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N° 200

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 décembre 2011

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 34-1 DE LA CONSTITUTION,

relative à l'application de certaines dispositions de la loi du 9 juillet 2010, concernant les violences faites aux femmes , aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Roland COURTEAU, François REBSAMEN, Mmes Christiane DEMONTÈS, Michelle MEUNIER, Nicole BONNEFOY, Claire-Lise CAMPION, M. François PATRIAT, Mmes Gisèle PRINTZ, Renée NICOUX, M. Claude BÉRIT-DÉBAT, Mme Claudine LEPAGE, M. Jean-Pierre GODEFROY, Mme Hélène CONWAY MOURET, M. Jean BESSON, Mmes Maryvonne BLONDIN, Patricia SCHILLINGER, MM. Edmond HERVÉ, Christian BOURQUIN, Mmes Françoise CARTRON, Danielle MICHEL, M. Jean-Jacques LOZACH, Mmes Jacqueline ALQUIER, Michèle ANDRÉ, Françoise LAURENT-PERRIGOT, MM. Daniel REINER, Jean-Luc FICHET, Jean-Yves LECONTE, Jean-Pierre SUEUR, Mmes Josette DURRIEU, Corinne BOUCHOUX, Esther BENBASSA, MM. André GATTOLIN, Jean-Vincent PLACÉ, Ronan DANTEC, Roland RIES, Jean DESESSARD, Mme Catherine GÉNISSON, MM. Joël LABBÉ, Marcel RAINAUD, Pierre CAMANI, Mme Marie-Christine BLANDIN, MM. Rachel MAZUIR, Jean-Marc TODESCHINI, Robert NAVARRO, Maurice VINCENT, Richard YUNG, Jean-Marc PASTOR, Philippe MADRELLE, Vincent EBLÉ, Jean GERMAIN, Gaëtan GORCE, Mme Leila AÏCHI, MM. Maurice ANTISTE, Georges LABAZÉE, Philippe KALTENBACH, Jean-Étienne ANTOINETTE, Gérard MIQUEL, Yannick VAUGRENARD, Yves ROME, Jacques BERTHOU, Jean-Jacques MIRASSOU, Mme Catherine TASCA, M. Bernard PIRAS et Mme Bernadette BOURZAI,

Sénateurs

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans un entrefilet relevé dans la presse régionale, on peut lire : « Alors qu'un individu rend visite à son ex-épouse et ses 3 enfants, âgés de 3 à 12 ans, il porte à celle-ci plusieurs dizaines de coups de couteau et l'égorge, sous les yeux des enfants... L'auteur n'avait pas accepté la séparation ».

Comme le précisait Amnesty International, cette mère est l'une des nombreuses femmes tuées par leur compagnon, conjoint, ou partenaire Pacsé.

« Exemple de drames alarmants, derrière lesquels se cachent cris étouffés, souffrances secrètes et existences détruites ».

Mais connait-on l 'exacte ampleur de ce fléau, alors que la loi du silence existe encore par peur de représailles ou par honte ou parce que les victimes ignorent encore leurs droits ?

Les violences au sein des couples notamment, ou à l'égard des femmes en général, sont les violations des droits humains les plus répandues en France et dans le monde.

Elles constituent surtout une grave atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine.

Comme cela fut dit et écrit, « dans la grande majorité des cas, la violence installée de façon répétitive est un moyen d'affirmer l'emprise de l'agresseur à l'égard de sa compagne qu'il instrumentalise, mais aussi un moyen pathologique de s'inscrire dans une relation de couple ».

En fait la violence à l'égard des femmes, en particulier au sein des couples, est souvent la conséquence de certains conditionnements socioculturels.

Les causes étant aussi à rechercher, dans un modèle de société qui situe les femmes dans une position d'infériorité.

En d'autres termes, les violences prennent souvent leur source dans les inégalités persistantes entre les hommes et les femmes.

D'où notre première proposition de loi qui, avec celle du Groupe communiste républicain et citoyen, fut à l'origine de la loi du 4 avril 2006, renforçant la prévention et la répression des violences au sein des couples ou commises contre les mineurs.

Force était, en effet, de constater, qu'à cette époque, nous n'avions, dans notre législation que des textes épars, preuve du peu d'importance que l'on attribuait à un tel problème , certainement par ignorance et peut être aussi parce que l'on considérait que le meilleur moyen de s'accommoder d'un mal qui dérange était de l'ignorer.

En fait, c'était la première fois et c'est tout à l'honneur du Sénat, qui a été précurseur dans le domaine qui nous mobilise aujourd'hui, qu'un texte spécifique était soumis à l'examen du Parlement.

Cela dit, tant mieux si cette loi de 2006, a provoqué un déclic , à la fois social, judiciaire et législatif et enclenché une dynamique générale avec la montée du taux de révélations et de judiciarisation de ces violences.

- Tant mieux si les tabous ont commencé à tomber.

- Tant mieux si par ce premier texte, le droit et la justice ont pu pénétrer, enfin, la sphère privée.

- Et tant mieux, enfin, si la parole s'est libérée.

Preuve qu'une action volontariste permet d'avancer plus et mieux dans cette lutte.

En fait, c'est bien parce que la lutte contre les violences à l'égard des femmes en général et au sein du couple en particulier, ne peut souffrir aucun répit , que nous avons déposé d'abord, en juin 2007, puis en novembre 2009, deux autres propositions de lois...

C'est cette dernière qui a été examinée, par le Sénat, le 22 juin 2010, conjointement avec une proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, afin de parvenir à un texte unique.

Sans entrer dans le détail de cette deuxième loi (loi du 9 juillet 2010) et des grandes dispositions qu'elle contient, avec notamment, l'ordonnance de protection , ou le délit pour violences psychologiques, volontairement, nous nous attarderons sur le volet prévention que, par voie d'amendements, nous avons fait adopter. En effet, l'ampleur du phénomène auquel nous sommes confrontés exigeait que l'accent fût mis sur la prévention.

Pour autant, il est à noter que la mise en place de la procédure de l'ordonnance de protection peine à se mettre en place. Les quelques juridictions qui utilisent le texte, généralement, le font au mieux dans un délai de 15 jours, à compter de la présentation de la demande, ce qui peut paraître raisonnable, mais parfois trop long. Les premières informations donnent à penser que le délai moyen serait de près de 4 semaines. Il serait donc nécessaire que le Gouvernement prenne rapidement toutes initiatives permettant de raccourcir ces délais, en conciliant l'exigence de rapidité et le respect des droits de la défense.

Cela étant précisé, il est vrai que la situation nous faisait d'abord obligation de mettre en place tout un arsenal juridique, afin de lutter contre ces violences.

Ce fut principalement le rôle de la loi de 2006, avec l'aggravation des sanctions, l'éloignement du domicile de l'auteur des violences, la lutte contre les violences faites aux mineurs, la lutte contre les mariages forcés, l'incrimination du viol au sein du couple ou encore la prise en charge sanitaire sociale et psychologique des auteurs de violences.

Ces dispositions constituaient une première réponse. Mais il était indispensable qu'elles soient relayées par d'autres dynamiques afin de changer profondément certains schémas ancrés dans les mentalités.

Punir sévèrement est nécessaire. Mais si nous voulons changer les mentalités, et donc réduire ces violences jusqu'à les éradiquer, (c'est notre objectif), c'est très en amont qu'il faut agir, c'est-à-dire à l'école, au collège, au lycée : informer, éduquer, prévenir, telles doivent être nos priorités.

« Tout commence sur les bancs de l'école », disait Romain ROLLAND avec juste raison.

En effet, l'une de ces dynamiques réside dans un vrai travail d'éducation sur le respect mutuel entre les garçons et les filles, sur l'égalité entre les sexes, sur le respect des différences et sur la lutte contre le sexisme.

Qu'est ce qu'en effet le sexisme, si ce n'est, je cite : « cette tendance à vouloir inscrire la différence entre les garçons et les filles dans un rapport hiérarchique de domination où le masculin l'emporte sur le féminin » ?

Alors, puisqu'il s'agit là en fait d'une construction purement humaine , convenons que cela puisse être déconstruit par les humains, en commençant le travail d'éducation à l'égalité entre les sexes, dans les établissements scolaires.

Voilà pourquoi nous avons fait adopter une disposition visant à introduire dans les programmes scolaires des mesures qui allaient tout à fait dans ce sens (article 23, loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010).

Par ailleurs, et dans le même souci d'informer, de sensibiliser et donc de prévenir les violences faites spécifiquement aux femmes, nous avons fait adopter un amendement instituant une journée nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes fixée au 25 novembre de chaque année (article 24 de la même loi).

Plus, en effet, on évoquera ce sujet, plus on informera, plus on sensibilisera et plus efficacement on fera reculer ce fléau.

Cependant, et faute semble-t-il d'instructions précises de la part du Gouvernement, force est de constater que les dispositions de l'article 23 sont peu connues et donc irrégulièrement appliquées dans les établissements scolaires.

Rappelons que cet article 23 complète le code de l'éducation en précisant notamment qu' « une information consacrée à l'égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple est dispensée à tous les stades de la scolarité ».

De plus est-il précisé que les établissements scolaires peuvent s'associer, à cette fin, avec les personnels concourant à la prévention et à la répression des violences et avec des associations de défense des droits des femmes.

Enfin, force également est de constater, faute là aussi d'une mobilisation suffisante des services de l'État ou faute d'instructions précises de la part du Gouvernement, que le 25 novembre, « Journée Nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes » est quasiment passé inaperçu du grand public, à l'exception de certaines communes, dans lesquelles élus et associations ont tenu à marquer cette journée par différentes manifestations.

Bref ! Nous n'avons pas eu le sentiment que l'État se soit particulièrement mobilisé à cette occasion.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu l'article 34-1 de la Constitution,

Vu les articles 1 er à 6 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution,

Vu la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants,

Considérant que l'article 1er de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 susvisée a inscrit dans le code civil des dispositions novatrices créant l'ordonnance de protection, qui permet au juge aux affaires familiales d'assurer, dans l'urgence, la protection des victimes de violences conjugales en prononçant des mesures d'ordre civil et pénal,

Considérant que l'article L. 312-17-1 du code de l'éducation, inséré par l'article 23 de la même loi, prévoit qu'est dispensée, à tous les stades de la scolarité, une information relative à l'égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes et commises au sein du couple,

Considérant que l'article 24 de la même loi institue une journée nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes fixée au 25 novembre,

Rappelant la place essentielle qui doit être donnée, dans la lutte contre les violences faites aux femmes, à la prévention, c'est-à-dire aux actions d'éducation, d'information et de sensibilisation du public,

Exprime sa préoccupation devant l'application lacunaire ou insuffisante des dispositions préventives adoptées en 2010,

Souligne en particulier l'urgence d'assurer une large information sur la procédure de l'ordonnance de protection et la nécessité de prendre toutes initiatives permettant de raccourcir les délais de sa délivrance, en conciliant l'exigence de rapidité et le respect des droits de la défense,

Insiste également sur la nécessité de prendre toutes les mesures permettant de former, pendant leur scolarité, les futurs citoyens au respect mutuel et à l'égalité entre les sexes,

Estime enfin souhaitable que les pouvoirs publics s'attachent à mettre en oeuvre et à soutenir, chaque année, les initiatives susceptibles de donner à la journée nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes un relief particulier.

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