrés à l'environnement (paragraphe III).

Enfin, la création d'unités touristiques nouvelles, dont l'article L. 145-3-IV fixe les conditions de réalisation, permet d'assurer le développement touristique, sous réserve de l'inscrire dans le respect de la qualité des sites et des grands équilibres naturels. Il est étonnant, dès lors, que seules les activités artisanales, industrielles et commerciales ne semblent plus avoir en tant que telles droit de cité en montagne. Elles font pourtant partie intégrante, dans nombre de massifs, du patrimoine culturel montagnard dont se réclame pourtant le paragraphe II de l'article L. 145-3.

Certes, on peut comprendre que le législateur ait voulu imposer des sujétions particulières dans des sites où la protection de la nature est plus qu'ailleurs nécessaire. Mais pourquoi tout projet d'aménagement devrait-il déboucher sur une « unité touristique nouvelle », qu'on l'implante dans un site encore vierge ou qu'on en fasse une extension significative d'un équipement existant ? Dans le même temps, le juge administratif, invoquant la vocation agricole des terres ou le principe d'urbanisation en continuité, sanctionnera les projets d'activités nouvelles en refusant ici d'assouplir les critères d'une ZAC de centre-ville (CE., 28 juillet 1993, commune de Chamonix), là de créer une zone d'activité incluant un lotissement à usage industriel (T.A. Nice, 11 mai 1995, association de sauvegarde et de défense du site de Peille).

L'application rigoureuse de l'article L. 145-3-III pourrait conduire au dépérissement de nombre de zones de montagne qui n'ont pas de vocation touristique particulière, s'il devient impossible d'y accueillir une zone artisanale ou industrielle nouvelle. Ce sont pourtant des activités de ce type - des industries hydrauliques ou minières aux activités de main-d'oeuvre, notamment qui ont, aux côtés des activités agricoles et pastorales, façonné le visage traditionnel des massifs montagneux jusqu'à l'irruption de la civilisation de l'or blanc. D serait paradoxal que le seul vecteur du développement économique en montagne puisse être le tourisme, alors que les règles contraignantes édictées en 1985 ont précisément eu pour objet premier d'en contenir les effets dévastateurs.

Proscrire l'implantation de toute construction de nature autre qu'agricole ou touristique hors des villages existants ou en discontinuité avec ceux-ci risque, à terme, d'accentuer le processus de désertification qui guette déjà les régions montagneuses les plus défavorisées. Opportunément, les directives territoriales d'aménagement, telles que définies par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 (article L. 145-7 du code de l'urbanisme) ont posé à juste titre le principe de l'équilibre entre les perspectives de développement, de protection et de mise en valeur du territoire, et ont prévu de préciser, pour les territoires concernés, les modalités d'application des lois d'aménagement et d'urbanisme.

Il convient aujourd'hui, pour conforter cette orientation, d'ouvrir la possibilité de maintenir ou de créer des activités économiques diversifiées là où le besoin s'en fait sentir, tout en encourageant la pratique intercommunale. Ce principe doit être inscrit dans les directives territoriales d'aménagement auxquelles sont soumis les plans d'occupation des sols.

Ainsi pourra être mieux satisfaite l'une des finalités assignées à la politique de la montagne de 1985, « de permettre aux populations locales et à leurs élus d'acquérir les moyens et la maîtrise de leur développement en vue d'établir, dans le respect de l'identité culturelle montagnarde, la parité des revenus et des conditions de vie entre la montagne et les autres régions » (article 1 er de la loi de 1985).

Tel est bien l'objet de la proposition de loi qu'il vous est demandé de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Le début du premier alinéa du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :

« Sous réserve de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, de l'implantation de constructions à usage industriel et commercial sur des terres sans vocation agricole spécifique, en vertu, le cas échéant, des articles L. 311-1 à L. 311-6 du présent code et des installations ou équipements d'intérêt public compatibles avec le voisinage des zones habitées, l'urbanisation doit se réaliser... (le reste sans changement). »

Article 2

Le quatrième alinéa (3°) du I de l'article L. 145-7 du code de l'urbanisme est ainsi complété :

« et notamment en ce qui concerne l'implantation de constructions à usage industriel et commercial, lorsque les nécessités du développement économique local le justifient »

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