N° 46

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 3 novembre 1999

PROPOSITION DE

RÉSOLUTION


PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT,

sur la communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen relative à l'approche de l'Union européenne en vue du cycle du millénaire de l' Organisation Mondiale du Commerce (E 1285),

Par MM. Marcel DENEUX, Jean BIZET, Pierre ANDRÉ, Mme Janine BARDOU, MM. Bernard BARRAUX, Michel BÉCOT, Georges BERCHET, Gérard CÉSAR, Marcel-Pierre CLEACH, Désiré DEBAVELAERE, Michel DOUBLET, Jean-Paul ÉMORINE, André FERRAND, Hilaire FLANDRE, Philippe FRANÇOIS, Jean FRANÇOIS-PONCET, François GERBAUD, Francis GRIGNON, Louis GRILLOT, Georges GRUILLOT, Mme Anne HEINIS, MM. Rémi HERMENT, Jean HUCHON, Bernard JOLY, Patrice LASSOURD, Jean-François LE GRAND, Guy LEMAIRE, Kléber MALÉCOT, Louis MERCIER, Louis MOINARD, Bernard MURAT, Jean-Pierre RAFFARIN, Raymond SOUCARET et Michel SOUPLET,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

Union européenne.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La Commission européenne a présenté au Conseil et au Parlement européen, le 8 juillet dernier, une communication relative à l'approche de l'Union européenne en vue du cycle du millénaire de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

Ce document (COM [1999] 331 final) a été transmis au Sénat sous le n° E-1285 le 28 juillet 1999. Il présente les grandes orientations que la Commission européenne propose en vue des prochaines négociations du cycle du Millénaire qui devraient s'engager lors de la troisième Conférence interministérielle de l'Organisation Mondiale du Commerce du 30 novembre au 3 décembre prochain.

Le Conseil du 25 octobre dernier a tenu un débat approfondi sur la préparation de la Conférence de Seattle . Après s'être félicité de la communication de la Commission, il a rappelé la démarche et les objectifs de l'Union européenne dans ces nouvelles négociations internationales. Il a souligné l'importance de maintenir des " contacts étroits avec les Parlements ", tant lors de la Conférence de Seattle que pendant les discussions ultérieures. Il a enfin " convenu de continuer de suivre attentivement l'évolution des travaux préparatoires de la réunion de Seattle et de revenir sur cette question le cas échéant ".

La France doit donc, de son côté, continuer à préciser sa position sur la portée et les modalités des futures négociations.

Compte tenu de l'importance de ce sujet pour l'Europe en général, et la France en particulier, notamment dans le secteur agricole et alimentaire , le Président du groupe de travail sur l'avenir du secteur agro-alimentaire ainsi que les deux co-auteurs du rapport d'information de la Commission des Affaires économiques sur ce sujet ont souhaité prolonger leurs travaux en étudiant attentivement le volet " agriculture " de la Communication de la Commission européenne.

La Commission européenne traite de l'agriculture dans la troisième partie de sa communication consacrée aux " secteurs et questions spécifiques ".

Þ  La Commission constate, tout d'abord, que les Etats membres ont respecté, en grande partie, les engagements pris à Marrakech en matière d'accès au marché, de soutien interne et de subventions à l'exportation.

L'ACCORD SUR L'AGRICULTURE DU CYCLE D'URUGUAY

L'accord de Marrakech, appelé " Acte final reprenant les résultats des négociations commerciales multilatérales du cycle d'Uruguay ", comprend un " Accord sur l'agriculture " dont la mise en oeuvre s'étend sur six ans à partir du 1 er juillet 1995. Il porte principalement sur trois éléments, qui sont les préoccupations majeures des pays signataires :

- le soutien interne : les aides internes à l'agriculture, calculées sous la forme de MGS (mesure globale de soutien) doivent être diminuées de 20 % par rapport à la période de référence de 1986-1988 et sont par ailleurs classées selon trois " boîtes ". La verte comprend celles qui sont exclues des engagements de réduction, car jugées sans effet sur les volumes produits ou échangés (aides de formation, de services, de recherche et de protection de l'environnement). La boîte bleue regroupe les aides liées à la réduction de la production et qui sont, sous certaines conditions, exemptées des rendements fixes, ou pour un nombre fixe de têtes de bétail). La boîte orange inclut toutes les autres aides, réputées agir sur le niveau de la production et des échanges, et qui sont directement visées par les engagements de réduction.

Les subventions à l'exportation : elles sont réduites de 21 % en volume et de 36 % en valeur, par rapport à la période de référence 1986-1990 (une période plus récente, 1991-1992, est autorisée pour certaines productions). Compte tenu des baisses de soutien dans la Communauté dues à la réforme de la PAC de 1992, les engagements en volume sont plus contraignants.

- l'accès au marché : la tarification, principe de base du GATT, est introduite en agriculture. Toutes les mesures de protection aux frontières doivent être transformées en droits de douanes fixes appelés " équivalents tarifaires " (ET). Ils sont réduits de 36 % en six ans sur la base des données de 1986-1988. Toutefois, la réduction peut être modulée avec un minimum de 15 %, à condition que la moyenne atteigne 36 %. Sont visés ainsi les prélèvements variables à l'importation et les restitutions à l'exportation, mécanismes de base de la préférence communautaire.

Þ  Elle indique, ensuite, que l'Union européenne a participé au processus d'analyse et d'échange de renseignements , notamment lors de la réunion ministérielle de Singapour.

Þ  Enfin, elle aborde les négociations du cycle du Millénaire en rappelant que l'article 20 de l'accord de l'Uruguay Round sur l'agriculture " établit un équilibre entre l'objectif à long terme -à savoir des réductions progressives et substantielles du soutien et de la protection, synonymes de réforme fondamentale- et d'autres préoccupations telles que notamment, l'expérience tirée de la mise en oeuvre des engagements de réduction convenus en 1994, le traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement membres de l'OMC et les considérations autres que commerciales ".



La Communication de la Commission dans le secteur agricole est conforme aux orientations arrêtées le 14 septembre lors de la réunion informelle des ministres de l'agriculture des Quinze à Tampere et aux conclusions unanimes du Conseil Agriculture du 27 septembre dernier . Les ministres de l'agriculture ont, à titre liminaire, exprimé l'idée selon laquelle le nouveau cycle de négociations devait être " " global ", c'est-à-dire fondé sur le principe d'un " engagement unique " : rien ne sera décidé tant qu'il n'y aura pas d'accord sur l'ensemble des thèmes en jeu.

La déclaration du 27 septembre définit les principaux objectifs de l'Union européenne en vue des futures négociations de l'OMC dans le secteur agricole :

- En matière d'accès au marché : la Communauté doit agir dans le but de " prendre part à l'expansion du commerce mondial qui résultera du nouveau cycle ", en négociant un abaissement des barrières commerciales dans le domaine agricole. En contrepartie, les partenaires commerciaux devraient autoriser l'Union européenne à améliorer les possibilités d'accès aux marchés pour ses exportateurs. Par ailleurs, " il faudrait aussi obtenir une protection pour les produits communautaires dont la réputation de qualité est liée à une origine ou une indication géographique " ;

- En ce qui concerne le soutien interne : les aides directes peuvent contribuer à " certaines missions de l'agriculture multifonctionnelle, notamment dans le domaine du développement rural ". Dans ce cadre, des instruments similaires à " la clause de paix " (permet aux aides compensatoires de la PAC d'être exonérées de l'engagement de réduction des soutiens qu'accordent les pays à leur agriculture) et à " la clause de sauvegarde spéciale " (autorise la perception de droits de douane additionnels afin de réagir aux perturbations du marché communautaire causées par l'importation de certains produits dont la tarification a été intégrée au GATT) seront nécessaires à l'avenir, " et ce afin d'assurer la sécurité juridique des résultats des négociations et pour permettre de faire face à des offres de prix anormalement bas ou à de brusques poussées des importations. En outre, le maintien du concept des boîtes bleue et verte doit être assuré " ;

-
pour les subventions à l'exportation : les ministres s'engagent à en négocier la réduction, pour autant que ce type de soutien soit traité " sur une base commune " avec l'ensemble des partenaires. En outre, les formes moins transparentes de soutien aux exportations, comme le commerce d'Etat (situation de monopole de commercialisation des denrées alimentaires) et l'acheminement d'aide alimentaire doivent être examinés avec attention ;

- enfin concernant la sécurité et la qualité des produits alimentaires : le principe de précaution (en vertu duquel l'Union s'oppose notamment aux importations de boeuf américain traité aux hormones) doit permettre à l'Union européenne d'établir le niveau de protection approprié.

Les ministres de l'agriculture rappellent la volonté de l'Union de défendre les rapports privilégiés avec les pays en développement, en prenant l'engagement de " garantir un accès en franchise de droits aux marchés pour pratiquement tous les produits exportés par les pays les moins avancés, et ce au plus tard à la fin du nouveau cycle de négociations ". Le Conseil souligne que l'élargissement aura une incidence profonde sur l'agriculture européenne et devrait contribuer à la stabilisation et au développement des marchés mondiaux par la mise en oeuvre des politiques communautaires. Enfin, " le modèle européen d'agriculture " est mis une nouvelle fois en exergue, comme instrument de consécration de son caractère multifonctionnel.

Ces orientations constituent un compromis relativement vague pour ménager toutes les susceptibilités nationales.

La position de la Commission, qui reprend ce texte en matière agricole, établit un équilibre entre l'article 20 de l'accord relatif à l'agriculture, les décisions du Conseil européen de Berlin sur la réforme de la Politique agricole commune (mars1999) et les résultats du Conseil informel des ministres de l'agriculture à Tampere.

Force est de constater que le document de la Commission comporte deux lacunes :

Þ La première concerne le domaine agricole : en effet, la position de la Commission s'avère trop défensive puisqu'elle repose sur la Politique Agricole Commune réformée : si l'aspect stratégique -ne pas dévoiler son plan de négociation- peut se comprendre, nous estimons nécessaire d'affirmer certaines vérités à nos partenaires -et néanmoins concurrents- américains, notamment en ce qui concerne la diversité culturelle dans l'alimentation, la prise en compte de pratiques restrictives ou à visées commerciales et le recours abusif aux crédits à l'exportation des produits agricoles.

Þ La seconde a trait au secteur agro-alimentaire dont la spécificité n'apparaît pas suffisamment, alors que les futures négociations commerciales constituent un enjeu crucial pour les industries agro-alimentaires, comme l'a indiqué votre commission des Affaires économiques dans son rapport d'information sur l'avenir de ce secteur.

C'est pourquoi, il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, d'adopter la proposition de résolution ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen n° E-1285 du 8 juillet 1999 relative à l'approche de l'Union européenne en vue du cycle du millénaire de l'Organisation mondiale du commerce,

Vu l'avis 1/94 du 15 novembre 1994 de la Cour de justice des Communautés européennes qui établit un partage de compétences entre l'Union européenne et ses Etats membres pour conclure des accords internationaux en matière de commerce de marchandises et de services et de protection de la propriété intellectuelle,

Vu l'accord de Marrakech instituant l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), auquel sont annexés les différents accords concluant les négociations commerciales du cycle d'Uruguay, signé le 15 avril 1994, dont la ratification a été autorisée par la loi n° 94-1137 du 27 décembre1994, et entré en vigueur le 1 er janvier 1995,

Vu les déclarations ministérielles de l'OMC adoptées par la Conférence ministérielle de Singapour le 13 décembre 1996 et par la Conférence ministérielle de Genève le 20 mai 1998,

Vu les conclusions des Conseils européens de Berlin des 24 et 25 mars 1999 sur l'Agenda 2000 et de Cologne des 3 et 4 juin 1999 sur l'OMC,

Considérant que l'article 20 de l'accord sur l'agriculture et l'article XIX de l'accord général sur le commerce des services de l'Accord de Marrakech, disposent que devront commencer en janvier 2000 de nouvelles négociations commerciales sur l'agriculture et sur les services,

Considérant que la Conférence ministérielle de l'OMC, qui se réunira à Seattle (Etats-Unis d'Amérique) du 30 novembre au 3 décembre 1999, déterminera le contenu du prochain cycle et les modalités de ces négociations commerciales,

Demande que la politique agricole commune réformée constitue le mandat de négociation de la Commission européenne, ce mandat ayant pour objectif le maintien de la préférence communautaire, du revenu agricole et de la capacité exportatrice de l'agriculture européenne ;

Estime nécessaire, à cette fin, que les quinze Etats membres de l'Union européenne maintiennent l'unité de vues dont ils ont su faire preuve lors du Conseil européen de Berlin sur l'Agenda 2000 ;

Invite l'Union européenne à avoir une attitude résolument offensive afin de promouvoir son modèle agricole et alimentaire garantissant la qualité et la diversité des produits, la sécurité sanitaire des consommateurs et le respect de l'environnement, tout en permettant aux entreprises agro-alimentaires européennes d'améliorer leur compétitivité dans les échanges internationaux,

Juge indispensable que l'Union européenne fasse reconnaître le principe de multifonctionnalité de l'agriculture,

Observe qu'il est impératif pour l'Union européenne de protéger efficacement les indications géographiques,

Préconise que l'Union européenne obtienne le renforcement des normes internationales de sécurité sanitaire et alimentaire, définies dans le cadre de l'OMS et de la FAO, notamment au sein du Codex Alimentarius, ainsi que la reconnaissance et la définition du principe de précaution,

Souhaite que les négociations internationales de l'OMC permettent le réexamen du statut dérogatoire dont bénéficient les pays émergents, afin de réserver le traitement spécifique et différencié aux pays les moins avancés,

Propose que les engagements de l'Union européenne en matière d'accès aux marchés dépendent d'engagements équivalents de ses partenaires commerciaux, après une analyse détaillée pour chaque secteur,

Souligne la nécessité pour l'Union européenne de faire prendre en compte, dans le champ des négociations, les pratiques restrictives ou à visées commerciales de nos partenaires, en particulier des Etats-Unis, comme les modalités contestables de certaines formes d'aide alimentaire et le recours abusif aux crédits à l'exportation des produits agricoles, ou encore, dans d'autres cas, l'existence de sociétés commerciales d'Etat disposant de droits exclusifs à l'exportation,

Juge indispensable que l'Union europénne recherche, dans le cadre de l'OMC, à établir des règles équitables et transparentes pour le commerce des produits agricoles de base et transformés.

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