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N° 30

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 octobre 2010

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 QUINQUIES DU RÈGLEMENT,

relative aux responsabilités budgétaires des États membres de l' Union européenne ,

PRÉSENTÉE

Par M. Alain LAMBERT,

Sénateur

(Envoyée à la commission des affaires européennes.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les propositions de résolution déposées en application de l'article 88-4 de la Constitution traduisent souvent l'inquiétude, la réserve, voire la franche opposition de leurs auteurs à l'égard des desseins de telle ou telle institution européenne, généralement la Commission.

Tel n'est pas le cas de celle qui vous est aujourd'hui soumise. Elle ne vise ni à contester, ni à s'insurger, mais à saluer une initiative du collège des commissaires frappée au coin du bon - et même du meilleur - sens.

Cette initiative est le fait de la Commission qui, le 29 septembre 2010, a présenté une proposition de directive du Conseil « sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres » (COM(2010) 523 final), dont l'article 12 prévoit :

« afin de promouvoir la responsabilisation budgétaire, les responsabilités budgétaires des pouvoirs publics dans les différents sous-secteurs de l'administration publique 1 ( * ) sont clairement établies ».

Cette exigence s'inscrit dans la droite ligne de plusieurs principes à l'évidence nécessaires au bon fonctionnement de l'Union européenne, en particulier dans la conduite de sa politique économique :

- le principe de démocratie représentative , que l'article 10 du Traité sur l'Union européenne reconnaît expressément comme fondement de l'Union (certes d'abord par la représentation des citoyens au Parlement européen, mais également par la composition du Conseil européen et du Conseil, constitués de représentants des États démocratiquement responsables devant leurs parlements nationaux ou devant leurs citoyens). Ce principe implique en effet que les citoyens soient en mesure de juger l'action de leurs représentants et, par conséquent, qu'ils disposent d'une vision claire de leurs responsabilités respectives. Pour ne prendre qu'un seul exemple, il est évident que le jeu démocratique gagnerait à ce que nos compatriotes puissent identifier, dans les 4,5 milliards d'euros qui manqueraient aux départements en 2010 pour financer les allocations de solidarité, la part due respectivement à l'évolution naturelle de ces dépenses (vieillissement de la population,...), à des prescriptions imposées par l'État et aux décisions ou à la gestion des départements eux-mêmes ;

- le principe de soutenabilité de la situation des finances publiques des États, mentionné à l'article 140 du même Traité. Cette soutenabilité, qui s'apprécie à la lumière des budgets de toutes les administrations (État, collectivités territoriales, organismes de sécurité sociale...), suppose de chacune d'elles une discipline dont la meilleure garantie reste la responsabilisation. Toute initiative tendant à assurer que le prescripteur d'une dépense soit clairement identifié, et en porte donc effectivement la responsabilité, ne peut en conséquence qu'être saluée ;

- le principe de confiance réciproque qui, même s'il n'est formellement mentionné dans les traités, est indissociable des engagements pris par les États les uns envers les autres. Ainsi, dans le domaine budgétaire, la notion de « pacte » (de stabilité et de croissance) implique la crédibilité des assurances données par chacun, laquelle pâtirait grandement d'un manque de transparence dans la présentation des finances publiques d'un État.

En exigeant une identification claire des responsabilités budgétaires de chaque administration, l'Union européenne renforcerait donc ces principes essentiels tout en respectant, comme elle y est tenue, l'organisation interne des États (souvent décentralisée, quand elle n'est pas fédérale).

Voilà pourquoi la Commission européenne mérite d'être soutenue sans réserve dans son entreprise.

Tel est l'objet de la proposition de résolution ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Conseil « sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres » (COM(2010) 523 final), présentée par la Commission européenne le 29 septembre 2010,

Considérant que la démocratie représentative, reconnue par l'article 10 du Traité sur l'Union européenne comme fondement de l'Union, implique que les citoyens soient en mesure de juger l'action de leurs représentants et disposent donc d'une vision claire de leurs responsabilités respectives ; que l'organisation décentralisée, voire fédérale, des États membres de l'Union européenne rend nécessaire l'adoption de dispositifs permettant de bien établir les responsabilités de chaque niveau d'administration publique ; que, s'il est préférable que le niveau responsable de la décision soit également responsable de son financement, cette exigence de visibilité peut néanmoins être remplie, lorsqu'il n'en va pas ainsi, par l'édiction de règles permettant à la fois d'identifier le niveau responsable de la décision et de mesurer les conséquences financières qui en résultent pour le niveau chargé de son financement ;

Considérant que le principe de soutenabilité de la situation des finances publiques des États, mentionné à l'article 140 du même Traité, suppose une discipline budgétaire des pouvoirs publics dont la meilleure garantie reste la responsabilisation des autorités de décision ; que cette soutenabilité, s'appréciant à la lumière des budgets de toutes les administrations - État, collectivités territoriales, organismes de sécurité sociale - implique que cette responsabilisation soit assurée au niveau de chacune d'elles ; que cette exigence plaide également pour l'édiction de règles tendant à assurer que le prescripteur d'une dépense soit clairement identifié, et en porte donc effectivement la responsabilité ;

Considérant que la crédibilité des engagements pris par les États membres, notamment dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance, suppose la clarté et la transparence dans la présentation de leurs finances publiques ;

Considérant que, en ce qu'elles participent des règles fondamentales d'une bonne gouvernance, ces exigences devraient être concrétisées dans les meilleurs délais ; que, s'il y a lieu de prendre en considération la durée de son adoption, la directive envisagée, qui laisse aux États membres jusqu'au 31 décembre 2013 pour l'adoption de ses mesures d'applications, fixe une échéance trop éloignée ;

Invite le Gouvernement :

- à approuver sans réserve l'objectif de promotion de la responsabilisation budgétaire affiché par la Commission européenne dans sa proposition de directive du Conseil précitée ;

- à défendre au sein du Conseil l'exigence, prévue par l'article 12 de cette proposition, d'un établissement clair des responsabilités budgétaires des pouvoirs publics dans les différents sous-secteurs de l'administration publique ;

- à demander un renforcement du dispositif proposé consistant à exiger expressément que les données budgétaires, que les États membres seraient tenus de publier régulièrement en application de l'article 3 de ladite proposition de directive, permettent de distinguer, pour chaque sous-secteur des administrations publiques, les dépenses résultant des décisions du sous-secteur et les dépenses résultant des décisions d'un autre sous-secteur ;

- à oeuvrer pour que les mesures d'application de la future directive soient prises dans les meilleurs délais, ce qui impose notamment de prévoir une échéance pour l'entrée en vigueur de ses dispositions d'application bien antérieure au 31 décembre 2013.


* 1 Rappelons que lesdits sous-secteurs sont les suivants, selon la classification opérée par les textes européens : administration centrale, administrations d'États fédérés, administrations locales et administrations de sécurité sociale.

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