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N°396

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 juin 1999.

PROPOSITION DE LOI

relative à la famille,

PRÉSENTÉE

Par MM. Jean ARTHUIS, Guy CABANEL, Henri de RAINCOURT et Josselin de ROHAN,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Famille.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La famille, lieu d'amour, d'épanouissement personnel et de solidarité, est plébiscitée comme valeur clé de notre société par l'ensemble des Français.

La famille qui relève de l'intimité et de la vie privée doit se créer, vivre et se développer librement, en dehors des ingérences de l'État. Il n'y a pas de démocratie sans liberté familiale, liberté de vivre en couple, de se marier, d'avoir des enfants. Ce sont des droits universels de l'homme et de la femme, imprescriptibles, inaliénables.

Toutefois, la famille a également besoin d'être soutenue par des lois qui lui sont favorables. Des lois qui soient les mêmes pour toutes les familles. Et elle a besoin d'être aidée par une politique familiale authentique, qui ne soit pas une politique en trompe l'oeil, où l'on redéploie des aides existantes, déshabillant Pierre pour habiller Paul.

Le renouvellement de la politique familiale, engagé par la loi relative à la famille du 25 juillet 1994, est particulièrement nécessaire à notre temps. Car la société française n'est plus aujourd'hui celle des années d'après-guerre, ni celle des années 1960.

Désormais, la définition de la politique familiale doit prendre en compte trois exigences.

D'abord, celle des nouvelles aspirations des femmes. À une époque où 80 % des jeunes femmes exercent une activité professionnelle, l'aspiration à travailler ne doit pas être opposée au désir d'enfant. Il s'agit désormais de permettre à toutes les femmes qui le souhaitent de concilier vie professionnelle et vie familiale. C'est un des enjeux essentiels du débat sur le temps de travail, un enjeu qui ne paraît pas suffisamment relayé par le gouvernement ni par les partenaires sociaux. Mais il faut également réfléchir aux moyens de ne pas freiner, par une législation dissuasive, les femmes qui ont le potentiel de « faire carrière », c'est-à-dire d'accepter les charges liées à des fonctions d'encadrement ou de direction. La mixité professionnelle est à ce prix.

Ensuite, l'exigence démographique. Notre pays aujourd'hui n'assure pas le renouvellement des générations. C'est à terme une menace grave pour l'équilibre de notre société, pour son dynamisme et pour le financement des retraites. En l'an 2020, les personnes âgées de plus de soixante ans seront en France plus nombreuses que celles âgées de moins de vingt ans. Paradoxalement, en même temps que se produit ce ralentissement démographique qui conduit la France, en tendance, à s'aligner sur les taux démographiques de ses partenaires européens à un taux de fécondité de 1,5 enfant, le désir d'enfant dans les familles reste aussi important qu'il l'était il y a quinze ans : 2,2 enfants, un taux supérieur à celui qui permettrait le renouvellement des générations (2,1) ! Aider les familles à réaliser leur désir d'avoir un deuxième ou un troisième enfant est donc la tâche prioritaire à laquelle l'État, pour préserver la cohésion sociale et le dynamisme de notre pays, doit s'atteler.

Enfin, l'exigence de l'éducation des enfants. Une politique familiale ambitieuse et réussie doit permettre aux familles de jouer pleinement leur rôle dans ce domaine. Sans des familles en mesure d'exercer leurs responsabilités, on ne réglera aucun des problèmes majeurs auxquels notre société est confrontée : la maltraitance des enfants, l'échec scolaire, la violence, la drogue. Il faut, c'est essentiel, aider à l'accueil de l'enfant, mais sans négliger les problèmes que posent aujourd'hui les grands enfants, qui rentrent de plus en plus tard dans la vie active. Enfin, il est urgent de revaloriser la fonction paternelle en incitant, par des mesures législatives favorables, les pères à exercer encore davantage leur fonction éducative au sein du couple.

Lorsque le lien familial s'affaiblit, l'exclusion progresse. Les systèmes de solidarité collective les plus accomplis, parce qu'ils ne reposent pas sur des liens de personne à personne, n'approcheront jamais l'efficacité de la famille pour surmonter les difficultés de la vie. C'est aussi pour cela qu'il est tellement important pour la France d'avoir une politique familiale solide et sans cesse en progrès.

La présente proposition de loi, qui se situe clairement dans le prolongement de l'inspiration de la loi relative à la famille de 1994, prend en compte ces différentes exigences pour mettre en place un dispositif ambitieux qui s'organise autour de plusieurs axes.

I. - L'accueil de l'enfant

Les études socio-économiques récentes sur la famille font apparaître deux informations importantes :

1° Il est extrêmement rare que des couples renoncent au projet d'avoir leur premier enfant pour des raisons financières. L'aide à l'accueil du premier enfant ne saurait donc être une priorité de politique familiale.

2° Chaque enfant a un coût qui diminue d'environ 25 % le niveau de vie du ménage. Ainsi, contrairement à l'idée reçue, le deuxième enfant n'est pas moins coûteux que le premier. Quant au coût du troisième enfant, il doit être majoré pour tenir compte des questions de taille du logement qui se posent inévitablement après sa naissance.

Ainsi, d'après le rapport de MM. Thélot et Villac, un chef d'une famille de quatre enfants, gagnant un salaire net de 24 000 F, possède en réalité le niveau de vie d'un homme marié, sans enfant, rémunéré au SMIC.

Dès lors, une politique familiale qui a pour but de permettre aux familles de concrétiser leur désir d'enfant doit porter, pour être efficace, sur les enfants de rang 2 et 3. Donner des aides financières importantes pour l'accueil du premier enfant est sans influence sur l'équilibre démographique du pays, et n'est pas justifié par son coût effectif, qui n'est pas plus élevé que celui des enfants suivants - voire beaucoup moins élevé que le coût du troisième enfant.

Désormais, une politique familiale ambitieuse doit donc se donner deux priorités :

Encourager l'accueil du second enfant

La prise en compte de la baisse de la fécondité depuis vingt ans conduit à ne plus faire porter exclusivement l'effort de la politique familiale sur l'enfant de rang 3, mais auparavant sur le deuxième enfant, dont le coût diminue considérablement le niveau de vie des ménages et auquel les familles tendent aujourd'hui à renoncer.

Une telle inflexion de la politique familiale a été entamée par la loi famille de 1994, qui a étendu le dispositif de l'allocation parentale d'éducation dès le deuxième enfant, permettant aux parents qui choisissent de prendre un congé parental de recevoir une prestation compensatoire de 3 002 F/mois pendant les trois premières années de l'enfant.

Cette mesure a d'ailleurs connu un succès extraordinaire, puisque ce sont désormais 500 000 familles qui bénéficient d'une APE.

2° Continuer de faciliter l'accueil du troisième enfant, dont le coût apparaît rédhibitoire à de nombreuses familles qui souhaiteraient pourtant sa naissance.

Pour tenir compte de ces deux priorités, il est proposé de créer une allocation universelle d'accueil de l'enfant (AUAE). Elle serait versée universellement à toutes les familles, puisque son objectif serait de compenser le surcoût (qui existe pour tous les couples) de la venue de l'enfant.

Ces prestations seraient versées dès la naissance et pendant les dix premiers mois de l'enfant, pour un montant de 1 000 F/mois pour le second, et de 2 000 F/mois pour le troisième et les suivants.

Ces prestations pourraient se cumuler avec le bénéfice de l'allocation parentale d'éducation. Plus avantageuses, elles se substitueraient durant les dix premiers mois de l'enfant au versement de l'allocation pour le jeune enfant.

Ainsi, un parent décidant de se consacrer pendant trois ans à l'éducation de son deuxième enfant percevrait au total : 3 002 F + 1 000 F = 4 002 F pendant les dix premiers mois de l'enfant, soit au total 40 020 F.

Pour la naissance du troisième enfant, le revenu de substitution se monterait à 3 002 F + 2 000 F = 5 002 F pendant les dix premiers mois de l'enfant, soit au total 50 020 F.

L'ensemble de ces prestations n'étant pas soumis à l'impôt sur le revenu, le dispositif du congé parental s'en trouverait considérablement revalorisé.

Le coût total de cette mesure est évalué à 800 millions de francs par an.

II. - La conciliation entre vie professionnelle et vie familiale

Le dispositif du congé parental, ainsi rendu plus attractif, serait complété par quatre mesures permettant une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

La création d'un congé de solidarité familiale

Il s'agit désormais de ne plus dissocier artificiellement le temps professionnel et le temps familial. Il est donc proposé la création d'un congé de solidarité familiale. D'une durée d'un an sur l'ensemble de la vie professionnelle, ce congé constituerait un droit pour tout Français qui en ferait la demande pour une durée de six mois minimum renouvelable, pour motif familial dûment justifié.

Ce congé de solidarité familiale a pour objet, d'une part, d'éviter le recours systématique à des mécanismes de solidarités collectives, alors que les solidarités familiales pourraient plus efficacement jouer. D'autre part, il vise à cimenter davantage la cellule familiale et prévenir des ruptures dues à la double activité professionnelle des couples.

Ainsi, ce congé serait ouvert non seulement pour motifs médicaux, mais aussi pour des cas d'échecs scolaires, de tensions familiales au sein du couple (séparation, divorce), de mutation du conjoint dans un lieu éloigné, de soutien aux parents âgés.

Les conditions d'exercice de ce droit à congé seraient fixées par voie d'accord collectif. À défaut d'accord, ces modalités seraient celles qu'un décret en Conseil d'État fixera dans des conditions répondant à la fois aux aspirations légitimes des familles et aux besoins de fonctionnement des entreprises. Les dispositifs contractuels plus favorables s'appliqueraient, bien entendu, de préférence au système légal.

La généralisation du temps partiel choisi

Tout parent d'un enfant de moins de six ans aurait droit de travailler à temps partiel (80 % ou 50 %).

Il s'agit ici d'étendre jusqu'au sixième anniversaire de l'enfant les dispositions concernant le congé parental à temps partiel créé en 1994.

Les parents pourraient prétendre - pendant les trois premières années du deuxième enfant et des suivants - au bénéfice de l'allocation parentale d'éducation d'un montant de 1 988 F par mois (50 %) ou 1 503 F par mois (80 %), conformément aux dispositions de la loi de 1994.

3° La valorisation du rôle des pères

Pour inciter les pères à jouer un rôle plus actif dans la vie de la famille et l'éducation de leurs enfants, il est proposé de majorer les droits à congés familiaux offerts aux deux parents de la moitié du temps de congé pris par les pères, dans la limite d'un an.

Ainsi, un père demandant une année de congé de solidarité familiale pour s'occuper d'un enfant en situation d'échec scolaire, en cure de désintoxication ou en risque de délinquance, majorerait de six mois les droits à congés totaux des deux parents de l'enfant.

Cette disposition vaudrait :

- pour le congé parental ;

- pour le congé de solidarité familiale ;

- pour le droit à temps partiel choisi.

La compensation de l'effort familial des entreprises

Les recrutements auxquels procéderont les entreprises pour remplacer les salariés en congé de solidarité familiale donneront lieu à une exonération de charges sociales de 12 000 F par an.

Par ailleurs, les fonds sociaux des caisses d'allocations familiales seront abondés pour permettre de soutenir la mise en oeuvre d'accords d'entreprise permettant d'améliorer la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, notamment par la création de crèches d'entreprise.

Le coût de ces mesures est évalué à 1 milliard de francs par an en régime de croisière.

5° L'aide à la garde d'enfants à domicile

Condition essentielle de l'accession des femmes à des postes de responsabilité, la garde d'enfants à domicile, qui seule permet une disponibilité suffisante des mères pour leur vie professionnelle (flexibilité d'horaires, garde des enfants malades refusés en structures collectives...) ne peut se développer que si elle est financièrement encouragée.

L'enjeu de ce dispositif est la mixité professionnelle pour les fonctions de direction, dans le secteur public comme dans le secteur privé, voulue tant par l'opposition que, en théorie, par la majorité.

Placer une telle prestation sous condition de ressources est une aberration : puisque son objet est de promouvoir professionnellement les femmes actives, elle ne s'applique en effet qu'à des couples disposant d'un double salaire et disposant, par leur travail, d'un revenu qui ne peut les classer parmi les familles les plus modestes.

La proposition de loi proposera donc le retour au statu quo ante, c'est-à-dire au dispositif de la loi famille de 1994, diminué de moitié par l'actuel gouvernement dans sa loi de finances pour l'année 1998.

Il s'agit de revenir sur deux mesures :

- la diminution de moitié du plafond de la déduction fiscale pour l'emploi à domicile d'une garde d'enfant ;

- la mise sous condition de ressources de l'aide à la garde d'enfant à domicile.

Nous proposons :

- le retour à une prise en charge à 100 % , sans condition de ressources, par les caisses d'allocations familiales des cotisations sociales versées pour l'embauche d'une garde à domicile d'un enfant de moins de trois ans. Et retour à une prise en charge de 50 % lorsque les enfants ont entre trois et six ans ;

- le retour à un plafond de déduction fiscale de 45 000 F, correspondant à 50 % du salaire versé à la garde de l'enfant, au lieu de 22 500 F actuellement.

Le coût de cette mesure est évalué à 1,6 milliard de francs par an.

III. - Les rythmes scolaires

L'allégement et l'enrichissement des rythmes scolaires, lancés par le gouvernement d'Alain Juppé dès 1996 pour les enfants scolarisés dans l'enseignement primaire, constitue une évolution primordiale de notre système éducatif.

Sur la base d'une semaine de cinq jours, des demi-journées sont consacrées aux matières cognitives (mathématiques, français, histoire-géographie), les autres demi-journées aux disciplines de la sensibilité (éveil à la nature, travaux manuels, sports, activités artistiques, multimédia).

La mise en oeuvre expérimentale de ces nouveaux rythmes permet de constater un bilan très favorable :

- une amélioration de l'épanouissement de l'enfant, grâce à des propositions d'enseignement beaucoup plus variées. L'enfant montre un plus grand intérêt pour l'école et un moindre stress, de plus grandes curiosité et créativité ;

- le renforcement de l'égalité des chances. Les enfants sont en effet mis en mesure de réussir dans des domaines qui ne sont pas uniquement intellectuels, d'y épanouir leurs talents, et, à terme, d'élargir leurs débouchés professionnels.

Le gouvernement a reconnu l'importance de cette réforme des rythmes, engagée par ses prédécesseurs, mais il se refuse à aller jusqu'au bout de la logique qui devrait conduire à substituer chaque après-midi aux enseignements traditionnels des matières totalement nouvelles, espaces d'expression et de créativité et non simplement de transmission de connaissances.

Il est temps de faire de la généralisation de ces nouveaux rythmes scolaires une priorité nationale, par la mise en oeuvre d'un plan quinquennal, en se donnant des objectifs chiffrés. Un rapport annuel de suivi de la mise en oeuvre de ce plan sera présenté au Parlement.

IV. - L'aide aux grands enfants

Outre le respect intégral des promesses de la loi famille de 1994, deux principales mesures ont été retenues :

1° L'instauration d'un prêt à taux zéro pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans

Un nouveau prêt à taux zéro, inspiré des mécanismes des « prêts étudiants » actuels, avec différé de remboursement jusqu'à la fin des études, serait créé.

Il s'agirait d'un prêt accordé aux jeunes de vingt-cinq ans au plus, à titre personnel, pour un montant maximum de 24 000 F par an, remboursable avec un différé de remboursement de trois à cinq ans.

Ce prêt devrait être consacré à la réalisation d'un projet à visée professionnelle : financement d'une année de formation, création d'entreprise, installation en tant que travailleur indépendant...

La bonification d'intérêts serait financée par la CNAF.

Ce serait un mécanisme de solidarité responsable, où les grands enfants bénéficieraient de conditions favorables à la poursuite de leurs études ou à la réalisation d'un projet professionnel, mais devraient reverser à la collectivité, sur les fruits de leur travail ultérieur, les sommes supplémentaires dont ils auraient bénéficié.

Son coût peut être estimé à 1,5 milliard de francs sur cinq ans.

2° L'accélération de la transmission anticipée d'éléments de patrimoine

Les retraités disposent aujourd'hui d'un niveau de vie au moins égal à celui des actifs et sans doute jamais atteint dans les générations précédentes, réserve faite, bien sûr, des plus démunis d'entre eux. Ils possèdent également la majeure partie du patrimoine national. L'augmentation générale de l'espérance de vie ralentit considérablement la transmission des patrimoines. Or, c'est au moment d'entrer dans la vie active et de fonder une famille que les jeunes ont besoin d'être aidés.

C'est pourquoi la proposition de loi prévoit une nouvelle exonération fiscale, en cas de donation des grands-parents à leurs petits enfants, âgés de 16 à 30 ans, pour réaliser un projet professionnel (création d'entreprise, financement d'une formation, installation en tant que travailleur indépendant) ou procéder à l'achat d'un bien immobilier, la donation pouvant atteindre un montant maximum de 200 000 F par enfant.

Le coût de cette mesure peut être évaluée à 300 millions de francs par an.

V. - La compensation de l'effort financier des familles.

1° Garantir l'évolution des allocations familiales.

En 1999, les retraites ont été revalorisées de 1,2 % alors que les prestations familiales ne l'ont été que de 0,71 %. On voit bien le déséquilibre entre le traitement plus favorable dont bénéficient les retraités et les laissés-pour-compte que représentent les couples avec de jeunes enfants.

Il est indispensable d'affirmer une priorité nationale en faveur des familles qui sont porteuses de l'avenir de notre pays. Pour rééquilibrer une situation aujourd'hui compromise à leur désavantage, il convient, à titre de rattrapage, de réévaluer les montants des différentes allocations familiales de 0,49 % pour l'année 1999.

Le coût de cette mesure est de 0,75 milliard de francs.

La proposition de la loi pose en outre le principe selon lequel les prestations de la branche famille devront désormais progresser à un rythme qui ne peut être inférieur à celui de la branche vieillesse.

2° Rendre plus favorable le mécanisme du quotient familial

L'instauration du quotient familial est une invention française. Elle est parfois critiquée par des personnes qui n'en comprennent pas la logique. Il s'agit pourtant de compenser l'impact entraîné par l'éducation d'un enfant sur le niveau de vie des ménages, et d'évaluer ainsi leur revenu réel pour que l'impôt sur le revenu soit calculé en fonction de leurs véritables facultés contributives.

En effet, il faut souligner de nouveau que le niveau de vie d'une famille de quatre enfants disposant d'un revenu de 24 000 F par mois est celui d'un « smicard » marié sans enfant.

L'abaissement du plafonnement du quotient familial à environ 11 000 F, au lieu de 16 380 F auparavant, marque une méconnaissance totale de la nature même de ce mécanisme fiscal qui, comme le montre bien le rapport Thélot et Villac, n'est pas un avantage familial mais la compensation - partielle - de la réduction des facultés contributives qu'entraîne la prise en charge des enfants.

L'abaissement du plafond du quotient familial par l'actuel gouvernement a augmenté la contribution mise à la charge des familles et donc diminué l'impact redistributif en faveur des familles de ce mécanisme fiscal.

Il est souhaitable de revenir au dispositif précédent : 650 000 familles sont concernées, la plupart avec de grands enfants, dont le coût, on le sait, est beaucoup plus élevé que celui des jeunes enfants. C'est en effet entre 15 et 25 ans qu'un enfant qui ne travaille pas représente la charge la plus lourde pour ses parents.

Le coût de cette mesure serait de 4 milliards de francs par an.

VI. - Garantir les ressources de la branche famille

1° Reconduire pour cinq ans la garantie de ressources de la branche famille

Jusqu'au 31 décembre 1998, l'évolution des ressources de la CNAF était garantie contre des changements de législation. Chaque année, ses ressources devaient être au moins égales à ce qu'elles auraient été à la fin de l'année en cas de maintien des dispositions législatives et réglementaires applicables le 1 er janvier 1993. Cette disposition qui vise à empêcher que la branche familiale soit victime d'une réduction brutale de ressources devrait être reconduite pour cinq ans.

2° Assurer le financement par l'État de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire

L'État doit continuer d'assurer, ainsi qu'il le fait depuis toujours, le financement de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, et ne pas en transférer la charge à la CNAF.

3° Financement du plan quinquennal

Nous proposons donc un plan quinquennal ambitieux, grâce auquel la branche famille bénéficierait, d'une part, de 25,75 milliards de francs de recettes nouvelles provenant d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et, d'autre part, de l'excédent de la branche famille lié à la reconduction de la garantie de ressources de la CNAF.

Ce plan permettra d'alléger la fiscalité pesant sur les familles (fiscalité du patrimoine, cotisations sociales, impôt sur le revenu) pour un montant de 29,5 milliards de francs sur cinq ans et de réduire les prélèvements sur les entreprises les plus innovantes en matière d'aide aux familles pour un montant de 2,5 milliards de francs sur cinq ans. Au total, 80 % des nouvelles dépenses seront affectées à une baisse des prélèvements fiscaux.

PROPOSITION DE LOI

TITRE PRÉLIMINAIRE
DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article 1 er

La famille est une des valeurs essentielles sur lesquelles est fondée la société. C'est sur elle que repose l'avenir de la nation.

À ce titre, la politique familiale doit prendre en compte tous les aspects de la vie familiale.

TITRE I er

AMÉLIORATION DE L'ACCUEIL DES JEUNES ENFANTS

CHAPITRE I er

L'allocation universelle d'accueil de l'enfant

Article 2

Le chapitre III du titre III du livre V du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Allocation universelle d'accueil de l'enfant

« Art. L. 533-1. - Une allocation universelle d'accueil de l'enfant est attribuée sans condition de ressources pour chaque enfant de rang 2, pendant les dix mois suivant sa naissance.

« Art. L. 533-2. - Une allocation universelle majorée est attribuée sans condition de ressources pour chaque enfant de rang supérieur ou égal à 3 pendant les dix mois suivant sa naissance.

« Art. L533-3. - Ces allocations ne peuvent se cumuler avec l'allocation pour jeune enfant. Leur montant est fixé par décret. »

CHAPITRE II

Allocation de garde d'enfant à domicile

Article 3

À l'article L. 842-1 du code de la sécurité sociale, après les mots : « Une allocation de garde d'enfant à domicile est attribuée » sont insérés les mots : « sans condition de ressources ».

Article 4

Au I de l'article L. 842-2 du code de la sécurité sociale, les mots : « Le montant de l'allocation est égal à une fraction, fixée par décret, du montant des cotisations » sont remplacés par les mots : « Le montant de l'allocation est fonction des cotisations ».

Article 5

Le II de l'article L. 842-2 du code de la sécurité sociale est abrogé.

Majoration de la réduction d'impôt
pour la garde d'enfant à domicile

Article 6

Le 20° du II de la section V du chapitre I er du titre I er du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 20° Réduction d'impôt accordée au titre des sommes versées pour l'emploi d'une garde d'enfant à domicile, à une association agréée ou à un organisme habilité ou conventionné ayant le même objet.

« Art. 200 bis. - 1° Lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories, ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu les sommes versées pour l'emploi d'un salarié employé à la résidence, située en France, du contribuable afin d'assurer la garde d'un enfant de moins de six ans, ainsi que les sommes versées aux mêmes fins soit à une association, soit à une entreprise agréée par l'État, soit à un organisme à but non lucratif, conventionné par un organisme de sécurité sociale, ayant pour objet la fourniture de services de garde d'enfant à domicile.

« La réduction d'impôt est égale à 50 % du montant des dépenses effectivement supportées dans la limite de 45 000 F.

« La réduction d'impôt est accordée sur présentation des pièces justifiant du paiement des salaires et des cotisations sociales, de l'identité du bénéficiaire, de la nature et du montant des prestations payées à l'association, l'entreprise ou l'organisme défini au premier alinéa.

« Les dispositions du 5 du I de l'article 197 sont applicables.

« 2° Les personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France ne bénéficient pas de la réduction d'impôt. »

TITRE II

CONCILIATION ENTRE VIE FAMILIALE
ET VIE PROFESSIONNELLE

CHAPITRE I er

Congé de solidarité familiale

Article 7

La section V du chapitre II du titre II du livre I er code du travail est intitulée « Protection de la maternité, éducation des enfants et solidarité familiale ».

Article 8

Il est inséré, après l'article L. 122-28-9 du code du travail, un article L. 122-28-10 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-28-10. - Tout salarié qui justifie d'une ancienneté minimale d'un an a le droit de bénéficier d'un congé de solidarité familiale durant lequel le contrat de travail est suspendu.

« La demande de congé de solidarité familiale est justifiée par des difficultés graves et transitoires rencontrées par la famille proche du salarié, qu'il s'agisse des ascendants, descendants ou de son conjoint.

« Le congé est accordé pour une durée minimale de six mois, renouvelable une fois. Chaque salarié ne peut bénéficier que d'un an de congé de solidarité familiale sur l'ensemble de sa vie professionnelle.

« La durée du congé de solidarité familiale est prise en compte pour moitié dans la détermination des avantages liés à l'ancienneté. Le salarié conserve en outre le bénéfice de tous les avantages qu'il avait acquis avant le début de ce congé.

« À l'issue du congé de solidarité familiale, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente.

« Les conditions d'exercice de ce droit à congé sont fixées par voie d'accord collectif. À défaut d'accord, ces modalités sont celles qu'un décret en Conseil d'État fixe, dans des conditions répondant à la fois aux aspirations des familles et aux besoins du fonctionnement des entreprises ».

CHAPITRE II

Extension du temps partiel choisi

Article 9

I. - Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 122-28-1 du code du travail, les mots : « Le congé parental et la période d'activité à temps partiel prennent fin au plus tard au troisième anniversaire de l'enfant » sont remplacés par les mots : « Le congé parental prend fin au plus tard au troisième anniversaire de l'enfant ».

II. - Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 122-28-1 du code du travail, après les mots : « arrivée au foyer de l'enfant », sont insérés les mots : « la période d'activité à temps partiel prend fin au plus tard au sixième anniversaire de l'enfant ou, en cas d'adoption, à l'expiration d'un délai de six ans à compter de l'arrivée au foyer de l'enfant ».

CHAPITRE III

Valorisation du rôle des pères

Article 10

Après le deuxième alinéa de l'article L. 122-28-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les droits à congé parental ou à travail à temps partiel ouverts par le premier alinéa du présent article sont majorés de la moitié du temps de congé ou d'activité à temps partiel pris par le père ou le père adoptif de l'enfant. Cette majoration ne peut excéder un an. »

Article 11

Il est inséré, après l'article L. 122-28-10 du code du travail, un article L. 122-28-11 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-28-11. - Les droits à congé de solidarité familiale cumulés des deux parents, ou des deux parents adoptifs, d'un enfant sont majorés de la moitié du temps de congé de solidarité familiale pris par le père ou le père adoptif pour s'occuper de cet enfant. »

CHAPITRE IV

Compensation de l'effort familial des entreprises

Article 12

Il est inséré, après l'article L. 122-28-11 du code du travail, un article L. 122-28-12 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-28-12. - Les recrutements auxquels procéderont les entreprises pour remplacer les salariés bénéficiant d'un congé de solidarité familiale donneront lieu à une exonération de charges sociales, dans des conditions fixées par décret. »

Article 13

Les fonds sociaux des caisses d'allocations familiales soutiennent la mise en oeuvre d'accords d'entreprise permettant d'améliorer la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle des salariés, et particulièrement la création de crèches d'entreprises. Ils bénéficient à cette fin d'une dotation de l'État de 500 millions de francs réévaluée chaque année en fonction de l'évolution de la base mensuelle des prestations familiales.

TITRE III

RYTHMES SCOLAIRES

Article 14

L'allégement et l'enrichissement des rythmes scolaires, sur la base d'une semaine de cinq jours, en réservant une demi-journée quotidienne aux disciplines de la sensibilité, seront généralisés, dans les établissements de l'enseignement primaire, en concertation avec les personnels enseignants de ces établissements, progressivement d'ici cinq ans.

Les zones d'éducation prioritaires bénéficieront en premier lieu de cette réforme des rythmes scolaires.

Un rapport de suivi de la mise en oeuvre de ce plan quinquennal sera présenté au Parlement chaque année.

TITRE IV

L'AIDE AUX JEUNES ADULTES

CHAPITRE I er

Prêt à taux zéro pour les jeunes adultes

Article 15

Dans le titre IV du livre V du code de la sécurité sociale, il est ajouté un chapitre IV ainsi rédigé :

« Aide à la réalisation d'un projet professionnel

« Art. L. 544-1. - Il est créé une aide à la réalisation d'un projet professionnel destinée aux jeunes adultes de 18 à 25 ans. Cette aide est mise en place par les établissements de crédit conventionnés à cet effet sous forme d'avance remboursable ne portant pas intérêt. La Caisse nationale des allocations familiales verse une subvention aux établissements de crédit destinée à compenser l'absence d'intérêt.

« Art. L. 544-2. - Cette aide est attribuée, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, pour financer les opérations suivantes :

« - cursus d'études ou de formation ;

« - projet professionnel ;

« - création d'entreprise. »

CHAPITRE II

Accélération de la transmission anticipée du patrimoine

Article 16

Après le premier alinéa de l'article 790 B du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit entre vifs, il est effectué un abattement de 200 000 F sur la part de chacun des petits-enfants, lorsque ceux-ci sont âgés de 16 à 30 ans. »

TITRE V

LA COMPENSATION DE L'EFFORT FINANCIER DES FAMILLES

CHAPITRE I er

Amélioration du mécanisme du quotient familial

Article 17

Dans le premier alinéa du 2 du I de l'article 197 du code général des impôts les mots : « la réduction d'impôt résultant de l'application du quotient familial ne peut excéder 11 000 F » sont remplacés par les mots : « la réduction d'impôt résultant de l'application du quotient familial ne peut excéder 16 380 F ».

CHAPITRE II

Revalorisation des allocations familiales

Article 18

Pendant la période allant du 1 er janvier au 31 décembre 1999, les bases mensuelles de calcul des prestations familiales mentionnées à l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale sont revalorisées de 0,49 %.

Article 19

Les bases mensuelles de calcul des prestations familiales mentionnées à l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale sont revalorisées chaque année à un taux qui ne peut être inférieur au taux de revalorisation des prestations aux personnes âgées.

TITRE VI

DISPOSITIONS FINANCIÈRES

CHAPITRE I er

Reconduction de la garantie de ressources de la branche famille

Article 20

Les ressources de la Caisse nationale des allocations familiales sont au moins égales chaque année, pour la période du 1 er janvier 1999 au 31 décembre 2003, au montant qu'elles auraient atteint à la fin de l'année considérée en cas de maintien des dispositions législatives et réglementaires applicables le 1 er janvier 1993 au taux, à l'assiette et au champ d'application des cotisations et contributions énumérées à l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale.

CHAPITRE II

Financement de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire

Article 21

Aucune majoration de l'allocation de rentrée scolaire mentionnée aux articles L. 543-1 et L. 755-22 du code de la sécurité sociale ne peut être mise à la charge de la Caisse nationale des allocations familiales.

CHAPITRE III

Nouvelles ressources de la Caisse nationale des allocations familiales

Article 22

Les dépenses supplémentaires résultant de l'adoption de la présente proposition de loi sont couvertes par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts, dont le produit est affecté à la Caisse nationale des allocations familiales.

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