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N° 475

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 17 juin 2009

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT,

sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2005/35/CE relative à la pollution causée par les navires et à l'introduction de sanctions en cas d' infractions (E 3816),

PRÉSENTÉE

Par Mmes Alima BOUMEDIENE-THIERY, Marie-Christine BLANDIN, Dominique VOYNET, MM. Jacques MULLER, Jean DESESSARD et les membres du groupe socialiste et apparentés,

Sénateurs

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans la perspective d'une lutte renforcée contre la pollution régulièrement causée par les navires de façon intentionnelle ou par négligence grave, l'Union européenne s'est dotée, en 2005, de deux instruments législatifs :

- la directive 2005/35/CE qui définit l'infraction de rejet illicite et qui prévoit l'obligation pour les États membres de prévoir des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, « pouvant inclure des sanctions de nature pénale ou administrative » (texte E 2244),

- et la décision-cadre 2005/667/JAI du Conseil du 12 juillet 2005 visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires, prise sur le fondement du 3 e pilier, obligeant à ériger en infractions pénales l'ensemble des rejets considérés comme illicites aux termes de la directive précitée, harmonisant les peines applicables aux faits de pollution maritime les plus graves et fixant les règles de compétence juridictionnelle en la matière (texte E 2291).

Complémentaires, ces deux instruments législatifs mettaient en oeuvre un dispositif cohérent de pénalisation des sanctions en cas de pollution causée par les navires.

Le 23 octobre 2007, la Cour de justice des Communautés européennes a annulé, à la demande de la Commission, la décision-cadre 2005/667/JAI ( CJCE , 23 octobre 2007, affaire C-440/05, Commission des Communautés européennes c/ Conseil de l'Union européenne ) , considérant que certaines dispositions de la décision-cadre concernaient le rapprochement des législations pénales des États membre et auraient dû être adoptées sur le fondement du traité CE et non sur celui du titre VI du traité UE (selon l'article 47 du Traité UE).

Dans un arrêt du 13 septembre 2005, la CJCE avait déjà annulé la décision-cadre 2003/80/JAI du Conseil du 27 janvier 2003 relative à la protection de l'environnement par le droit pénal sur ce même fondement, en estimant que la décision-cadre avait empiété sur les compétences attribuées à la Communauté par le traité CE. Selon la Cour, si la législation pénale et les règles de procédure pénale ne relèvent pas de la compétence de la Communauté, le législateur communautaire peut néanmoins prendre des mesures en relation avec le droit pénal des États membres qu'il estime nécessaires pour garantir la pleine effectivité des normes qu'il édicte en matière de protection de l'environnement .

Tirant les conclusions de cette jurisprudence et suite à l'arrêt du 23 octobre 2007, la Commission décida de modifier la directive 2005/35/CE afin d'intégrer les éléments annulés de la décision-cadre, sous réserve du respect du principe de subsidiarité.

Si le respect de ce principe conduit à écarter du champ de la Directive la détermination, dans le détail, du type et du niveau des sanctions pénales à appliquer, il demeure de la compétence de la Communauté de définir la nature de la sanction, pénale ou administrative .

Or, si la directive proposée exige bien des États membres que l'infraction pénale visée par la directive devrait être passible de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives, pour les personnes physiques, elle réserve cependant un sort différent aux infractions commises par les personnes morales.

En ce qui concerne la responsabilité des personnes morales, la directive prévoit en effet que des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives devraient également être infligées aux personnes morales si elles sont considérées comme responsables au regard de la directive, sans toutefois mentionner leur caractère nécessairement pénal .

Sans reprendre de manière détaillée la nature et le niveau des sanctions pénales applicables aux personnes morales, la directive aurait dû, dans l'esprit de la décision-cadre, mettre en place une véritable responsabilité pénale des personnes morales pour rejet illicites.

Il est essentiel que les États membres aient une conception identique des infractions de pollution maritime, et qu'ils les répriment par des sanctions pénales, qu'elles soient commises par des personnes physiques ou par des personnes morales.

L'absence de mise en oeuvre de la responsabilité pénale des personnes morales dans certains pays constitue, dans le domaine de la sécurité maritime, un handicap majeur à l'efficacité de la coopération judiciaire en matière de pollution maritime et permet aux auteurs d'infractions d'échapper aux poursuites.

Il ne saurait y avoir, dans le domaine de la criminalité écologique, de zones de non-droit dans l'espace européen.

Il ne serait pas acceptable que cette directive fasse l'impasse sur la nécessaire mise en oeuvre effective de la responsabilité pénale des personnes morales, dans la mesure où ces infractions sont fréquemment commises dans leur intérêt ou à leur profit.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le texte E 3816 portant proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2005/35/CE relative à la pollution causée par les navires et à l'introduction de sanctions en cas d'infractions,

- Considérant que l'annulation de la décision-cadre 2005/667/JAI prononcée par la Cour de Justice des Communautés européennes par l'arrêt du 23 octobre 2007 a eu pour effet de faire disparaître les seuils fixés pour l'harmonisation des sanctions pénales à l'encontre des personnes morales auteur des infractions prévues par la directive 2005/35/CE,

- Considérant que l'impossibilité d'une harmonisation des dispositions nationales relatives à la nature, au type et au niveau des sanctions pénales encourues par les personnes morales, fondée sur le principe de subsidiarité, ne saurait conduire les États membres à adopter des sanctions de nature exclusivement administrative, à l'exclusion de toute sanction pénale,

- Considérant qu'une absence d'harmonisation des sanctions pénales en ces circonstances peut conduire les auteurs de telles infractions à se soustraire aux poursuites dans la Communauté européenne,

- Considérant que des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives devraient également être appliquées aux personnes morales dans toute la Communauté car les infractions de pollution causée par les navires sont fréquemment commises dans l'intérêt des personnes morales ou à leur profit,

- Considérant que la France doit remettre à la Commission européenne au mois de mars 2010, un rapport sur la mise en oeuvre de la directive 2005/35/CE ; rappelle que la législation française dans le domaine de la pollution maritime prévoit des sanctions pénales à l'encontre des personnes morales,

- Regrette l'absence de pénalisation explicite des sanctions à l'égard des personnes morales auteurs des infractions de pollution ; rappelle que les sanctions pénales peuvent se révéler plus efficaces que des sanctions administratives, notamment pour renforcer l'effet dissuasif du dispositif de sanctions et ainsi assurer l'exigence posée par la Convention internationale sur la prévention de la pollution par les navires (MARPOL), qui appelle, en son article 4, paragraphe 4, à ce que les sanctions soient « suffisamment rigoureuses pour décourager »,

- Estime qu'une harmonisation des sanctions pénales à l'encontre des personnes morales responsables des infractions de rejet de substances polluantes est nécessaire à la mise en oeuvre effective de la directive 2005/35/CE,

- Juge indispensable l'adoption d'une approche identique de la responsabilité pénale des personnes morales en matière de pollution causée par les navires dans tous les États membres, qu'il s'agisse de l'État du pavillon, de l'État du port et/ou d'un État côtier,

- Regrette que le Parlement européen n'ait pas clarifié cette question lors du vote en première lecture de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2005/35/CE, intervenu le 5 mai 2009,

- Estime en conséquence nécessaire que les États membres soient tenus de mentionner que les personnes morales font également l'objet de sanctions pénales lorsqu'elles sont auteur de l'infraction visée à l'article 2 de la directive 2005/35/CE.

- Demande au gouvernement français de défendre ce principe au sein du Conseil.

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