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N°341

SÉNAT

SECONDE SESSION ORDINAIRE DE 1992-1993

Annexe au procès-verbal de la séance du 8 juin 1993 .

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT, sur la proposition de directive du Conseil relative à l'application à la téléphonie vocale des principes de la fourniture d'un réseau ouvert (O.N.P.) (n° E-31), et la communication au Conseil et au Parlement européen sur la consultation sur l'examen de la situation dans le secteur des services de télécommunications (n°E-81),

PRÉSENTÉE

Par MM. Louis PERREIN, Jacques GOLLIET, Pierre LAGOURGUE, Jacques OUDIN, André ROUVIÈRE

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Communautés européennes - Service public - Télécommunications - Téléphone.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 1987, la Commission des Communautés a publié un livre vert sur le développement du marché commun des services et équipements de télécommunications. Après un large débat, le Conseil des ministres est parvenu en 1989 à un accord sur les actions à mener pour réaliser le marché commun des télécommunications. L'accord de 1989 impliquait le maintien de droits exclusifs et spéciaux sur la téléphonie vocale et les infrastructures. Un bilan de la libéralisation était prévu pour 1992. C'est sur cette base que les premières mesures de libéralisation et d'harmonisation ont été adoptées.

La libéralisation a pris la forme de deux directives prises par la Commission sur le fondement de l'article 90-3 du Traité de Rome (directives de la Commission sans intervention du Conseil des ministres ni consultation du Parlement européen) :

la directive du 16 mai 1988 relative à la concurrence dans les marchés de terminaux de télécommunications ;

la directive du 28 juin 1990 relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications.

La politique d'harmonisation s'est notamment traduite par l'adoption de la directive du Conseil du 28 juin 1990 qui fixait les principes généraux de la fourniture d'un réseau ouvert de télécommunications (O.N.P., Open Network Provision) pour l'établissement du marché intérieur des services de télécommunications.

*

* *

La proposition d'acte communautaire n° E-31 vise à appliquer à la téléphonie vocale les principes de la fourniture d'un réseau ouvert. L'O.N.P. tend à garantir le développement de normes pour les services et un accès ouvert au réseau public pour d'autres prestataires.

La proposition d'acte communautaire n° E-81 propose pour sa part une libéralisation totale du secteur des télécommunications d'ici à 1998. Ce document est le résultat de la consultation entreprise par la Commission à la demande du Conseil après la publication d'une première communication, préconisant une libéralisation préalable des communications vocales intracommunautaires, qui avait été fortement contestée.

Ces textes soulèvent un certain nombre de difficultés, eu égard à la sensibilité du secteur de la téléphonie vocale.

L'article 9 de la proposition de directive sur l'O.N.P. prévoit que l'accord conclu entre l'organisme de télécommunications et un prestataire de services pourra prévoir le remboursement à l'organisme "des frais spécifiquement supportés pour la fourniture de l'accès au réseau demandé". Cette situation paraît particulièrement injuste à l'égard de l'organisme de télécommunications puisque aucune participation n'est prévue à l'amortissement du réseau existant, à ses coûts de fonctionnement et de maintenance, et, le cas échéant, aux amortissements qu'exigera la construction de nouveaux équipements pour faire face au trafic des nouveaux utilisateurs.

Par ailleurs la proposition de directive O.N.P. et le projet de libéralisation de la téléphonie vocale sont intimement liés. La proposition d'acte communautaire n° E-81 contient une proposition de résolution du Conseil des ministres approuvant les orientations de la Commission. Cette proposition de résolution sera soumise au Conseil le 16 juin.

Or, on ne sait pas dans quelles conditions sera entreprise la libéralisation et en particulier comment sera préservé le service public des télécommunications, élément nécessaire d'une politique d'aménagement du territoire. Le document de la Commission ne contient que des appréciations imprécises sur ce sujet. La proposition de résolution du Conseil dispose simplement que "le Conseil reconnaît comme facteur clé de la future politique des télécommunications dans la Communauté la définition des principes de service universel pour les services de télécommunications, sur la base des directives en vigueur".

Cette question est d'autant plus importante que, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes, la Commission se juge en mesure de mettre en oeuvre la libéralisation au moyen d'une directive prise sur le fondement de l'article 90-3 du Traité de Rome.

Pour ces raisons, il vous est demandé d'adopter la proposition de résolution suivante :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

vu les propositions d'actes communautaires n° E-31 et n° E-81 qui lui ont été soumises en application de l'article 88-4 de la Constitution ;

considérant que la proposition n° E-31 a notamment pour objet de permettre aux prestataires qui le souhaiteraient d'accéder au réseau public de téléphonie vocale ;

considérant que cette proposition ne prévoit que le remboursement à l'opérateur public des frais spécifiquement supportés pour la fourniture de l'accès au réseau demandé, alors même que l'opérateur public assume les frais de l'amortissement et de la maintenance du réseau et des équipements actuels et futurs ;

considérant qu'il n'est pas prévu de soumettre les prestataires désirant accéder au réseau public aux mêmes charges de service public que celles imposées à l'opérateur public par le cahier des charges qui le lie à l'État ;

considérant toutefois que l'opérateur public devrait trouver dans l'ouverture des réseaux européens des possibilités de développement ;

considérant que la proposition n° E-81 visant à la libéralisation totale des télécommunications est intimement liée à la proposition n° E-31, et que les conditions de mise en oeuvre de la libéralisation sont encore imparfaitement définies, notamment quant à leurs conséquences sur l'équilibre financier de l'opérateur public ;

considérant que l'ouverture à la concurrence de la téléphonie vocale ne saurait se traduire par une remise en cause du service public des télécommunications et en particulier de l'accès de chaque abonné au service dans les mêmes conditions, quelle que soit sa localisation sur le territoire ;

invite le Gouvernement :

- à veiller à ce que des charges d'accès raisonnables, tenant compte de l'ensemble des frais supportés par l'opérateur public, soient réclamées aux prestataires souhaitant accéder au réseau public ;

- à n'accepter l'adoption de la proposition de directive O.N.P. et de la proposition de résolution sur la situation dans le secteur des télécommunications que lorsque les conditions de la future libéralisation de la téléphonie vocale auront été suffisamment précisées ;

- à exiger que l'ouverture à la concurrence de la téléphonie vocale ne conduise pas à un déséquilibre du service public des télécommunications et à son démantèlement ;

- à veiller à ce que le système de péréquation tarifaire, indispensable à une politique d'aménagement du territoire, ne soit pas purement et simplement abandonné ;

- à demander qu'une préférence communautaire soit maintenue tant que les mesures d'ouverture à la concurrence prises dans la Communauté ne feront pas l'objet d'une parfaite réciprocité de la part des États tiers.

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