N°374

SENAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 mai 1999.

PROPOSITION DE LOI

relative à l' organisation de l'archéologie,

PRÉSENTÉE

Par MM. Ivan RENAR, Jack RALITE, Mmes Hélène LUC, Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, MM. Robert BRET, Michel DUFFOUR, Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Gérard LE CAM, Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT et Mme Odette TERRADE,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Patrimoine esthétique, archéologique et historique.

EXPOSE DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Depuis une vingtaine d'années, les moyens et les conditions de l'activité de sauvetage archéologique ont subi une totale transformation imposant de redéfinir les modalités d'application de la loi du 27 septembre 1941.

En effet, l'augmentation importante des surfaces concernées par les travaux d'aménagement et d'urbanisation du territoire a profondément modifié les conditions d'organisation de la loi.

Les modalités de financement de l'activité archéologique, dont la légitimité n'est pas convenablement assurée, sont devenues un enjeu important.

C'est pourquoi une réforme apparaît nécessaire afin que l'archéologie, qui inscrit dans la science et dans les mémoires individuelles un peu de l'histoire collective que lui livrent les vestiges et les témoins matériels, reste pleinement de la responsabilité du service public à la fois à l'échelle de notre pays mais aussi des entités territoriales qui le composent.

Depuis la fin des années soixante-dix, un certain nombre de villes et de départements ont souhaité s'impliquer activement dans la connaissance et la gestion de leur passé.

L'archéologie s'attachant à l'étude des sociétés humaines et de leurs territoires, la proximité est selon nous un facteur important en ce qu'elle participe à une connaissance intime du patrimoine.

Dans l'ensemble des collectivités dotées de services d'archéologie, les résultats sont probants : fouilles archéologiques, publications et expositions se sont développées.

En outre, la permanence et la proximité des services archéologiques ont permis leur implication dans de nombreux domaines en multipliant les partenaires scientifiques et institutionnels.

En conduisant des politiques de diffusion et d'animation, ces services ont développé des collaborations dans les champs de l'éducation, de l'économique, du social, du culturel sous toutes ses formes. Ces décloisonnements et imbrications mutuels, issus d'une fréquentation au quotidien et modulés au gré des situations locales, sont un bénéfice à la fois pour l'archéologie et pour la vie locale.

Dans ce cadre, une réforme cohérente de l'archéologie doit se placer dans la perspective d'une décentralisation de celle-ci afin de permettre aux collectivités territoriales d'assumer de pleine compétence leur passé et leur patrimoine historique.

Cependant, il importe de conserver l'ensemble des prérogatives de l'Etat en matière d'archéologie.

L'Etat doit pleinement remplir son rôle en matière d'incitation en matière de cadrage méthodologique et de coordination de l'ensemble des programmes archéologiques.

La proposition de loi qui vous est soumise vise l'ensemble de ces objectifs.

L'article 1 er pose le principe de l'inscription de l'archéologie dans les missions du service public.

L'article 2 prévoit la création d'une Agence nationale de l'archéologie.

L'article 3 définit les missions archéologiques qui pourraient être confiées aux départements à l'issue d'une convention établie entre l'Etat et ces derniers.

L'article 4 établit dans le cadre d'une responsabilité associant les collectivités territoriales les missions de l'Etat.

L'article 5 enfin pose le principe du financement de l'archéologie dans notre pays.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons, Mesdames, Messieurs, à adopter cette proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

L'archéologie est d'intérêt général ; elle révèle à travers ses témoins matériels la mémoire collective. Son organisation relève pleinement des missions du service public.

Article 2

II est créé un établissement public administratif dénommé Agence nationale de l'archéologie.

L'Agence nationale de l'archéologie est habilitée à exécuter l'ensemble des missions archéologiques qui lui sont confiées par l'Etat et les collectivités territoriales.

Le conseil d'administration de l'Agence nationale de l'archéologie est composé de représentants de l'Etat, de représentants des collectivités territoriales et de personnalités qualifiées dans les domaines de l'archéologie.

Le conseil scientifique de l'Agence nationale de l'archéologie est présidé par le président du conseil d'administration de l'Agence nationale de l'archéologie.

Le conseil scientifique est composé des représentants des ministères de la recherche et des universités représentant à parité les périodes de l'archéologie et de représentants du ministère de la culture.

Les droits et obligations de l'AFAN sont transférés à l'Agence nationale de l'archéologie.

Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article.

Article 3

L'Etat veille au respect de la loi du 27 septembre 1941 validée par l'ordonnance n° 45-2092 du 15 septembre 1945 relative à l'archéologie.

Les collectivités locales dont les conseils généraux, les villes d'art et d'histoire, les communautés urbaines ou regroupements de communes de plus de 50 000 habitants peuvent, dans des conditions prévues par convention, et sur l'initiative de l'une ou l'autre des parties, exercer pour l'Etat les compétences que celui-ci leur confère en matière d'archéologie.

A l'issue de la conclusion de la convention, le département ou les collectivités territoriales définies à l'alinéa précédent exercent les compétences suivantes :

1° Le département ou les collectivités établissent la carte archéologique du territoire dont ils ont la responsabilité selon des règles édictées par l'Etat et en communiquent le contenu à ce dernier.

2° Le département ou les collectivités prescrivent le régime de protection des procédures d'urbanisme après contrôle des services de l'Etat.

3° Ils établissent les inventaires des patrimoines et des collections archéologiques et en communiquent le contenu à l'Etat selon des règles définies par ce dernier.

4° Le département ou les collectivités sont compétents en matière de prescriptions des sondages, des évaluations et fouilles soumises aux contrôles de l'Etat, qui délivre après examen des prescriptions les autorisations afférentes.

5° Le département ou les collectivités sont habilités à diriger les sondages, évaluations et fouilles dont ils ont établi les prescriptions. Ils dirigent les études patrimoniales qui en découlent et les synthèses nécessaires à l'étude du patrimoine.

6° Les services départementaux d'archéologie ou les services des collectivités locales peuvent déléguer selon des conditions définies par décret la direction des opérations dont ils ont établi les prescriptions à l'Agence nationale de l'archéologie.

7° Les services départementaux ou les services des collectivités ont compétence pour la gestion et l'organisation de la conservation des objets découverts sur le territoire où s'exerce leur compétence administrative.

8° Le département ou les collectivités locales assurent les actions de diffusion des travaux archéologiques dont ils ont la charge dans le cadre de la convention conclue avec l'Etat,

Article 4

Conformément à la loi du 27 septembre 1941 validée par l'ordonnance n° 45-2092 du 13 septembre 1945 relative à l'archéologie, les services de l'Etat exercent les missions suivantes :

1° Ils veillent au regroupement des données de la carte archéologique élaborées par les conseils généraux ou les collectivités locales définies au deuxième alinéa de l'article 3 de la présente loi.

2° Ils veillent au contrôle et à la validation des protections induites dans les procédures d'urbanisme relatives à l'archéologie établies par les conseils généraux ou les collectivités locales.

3° Ils veillent au contrôle des données des inventaires des patrimoines et des collections archéologiques gérées par les conseils généraux ou les collectivités locales.

4° Ils veillent au contrôle des prescriptions de sondages, évaluations et fouilles élaborées par les conseils généraux ou les collectivités locales. Dans des conditions définies par décret l'Etat, peut décider le renforcement des prescriptions. Si un arbitrage s'avère nécessaire, celui-ci est décidé conformément à la loi du 27 septembre 1941 et aux décrets de 1994 organisant les commissions nationales et interrégionales de l'archéologie.

5° Dans le cadre des actions de diffusion et de valorisation du patrimoine archéologique ressortissant de plusieurs collectivités territoriales l'Etat peut être à l'initiative de ces actions et proposer en tant que de besoin des coopérations régionales ou nationales.

6° L'Etat conserve l'ensemble de ses prérogatives en matière d'actions programmées d'archéologie et coordonne l'action des différents intervenants de l'archéologie.

7° L'Etat organise les actions d'archéologie préventive dans le but de protéger les sources matérielles de la communauté nationale. Les objets, documents, vestiges meubles et immeubles, trésors et éléments numismatiques découverts sont déclarés « propriété de l'Etat » et placés sous son contrôle et sa gestion. Ces objets sont incessibles et inaliénables.

Article 5

Les aménageurs publics prévoient sur leurs fonds propres le financement de l'archéologie préventive pour les opérations d'aménagement ou immobilières dont ils ont la charge.

Les aménageurs privés prévoient sur les opérations d'aménagements ou immobilières dont ils ont la charge le financement de l'archéologie préventive.

Il est créé une Mutuelle d'intervention du patrimoine dirigé par un conseil d'administration composé de :

- deux représentants des services du patrimoine de l'Etat ;

- deux représentants des services du patrimoine des départements ;

- deux représentants du ministère de l'aménagement du territoire ;

- deux représentants des services fiscaux de l'Etat ;

- deux représentants des aménageurs et des bâtiments et travaux publics ;

- deux représentants des entreprises de terrassement ;

- deux représentants de l'Association des présidents de conseils généraux ;

- deux représentants de l'Association des maires de France.

La Mutuelle d'intervention du patrimoine est financée par le versement d'une somme calculée sur la base d'une cotisation assise sur la surface hors oeuvre nette figurant au permis de construire. Pour les opérations ne comportant pas de calcul de la surface hors oeuvre nette, c'est la surface exprimée en mètres carrés qui sert d'assiette au calcul.

Les opérations répondant à la définition du logement social sont dispensées du versement des sommes servant à la mutualisation. Les opérations mixtes ne versent que la partie n'entrant pas dans les critères du logement social.

En cas de prescription d'intervention archéologique, l'opérateur présente à la Mutuelle d'intervention du patrimoine les justificatifs du financement de l'opération archéologique prescrite visés et approuvés par le service de protection du patrimoine archéologique concerné. Il est alors remboursé des sommes investies sur justification de ses versements mutualistes.

Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application de cet article ainsi que la répartition des sommes collectées par la Mutuelle d'intervention du patrimoine.

Article 6

Le taux de l'impôt prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à due concurrence.

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