OPECST

M. HENRI REVOL, SÉNATEUR, PRÉSIDENT DE L'OPECST ET M. CHRISTIAN CABAL, DÉPUTÉ, PRÉSIDENT DU GROUPE PARLEMENTAIRE SUR L'ESPACE

Table des matières

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I. INTERVENTIONS DE LA MATINÉE

La séance est ouverte à 9 heures.

A. INTRODUCTION AU COLLOQUE PAR M. HENRI REVOL, SÉNATEUR, PRÉSIDENT DE L'OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

Monsieur le ministre, Madame la ministre Claudie Haigneré, Mesdames et Messieurs chers collègues députés et sénateurs, Mesdames et Messieurs les intervenants, Mesdames et Messieurs, chers amis, je suis très heureux de vous accueillir aujourd'hui au Sénat pour une journée de réflexion sur la politique spatiale européenne.

D'ores et déjà, cette journée s'avère très prometteuse. Non seulement vous avez été très nombreux à vous inscrire, en tant qu'auditeurs, mais nous avons aussi été confrontés à un important afflux de demandes d'intervention, signe qu'il s'agit d'un thème d'actualité et mobilisateur.

Comme vous avez pu le constater, le programme d'aujourd'hui est très chargé. C'est la raison pour laquelle je me permets de demander à Mmes et MM. les intervenants d'être brefs dans leurs propos, afin qu'à chaque table ronde nous puissions consacrer un moment de débat. Je donnerai l'exemple en étant le plus court possible dans cet avant-propos.

Ce colloque est organisé par l'Office Parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, un organisme créé en 1983 et commun à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Il répond à une double préoccupation :

Informer le Parlement des perspectives et des conséquences des choix de caractère scientifique et technologique, afin de mieux éclairer ses décisions,

Doter le Parlement de moyens d'expertise qui lui soient propres, afin de préserver son indépendance et renforcer l'efficacité de ses activités de contrôle.

L'office comporte 18 députés et 18 sénateurs. Il ne choisit pas lui-même le thème de ses rapports. Il est saisi soit par l'Assemblée nationale, soit par le Sénat avec des procédures qui leur sont propres, soit par 60 députés, soit par 40 sénateurs.

Lorsqu'il est saisi, il nomme un rapporteur. Ce rapporteur (ou deux rapporteurs) travaille à construire ce rapport, en présente les conclusions devant l'assemblée plénière de l'Office parlementaire qui les adopte, les amende et ensuite entre en compte toute une phase de communication sur les sites Internet de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que dans les supports papier habituels de nos assemblées.

Depuis sa création, l'office a publié plus de 80 rapports, qui se répartissent en six grands thèmes, la communication, l'énergie, l'environnement, la recherche et, à l'intérieur de la recherche, le spatial, la santé et les technologies.

Le 10 mai dernier, la commission des Affaires économiques du Sénat a saisi l'office Parlementaire pour réaliser une étude sur les grands domaines programmatiques de la politique spatiale du futur. Concrètement, il s'agit de s'interroger, dans un contexte mondial de coopération mais également de compétition, sur les perspectives d'avenir du secteur spatial européen. En effet, la plupart des grands programmes spatiaux européens arrivent actuellement à leur terme en matière de développement et les futures priorités de la politique spatiale européenne font l'objet de nombreuses interrogations, faute d'orientations politiques claires.

Suite à la saisine de l'office sur ce thème, mon collègue M. Christian Cabal, député, que vous connaissez tous car il préside également le groupe parlementaire de l'espace et moi-même avons été nommés rapporteurs pour cette étude. Nous avons alors décidé de lancer cette étude en organisant un colloque international sur la politique spatiale européenne et ses ambitions pour 2005 avec des comparaisons internationales dans quatre domaines fondamentaux, l'accès à l'espace, l'espace scientifique et la connaissance, les nouvelles applications au service du citoyen et l'espace de la défense.

Une telle manifestation présente un double avantage. Elle va nous permettre, en un jour, de recueillir beaucoup de réflexions de spécialistes de renommée internationale, qu'ils soient scientifiques, industriels, dirigeants d'agences spatiales ou encore militaires. Nous constaterons ainsi quels sont les points de convergence et de divergence entre les différents acteurs de la politique spatiale, ce qui permettra d'orienter efficacement nos investigations futures.

En outre, à un mois du conseil de l'ESA au niveau ministériel, ce colloque a également pour but d'envoyer, si tant que faire se peut, aux responsables politiques des pays membres, un message sur la nécessité d'arrêter au niveau européen une stratégie claire dans le domaine spatial avec des budgets à la hauteur de nos ambitions.

A cet égard, je suis très heureux, Monsieur le ministre, que vous soyez ici aujourd'hui et que vous ayez accepté de présenter la vision actuelle de la France sur ce sujet.

Je tiens à préciser que j'ai déjà eu l'occasion de tester cette méthode de travail voici maintenant sept ans, lorsque l'Office parlementaire avait été saisi pour analyser la politique spatiale française. Nommé rapporteur, j'avais organisé en mars 1999 une journée d'audition publique sur l'espace d'aujourd'hui et de demain, qui avait réuni le ministre de l'époque chargé de ces questions, des parlementaires ainsi que des représentants d'agences spatiales et de l'industrie au niveau européen et mondial. En 2001, j'avais rendu mes conclusions, dont la plupart restent d'actualité.

Ainsi, j'insistais sur la nécessité de préserver la capacité d'autonomie stratégique de l'Europe et d'en faire l'objectif unificateur de la politique spatiale européenne. En conséquence, il me paraissait indispensable de privilégier une stratégie basée sur le lanceur Ariane et le champ de tir équatorial. Je proposais notamment de conduire un programme d'amélioration d'Ariane 5 avec le double objectif de suivre l'évolution du marché et de réduire de façon importante les coûts de production, d'améliorer la compétitivité du centre de lancement de Guyane, en perfectionnant les installations de lancement et d'accueil des utilisateurs, d'élargir la gamme des lanceurs dont dispose l'Europe, tant par des développements européens que par un élargissement de la coopération avec la Russie, d'explorer l'ouverture du centre de Guyane avec des lanceurs étrangers et notamment à Soyouz, de renforcer la structure d'Arianespace, de poursuivre un programme de développement technologique, destiné à préparer les lanceurs du futur.

Dans le domaine de la navigation, j'insistais sur l'importance du projet Galileo comme élément structurant de la politique spatiale, à la fois parce qu'il exprime un objectif précis d'autonomie stratégique et parce qu'il contraint à une harmonisation des structures de l'Europe spatiale et de l'Europe politique.

Enfin, je rappelais la dimension symbolique que matérialisent les vols habités et concluais qu'on ne pouvait exclure cette composante de la conception d'une politique spatiale, sans en amoindrir l'image, notamment dans l'opinion publique et particulièrement dans la jeunesse.

Pour autant, j'insistais sur le fait que les vols en orbites basses, sur lesquels le projet de station internationale (ISS) mobilise pour longtemps l'ensemble des partenaires des États-Unis, n'ont en regard de leurs coûts très élevés qu'un intérêt finalement relativement limité pour la recherche scientifique et pour le progrès de la technique spatiale.

En outre, je soulignais que ce programme de l'ISS gelait chez les partenaires des États-Unis une partie des moyens qu'ils pourraient affecter à d'autres développements.

En ce qui concerne les structures de l'Europe spatiale, deux éléments avaient retenu mon attention. D'une part, la nécessité pour les agences spatiales nationales d'harmoniser les relations entre leurs centres techniques, de façon à transformer ce qui est une juxtaposition de pôles d'expertise nationaux et européens en un réseau plus cohérent. D'autre part, il est important d'établir des relations organisées et formalisées entre les uns et l'Union européenne, c'est-à-dire entre l'Europe spatiale et l'Europe politique.

Aujourd'hui, ces recommandations semblent recueillir un large consensus au niveau européen. Certaines d'entre elles ont déjà fait l'objet d'accords de principe, qu'il s'agisse de l'alliance avec ROSKOMOS ou du lancement de Soyouz du centre de tir de la Guyane. Pour d'autres, la mise en application reste parfois délicate, comme en témoignent les retards pris par le projet Galileo ou encore les incertitudes sur l'ISS.

Par ailleurs, il nous faut dès aujourd'hui arrêter les programmes qui conditionneront la politique spatiale de demain. Tel est l'objet du présent colloque et je vais laisser la parole à M. le ministre François Goulard. Je vous souhaite une journée riche d'échanges et je remercie tous les intervenants, tous les participants et toutes celles et ceux qui nous ont aidés à préparer ce passionnant rendez-vous. Je vous remercie. Monsieur le ministre, vous avez la parole.

B. INTERVENTION DE M. FRANÇOIS GOULARD, MINISTRE DÉLÉGUÉ À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET À LA RECHERCHE.

Merci beaucoup, Monsieur le président, cher Henri. Je voudrais saluer le président Henri Revol, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques, le président Christian Cabal, président du groupe parlementaire pour l'espace et le président Alain Gournac, son homologue du Sénat.

En premier lieu, je voudrais saluer l'implication exceptionnellement forte des Parlementaires, tant du Sénat que de l'Assemblée nationale dans les questions spatiales. Nous sommes un certain nombre ici à avoir participé aux travaux de la septième conférence interparlementaire sur l'espace, qui avait été organisée à l'Assemblée nationale en juin dernier. Le Parlement français est très actif sur les questions spatiales et vous me permettrez de m'en réjouir, tant il est vrai qu'aucune grande politique n'est menée dans un pays démocratique si les représentants du Parlement ne sont pas très étroitement associés à la définition de cette politique.

Je voudrais aussi me réjouir que votre journée rassemble des représentants quasiment de toutes les grandes agences spatiales mondiales, que tous les grands industriels soient représentés dans vos travaux. Cela donne un relief très particulier à ces rencontres et les occasions sont peu nombreuses de réunir autant de représentants de toutes les grandes institutions intéressées aux questions spatiales.

La conviction durable du gouvernement français - je n'ai pas salué Claudie Haigneré mais c'est parce qu'elle est trop proche, elle ne pourra que souscrire à ce que je vais dire - est qu'il n'y a pas de politique spatiale pour les pays de l'Europe qui ne soit européenne. C'est une affirmation politique de premier plan. Les groupes industriels privés sont européens. Il n'existe plus de groupes industriels dans le spatial qui n'aient une dimension européenne. Le rapprochement récent entre les groupes ALCATEL et FINMECCANICA l'atteste, s'il en était besoin.

La vision européenne des besoins institutionnels doit s'inscrire au regard de cette organisation industrielle, qui est aujourd'hui européenne. Cela vaut pour les projets civils et cela vaut ou vaudra pour les projets militaires.

L'Europe spatiale se construit autour des projets. Le président Revol a évoqué Galileo. Malgré les difficultés et retards que nous connaissons, Galileo demeure un projet majeur, auquel nous sommes particulièrement attachés, projet européen puisqu'il associe l'Union européenne et l'Agence spatiale européenne, qui démontre aussi que l'essor d'une politique européenne et des coopérations internationales n'est pas incompatible. Galileo, avec les accords de compatibilité, de signaux GPS et Glonass, le montre.

L'autre grand projet est l'initiative GMES, qui sera la grande priorité de l'espace et qui a été identifiée comme telle par la septième conférence interparlementaire sur l'espace. C'est un projet européen de tout premier plan. La mise en place d'observatoires permanents et de services de valorisation de données satellitaires pour les besoins de la science et des citoyens européens contribuera à faire entrer l'espace dans le quotidien des Européens.

Le prochain conseil espace, qui se tiendra à Bruxelles, sera intégralement consacré à GMES.

L'Europe spatiale est l'Europe des projets au travers de l'ESA, qui va fêter cette année son trentième anniversaire. L'ESA s'étendra progressivement, personne n'en doute, à tout le continent européen. La Grèce et le Luxembourg rejoindront d'ailleurs l'ESA. Ils deviendront États-membres à la prochaine réunion ministérielle, qui doit se tenir en décembre prochain.

Le prochain conseil de l'ESA devrait permettre de consolider cette intégration spatiale européenne avec des engagements qui sont tout à la fois concrets et qui présentent également un caractère emblématique. C'est la priorité affichée pour les programmes de l'agence, qui permettra de réaliser des avancées scientifiques et technologiques, pour renforcer la compétitivité de l'Europe en matière spatiale. C'est l'utilisation optimale des capacités de l'Agence et des États-membres pour éviter les activités redondantes. Ce sont également - et je ne voudrais pas anticiper les décisions qui seront celles du Conseil ministériel de l'ESA mais la question de la politique d'approvisionnement européenne est tellement importante - des lanceurs pour les satellites gouvernementaux 100 % européens. Voilà des signaux forts d'une volonté d'intégration européenne qui pourraient être donnés.

La coopération, l'intégration européenne n'est en rien contradictoire avec une volonté de coopération internationale. Votre colloque le démontre par l'étendue et le nombre des personnalités et des organismes représentés ici. Nous souhaitons poursuivre et renforcer nos coopérations avec les grands pays du monde spatial, les États-Unis, le Japon, l'Inde, la Russie dans le secteur stratégique des lanceurs et également des pays plus récemment présents dans le spatial. Je cite comme exemple la Thaïlande. L'échelon européen est pertinent pour développer des coopérations internationales, lesquelles existent sur le plan bilatéral. Elles doivent exister sur le plan européen. Les exemples sont la station spatiale internationale ou le lancement de Soyouz depuis le centre spatial de Guyane, que nous qualifions de port spatial de l'Europe.

Des secteurs, des pans entiers de nos économies contemporaines sont aujourd'hui totalement dépendants des activités spatiales. C'est le cas à l'évidence des télécommunications, de la diffusion de la télévision, des transports, des secteurs majeurs de l'économie qui, aujourd'hui, ont besoin de l'espace.

Demain de nouveaux secteurs d'activité auront également des retombées directes en termes d'efficacité, de productivité, du fait de l'utilisation des satellites et du spatial. La science est également directement concernée. Tous les grands sujets environnementaux dépendent très largement et de plus en plus des données satellitaires. C'est dire si le spatial fait partie aujourd'hui du quotidien de l'ensemble de nos concitoyens. Je voulais dire ce matin, à l'occasion de l'ouverture de votre colloque, Monsieur le président, que nous avons des échéances importantes. Nous avons des rencontres au plan européen qui seront déterminantes pour l'avenir spatial de notre continent et la qualité exceptionnelle des participants de vos travaux devrait nous fournir un éclairage particulièrement utile pour les grandes décisions qui sont devant nous. Je vous remercie.

C. PREMIÈRE TABLE RONDE : L'AVENIR DE LA PROPULSION, LES LANCEURS DE DEMAIN

Président : M. Alain GOURNAC , sénateur, vice-président du Groupe parlementaire sur l'espace

M. Henri Revol - Merci, Monsieur le ministre. Sans plus attendre, nous passons à la première table ronde, présidée par Alain Gournac, l'avenir de la propulsion et les lanceurs de demain.

M. Alain Gournac - Je demanderai à chaque intervenant de bien vouloir délivrer son message en un quart d'heure.

J'ai la responsabilité de cette table ronde. Je souhaite qu'on soit éclairés. Nous pouvons nous dire plein de choses, d'une façon académique ou non. Nous devons ressortir enrichis de cette journée et en particulier de cette table ronde, qui rentre immédiatement dans le vif du sujet.

Nous avons peur d'une rupture de charge dans les dix à quinze ans à venir et d'une perte de compétences et de compétitivité. Notre souci est-il réel ou non ? Avons-nous la possibilité de parler de nouvelle propulsion ? Nous avons parlé de moteur plasmique. C'est maintenant, à cet instant, que nous devons préparer ce que nous réaliserons dans dix ou quinze ans, en particulier dans ce domaine.

Nous voulons entendre parler de ce sujet, ainsi que du projet Merlin. Ce projet est-il un projet intéressant ? Nous devons construire le spatial européen, sans oublier le fait d'être proches de tous ceux qui s'intéressent, sur cette planète, à ce domaine. C'est le travail que nous faisons avec le président du Groupe parlementaire de l'espace, c'est-à-dire d'entrer en contact avec tous ceux et celles, dans le monde, qui s'intéressent à ce domaine. Faisons en sorte d'obtenir cette richesse, de façon que ce soir, lorsque nous nous quitterons, nous ayons le sentiment d'avoir avancé dans notre réflexion et notre positionnement.

Nous entrons dans cette table ronde. Je passe la parole à Victor REMICHEVSKI, directeur général adjoint de Roskosmos.

1. M. Viktor REMICHEVSKI, Directeur général adjoint de ROSKOSMOS

La coopération avec l'Europe dans le domaine de l'espace est notre priorité, non seulement dans notre politique spatiale mais aussi dans notre politique en général.

Les lanceurs sont la base de l'activité spatiale. Ils garantissent l'accès et la présence constante dans l'espace. Pendant quinze ans, beaucoup de lanceurs de toutes capacités ont été créés pour répondre à la demande des activités spatiales.

Je voudrais commencer avec les problèmes ou plutôt les défauts. Les principaux défauts sont les coûts spécifiques des charges utiles, de 3 000 à 10 000 $ par kilo en orbite basse, plus pour des orbites géostationnaires.

Le deuxième problème, très important, de nos lanceurs modernes, est leur manque de fiabilité. Aujourd'hui, leur taux de fiabilité est de 0,95. Ainsi, il faut absolument moderniser les véhicules de lancement, les renouveler, les rénover, pour pouvoir les faire accéder à une plus grande compétitivité dans le monde. Actuellement, en Russie, nous utilisons les lanceurs légers, lourds et de type moyen. Les lanceurs légers sont Kosmos et Cyclon. Je vous les montre sur diapositive.

Nous avons aussi des lanceurs moyens, Soyouz et Zenit et des lourds comme Proton.

Les lanceurs disponibles satisfont la demande.

Pour maintenir et développer le potentiel des lanceurs de types moyen et lourd, nous travaillons sur la modernisation de Soyouz, de Proton et des véhicules de transfert géostationnaire comme Frégate.

Nous développons également des lanceurs lourds Angara et F5. Ce lanceur travaillera sur l'oxygène et le kérosène qui sont plus compatibles avec l'environnement. Voici une semaine, le gouvernement de la Fédération de Russie a adopté un programme fédéral de l'espace pour 2006-2015. Ce programme prévoit le travail de recherche et de développement sur la création de fusées de classe moyenne. Ces fusées auront des charges utiles plus élevées. Ce programme parle aussi de système réutilisable. Il utilise des carburants liquides.

Quant aux lanceurs Angara et F5, l'utilisation de D100 et de 91 est prévue. Ce moteur a été développé par ENERGOMARCH, qui est une société connue dans la Fédération de Russie. Ce nouveau moteur est basé sur les moteurs de RD100 et 80, qui sont utilisés pour les lanceurs Zenit et Atlas 5.

D'autres motorisations sont modifiées, comme le LERAD. C'est un moteur pour le lointain espace.

Comme l'étage supérieur d'Angara, nous le fournissons pour pouvoir utiliser de l'oxygène et de l'hydrogène. Angara 5 nous permet de créer une famille de lanceurs de portée courte, moyenne et longue, avec une charge utile de 4 à 25 tonnes sur la base de deux modules de fusée. C'est ce que vous pouvez voir sur cette diapositive. Ils utilisent des principes modulaires pour différents types de fusée. C'est ce qui est demandé ou exigé pour les systèmes futurs de propulsion. Il faut accroître la fiabilité et la sécurité à des limites proches de celles de l'aviation actuelle. Il faut éliminer les conséquences désastreuses de certaines parties des moteurs pour l'accroissement de la fiabilité des motorisations. Il faut réduire le coût spécifique des mises en orbite des charges utiles. Notre exigence est la réduction au minimum des problèmes de pollution de l'environnement.

Lorsque nous faisons passer les charges de la Terre à l'espace, il faut aussi augmenter la puissance et décroître les masses des moteurs. Il faut se diriger vers une plus haute fiabilité des lanceurs et une diminution des coûts de la mise en orbite des charges utiles.

Voilà ce que nous réaliserons en deux phases dans un avenir immédiat. Nous moderniserons les moteurs disponibles et développerons les motorisations pour les nouveaux types de fusée. Le but est d'améliorer la capacité des charges utiles.

La deuxième étape est l'étape de système de lancement réutilisable et d'amélioration des motorisations. Il faudra fournir véritablement de la recherche et du développement pour développer ces lanceurs et moteurs plus fiables et pour l'utilisation de carburants moins agressifs vis-à-vis de l'environnement. Il faut pouvoir mettre en orbite des charges utiles de plus en plus élevées, comme je l'ai dit précédemment.

Nous allons accroître la fiabilité. C'est notre point principal pour l'instant. Parmi tous les projets qui sont en cours, nous développons deux étapes de lanceurs à décollage vertical et à atterrissage horizontal.

Nous avons ici, sur cette diapositive, la première phase de développement des systèmes réutilisables. Il est possible de créer des lanceurs partiellement réutilisables, avec un premier étage réutilisable et un deuxième étage consommable. Nous pouvons le réaliser à horizon 2020. Cela nous permettra de réduire le coût des lanceurs et de diviser leur prix par 1,5 ou par 2.

Il faudra pouvoir développer des motorisations cinq fois plus puissantes que celles dont nous pouvons disposer aujourd'hui. Pour l'instant, nous ne pouvons pas prévoir exactement les moteurs du futur mais ces moteurs seront deux voire quatre fois plus puissants que ceux d'aujourd'hui. Il faudra accroître le rythme de lancement pour pouvoir accroître la fiabilité des lanceurs. Tout cela est bien entendu lié à de très hauts risques techniques et leur réalisation implique plus de recherche et de développement. Cela ne sera pas possible avant 2030.

Nous parlons des systèmes à décollage vertical et à carburant liquide, utilisés sur des fusées hypersoniques.

Tous ces points trouveront leur point d'équilibre financier à une échéance beaucoup plus tardive.

Le concept de système de lancement réutilisable n'a pas encore été choisi pour l'instant. L'une des options possibles pourrait être des charges utiles de plus de 25 tonnes, avec la première étape de motorisation oxygène/hydrocarbone. La deuxième partie sera oxygène/hydrogène.

La conception de la motorisation doit être clairement définie. Sa conception permettrait d'opérer les meilleurs choix, par rapport au fonctionnement du moteur.

La méthodologie doit être mise au point par ailleurs. La fiabilité des différents systèmes de propulsion ne doit pas être inférieure à 0,009. Un système de diagnostic et d'urgence pour propulser le moteur doit être également mis au point. Le cahier des charges pour assurer une meilleure fiabilité du système de propulsion doit atteindre les niveaux et les normes de la technologie en la matière.

Notre défi de charges doit répondre aux différentes exigences, même en cas d'urgence de l'arrêt de l'un des moteurs. Dans le cadre de nos programmes de coopération Volga et Oural, la réutilisation du méthane et de l'oxygène, LEA, de 200 à 400 tonnes de poussée, est envisageable. Ce moteur permettrait une impulsion nécessaire de 360 tonnes. La masse du moteur ne sera pas supérieure à 12,5 kilos par tonne. De tels moteurs peuvent être réutilisables jusqu'à 25 vols effectués. Actuellement, en Russie, pour pouvoir prévoir cette technologie à base de méthane et d'oxygène, nos résultats sont encourageants et prometteurs. Ils sont porteurs par rapport aux différentes études conceptuelles.

Les moteurs à base de méthane ont donné aussi des résultats encourageants.

Le développement non intensif des différentes procédures d'urgence dépasse 0,5 seconde, qui est donc propre à différents générateurs et moteurs. Dans de telles urgences, aucun dommage externe n'a été constaté. Les systèmes de protection d'urgence sont fournis ou assortis d'une augmentation du coefficient de couverture de 0,09 à 0,75.

L'augmentation ou la valorisation de l'efficacité de tels systèmes de propulsion passe par l'utilisation de composite carbone/carbone. L'utilisation de carbone/carbone et ses extensions pour les systèmes stationnaires ou non dans un contexte LEA est réalisée.

Les embouts et ses extensions carbone/carbone pour le RD58 pour les moteurs de kérosène ont répondu à tous les critères de tir. Leur fiabilité a pu être vérifiée.

C'est le DS thermosolaire. Il passe par le préchauffage d'hydrogène dans un accumulateur thermique approprié. Il s'agit de préchauffer l'accumulateur jusqu'à 2 000 °Celsius.

Il prévoit l'efficacité ou la fiabilité de l'utilisation dans des missions où il doit être inséré dans les orbites LEV. Le système des trajectoires interplanétaires avec un système de propulsion permet jusqu'à 70 % d'augmentation de la masse ESV insérée par rapport à d'autres systèmes de lancement classique, en raison justement de la poussée faible et de l'alimentation électrique, sur une période d'insertion qui augmente jusqu'à 30 à 60 jours.

Voilà les perspectives.

Nous pensons que la propulsion est le domaine scientifique technologique le plus porteur actuellement dans le cadre de notre programme fédéral. Roskosmos démarre de nouveaux projets qui portent sur la problématique que je viens de vous esquisser.

J'ai essayé d'être sommaire. Merci de votre attention.

M. Alain Gournac - Il faut lancer plus pour diviser ces coûts. Nous avons noté que les systèmes réutilisables peuvent être totaux ou partiels. Des moteurs peuvent servir jusqu'à 25 fois. Cette approche de modèle électrique nous intéresse.

Je passe la parole à notre collègue japonais, Kiyoshi HIGUCHI. Il est directeur exécutif de la JAXA, l'agence japonaise de l'espace.

2. M. Kiyoshi HIGUCHI, Directeur exécutif de la JAXA (Japan Aerospace Exploration Agency

Il est vrai que la coordination et l'harmonisation sont tout à fait les bienvenues, en l'occurrence l'Internet et l'informatique. Il faut espérer que tout cela soit de notre côté. La coordination internationale exige la patience également. Je vous demande de faire preuve de patience en m'écoutant et surtout votre indulgence quant à mon anglais.

Monsieur le président, éminents Parlementaires, cher public, je remercie chaleureusement les organisateurs pour leur invitation à participer à cette conférence des plus utiles. Je suis particulièrement heureux de vous présenter le programme aérospatial japonais. Compte tenu du temps limité qui m'est imparti, je me concentre sur l'essentiel.

Cette présentation se divise en trois parties. Je vous présente JAXA. C'est un système spatial de transport.

JAXA, que vous connaissez peut-être, est une agence d'exploration spatiale. Elle fait partie d'un ensemble d'organismes ou d'autres agences spatiales qui passent par l'exploration spatiale.

Voilà donc le système de transport japonais. Le véhicule de lancement H-IIA est notre véhicule prioritaire. Nous avons H-IIB, qui est un véhicule de lancement plus lourd et H-V, que les scientifiques universitaires ont mis au point.

Le véhicule H-II est une « Ariane » de transport pour les différentes stations internationales spatiales. Enfin, le véhicule de lancement GX relève du secteur privé, en collaboration avec les États-Unis.

Voici le véhicule de lancement le plus connu.

Nous célébrons le trentième anniversaire de la JAXA. Nous avons lancé voici 30 ans un satellite d'application. Nous en sommes actuellement à la quatrième génération de ce lanceur. Voici 30 ans, nous avons donc lancé notre véhicule Delta 4 des États-Unis. Nous sommes actuellement à la version 82, qui est mise au point par nos propres soins.

C'est un système avec deux étages, avec une suralimentation, avec de l'oxygène liquide et de l'hydrogène liquide pour le moteur des premier et deuxième étages.

Nous lançons ces véhicules en basse altitude avec 2 tonnes de charge. C'est actuellement notre talon d'Achille. Nous avons des moyens financiers limités. C'est actuellement le maillon faible de notre chaîne au Japon. Voici le véhicule de lancement HIIA sous ses différentes versions.

C'est notre véhicule amélioré de ceux de nos différents véhicules de transfert, dont le diamètre a été augmenté de 4 à 5 mètres.

Pour la deuxième étape, comme le 82A, nous avons doublé la capacité au niveau GTO.

Ce véhicule de lancement est actuellement en développement et doit être lancé en 2008.

Les différentes étapes font penser plutôt à un satellite de petite taille.

Le dernier montage est notre véhicule de transfert HTV pour transporter de la marchandise. Il transportera jusqu'à 6 tonnes de charge utile pour les liaisons avec l'ISS. Ce véhicule sera lancé en 2008.

Nous passons à notre stratégie nationale. Je vous présente notre politique de la science et la technologie, telle qu'elle a été débattue au sein de notre comité parlementaire présidé par notre Premier ministre. C'est un conseil pour la définition de la politique scientifique et technologique. Il s'est fixé comme priorité de développer davantage l'utilisation de l'industrie aérospatiale pour assurer une plus grande indépendance. Nous en attendons des retombées importantes.

Cette politique doit viser à renforcer la fierté nationale par différentes contributions. Cela signifie que nous devons relever certains défis dans l'exploration de l'espace. Les Japonais doivent se sentir fiers de ces projets. L'aérospatiale est particulièrement importante pour nos citoyens, pour notre quotidien et pour notre système d'enseignement.

L'aérospatiale est une technologie de base pour assurer le développement durable du pays. L'aérospatiale ne passe pas uniquement par l'exploration mais joue un rôle très important dans le quotidien des citoyens, de par ses structures sociales. C'est le deuxième message. Le troisième message est qu'il faut développer davantage des systèmes aérospatiaux de transport. L'aérospatiale et ses activités sont particulièrement importantes pour le Japon. Pourquoi ?

La capacité à accéder à l'espace, pour nous, est l'un des domaines les plus difficiles. C'est pourquoi le Japon doit pérenniser cette capacité.

Fort de ses constats, JAXA, au mois d'avril de cette année, a publié sa vision à échéance 2025. Nous avons pensé que peut-être d'ici vingt ans, l'industrie aérospatiale prendra une plus grande importance. Nous avons une vision en cinq parties. Nous devons faire en sorte que l'aérospatiale contribue davantage au quotidien des citoyens. Nous devons explorer l'espace pour obtenir de nouvelles connaissances. Pour réaliser cette vision, nous avons besoin de nos propres moyens en interne. Voici le quatrième volet de cette vision. La cinquième vision de JAXA doit permettre de couvrir les besoins de l'industrie aéronautique.

Je voudrais entrer dans quelques détails de notre troisième vision.

Nous imaginons ce qui va se passer dans les vingt années à venir. Pour l'instant, nous nous limitons aux dix prochaines années. Nous voudrions améliorer de plus en plus et nous avons donc besoin des véhicules de lancement plus fiables. En trente ans, nous avons eu 50 lancements et avons connu cinq échecs. Notre fiabilité est de 90 % mais elle est moindre que les lanceurs européens, américains ou chinois. Pourquoi ?

Nous avons lancé moins de véhicules. Nous ne voulons pas changer nos véhicules de lancement mais voulons les rendre plus fiables. C'est notre politique. Nous avons diverses possibilités pour accéder à cette capacité de l'espace, basé sur 82 véhicules de lancement. Nous avons installé des charges utiles différentes sur ces lanceurs. Nous nous sommes concentrés au cours des deux dernières années sur deux lignes de production. La première permet d'améliorer la fiabilité et le deuxième volet est de développer la capacité de notre lanceur HTV.

En raison du temps limité qui m'est accordé, je n'ai pas mentionné la coopération internationale. Nous souhaitons entrer dans des partenariats internationaux, comme ISS ou des explorations futures. En nous basant là-dessus, nous discutons des points communs entre Ariane 5, d'autres systèmes comme HTV et des systèmes de soutien à ces lanceurs. Nous sommes ouverts et nous espérons collaborer avec l'Europe, les États-Unis et la Russie.

Merci.

M. Alain Gournac - Mon cher collègue, merci. Bon anniversaire ! En effet, 30 ans, c'est un anniversaire qu'il faut souligner. Vous avez parlé de 50 lancements, de manque de moyens et de fierté nationale. Sachez que même en France, nous avons beaucoup à faire pour que le public s'intéresse beaucoup plus à l'espace. Nous vous remercions très sincèrement. La parole est donnée à Jean-Yves Le Gall, directeur général d'Arianespace.

3. M. Jean-Yves LE GALL, Directeur général d'Arianespace

Merci, Monsieur le président. M. Higuchi a parlé du trentième anniversaire de la JAXA en 2005. Nous avons fêté le vingt-cinquième anniversaire d'Arianespace. Ariane est souvent citée comme l'un des exemples de construction européenne. Ce succès d'Ariane trouve en fait son origine dans le refus des États-Unis de lancer en 1973 le satellite franco-allemand, Symphonie, pour une utilisation commerciale. L'Europe, à l'initiative de la France, avait alors décidé de se doter d'un lanceur de souveraineté, Ariane, dont le premier vol, intervenu le 24 décembre 1979, est encore présent dans tous les esprits. En 1980, quelques visionnaires, qui avaient bien compris l'intérêt de s'appuyer sur le marché pour garantir le libre accès de l'Europe à l'espace, ont créé Arianespace, afin de présenter aux opérateurs internationaux les services du lanceur européen.

25 ans plus tard, et c'est un chiffre que j'aime souvent citer, plus des deux tiers des satellites commerciaux, actuellement en orbite, ont été lancés par Arianespace. Je suis persuadé que si nous demandions à l'homme de la rue combien de satellites actuellement ont été lancés par Ariane, les réponses seraient certainement qu'Ariane en aurait lancé le moins. Les États-Unis, les Russes en ont beaucoup lancé, on parle beaucoup de la Chine mais peu d'Ariane. Plus des deux tiers des satellites ont été lancés par nos services. Le système de lancement européen est l'un des meilleurs, sinon le meilleur au monde.

Quelle est la clef de ce succès ?

Il s'appuie sur trois entités bien différentes. Le lanceur Ariane 5 a été développé sous l'égide de l'ESA par le CNES, d'où sort un gisement très important de compétences. Il s'appuie sur l'industrie européenne qui le produit. C'est le premier volet du triptyque.

Le deuxième volet est le centre spatial guyanais. De par sa localisation géographique, de par les investissements consentis par l'Europe et la France, il est de très loin le meilleur centre spatial, le meilleur cosmodrome, totalement dédié aux commerciaux et nos clients le répètent très souvent.

Le troisième volet est Arianespace. Les opérateurs recherchent un service de lancement, avec tout ce que cela implique de services, de moyens de financement, d'assurance. Nous lancerons la semaine prochaine un Ariane 5 ECA, avec une capacité de lanceurs record. Jamais nous n'avons lancé avec autant de valeur assurée. Tout ceci, seul Arianespace est capable de le fournir.

D'ailleurs, pour améliorer notre service, depuis quelques années, nous avons développé des lanceurs avec la Russie - je serai très heureux la semaine prochaine de retrouver mon ami Victor Remichevski, pour le lancement de Vénus Express, pour le compte de l'Agence spatiale européenne - et nous lancerons un lanceur Soyouz et la semaine prochaine aussi, nous lancerons Ariane.

Nous avons aussi engagé des coopérations avec le Japon. Arianespace a créé la Launch Services Alliance, qui est un acteur de back-up, avec le Sea Launch aux États-Unis, le HIIA au Japon et j'ai l'habitude d'affirmer devant d'autres assistances, devant nos clients, que notre concurrent l'a rêvé et nous l'avons fait. La Launch Services Alliance actuellement fonctionne bien. Tous nos clients sont enthousiastes à l'idée de disposer de ce service.

Néanmoins, ce succès reste fragile et nous devons nous interroger sur la façon de le pérenniser.

Le modèle original, sur lequel repose Arianespace, dépend à la fois du marché gouvernemental européen et du marché commercial international.

Force est de constater que les gouvernements européens n'utilisent pas Ariane pour leurs besoins nationaux. Quand bien même ils l'utilisent, c'est le plus souvent par le biais de contrats clefs en main qui mettent Arianespace en compétition. Lorsque nous devons lancer des satellites militaires, qu'ils soient français, britanniques ou allemands, très rarement le gouvernement français, le gouvernement du Royaume-Uni ou le gouvernement allemand passent un contrat Arianespace. Les gouvernements achètent des systèmes clefs en main auprès d'opérateurs et ces opérateurs nous mettent en compétition de façon très dure avec d'autres lanceurs.

Lorsque nous comparons cela avec ce qui se passe outre-Atlantique, nous observons qu'il existe le buy American Act , qui oblige le gouvernement américain à lancer des satellites américains par des lanceurs dont au moins 51 % de la valeur ont été fabriqués sur le territoire américain. Nous pouvons faire cette comparaison avec la Russie, la Chine, le Japon, l'Inde et peut-être le Brésil. Nous sommes dans une situation très déséquilibrée.

Le marché commercial est fluctuant et imprévisible. En 2000, les experts parlaient de dizaine de satellites à lancer, de plates-formes géantes en orbite, qui n'ont jamais vu le jour. Où en sommes-nous actuellement ?

Nous lançons entre quinze et vingt satellites commerciaux, dont la masse se situe d'un côté entre 2 et 3 tonnes et de l'autre entre 4 et 5 tonnes. Je ne vois pas de constellations géantes ni de satellites géants. Dans un secteur où les constantes de temps se chiffrent plutôt en dizaines d'années, il est très difficile de faire des prédictions.

De plus, Ariane doit faire face à une compétition acharnée des systèmes qui reposent sur des modèles économiques différents. D'un côté, les États-Unis financent massivement leur système de lancement ainsi que le Japon. De l'autre, des pays ont des coûts de production, parce que les modèles économiques sont différents, qui sont sans commune mesure avec l'Europe, dans le spatial comme ailleurs. Nous pourrions parler de la Russie, la Chine, l'Inde et demain le Brésil.

La troisième raison, pour laquelle notre succès pourrait être fragilisé, est le fait que l'industrie des lanceurs arrive aujourd'hui au point bas d'un cycle. Au même moment se terminent tous les développements qui permettaient d'entretenir les bureaux d'étude de cette industrie, Ariane 5, la participation européenne à la station spatiale internationale, avec l'ATV et Colombus, d'autres programmes gouvernementaux dans le cadre balistique. Je souhaite insister là-dessus, la production d'Ariane a besoin de développements indispensables au maintien des compétences, tout comme les développements ont besoin de la production pour amortir les frais fixes. Le système Ariane, depuis plus de 25 ans, repose sur deux jambes. Une est la production et l'autre est le développement. Si l'une de ces deux jambes disparaît, tout le système s'effondre.

Aujourd'hui, l'Europe spatiale est encore à la croisée des chemins. La dernière fois, c'était dans des circonstances difficiles, après l'échec du premier vol d'Ariane 5 ECA en 2002. Depuis, la situation a été bien remise d'aplomb, grâce aux décisions très importantes et pas du tout évidentes à prendre, prises par l'Europe, à l'initiative de la France et en particulier de Mme Haigneré, en mai 2003. Pendant quelques semaines, nous nous étions demandé si Ariane 5 aurait un lendemain. Aujourd'hui, la question pour le développement se pose.

Pour les développements, il ne faudrait pas, grisés par le succès d'Arianespace - et les chiffres que je viens de citer permettent d'être grisé - que les Européens oublient qu'ils ont besoin de soutenir leur industrie des lanceurs. Sans lanceur européen, il n'y a pas de politique spatiale européenne. Sans lanceur européen, qui lancera nos satellites d'observation de la Terre, qui lancera nos satellites de télécommunication militaire, qui lancera notre système de navigation Galileo ? Les lanceurs deviennent une commodité. Je peux vous dire que si pour Galileo, qui est présenté en quelque sorte comme le nouvel exemple dans le domaine spatial, qui a vocation à susciter des difficultés au GPS américain, au Glonass russe, d'autres lanceurs que les lanceurs européens sont considérés. Le même schéma que pour Symphonie recommencera ; au moment du lancement, les lanceurs ne seront pas disponibles. J'invite chacun à méditer sur ce qui s'est passé en 1973. Je ne peux pas exclure que dans quelque temps, nous serons dans cette situation.

De ce point de vue, il est très important que l'Europe fasse face à ses responsabilités. Comme je l'ai dit, un premier pas très important a déjà été fait en 2003 avec la mise en place du programme EGAS (European Guaranteed Acces to Space), qui permet à Arianespace, ainsi qu'à l'ensemble des industriels qui travaillent sur Ariane, de continuer à travailler et permet à l'Europe de disposer d'un lanceur de souveraineté.

Ce plan décidé en mai 2003 a donné ses résultats. Depuis 2003, Arianespace a signé 24 nouveaux contrats de service de lancement et neuf lancements parfaits d'Ariane 5 ont eu lieu, au bénéfice de la science, de la défense et des opérateurs de télécommunication. Le dernier de ces lancements a eu lieu voici deux semaines. Nous avons lancé Syracuse 3A et Galaxie 15 pour le ministère de la Défense. La semaine prochaine, nous lancerons un Ariane 5 ECA pour la lancée de satellites pour des contrats du marché international.

Après avoir pérennisé la production, l'Europe doit s'occuper des développements. C'est le sens des propositions qu'Arianespace, au nom de ses actionnaires industriels, vient de déclencher. L'Europe doit décider de se doter des briques élémentaires pour définir une politique spatiale. Les technologies liées à l'accès à l'orbite, à la rentrée atmosphérique, à la propulsion du futur, nous sont indispensables. Trois décennies d'efforts et des dizaines de milliards d'euros ont permis à notre continent de développer les compétences d'Arianespace. Ne les laissons pas se perdre.

Dans un domaine aussi particulier que la politique spatiale, les succès d'aujourd'hui sont liés aux décisions d'hier. A la question qui est posée, quel lanceur en 2015, la réponse ne se constituera pas en 2014 mais aujourd'hui, en 2005.

L'Europe excelle dans le secteur des lanceurs. Notre succès actuel le démontre amplement. L'Europe doit décider de nouveaux programmes de développement de lanceurs. Il faut surtout que l'Europe utilise systématiquement Ariane pour lancer ses propres satellites. Ce qui s'est passé pour Symphonie en 1973 l'a bien montré. Il n'y a pas de politique spatiale européenne sans lanceur européen. Il n'y a pas de lanceur européen sans production et surtout sans développement.

Je vous remercie.

M. Alain Gournac - Je remercie Jean-Yves Le Gall. Nous avons une oreille musicale. Nous n'avons pas oublié la Petite Symphonie. Encore un anniversaire, le vingt-cinquième en ce qui vous concerne. Vous avez rappelé que les deux tiers des satellites sont lancés par Ariane mais ajouté que le succès est fragile. Vous l'avez bien évoqué.

Vous avez analysé une grande part de votre succès sur le service de lancement, c'est-à-dire la globalité pour un client d'avoir une réponse et c'est certainement ce qui nous a aidés à progresser, même si nous devons rester vigilants. Je vous remercie.

Je passe la parole à Michel Eymard, directeur des lanceurs du CNES.

4. M. Michel EYMARD, Directeur des lanceurs du CNES

Monsieur le président, merci. Madame la ministre, Mesdames et Messieurs, la direction des lanceurs ne s'est pas exprimée en public depuis plus de deux ans. Pourquoi ?

L'échec de la version la plus puissante d'Ariane 5, en décembre 2002, a mobilisé sa direction et cet échec a montré, s'il en était besoin, combien l'activité des lanceurs était risquée et exigeante. Aucun acteur du secteur n'échappe à la règle. Vous l'avez vu récemment avec les échecs de nos partenaires internationaux.

Je voudrais profiter de l'occasion qui m'est donnée de m'exprimer pour rendre hommage à des pionniers qui, voici quarante ans, en lançant la première fusée Diamant, permettaient à la France d'entrer dans le cercle très fermé des nations disposant de l'accès à l'espace.

Plus de trente ans d'efforts de recherche, de développements et d'exploitation des lanceurs de la famille Ariane ont été nécessaires pour construire une Europe des lanceurs. La garantie d'accès à l'espace repose aujourd'hui en Europe sur Ariane 5 et sur la base de lancement de Kourou en Guyane.

Capitaliser les acquis pour préparer le futur

L'autonomie de l'Europe dans le domaine des lanceurs s'appuie sur les compétences des secteurs industriels et publics, ainsi que sur des moyens de production et d'essais.

Impossible d'imaginer l'évolution des systèmes de lancement et du secteur des lanceurs à l'horizon 2015 sans tenir compte de ces acquis obtenus grâce à de lourds investissements des États européens, au premier rang desquels la France. Il n'est pas non plus concevable de se projeter à dix ou quinze ans sans faire état de la situation du secteur des lanceurs et de son évolution à court et moyen terme.

Le retour en vol de la version la puissante d'Ariane 5, Ariane 5 ECA, le 12 février dernier, a été un grand succès et un soulagement. Ce vol est l'aboutissement de deux ans de qualification, très difficiles et très tendus, que la direction des lanceurs du CNES a eu l'honneur de piloter pour le compte de l'Agence spatiale européenne, en étroite relation avec l'industrie et Arianespace, qui ont maintenant en charge l'exploitation de ce système.

Stabiliser et consolider le système Ariane 5

Malgré ce succès, il faut reconnaître que le secteur reste fragile, tant sur le plan technique qu'au niveau économique. Il est maintenant essentiel de figer la configuration et la définition du système Ariane 5 pendant plusieurs années pour bénéficier de l'effet d'expérience. L'industrie a déjà accompli beaucoup, mais doit encore accomplir des efforts significatifs de rationalisation du processus de production, au-delà de celui déjà réalisé dans le cadre du lot de production PA, afin d'assurer la pérennité du système Ariane 5 au-delà de 2015. Pour renforcer cet effort de compétitivité, il est possible d'envisager une évolution du système Ariane 5 à mi-vie (vers 2012) : une telle décision ne pourrait être prise avant 2008 et s'appuiera, en tout état de cause, sur une analyse de l'environnement (du marché et de la concurrence) à cette échéance.

Le système Ariane 5 pourrait être opérationnel au moins jusqu'en 2020, assurant à la fois des missions institutionnelles et des missions commerciales, permettant une cadence minimale d'Ariane 5 d'au moins quatre à cinq lancements par an, seuil en deçà duquel le niveau de qualité et de fiabilité requis serait plus difficile à obtenir, comme l'a montré l'exploitation d'Ariane 5 ces trois dernières années, qui ont été particulièrement difficiles.

Répondre en priorité aux besoins institutionnels

· Quel lanceur à horizon 2020 ?

Sachant qu'à l'horizon 2015/2020, de nouveaux entrants, très agressifs - je pense à la Chine et l'Inde - pourraient arriver sur le marché, augmentant le volume de l'offre, le système de transport spatial de nouvelle génération devra, en priorité, se centrer sur les besoins institutionnels, tout en s'appuyant sur le marché commercial.

Compte tenu du nombre élevé des acteurs dans le secteur des lanceurs, des risques inhérents à tout développement et des investissements associés, une stratégie de coopération à l'échelle internationale paraît bien adaptée : C'est ce que la France et l'Europe ont initié avec la Russie au travers d'un programme d'études et de recherches, appelé Oural, que nous avons lancé voici quelques mois.

Cette initiative, lancée en parallèle du programme d'implantation du lanceur Soyouz en Guyane, marque le caractère stratégique de la coopération avec la Russie. Le succès de ces deux programmes (Oural et Soyouz en Guyane) permettrait d'envisager des initiatives plus ambitieuses, qui consisteraient à développer un lanceur en commun. Ceci ne pouvait s'envisager que si ce lanceur est unique sur le segment de marché concerné, c'est-à-dire s'il y a dépendance mutuelle des partenaires qui se doivent de conserver, chacun d'entre eux, la maîtrise des technologies-clés de l'accès à l'espace (en l'occurrence la propulsion et le système) ainsi que leurs propres installations de lancement.

· Développer et tester des démonstrateurs

Le développement des lanceurs reste une activité à très hauts risques. Les recherches et études sur le système du futur doivent s'appuyer sur des démonstrateurs technologiques, tout particulièrement dans le domaine de la propulsion. Cette stratégie de démonstrateurs, que nous avons initiée avec nos partenaires en 2003, permet d'améliorer les technologies les plus critiques, au sol ou en vol, avant d'engager leur développement. Chaque démonstrateur constitue une brique de base du lanceur de nouvelle génération et permet, tout particulièrement dans les trois années futures, de maintenir à leur meilleur niveau les compétences en ingénierie dans les domaines-clés du secteur.

Il est proposé, à moyen terme, de se focaliser sur un nombre limité de démonstrateurs, dont le moteur cryogénique Vinci, sur lequel la France et l'Europe ont déjà investi depuis plusieurs années.

Certains administrateurs, qui présentent un intérêt commun pour nos partenaires russes, seront menés en coopération, dans le cadre du programme Oural. M. Remichevski a évoqué d'autres programmes, comme Volga et d'autres démonstrateurs. Au niveau européen, le programme FLPP (Future Launchers Preparatory Programme) est en phase d'élaboration, reprenant les principes évoqués : un difficile consensus est encore à trouver entre les États-membres et nous avons quelques semaines pour le trouver.

· Un nouveau lanceur consommable pour 2015/2020

Les facteurs-clés de succès des lanceurs de demain seront d'abord la fiabilité, la disponibilité, la flexibilité mais aussi il sera important d'aborder le sujet en termes de coût complet, c'est-à-dire développement et exploitation, qui sera certainement un pilote essentiel pour les processus du futur. La nouvelle génération de lanceurs pour l'Europe ne sera sans doute pas réutilisable, compte tenu du manque de maturité de cette technologie, ce qui n'exclut pas des activités de recherche sur des véhicules ou des technologies réutilisables. Actuellement, nous privilégions les technologies dites duales, qui sont adaptables aux lanceurs consommables et aux lanceurs réutilisables.

Nous réfléchissons aussi à des systèmes nouveaux, dit systèmes hybrides, qui pourraient être des lanceurs mais aussi des satellites. Ces systèmes seraient susceptibles de créer de véritables ruptures pour le futur et pourraient répondre à des besoins de sécurité et de défense. La propulsion du futur pour l'Europe devrait être en priorité centrée sur la cryogénie. L'hydrogène n'est-elle pas l'énergie de demain ? Nous travaillons par ailleurs avec nos partenaires russes sur des technologies potentiellement intéressantes, qui utilisent l'oxygène et le méthane.

Les applications de sécurité et de défense, ainsi que les missions scientifiques d'exploration, pourraient guider le choix du futur système de lanceurs européens, dont la majorité des missions serait sans doute assurée en lancement simple, en s'appuyant sur une politique d'approvisionnement adaptée. Jean-Yves Le Gall l'a évoqué tout à l'heure. Les produits européens devraient en priorité être lancés par des lanceurs européens.

La décision de démarrage d'un nouveau système de lancement pourrait se prendre entre 2008 et 2012, ceci en fonction de l'évolution de l'environnement concurrentiel d'Ariane 5 mais aussi en fonction de l'effort que l'industrie aura pu réaliser pour réduire les coûts de ce système. Si nous devions rappeler un facteur de succès, pour développer le dispositif d'accès à l'espace de demain, je retiendrais en priorité la cohérence de l'action en Europe, à laquelle j'associerais bien volonté la non-duplication des compétences, qui sont rares dans ce secteur et que nous avons le devoir de conserver.

Je vous remercie de votre attention.

M. Alain Gournac - Merci beaucoup de votre intervention. Nous avons appris qu'Ariane 5 pouvait perdurer jusqu'en 2020. La cadence minimale est de quatre à cinq lancements par an. Vous avez développé le programme Oural.

Je passe la parole à M. Joël BARRÉ, vice-président et directeur général des moteurs spatiaux, SNECMA.

5. M. Joël BARRÉ, Vice-président et Directeur général des moteurs spatiaux, SNECMA

Merci. Monsieur le président, Madame la ministre, Mesdames et Messieurs, je voudrais parler de propulsion. Pourquoi réaliser une session particulière sur la propulsion spatiale ? Cela a été souligné par les intervenants précédents. La propulsion est une technologie-clé pour nos lanceurs actuels et nos lanceurs du futur. C'est d'abord le premier accord de performance. Je vous donne comme seul exemple pour vous convaincre le passage d'Ariane 5 générique à Ariane 5 ECA. Nous avons remplacé le moteur d'étage supérieur Aestus par un moteur HM7, repris d'Ariane 4. Nous avons remplacé le moteur Vulcain, de premier étage, par un moteur Vulcain 2, de performance améliorée, pour gagner en performance et nous avons procédé au surchargement de l'un des segments des moteurs, les deux boosters à poudre d'appoint, qui assurent l'essentiel de la poussée au décollage. La propulsion est le premier facteur de performance.

Nous avons insisté sur la nécessité d'améliorer la fiabilité de nos lanceurs en Europe, en Russie et ailleurs dans le monde. La propulsion est le premier facteur de fiabilité. Si nous examinons l'histoire d'Ariane depuis 1979, la majorité des échecs sont des échecs de propulsion. Il est fondamental que nous travaillions sur cette propulsion, même si elle représente une activité relativement faible en Europe. Il faut avoir quelques ordres de grandeur en tête. En 2004, la propulsion spatiale en Europe a représenté un chiffre d'affaires de 650 M€, réparti en 400 M€ pour la propulsion liquide et 250 M€ pour la propulsion solide. Je n'intègre pas les travaux réalisés au titre de la propulsion militaire, donc des missiles balistiques. Je parle de propulsion spatiale des lanceurs à usage exclusivement civil.

La propulsion est aussi une technologie-clé pour l'exploration spatiale. Smart One est une sonde lancée par Ariane 5 en septembre 2003. Elle a atteint l'orbite lunaire. Elle a été installée par Ariane 5 sur l'orbite de transfert géostationnaire et, depuis cette position de transfert géostationnaire, a atteint l'orbite lunaire grâce à un moteur à propulsion plasmique, que nous avons conçu et développé chez SNECMA. Cela a permis à un moteur qui a une poussée très faible, en un peu plus d'un an, de passer de la Terre à la Lune, grâce à quelques dizaines de kilogrammes de xénon. C'est une propulsion dont l'efficacité n'est pas à démontrer et qui permet, par rapport à la propulsion chimique, des gains de masses considérables, pour ces missions d'exploration planétaire mais également pour les satellites de télécommunication.

Les moteurs à propulsion plasmique sont réalisés par notre coopérant russe, l'industriel FAKEL, à Kaliningrad. C'est le premier exemple de coopération avec la Russie. Nous avons engagé cette coopération voici plus de dix ans. Elle s'est traduite ces deux dernières années par les premiers succès de la mise en orbite des premiers moteurs plasmiques.

Le deuxième message auquel je voudrais faire référence, qui a été évoqué par Jean-Yves Le Gall et Michel Eymard, est la nécessité de poursuivre nos efforts en recherche et développement. Pourquoi faut-il poursuivre nos efforts ? Jean-Yves Le Gall l'a dit, notre système repose sur deux jambes, la production et le développement, et si l'une des deux jambes s'écroule, tout le système défaille.

Nous avons besoin de maintenir notre capacité d'expertise technique. La période qui s'ouvre devant nous est critique de par l'achèvement des grands programmes de développement. C'est vrai dans la propulsion et pour l'ensemble des lanceurs. Je suppose qu'Alain Charmeau insistera sur ce point tout à l'heure.

Nous avons besoin de baisser nos coûts. Michel Eymard nous a répété que nous avons encore des efforts à fournir. Nous avons consenti des réductions de prix de plus de 20 % par rapport au précédent. Ce n'est pas suffisant en raison du contexte économique et commercial qui est le nôtre. Nous devons faire plus.

Enfin, nous avons besoin de recherche et de développement pour améliorer notre performance. Le système économique de nos lanceurs européens repose sur un compromis de coefficacité qui doit être sans cesse amélioré. Il faut gagner en efficacité et en termes de performance de lanceurs et de fiabilité.

Quelles sont les priorités que SNECMA et SAFRAN proposent aux agences et Arianespace en termes de propulsion spatiale pour le futur ?

La première a déjà été soulignée par Michel Eymard. Il faut poursuivre notre effort en propulsion cryotechnique parce que le couple oxygène liquide et hydrogène liquide est le plus efficace et qu'il est particulièrement bien adapté pour la motorisation des étages supérieurs.

La première priorité est de poursuivre le développement du moteur Vinci, engagé voici quelques années, dont la poursuite a été ralentie à l'issue de l'échec de décembre 2002. Nous proposons de poursuivre ce développement parce qu'il représente le moteur d'étage supérieur du futur lanceur européen, quel qu'il soit, qu'il soit une évolution d'Ariane 5 ou un lanceur de nouveau concept, ou tout autre lanceur que l'avenir pourrait faire apparaître en tant que besoin.

Ce moteur Vinci représente à la fois le maintien de compétences en propulsion cryotechnique, dans l'ensemble de l'industrie européenne, qu'il s'agisse de SNECMA mais aussi de nos partenaires coopérants, EADS en Allemagne, AVIO en Italie, VOLVO en Suède, TECHSPACE AERO en Belgique. Tout le tissu européen est concerné par ce programme.

De plus, il permettra de gagner en coût/efficacité. C'est un paramètre fondamental. Le moteur Vinci poussera trois fois plus que le moteur HM7 et nous nous sommes d'ores et déjà engagés à le produire au même prix. Voilà un gain significatif et une administration des progrès que nous permettent d'apporter nos travaux de recherche et de développement.

La deuxième priorité, au-delà de la propulsion cryotechnique, a été évoquée à plusieurs reprises, en particulier par le professeur Remichevski, la propulsion à oxygène/méthane.

La première raison est que, pour les missions d'exploration spatiale, le méthane est plus facilement stockable en longue durée en orbite que l'hydrogène. Nos amis américains, dans leurs programmes lunaires et martiens, étudient cette technologie comme une potentialité pour les moteurs des véhicules de transfert. Cette propulsion présente un intérêt majeur pour l'exploration spatiale.

La deuxième raison est que cette capacité est intéressante pour les moteurs réutilisables. Notre collègue Remichevski nous l'a affirmé tout à l'heure. Si nous voulons construire un lanceur réutilisable, le premier étage doit être la priorité de la réutilisation. Si le premier étage est construit en oxygène/méthane plutôt qu'en oxygène/hydrogène, il sera moins volumineux et moins lourd car le méthane est plus dense que l'hydrogène. Ainsi, nous travaillons sur cette technologie, dans le cadre de la coopération russe du projet Volga qui a été évoqué et illustré à plusieurs reprises ce matin.

La troisième priorité est de poursuivre notre effort en propulsion plasmique. Le succès de Smart One est un succès majeur. C'est une première mondiale. C'est la première fois qu'une sonde passe de l'orbite Terrestre à l'orbite lunaire, grâce à cette énergie de propulsion plasmique et cela a été un plein succès. Il faut poursuivre cet effort pour les sondes d'exploration et pour les satellites de télécommunication. La propulsion plasmique a déjà été retenue par nos satellitiers, Astrium et Alcatel, car elle permet un gain de masse très significatif par rapport à la propulsion chimique.

En termes de priorité, la propulsion solide est fondamentale parce que, sur Ariane 5, elle assure 90 % de la poussée au décollage et même au-delà. Elle représente, par rapport à la propulsion liquide, un très bon rapport qualité/prix quant à cette performance au décollage. Elle fait preuve d'une grande fiabilité. Elle est d'une mise en oeuvre relativement simple. Nous pensons que l'avenir de la propulsion solide, pour les lanceurs du futur, réside dans la propulsion d'appoint. Par exemple, pour le lanceur Ariane 4, nous avions des configurations modulaires, dont la performance pouvait varier en fonction de propulseurs d'appoint que l'on pouvait ajouter au coeur du lanceur. Nous avons proposé, dans le cadre de l'initiative que Jean-Yves Le Gall a lancée, des propositions d'Arianespace pour poursuivre l'activité recherche et développement en 2006/2008, que cette propulsion solide soit orientée sur la mise au point d'un nouveau propulseur d'appoint qui sera, lui aussi, utilisable, quel que soit le lanceur du futur.

Voilà les quelques priorités de propulsion que SNECMA et Safran proposent à l'ensemble des agences et aux gouvernements.

Je voudrais répondre à une question qui a été posée tout à l'heure. Où en est le projet Merlin ?

Nous sommes conscients de la nécessité de poursuivre l'effort de consolidation industrielle réalisé en Europe et nous sommes aussi conscients que la propulsion dans ce domaine est plutôt en retard par rapport au reste de l'industrie. EADS Space Transportation a regroupé les activités françaises et allemandes dans ce domaine. Nous voulons créer le même fonctionnement en propulsion liquide, toujours avec EADS Space Transportation. Nous avons présenté un projet, Merlin, qui consiste à regrouper nos activités de propulsion liquide et satellite dans une seule et même société. Elle serait détenue par Safran et EADS.

Ce projet pour l'instant a échoué devant les objections ou le refus des politiques allemands. Je ne me souviens pas, de la part des Allemands, de critiques fondamentales sur le concept industriel. Ainsi, il s'agit plutôt de raisons de politique, de souveraineté. Avec EADS, nous sommes décidés à représenter ce projet lorsque la nouvelle administration sera mise en place. Nous espérons le plus rapidement possible pouvoir franchir cet obstacle. Nous ne pouvons pas nous passer de l'accord des autorités politiques allemandes. Nous sommes dans un domaine où nous avons besoin du soutien du Gouvernement et du Parlement français et aussi de leurs équivalents allemands. Il faut que nous progressions dans ce domaine et j'espère que nous pourrons relancer les discussions sur ce point rapidement.

Je vous remercie.

M. Alain Gournac - Vous nous avez éclairés, parlé du deuxième vol ECA la semaine prochaine. Quand on s'intéresse à ce domaine, on est toujours très attentif. Vous avez donné le nombre de 650 M€ pour la propulsion privée. C'est un élément qui n'est pas inintéressant. Vous avez parlé de coopération avec la Russie. Cette coopération a démarré en 1992. Ceci confirme l'idée que nous devons agir maintenant pour obtenir une possibilité d'évolution. Dans vos priorités, vous avez parlé du moteur Vinci. Vous avez même dit qu'il était le moteur de l'avenir pour Ariane 5 ou pour une autre possibilité. Il poussera trois fois plus au même prix. Je vous remercie d'avoir répondu à la question que j'avais posée quant au projet Merlin. Il n'est pas abandonné. Merci.

Je passe la parole à Alain CHARMEAU, président d'EADS Space Transportation.

6. M. Alain CHARMEAU, Président d'EADS Space Transportation

Merci Monsieur le président. Madame la ministre, Messieurs les députés, sénateurs et président, Mesdames et Messieurs, j'ai été nommé au 1 er septembre à la présidence française d'EADS Space Transportation. Je serai enchanté de faire votre connaissance à l'occasion de cette journée.

L'objectif de ce colloque et l'objet de cette table ronde représentent des enjeux majeurs pour EADS. Sans entrer dans les détails, je me contente de positionner quelques éléments de réflexion sur la situation actuelle et sur l'évolution possible des dix prochaines années.

La situation actuelle d'Ariane

Le dernier tir, parfaitement réussi le 14 octobre, est l'exemple même de la finalité d'Ariane. Avant tout, Ariane 5 existe pour satisfaire des besoins institutionnels. Le lancement de Syracuse 3, après le succès du lancement d'Hélios, démontre l'apport d'Ariane à la défense française et européenne. Lors du même tir du mois d'octobre, un satellite privé de télécommunication américain a été placé sur orbite. Cette deuxième application est également nécessaire à la survie d'Ariane. J'y reviendrai.

Ce partenariat public/privé apporte 4 000 emplois à l'industrie française, en plus des emplois de l'industrie européenne. Ce sont en général des emplois de haut niveau technologique. Après la reprise réussie des vols, la qualification sur un domaine d'utilisation d'Ariane étendue est en cours. Elle est en bonne voie et ce sera démontré lors des prochains lancements.

Dans le même temps, Arianespace, EADS ST et les partenaires industriels oeuvrent pour améliorer la compétitivité du lanceur, en production de série.

Nous recherchons cette compétitivité tout en respectant le rôle du CNES et tout en restant dans le cadre des accords de l'ESA, en particulier en ce qui concerne la répartition des compétences nationales.

L'aspect négatif du retour en vol d'Ariane et la réduction des travaux de développement.

Les charges de travail en production ne peuvent évidemment pas remplacer les compétences techniques démontrées ces dernières années. C'est particulièrement vrai à EADS, maître d'oeuvre et intégrateur, où les tâches d'étude générale, les tâches d'architecture, les tâches de simulation et les tâches de développement de logiciel ne sont pas entretenues par les activités de production.

Derrière l'aspect technique, Ariane est avant tout composée d'hommes et de femmes passionnés par leur métier et passionnés par l'espace.

Ce sont ces hommes et ces femmes expérimentés et passionnés qu'il nous faut garder, en France et en Europe, et avec un haut niveau de motivation. L'enjeu de ces prochaines années est de retrouver un élan, une ambition qui permet de conserver la motivation et la passion de ces équipes. Des projets concrets, qui conduisent à des réalisations de prototypes et à des essais, permettront de conserver cette motivation.

Le futur des lanceurs

Ariane 5 arrive sur le marché et devra y rester au moins dix ans, quel que soit l'environnement facile ou parfois plus difficile, en fonction de la dynamique du marché commercial, de la concurrence, du taux de change du dollar. Comme cela a été évoqué lors des interventions précédentes, la présence d'Ariane sur le marché commercial est nécessaire durablement :

- pour stabiliser la production, qui est une garantie de fiabilité et de compétitivité,

- pour partager les frais fixes, qu'ils soient étatiques ou industriels.

En échange de cette compétitivité commerciale, qui réduit le coût d'Ariane pour les institutionnels, les États membres de l'ESA se doivent d'apporter le financement des compétences nécessaires, à la fois pour accompagner la production mais aussi pour préparer le lanceur du futur. Les budgets de recherche et développement devraient se mettre à la hauteur des ambitions européennes.

Les axes stratégiques

Autour des études d'architecture et de concepts de futurs lanceurs, des projets concrets, comme celui d'un futur étage supérieur cryogénique réallumable et adaptable à plusieurs lanceurs, les technologies de demain pourront être préparées dans tous les domaines majeurs nécessaires aux lanceurs futurs, la propulsion, mais également les études générales de conception et de réalisation et ensuite de développement par essais au sol et en vol des futurs lanceurs.

Il ne faut pas oublier que la force de l'industrie française et des agences nationales, dans le domaine de l'espace civil comme dans le domaine de la défense, est la capacité à définir et à maîtriser la réalisation de systèmes complexes. C'est à travers des études d'architecture, à travers le travail entre équipes pluridisciplinaires de haut niveau, par la simulation, par les validations fonctionnelles, par les essais complexes au sol et en vol, que nous préparerons les compétences nécessaires demain.

En conclusion, vous aurez souligné la cohérence des différents exposés. Ce n'est pas un hasard puisque nous travaillons quasiment quotidiennement en collaboration sur cette préparation du futur.

Autour d'Arianespace, qui continuera de se développer, techniquement et commercialement pendant les dix prochaines années, un véritable partenariat public/privé qui devrait fédérer les droits et devoirs de l'industrie et ceux des instances étatiques.

Un deuxième point concerne l'adaptation de l'industrie. L'industrie s'adapte en permanence pour apporter la compétitivité nécessaire et la présence commerciale. M. Eymard le souhaite, nous l'avons fait. L'effectif d'EADS ST a été réduit de 30 % en 2004. Il le sera encore malheureusement très probablement dans les prochaines années, je n'espère pas avec la même amplitude.

L'organisation industrielle s'est adaptée également avec EADS, qui devient dans les faits le maître d'oeuvre pour les phases de développement ou pour les phases de production d'Ariane 5.

De leur côté, les États membres de l'ESA et le CNES lanceront les démonstrateurs technologiques, basés sur des réalisations concrètes. Ce sera nécessaire pour garantir les compétences utiles à l'accompagnement de la production et aux futurs lanceurs européens. J'insiste sur le développement de ces compétences au niveau système. Pour les nouveaux développements, l'enjeu est d'environ 200 M€ par an. Les industriels sont particulièrement attentifs aux décisions prises lors de la prochaine conférence ministérielle européenne.

Je vous remercie de votre attention.

M. Alain Gournac - Je voudrais vous remercier. Monsieur Charmeau, vous avez parlé de 4 000 emplois en France. Les enjeux sont de taille dans une situation de l'emploi qui n'est pas d'une grande facilité.

Vous avez parlé de retrouver l'élan, en particulier la motivation des équipes. C'est ce que j'évoquais au début. Attention à ne pas perdre cette motivation, cet élan, cette envie. Cela passe par la réalisation de prototypes, d'essais en vol et puis de celle des nouveaux développements qui emmènent les équipes vers le haut.

Je voudrais vous remercier tous, ce matin. J'ai trouvé aussi une grande cohérence dans les propos de l'ensemble des intervenants. Vous avez parlé de dix ans pour Ariane 5. Je suis persuadé que nous sortons de cette table enrichis. Je vous demande d'applaudir l'ensemble des intervenants.

Il est possible de poser quelques questions.

7. M. Eduard KUZNETSOV, Agence spatiale de l'Ukraine

Merci. Je suis Eduard Kuznetsov, de l'Agence spatiale de l'Ukraine. Nous avons un travail très dynamique et je voudrais vous demander de trouver un moment pour que je puisse intervenir, c'est-à-dire non pas seulement poser une question mais d'intervenir réellement pour huit minutes. Est-il possible de trouver un temps, maintenant ou plus tard ?

M. Alain Gournac - Cela peut avoir lieu tout de suite.

M. Eduard Kuznetsov - Merci Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, Messieurs les députés, Messieurs les sénateurs, je vous remercie infiniment de me donner une possibilité de présenter mes vues à ce forum, qui est consacré à une question très importante pour toute l'Europe. Elle sera déterminante pour le futur du continent européen.

Je voudrais tout de suite souligner que, jusqu'à présent, aucun continent n'a essayé d'élaborer une politique continentale dans le domaine de l'espace. Je pense que cette initiative européenne peut être un des buts d'une politique planétaire dans le domaine de l'espace. Vous avez une grande responsabilité. Il faut trouver de bonnes solutions.

Quand on parle des objectifs principaux de la politique européenne spatiale, on peut probablement organiser plusieurs rencontres et non pas en une fois. Il faut que les savants éminents des centres scientifiques participent à l'élaboration de cette politique.

Dans mon intervention, je voudrais parler de l'aspect politique. J'ai écouté les interventions précédentes et je voudrais faire une remarque. Le secteur de l'espace ukrainien a créé des lanceurs qui ont effectué des milliers de vols et ont mis plusieurs appareils sur orbite. Nous avons une usine qui, dans les années 90, produisait cent fusées par an, des Cyclon, des Zénit, ce sont des fusées ukrainiennes. Aujourd'hui, nous disposons de cinq ensembles spatiaux, Cyclon, Zenit, Zenit 2, Zenit 2SL. 25 lanceurs ont été envoyés des pôles ukrainiens.

Aujourd'hui nous avons parlé des pays qui lancent leurs satellites avec d'autres lanceurs. Les satellites russes sont lancés avec des lanceurs ukrainiens. Je pense que dans la situation actuelle, il faut prendre en compte l'aspect suivant : La politique spatiale européenne doit se dissocier de la concurrence. La concurrence est un frein. A la place de la concurrence, il faut instaurer une coordination, et cette coordination permettra de déterminer les voies les plus efficaces et d'utiliser les meilleures technologies et les meilleures ressources matérielles et humaines.

En Europe, il faut une spécialisation des pays, c'est-à-dire que chaque pays se spécialise, en particulier dans la production spatiale de certains types de matériel.

Le futur de cette politique spatiale se fondera sur ce dont nous disposons aujourd'hui. On parle de secteur de haute technologie, des technologies spatiales. Nous recherchons des technologies qui seront déterminantes et importantes dans le 21 e siècle.

Aujourd'hui, nous avons de bons exemples de coopération dans le domaine d'Ariane, de Vega, de Galileo.

Je voudrais d'ailleurs dire que les véhicules spatiaux envoyés vers l'ISS et les arrimages se font avec des équipements ukrainiens. Voilà des exemples de coopération entre différents pays pour atteindre un résultat commun.

Le pas d'après, pour l'Europe, est de réunir ces différents projets. Il faut ainsi avoir une politique raisonnable, acceptable pour tous les pays européens. Il faut un programme commun pour atteindre ces objectifs communs.

Je voudrais dire que beaucoup d'entreprises ukrainiennes participent aux projets dont j'ai parlé. Cela nous incite à vous dire que nous souhaitons qu'on change d'attitude envers notre pays. Nous mettons en place une collaboration avec le CNES.

Sur le continent européen, des problèmes sont liés à l'écologie, aux ressources en eau, à la prévention de catastrophes naturelles et au terrorisme.

Nos nations aujourd'hui ont des défis, tels que les vols vers Mars, la Lune, Vénus ou des longues missions dans l'espace.

Pour résoudre tous ces problèmes et pour effectuer ces projets ambitieux, il faut de grandes ressources techniques et financières, mais il faut réunir aussi la volonté de plusieurs pays.

Dans ces conditions, si on parle de la concurrence entre les différents pays, l'influence politique entre différents pays, cela peut créer un risque de commettre des erreurs stratégiques qui seront très préjudiciables pour le futur.

En effet, nous constatons une politisation maladive dans plusieurs domaines. Elle prend du temps, des ressources, ce qui nous empêche de continuer à avancer dans la réalisation de projets importants pour l'humanité et pour le monde entier.

Aujourd'hui, on peut parler du patriotisme, de la fierté nationale mais quelles sont les possibilités des pays séparément ? Que peut réaliser chaque pays séparément dans des projets tels que les projets globaux de navigation et la sécurité contre les astéroïdes ? Voilà des projets globaux où un pays ne peut pas pallier ces dangers tout seul. Il faut réunir les forces de l'Europe, peut-être même des forces des pays non européens pour répondre à ces défis.

Une des priorités dans la politique spatiale européenne, à mon avis, doit être la limitation des influences de l'espace. L'observation de l'espace de ce qui se passe sur Terre et l'influence des processus est primordiale.

Pour conclure, chaque pays utilisera les matériaux, les matériels et les équipements pour poursuivre la recherche dans ce domaine. Nous en avons parlé aujourd'hui. Nous devons investir. Nous l'avons fait voici 25 ou 30 ans. Nos outils fonctionnent, nous les utilisons et parfois nous les oublions. Les économistes d'aujourd'hui ne prennent pas en compte ce qui a été fait grâce aux hautes technologies développées depuis 30 ans. Aujourd'hui, nous parlons de nouveaux investissements pour le futur. C'est important de savoir où nous réaliserons ces investissements, comment nous dépenserons nos ressources. Cela déterminera l'image de notre monde dans 20 à 25 ans. J'ai entendu des présentations très intéressantes. Des pays sont capables, en pratique, de réaliser des gros projets dans le domaine spatial. Ils participent à la détermination de la politique spatiale européenne du futur.

Il faut prendre en compte les défis et les différents pays membres de l'Agence spatiale européenne répondent à ces défis et réfléchissent à la façon de répondre à ces défis.

Je voudrais vous assurer que les scientifiques et les industriels ukrainiens sont prêts à apporter leur contribution substantielle dans la formation et la réalisation de la politique spatiale européenne pour en faire bénéficier tous les pays d'Europe. Je vous remercie de votre attention et excusez-moi si j'ai dépassé les huit minutes.

M. Alain Gournac - Nous vous avons écouté avec beaucoup d'attention.

La séance, suspendue à 11 heures 15, est reprise à 11 heures 45.

D. DEUXIÈME TABLE RONDE : L'ESPACE SCIENTIFIQUE ET DE LA CONNAISSANCE, L'AVENIR DES VOLS HABITÉS

Président : M. Christian CABAL , député, membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, président du Groupe parlementaire sur l'espace

M. Christian Cabal - Cette deuxième table ronde est consacrée aux vols habités et à l'exploration de l'espace scientifique et de la connaissance. Ce thème est très large. Il concerne des domaines relativement différents puisque les vols habités sont une question différente de l'exploration planétaire ou extraTerrestre. Les conférenciers sauront aller à l'essentiel, situer au-delà de l'instant présent les perspectives à dix ou quinze ans.

Je donne la parole à nos intervenants. Compte tenu de l'organisation, je modifie légèrement l'ordre de passage. Je donne la parole à Roger-Maurice BONNET, président du COSPAR, qui va nous apporter une présentation brillante sur les perspectives des prochaines années.

1. M. Roger-Maurice BONNET, Président du COSPAR

Merci de m'avoir invité à cette conférence. Je voudrais parler de la recherche spatiale à horizon 2015 et je tiens à préciser que par recherche spatiale j'entends les sciences de l'Univers, au sens du programme scientifique obligatoire de l'ESA, les sciences de la Terre au sens du programme Living Planet de l'ESA et des programmes nationaux et l'exploration au sens du programme Aurora de l'ESA. S'agissant de politique spatiale européenne et d'ambitions, nous devons souligner le contexte particulier qui caractérise l'Europe, tant en matière d'organisation que de budget.

L'état des lieux

L'espace européen se caractérise par le grand nombre d'acteurs qu'il implique : Les 25 États membres de la Commission, les 17 États membres de l'ESA, dont 15 sont communs aux deux, l'ESA et la Commission. De plus, chaque grand pays de l'ESA possède une agence spatiale importante, tel est le cas de la France avec le CNES, et chaque pays possède un bureau qui lui permet d'entreprendre ses propres programmes d'intérêt national et « d'interfacer » avec l'ESA. Ceci est illustré par cette image d'Euroconsult qui montre la distribution des budgets nationaux. L'enveloppe en pointillé recoupe ces budgets nationaux et représente le budget de l'ESA. C'est dans ce contexte aux multiples composantes qu'on parle d'ambitions. On peut en effet en parler puisque l'Europe est la seconde entité politique spatiale du monde en termes de budgets et de programmes. La comparaison avec les États-Unis, le chef de file, montre à l'évidence cependant de larges disparités, en particulier dans le domaine scientifique mais pas seulement dans celui-ci, comme nous le verrons tout à l'heure.

Malgré ces disparités, la recherche spatiale européenne a connu des succès majeurs dans tous les domaines où elle intervient :

Dans le domaine de l'observation de la Terre, grâce aux mesures faites par Envisat, Topex-Poséidon, Jason, ERS1 et 2 ; nous obtenons à présent des mesures de la mer à quelques millimètres près et des mesures très précises de la température de surface de la mer. C'est un exemple.

En ce qui concerne les sciences de l'univers, nous avons été étonnés par les images de Mars, prises par la sonde Mars Express mais aussi par la découverte d'un vrai nouveau monde, grâce à la sonde Huygens, dont je salue la présence ici du chef de projet scientifique, Jean-Pierre LEBRETON, à qui l'on doit ces magnifiques images et la vraie découverte d'un nouveau monde. Smart One nous étonne par la qualité de ses images et le système de propulsion unique.

Ces succès d'aujourd'hui sont le fruit de décisions visionnaires qui ont été prises voici 20 ans à Rome, par le Conseil de l'ESA, au niveau ministériel. Elles sont aussi le résultat d'une gestion programmatique volontariste, voire sévère. Dans le domaine des sciences de l'univers, avec la présence d'implant à long terme qui tient compte des capacités scientifiques de l'Europe mais aussi des ressources financières limitées, nous voyons l'aboutissement de cet implant, qui a vingt ans, avec quelques années de retard.

Les sciences de l'univers à l'horizon 2015

Les grands sujets ou grandes questions scientifiques, qui interpellent la communauté scientifique et attendent une réponse en priorité, peuvent être regroupés en cinq thèmes principaux, selon un classement certainement subjectif qui n'engage que moi :

1. Origine et évolution future de l'univers et de quoi est-il fait ? Nous n'en connaissons que 5 %.

2. Les lois de la physique sont-elles suffisantes pour décrire l'univers à tout instant et prévoir son évolution ?

3. Existe-t-il d'autres planètes Terre ? Il en reste encore à découvrir parmi les planètes géantes qui sont découvertes quotidiennement aujourd'hui.

4. La vie existe-t-elle ailleurs que sur la Terre ? Nous n'en avons encore aucune évidence.

5. Quelle influence le soleil exerce-t-il sur ces planètes et en particulier sur la nôtre ?

Ce sont des sujets, de mon point de vue, qui devront trouver des réponses. Ce qui tient le monde montre en fait que nous ne connaissons que 5 % de cette masse. 75 % de ce que tient le monde est inconnu. Nous avons besoin de comprendre de quoi sont faites cette matière et cette énergie qui contiennent l'univers.

Des questions auxquelles j'ai fait allusion peuvent trouver des réponses dans un ensemble de missions qui font partie du programme « Horizon 2000 », lancé en 1985 et dont la continuité, « Horizon 2000 plus », a été approuvée en 1995 quoique avec des budgets réduits. L'effet de ces restrictions budgétaires est que nous accusons trois à quatre années de retard.

Le programme « Cosmic Vision » tente de répondre aux attentes scientifiques dans les 15 ou 20 prochaines années.

J'illustre mon propos par ces images. Je reprends dans mon texte les mêmes thèmes identifiés par les scientifiques et les missions qui pourraient y répondre. Aucune de ces missions n'est programmée.

C'est aujourd'hui que l'on prépare le futur des vingt prochaines années. Or il semble que l'on soit dans une situation d'attente. Attente d'avoir un programme pour lui attribuer un budget ou bien attente d'avoir un budget pour démarrer les projets de programme ? Je pense qu'il faut espérer que ce dilemme trouvera rapidement une solution après le Conseil au niveau ministériel de décembre prochain mais certaines rumeurs permettent d'en douter.

Les sciences d'observation de la Terre à horizon 2015

Elles font allusion à ce que nous comprenons du système. Des spécialistes seront plus à même de vous l'exposer. Sans prendre beaucoup de risques, tout ce qui concerne l'hydrosphère, la cryosphère, la biosphère, l'atmosphère, l'évolution et la prévision du climat, la structure interne de la Terre, sont des éléments intégrés d'une politique scientifique d'observation de la Terre, qui montre ses fruits mais qui n'a pas encore été exploitée au niveau le plus expansif possible.

Pour vous donner une idée des progrès accomplis, voici les prévisions météorologiques faites sur des bases opérationnelles mais qui font appel à une large communauté scientifique de recherche, où aujourd'hui nous remarquons les progrès considérables effectués sur les prévisions effectuées à trois, cinq ou sept jours depuis une vingtaine d'années.

A la différence des missions scientifiques, dont le caractère est unique, la continuité et la répétitivité des mesures d'observation de la Terre, sur une base de plusieurs années voire de plusieurs décennies est ici essentielle, une fois passé le cap de la première mission d'exploration. Le passage de la phase d'exploration scientifique à celle de missions opérationnelles est une caractéristique propre aux missions d'observation de la Terre et une composante qu'il faut prévoir dans tout programme d'observation de la Terre. Toutes les missions s'intègreront parfaitement dans le programme GMES de la Commission et de l'ESA, qui lui donne un fondement scientifique absolument nécessaire.

La série des six exploreurs du programme Living Planet, CRYOSAT, malheureusement victime d'un échec au lancement voici quelques jours, la mission atmosphérique, pour mesurer la dynamique de l'atmosphère, dont le lancement est prévu en 2007, l'étude de l'humidité du sol et de la salinité de l'océan en 2007, la mission Swarm de trois satellites pour l'étude du magnétisme à l'intérieur de la Terre et du climat pour mesurer la couverture nuageuse de la Terre, les aérosols et le rayonnement sont des missions qui répondent aux questions dont j'ai fait l'énoncé tout à l'heure.

Il faut espérer que la mission CRYOSAT pourra être relancée. En plus de ces missions scientifiques, on trouve les missions météorologiques, comme le Météosat de troisième génération, qui prendra le relais de Météosat en 2015 et Metop, dont le lancement en 2006 devrait commencer par une série de trois satellites lancés sur 14 ans.

Dans le domaine de l'exploration, troisième domaine scientifique auquel je m'intéresse aujourd'hui, tant la NASA que l'ESA, nous entendrons Anne BONDIOU nous expliquer comment aux États-Unis le programme d'exploration est géré, comment il est politiquement soutenu par le président lui-même. La NASA prend l'affaire très au sérieux et entreprend actuellement une pleine transformation en vue de la mise en oeuvre et du bon déroulement du programme d'exploration, qui induit une profonde mutation de l'agence spatiale américaine. L'Europe semble plus prudente. Elle ne souhaite pas revoir toute son organisation pour assurer la réussite d'un objectif relativement lointain, déposer des femmes et des hommes sur la Lune, un objectif ultime et très ambitieux. L'Europe n'a pas les moyens suffisants aujourd'hui pour pouvoir prétendre jouer un rôle de chef de file qui revient naturellement et par défaut aux États-Unis. Elle entend prudemment préserver tous ses acquis, dans tous les domaines où elle a jusqu'à présent excellé.

Cela ne l'a pas empêchée de définir une carte routière, parce que c'était essentiel, des étapes nécessaires à franchir pour atteindre le but éloigné de nous, qui consiste à envoyer un Européen sur Mars au début des années 2030 ! Cette carte routière est obsolète puisque le budget n'est toujours pas voté sur cette mission d'exploration. Il est donc normal que cette carte routière glisse régulièrement. Il est temps de la faire démarrer, de lancer la première mission Exomars en 2009 ou 2011. Nous sommes en retard. Néanmoins ces missions restent d'actualité. Le programme de la NASA aux États-Unis glisse mais moins rapidement qu'en Europe.

La première étape à franchir en Europe est celle de développer nos propres moyens car la NASA a rejeté toute possibilité de coopération dans le domaine de la technologie de l'atterrissage sur Mars. Le premier élément est d'apprendre à atterrir. On a pu atterrir sur Titan, mais sur Mars c'est plus délicat, car l'atmosphère est plus fine. Il faut des techniques beaucoup plus dynamiques que celle, un peu passive, du parachute.

L'Europe a-t-elle les moyens d'une ambition dans ces trois domaines ?

C'est un ensemble d'activités certainement à la hauteur des capacités scientifiques et industrielles de l'Europe, mais l'Europe n'a pas aujourd'hui donné l'évidence qu'elle n'avait ni l'ambition de les financer ni la volonté politique de le faire, tout en maintenant en ligne les programmes de lanceurs de navigation, de station spatiale internationale et autre GMES.

L'ESA existe, mais ses États membres n'ont pas réussi à la doter d'un budget qui est resté toujours inférieur à 3 Md€, donc 3,45 Md$, à comparer aux 16,2 Md$ pour la NASA. Dans sa totalité, l'Europe est à même d'aligner quelque 7,5 Md$ pour l'ensemble des activités spatiales et militaires, là où les États-Unis en alignent 40 Md$.

En 2003, Jean-Jacques DORDAIN, arrivé à la direction de l'ESA, se fixait comme objectif de l'agenda 2007 d'accroître les activités de l'agence de 30 %. Où en sommes-nous aujourd'hui ?

Simultanément, la Commission européenne établissait un livre blanc sur l'espace, en vue de redresser une situation du secteur spatial, que chacun reconnaît très préoccupante. Le défi que cette initiative se proposait était d'accroître le leadership européen en sciences de l'espace et sa capacité à soutenir les politiques de l'Union en renforçant l'Europe de la connaissance au travers d'une recherche de pointe en sciences de l'univers, de la Terre, de la biologie, de la physique et de l'exploration.

Le programme énoncé plus haut prétend répondre à ce défi. Lors de la présentation publique du Livre blanc en 2003, s'appuyant sur la vision du programme de Lisbonne de 2000 de faire de l'Europe en 2010 l'économie la plus compétitive du monde basée sur la connaissance, Philippe BUSQUIN, qui avait pris l'initiative de ce livre blanc, soulignait que pour relever ce défi, il fallait augmenter en même temps les budgets spatiaux d'un facteur deux et le nombre de chercheurs dans le même rapport. Où sont aujourd'hui ces belles intentions ? Quel espoir peuvent porter scientifiques et industriels de l'Europe, d'échapper à la lente décroissance d'une activité stratégique et créatrice d'excellence dans de nombreux domaines et donc d'emploi ?

Où est la vision politique, celle qui a permis aux Soviétiques de lancer leur premier satellite, Gagarine dans l'espace, celle qui a permis aux Américains d'aller pour la première fois sur la Lune en moins de dix ans, celle qui a permis aux Chinois d'envoyer trois astronautes, dont les deux derniers voici quelques jours.

Le rôle crucial politique avait permis à la France, grâce à la création du CNES, qui a préludé à la création de l'ESA, de développer et de donner à la France, donc à l'Europe, son autonomie d'accès à l'espace.

Où est la vision ?

L'espace est une compétence partagée, disait la Constitution mort-née, sur laquelle la France a voté non. Les budgets sont également partagés.

Les États membres n'ont jamais donné plus de 3 Md€ mais sont de plus en plus réticents à payer leur contribution. Certaines politiques nationales ignorent tout à fait la lutte stratégique, pas nécessaire selon eux, tant qu'on peut compter sur les États-Unis. Par ailleurs, la Commission européenne n'est pas organisée proprement pour gérer de manière cohérente la politique européenne, qu'il s'agisse des sciences spatiales, de l'exploration, de la navigation, du GMES et encore moins de la défense.

Les succès d'aujourd'hui sont le résultat des décisions prises voici vingt ans. Si nous voulons obtenir des succès dans vingt ans, il faut prendre les décisions maintenant. La Commission européenne précédente avait clairement identifié la recherche et l'innovation comme atout futur de l'Europe. Malheureusement, certaines politiques nationales ignorent cette vue stratégique.

La nouvelle Commission n'est ni organisée proprement, ni capable de débloquer les ressources nécessaires. Où sont-elles ? Galileo stagne. La vision de Lisbonne semble un objectif inatteignable.

Aux États-Unis, l'espace est considéré comme élément politique stratégique. L'Europe devrait tirer la leçon de cet exemple et créer un Conseil européen de l'espace au plus haut niveau. Cette recommandation avait été faite voici quelques années grâce à la Commission que Claudie Haigneré, ministre déléguée à l'Espace et à la Recherche, avait engagée.

Pour cela, encore faut-il se doter d'un but politique et stratégique. Il faut refaire l'Europe spatiale, celle qui a été faite en 1960, reprise à la création de l'ESA et reprise à la conférence ministérielle de 1985. Il faut refaire l'Europe spatiale de la science et de la recherche par les applications civiles en créant une défense spatiale, qui fait défaut actuellement, en sauvegardant l'industrie, qui est le maître d'oeuvre de toutes nos activités scientifiques et spatiales, en arrêtant l'évaporation des cerveaux, dont on remarque l'effet dévastateur dans les instituts de recherche et nos laboratoires.

Sans vision politique, sans soutien financier nécessaire, - car c'est bien d'affirmer qu'on va construire des lanceurs en 2030 mais si l'argent n'est pas disponible, c'est du rêve - nous ne parlons pas de rêves mais de réalités technique, industrielle et d'emplois. Sans une communauté scientifique active et présente, sans industrie, l'espace spatial européen risque de disparaître et l'Europe ne pourra qu'être dominée.

Merci.

M. Christian Cabal - Tu as su positionner avec grande précision et clairvoyance la situation de l'Europe à l'instant, mais aussi des perspectives dans les dix prochaines années. Ce constat peut sembler dur par rapport à ce qui a été indiqué précédemment mais il reflète aussi la réalité. Il appartient à cette instance, qui associe Assemblée nationale et Sénat, que les politiques soient éclairés avec le maximum d'informations nécessaires, pour que les décisions qui relèvent du politique, au plan national et au plan européen, puissent être engagées pour préparer l'avenir. C'est le sens du rapport qu'Henri Revol et moi-même rédigerons.

L'appel vient d'être lancé, même si l'expérience du passé montre que parfois des espoirs ont été déçus. L'appui du politique ou la conviction qui doit être partagée entre la communauté scientifique et les politiques est absolument nécessaire si nous voulons franchir cette nouvelle étape du développement, qui assurera, à l'Europe et aux pays associés, les compétences nécessaires à l'exercice de la souveraineté et au progrès général de la connaissance dans ce domaine. Des questions seront posées sur ce point.

Je propose à Jeffrey HOFFMAN, qui partage avec Claudie Haigneré le privilège d'avoir fréquenté les étoiles et d'être un praticien, de prendre la parole. Cette expérience des uns et des autres dans ce domaine est de très grande importance.

2. M. Jeffrey HOFFMAN, Professeur au MIT

Je suis très heureux de participer à cette conférence. Il me plaît beaucoup de revenir à Paris, ville dans laquelle j'ai eu le privilège d'habiter pendant quatre ans, lorsque j'étais représentant de la NASA pour l'Europe. J'ai eu le plaisir de participer à des conférences ici au Sénat et je remercie MM. Revol et Cabal.

Je dois expliquer que je ne travaille pas encore pour la NASA. Je suis professeur d'ingénierie aérospatiale au MIT. Bien que je ne parle pas officiellement pour la NASA, je maintiens des contacts proches avec des collègues à la NASA et je connais bien les plans de la NASA pour l'exploration. Pour mieux l'expliquer, je demande votre compréhension car je vais parler dans ma langue maternelle.

J'ai participé à plusieurs études au MIT en analysant l'architecture technique et les politiques publiques avec la vision américaine de l'exploration.

Je vais commencer par un passage en revue des nouvelles directions prises par les programmes civils américains.

Le président BUSH a présenté cette nouvelle vision pour l'exploration spatiale en janvier 2004. La vision appelle à une approche durable - et j'insiste sur le terme durable - humaine, et par les robots de la Lune et de Mars. Je voudrais dire ce que j'entends par les vols habités, de concept critique et de concept durable. Nous n'avons jamais parlé de programme durable dans le domaine de l'exploration.

Au cours des 25 années écoulées, la navette spatiale a dominé les programmes habités américains sous la nouvelle politique, les opérations de la navette cesseront à la fin de cette décennie, en 2010.

Marc COSTEL, qui était l'adjoint administrateur de ce programme, a parlé des coûts extraordinaires de la rentrée dans l'atmosphère après l'échec de Columbia. Si ce n'était pas pour la station spatiale internationale et nos obligations internationales, il est sûr et certain qu'après l'échec de Columbia nous aurions arrêté le programme des navettes.

Tous les vols de la navette seront dédiés à la plate-forme internationale.

C'est un peu ironique, car pour diverses raisons la NASA a pris une décision d'arrêter les budgets de recherche que nous comptions faire pour la station spatiale internationale, la microgravité et les sciences de la vie. On ne dépenserait pas tout cet argent sur le retour de la navette pour une mission vers Hubble. Il faut reconnaître que nos obligations internationales sont la seule motivation des vols de la navette. Beaucoup de discussions sont en cours avec les partenaires et les associés de la station spatiale internationale.

Passons au programme exploration.

L'exploration lunaire et martienne peuvent être le but à long terme de la nouvelle vision pour les vols habités américains.

Le problème critique, auquel la NASA doit faire face, est que si la navette est abandonnée, comment soutenir les vols habités ?

Les États-Unis ont besoin de maintenir la capacité de lancer des êtres humains dans l'espace. La réponse, vous la connaissez tous : Un nouveau lanceur, CEV (Crew Exploration Vehicle). Ce véhicule sera conçu pour emmener des êtres humains, non pas du fret et devra répondre à des exigences similaires à celles que nous avions pour le programme Apollo. En effet, les lois de la physique n'ont pas changé au cours des 50 dernières années. Le CEV ressemblera beaucoup à Apollo, sauf qu'il sera beaucoup plus grand, conçu pour avoir cinq personnes à bord au lieu de trois, et nous espérons qu'il pourra atterrir à l'ouest des États-Unis plutôt que d'amerrir dans l'océan.

Le premier étage est composé d'une fusée à propulseurs ou plutôt à carburants solides. Nous avons procédé à plusieurs envois dans l'espace de ce type de lanceur. Il est plus fiable. Il aura un étage supérieur, autour d'un moteur de la navette remaniée, qui ne sera pas réutilisable. Nous essayons de réutiliser autant de pièces que possible avec un minimum de nouvelles technologies. Nous espérons accélérer la conception et la construction du CEV pour minimiser l'écart entre la mise à la casse de la navette et le premier vol du CEV. De plus, nous espérons disposer de l'avantage de l'expérience opérationnelle que nous avons acquise de tout cet équipement de la navette au cours des 25 dernières années.

Bien que le CEV soit conçu pour aller vers la Lune, ses premières missions seront de transporter des personnes vers la station spatiale internationale et le retour. Pour aller explorer la Lune, nous aurons besoin de plus d'équipements.

Il faut examiner des modules supplémentaires de propulsion pour les premiers étages et d'autres systèmes d'exploration lunaire. Cela va peser beaucoup. Soit il faudra les envoyer dans l'espace avec les fusées existantes et les assembler dans l'espace, comme la station spatiale internationale, ou avoir un lanceur beaucoup plus lourd que celui de Saturne 5, qui nous a amenés sur la Lune. C'est le plan de la NASA, de développer un nouveau véhicule beaucoup plus lourd, le HLLV, en réutilisant beaucoup d'équipements et en les améliorant.

Selon cette architecture, chaque envoi sur la Lune peut permettre deux lancements, un HLLV avec la plus grande partie de l'équipement, suivi d'un autre lancement d'humains par le CEV. Un rendez-vous serait pris avec l'équipement sur une orbite Terrestre. Ensuite, ils poursuivraient le chemin vers la Lune et le retour.

Pour aller sur Mars, ce sera plus difficile et Mars a quasiment disparu de ce qui se dit à la NASA en ce moment. On ne fait aucun plan pour aller sur Mars. La philosophie choisie est la suivante : au moment où nous serons prêts, tellement de changements technologiques se seront passés que tous les plans actuels seront parfaitement obsolètes.

Ce que j'ai présenté, ce sont les plans sur lesquels la NASA travaille pour mettre en place ces techniques.

Je voudrais ajouter mes propres commentaires. Je parle en tant que professeur au MIT et non en tant que représentant de la NASA. Je voudrais me concentrer sur l'aspect durabilité. Apollo n'a jamais été conçu pour être durable. John KENNEDY nous a défiés. Il a demandé d'envoyer un homme sur la Lune et de le ramener en toute sécurité avant la fin de la décennie. ARMSTRONG est remonté sur son échelle après avoir planté le drapeau sur la Lune et nous avons relevé le défi de Kennedy. Et nous avons cependant continué pendant quatre ans. A la fin, le programme n'a pas pu être prolongé. Que faudrait-il pour que cette nouvelle vision de l'exploration spatiale soit durable ?

Nous avons étudié les politiques publiques appliquées dans la plupart des entreprises par rapport à quatre exigences, afin que ces entreprises soient durables.

La première est atteignable d'un point de vue financier. Le premier projet a dépensé 5 % de notre budget fédéral. Cela pouvait être justifié du fait d'un effort de guerre dans la guerre froide. Lorsque la Lune a été atteinte, ce niveau de dépenses ne pouvait pas être maintenu. Il faut que ce soit abordable d'un point de vue financier. Il s'agit de réduire le coût des vols humains pour les rendre abordables. La navette n'a pas volé aussi souvent que nous l'aurions souhaité. Le coût des vols était beaucoup plus élevé que ceux anticipés. La NASA a été capable de maintenir ce programme avec une partie du budget. C'est vraiment remarquable parce que le budget navette est resté constant, en dépit des réductions budgétaires. On peut conserver ce niveau de dépenses pour des activités spatiales civiles.

Le défi de la nouvelle entreprise d'exploration est de savoir si nous pouvons rester dans cette enveloppe budgétaire.

Je vous montre quelques dépenses qu'on peut extrapoler.

Si vous faites le programme d'exploration spatiale à enveloppe budgétaire constante - on ne parle pas d'un projet Apollo - et quoique la NASA puisse réaliser, commencer de nouvelles activités n'est possible que si nous en cessons d'anciennes. C'est cela qui nous cause des problèmes et suscite beaucoup de douleur et d'angoisse chez les personnes qui recevaient ces projets et ces budgets de recherche.

Avec le temps, l'exploration prendra une portion de plus en plus importante du budget de la NASA. Comme je l'ai mentionné, il est très clair qu'avec cette nouvelle politique, la station spatiale n'est plus au centre des buts de l'exploration et de la politique spatiale américaine.

Si nous voulons des vols spatiaux à l'avenir avec la NASA, il faudra consentir à des sacrifices douloureux dans d'autres domaines d'activité. L'administrateur de la NASA a décidé que, quel que soit le coût, c'était la priorité numéro 1. Il faut que cela se produise. Souvenez-vous, au cours des trente dernières années, de plusieurs tentatives de construction de nouveaux véhicules de différents types. Aucun n'a eu de succès. Le CEV doit réussir si nous voulons un avenir. Quels que soient les coûts et les sacrifices, le CEV doit réussir.

Que faire avec la station spatiale ?

C'est une des plus grandes questions politiques à laquelle il faut répondre. Cela aura un impact très important sur nos partenaires internationaux y compris en Europe.

Revenons à ce qui est nécessaire pour qu'un programme soit durable.

Le deuxième point est le côté robuste de la politique, la capacité de survivre à plusieurs administrations américaines.

Le président BUSH a affirmé que ceci faisait partie de son agenda politique, mais si cette vision reste une vision de George Bush plutôt qu'une vision nationale, elle ne survivra pas à l'administration Bush. De la plupart des plans ambitieux pour l'exploration à l'avenir, le seul approuvé pour l'instant est le CEV et la nouvelle fusée capable de le lancer.

L'administration Bush ne prendra pas la décision de retourner sur la Lune. Lorsque je parle de décision véritablement politique, cela signifie que des budgets sont attribués ; or aucun ne l'est pour l'instant. Ils le seront à l'avenir. Le défi présent est d'aller de l'avant avec le CEV pour que ce programme ait suffisamment d'élan pour survivre à l'élection de 2008. C'est la raison pour laquelle les administrateurs ont tellement hâte de s'assurer l'argent ou les budgets d'autres programmes de la NASA pour aller de l'avant.

L'aspect unique, pour l'exploration humaine, est la gestion du risque.

A travers l'histoire de l'humanité, l'exploration a impliqué des risques et l'exploration spatiale n'est pas une exception. Beaucoup d'accidents dans l'espace ont eu lieu, en dépit de l'histoire d'Apollo 13. Je ne pense pas que les gens savaient quelle était l'étendue des risques quand nous sommes allés sur la Lune. Beaucoup de personnes haut gradées à la NASA et d'astronautes pensaient que le programme après Apollo 11 devait être arrêté car les risques devenaient trop importants. Si nous persévérons dans nos nouveaux plans pour revenir sur la Lune, nous apprécierons les difficultés et les risques de la première sur la Lune. Nous sommes allés sur la Lune avec un seul ordinateur, un seul système de navigation. Nous sommes moins tolérants aux risques que voici 40 ans. Les vols spatiaux doivent être aussi sûrs que possible. Pour qu'une entreprise soit durable, le public doit comprendre qu'il en a pour son argent. La valeur doit être donnée à intervalle régulier.

Les personnes ont perdu l'intérêt qu'elles avaient après Apollo 11. Lorsqu'Apollo 13 est apparu, les médias ne couvraient plus l'actualité des vols. Cela reflète plus l'état d'esprit des médias dans les années 70 qu'un détachement de l'opinion publique.

La première fois que nous sommes allés sur la Lune, c'était quelque chose ! Ensuite, ce n'était plus nouveau et des pans entiers du public ne faisaient plus attention à ce qui se passait à la NASA. Pourtant, des proportions du public étaient intéressées mais n'avaient plus accès à l'information. Le seul accès à cette information était assuré par les principaux médias, à l'époque. Aujourd'hui ce n'est plus le cas. Chaque personne, qui est intéressée à suivre l'histoire, peut le faire grâce à Internet ou d'autres canaux. La NASA montre plus d'images de Mars que précédemment. Les sites Web de la NASA sont parmi les plus populaires au monde. Les merveilleuses photos, qui proviennent de Mars Express, alimentent l'imagination du public. Nous avons aussi un succès commercial avec les films Imax à trois dimensions. Le public est fasciné par l'espace. Il faut construire la capacité de partager l'aventure de l'exploration avec le public, pour que l'exploration soit durable mais des coûts seront ajoutés. Si c'est budgété par des fonds publics, le public doit pouvoir prendre sa part de l'exploration.

Le troisième point est la possibilité d'avoir des activités commerciales par des vols spatiaux habités. L'implication dans des activités spatiales, telles que la navette et la station spatiale, était le rêve du ministre des Finances pendant des années mais cela n'a jamais été un succès. Les mentalités ont changé avec la nouvelle génération de personnes excessivement riches, qui sont enthousiastes à l'idée d'aller dans l'espace et veulent que des citoyens puissent aller dans l'espace et en tirer profit.

Nous avons Burt RUTAN, financé par Microsoft et Paul ALLEN, qui a connu un suivi énorme par le public. Ils sont suivis par Richard BRANSON, pour créer des lignes intergalactiques Branson. Une autre personne développe toute une gamme de fusées David et Goliath. Il veut entrer en communication avec Delta 4, la classe 5 et avec Ariane. Il conçoit ses lanceurs pour être économiques et pour être suffisamment fiables pour des lancements de vols habités. Je ne sais pas combien de temps lui sera nécessaire pour qu'il réussisse les transports humains en orbite terrestre mais ce sont des personnes sérieuses, intelligentes, qui ne font pas que rêver. Elles ont les ressources personnelles. Elles dépensent leur propre argent pour que cela puisse se produire.

S'ils réussissent, l'avenir des vols habités est assuré. Lorsque le premier touriste sera revenu avec ses histoires de l'espace, les personnes se presseront pour y aller. Dans un avenir proche, il est difficile d'imaginer des institutions autres que les gouvernements capables de financer l'exploration de Mars.

La NASA dépense la moitié de son budget pour soutenir une infrastructure qui permette aux personnes d'aller en orbite terrestre et de pouvoir les y faire vivre. Si cette infrastructure peut être soutenue par le secteur privé et que le gouvernement peut acheter des services, quand un besoin s'en fait sentir, sur une base économique, beaucoup de ressources seraient libérées pour l'exploration et ce qui devrait être le travail de la NASA.

En dépit de tous les problèmes que j'ai décrits, je demeure optimiste quant à l'avenir des vols habités, en général parce que cela se produit sur plusieurs niveaux. Nous continuerons à explorer les vastes régions de l'univers avec des télescopes de plus en plus puissants et à explorer notre système solaire avec les sondes robotisées.

J'espère que les êtres humains, à nouveau, pourront jouer un rôle primordial, à l'avant-garde de l'exploration de l'espace et je suis certain que cette exploration, comme beaucoup d'autres activités, deviendra un effort international. Merci beaucoup de votre attention.

M. Christian Cabal - Nous pouvons remercier M. Jeffrey Hoffmann pour cette présentation. Il nous fait part d'une expérience, tant en homme de science qu'en astronaute. J'observe que les mêmes problèmes se sont posés dans l'histoire de l'espace aux États-Unis que maintenant en Europe et que les mêmes solutions ont été apportées, quelles que soient les options complémentaires et nouvelles qui complètent l'effort gouvernemental ou étatique, sous l'angle d'intervention d'investisseurs privés. Cela ne peut rester que relativement accessoire dans les grandes opérations d'exploration spatiale, a fortiori au plan planétaire proche de la Terre.

Cette expérience est résumée par la comparaison avec le programme de Kennedy sur le programme Apollo. La volonté étatique, lorsqu'elle est supportée par les moyens financiers, naturellement, permet d'aboutir à des résultats dans des délais très brefs.

Nous ne sommes plus dans les mêmes périodes d'abondance au plan financier. Néanmoins, les moyens dont disposent les scientifiques ne sont pas tout à fait négligeables. Sous l'angle et sous l'effort d'une action internationale, même si cela est souvent difficile parce qu'il faut rendre compatibles les programmes entre eux et les concurrences, tout en maintenant l'émulation nécessaire, nous pouvons progresser et rejoindre dans l'histoire les résultats que nous avions obtenus avec les programmes Apollo, pour les nouvelles explorations, que le président Bush veut lancer sur la Lune et Mars.

Cette expérience, seuls les États-Unis en ont la maîtrise du début jusqu'à la fin. Nous devons partager cette expérience, développer de nouveaux programmes et associer l'Europe à l'effort de la NASA et de l'Amérique de façon plus globale.

Vous avez évoqué le financement public/privé. C'est une solution utile mais non suffisante. Elle ne peut en aucun cas se substituer à l'effort gouvernemental, tel que la NASA l'a toujours montré et continue de le montrer. Vous avez fait allusion aux ministres des Finances de différents pays. Il serait très dangereux de penser que l'espace peut s'autofinancer et ne pas bénéficier des crédits publics. Ce serait une grave erreur. Les États doivent continuer d'investir. Aucune alternative n'est possible, même si nous faisons appel au secteur privé et à l'industrie en particulier pour la réalisation de programmes dans des conditions économiques intéressantes. La volonté politique doit persister. Les États mettent en face les financements nécessaires.

Merci pour cette présentation très complète qui a passionné notre auditoire.

Nous poursuivons notre panorama international et revenons sur le plan européen avec la DLR et avec Monsieur KAFF. Sa présentation permet de compléter le panorama européen de la découverte spatiale.

3. M. Heinz-Joseph KAAF, Deutsches Zentrüm für Luft- und Raumfahrt (DLR)

Merci beaucoup de votre invitation à laquelle je suis très sensible. J'excuse le professeur Ritich, qui devait être là. Il est à Berlin où se met en place le nouveau gouvernement.

J'apporterai quelques réflexions sur le passé, le présent, l'implication allemande en matière de vols habités et sur la recherche en général et je me projetterai dans l'avenir.

Depuis 20 ans, l'Europe s'implique dans un programme de station spatiale. Au milieu des années 80, le président REAGAN a invité à une participation plus large de ce programme. Suite à la réussite des activités de développement de différentes missions, les politiques allemands ont cru bon à ce moment-là de jouer un rôle de chef de file en Europe sur un nouveau projet, dont l'objet était de pérenniser la recherche scientifique, le développement de nouvelles activités et le renforcement de la coopération internationale.

A ce moment-là, ce programme était peu clair quant aux différents apports que l'Europe devait mettre en avant.

Au début, on pensait qu'il s'agissait d'un laboratoire, éventuellement de modules de différents types de services, de différentes formes. Après une période de consolidation, un choix a été opéré.

Un laboratoire a été rattaché à l'ISS. Un laboratoire en voie libre devait être desservi soit par Huygens, c'est-à-dire un nouveau système de transport spatial, soit une station spatiale ou une plate-forme. Dix ans plus tard, suite à la conférence ministérielle à Toulouse, la décision a été prise sur le développement des différents éléments et on en a tiré quelques leçons. Les ministres ont constaté que le projet initial était trop ambitieux. Les capacités autonomes ont donc été revues, avec la volonté de prendre en charge et en considération le laboratoire Colombus, l'utilisation d'Ariane 5, le véhicule logistique qui n'est pas habité et une plate-forme polaire qui, à l'époque, s'était inscrite dans le programme d'observation terrestre dont le résultat a été couronné de succès, toutes proportions gardées.

Dix ans plus tard, nous pouvons jeter un regard en arrière pour constater que bon nombre de changements se sont produits au niveau des stations spatiales. La Russie à présent participe au projet. Elle a été la bienvenue en Allemagne. Différents domaines de coopération ont été lancés entre l'Europe et la Russie, certains pour pouvoir mieux maîtriser les coûts. Malgré les difficultés techniques, qui se sont traduites par des retards des différentes séquences d'assemblage, nous avons néanmoins travaillé convenablement ensemble. Malheureusement, le désastre de Columbia a eu lieu et le comité d'enquête de l'accident a nécessité une refonte du système de navigation. Un nouveau vol a eu lieu cet été avec Discovery. Quelques difficultés techniques se sont encore posées. Ceci met en doute quelque peu la sécurité en vol et d'autres incertitudes règnent encore quant à l'avenir de vols ultérieurs.

M. Hoffmann a précisé tout à l'heure que la NASA se prépare à d'autres initiatives en termes d'exploration et d'autres vols habités. A échéance 2008, cette initiative, pour l'instant, passe par le développement du CEV et d'autres véhicules lourds au décollage. Nous y voyons plus clair à présent. Quant à l'assemblage et à l'utilisation de l'ISS, nous avons mieux défini le nombre de vols de navettes, au nombre de 18, plus un pour la mission de service. Pour l'instant, nous n'avons pas la confirmation du nombre exact des vols.

Par ailleurs, nous avons constaté qu'il était possible d'acheter d'autres missions Soyouz aux Russes, ce qui garantirait la continuité du programme de l'ISS. En Europe, l'industrie travaille avec les fournisseurs de matériel et un autre programme de différentes missions de fusées et d'autres missions de capsules non habitées est en route.

Quelle est la position de DLR ?

Nous devons garantir les investissements et dépenses engagées. En effet, pour l'Allemagne, il s'agit de 2 Md€ depuis 1995, depuis la conférence ministérielle à Toulouse. Nous attendons également que notre partenaire américain puisse encore contribuer à d'autres missions (au nombre de six) d'ici 2009 et que l'ISS soit utilisée jusqu'à 2013, qui est donc le délai de référence pour les projets européens.

Nous espérons que l'ESA et l'industrie spatiale démultiplieront leurs efforts pour réussir le lancement d'ATV d'ici la fin de l'année prochaine. Nous pensons que ces programmes iront de l'avant de manière prudente, avec des dates jalons pour respecter les budgets affectés.

Quant à l'avenir, sur les vols habités, la position allemande reste inchangée. La priorité sera mise sur l'utilisation réussie de l'ISS. Des missions ISS ultérieures pourront servir d'essai pour expérimenter d'autres techniques et d'autres travaux de recherche. Le programme d'exploitation ISA, à notre avis, est trop ambitieux et son organisation n'est pas tout à fait appropriée. Nous préférons une approche par paliers. Nous ne sommes pas pressés. Nous estimons qu'on veut trop de choses trop vite.

Par ailleurs, DLR, dans un avenir proche, n'envisage pas d'autres activités humaines dans l'espace. La participation à une nouvelle mission robotique sur Mars est la bienvenue pour vérifier d'autres techniques, contribuer aux avancées de la science et surtout étudier la vie sur Mars. Nous attendons du gouvernement allemand, d'ici la prochaine conférence ministérielle, qu'il décide de la continuité du programme d'exploration avec la participation de LIPS et la mission Exomars.

Je passe maintenant à certains travaux de recherche en matière d'utilisation. L'ISS pourrait être utilisée dans différents domaines scientifiques, la physique fondamentale, les sciences de la vie, les sciences spatiales et d'autres domaines techniques.

En tant que banc d'essai, pour essayer d'autres techniques, les process ISA, avec l'annonce de nouvelles possibilités et la revue des pairs pour pouvoir valoriser les différents domaines scientifiques, seront les bienvenus. Nous pensons qu'il faut donner une marge de manoeuvre aux scientifiques plutôt que de leur imposer des contraintes, ce qui n'est pas le but recherché.

A présent, ces expériences allemandes ont été menées à bord de l'ISS ou sont en cours de réalisation. Une centaine est en préparation et attend des possibilités de vol. Ceci nous donne un tableau prometteur. Néanmoins, des incertitudes restent quant à l'avenir du programme ISS.

Je vous remercie de votre attention.

M. Christian Cabal - Je vous remercie de cette présentation de la DLR. Beaucoup de points d'interrogation demeurent pour le moment car les grands programmes ont été engagés, réalisés au sol, avec de multiples expérimentations. Il n'a pas encore été possible, compte tenu du calendrier défini par la NASA pour le retour en vol de la navette, de fixer avec suffisamment de précisions les possibilités de tir pour amener le modèle Colombus et poursuivre les autres explorations. C'est le prix à payer de la politique de coopération qui est nécessaire.

Nous sommes tributaires des moyens de tir, de transport et de mise à poste. C'est le cas précis après la catastrophe de Colombia. Je suis convaincu que nos collègues de la NASA sauront remédier à cette situation et proposer un calendrier qui permette de poursuivre la construction de la station spatiale internationale et, en particulier, des modèles européens qui sont un des éléments essentiels du développement. Je sais que nos collègues de la NASA fournissent tous leurs efforts pour répondre, dans les délais les plus brefs, au calendrier initialement prévu. Plusieurs questions seront posées et permettront d'approfondir le rôle de la DLR et les capacités que la DLR peut apporter pour résoudre cette situation.

M. BONNEVILLE va nous indiquer les perspectives sur l'étude et l'exploration du CNES, tels que sont définis les objectifs pour l'instant.

4. M. Richard BONNEVILLE, Chef du service Etude et exploration de l'Univers du CNES

A titre d'introduction, je voudrais insister sur ces deux mots complémentaires que sont la science et l'exploration.

La science

Ce programme a d'abord une vocation cognitive, mieux cerner notre connaissance et notre compréhension de l'univers - qui sont le sens des propos de M. Bonnet - sur son origine, sur son destin ultime et les objets qui le composent que sont les galaxies et étoiles. Une question qui traverse tout le programme est la question finale de la vie dans l'univers.

L'exploration

L'objectif est d'étendre la présence humaine, virtuelle ou réelle, au-delà des limites de notre planète. Virtuellement, il s'agit de l'exploration du système solaire par des véhicules automatiques. C'est aussi la recherche de planètes éventuellement habitables autour d'étoiles proches. Réellement, il s'agit de futures missions vers la Lune et Mars, comme celles dont a parlé Jeffrey Hoffmann. Le pré-requis est de développer les technologies qui seront nécessaires pour atteindre ces objectifs.

Je voudrais insister sur la complémentarité entre la recherche au sol et la recherche spatiale. Pour l'astronomie, les observatoires spatiaux permettent d'observer dans des domaines de longueur d'ondes. Pour les objets du système solaire, les sondes spatiales sont indispensables pour toutes les étapes de l'exploration, depuis le survol jusqu'au retour d'échantillon final.

L'espace est à la fois l'objet de l'étude et le moyen de l'étude. Cela explique un partenariat naturel entre l'agence spatiale et la communauté scientifique.

Pour les programmes français, le programme scientifique obligatoire de l'ESA, Horizon 2000, est le noyau du programme français. 30 % des instruments scientifiques des missions européennes sont fournis par les instituts de recherche français, avec le support du CNES.

Cette participation sera complétée par d'autres programmes européens qui ont un contenu scientifique. Je voudrais citer l'utilisation de la station spatiale ou le futur programme d'exploration Aurora.

En dehors de l'ESA, nous voulons compléter les missions européennes ou préparer de futures missions sur des objectifs scientifiques et technologiques bien identifiés, comme les missions d'opportunité, la participation à des missions spatiales d'initiative extérieure, avec nos partenaires les États-Unis, la Russie, la Chine, le Japon et d'autres pays européens et des activités nationales. Elles impliquent presque toutes des participations extérieures. Très peu de programmes spatiaux sont monocolores.

Les minisatellites de la filière Proteus, comme le satellite Corot, les microsatellites, les microscopes, les ballons et les activités de préparation du futur, font partie de la recherche et de la technologie, des avant projets. L'initiative de vol en formation est aussi un élément.

Il est très important que les orientations scientifiques de ce programme soient données par la communauté scientifique elle-même. Nous nous réunissons tous les quatre à cinq ans. La dernière réunion a eu lieu en juillet 2004. Nous essayons de maintenir un équilibre entre les activités, à travers l'ESA et en dehors de l'ESA. Nous essayons de maintenir un équilibre entre les principaux domaines, le système solaire et l'astronomie, et nous essayons d'introduire de nouveaux thèmes, par exemple la physique fondamentale, l'exobiologie, c'est-à-dire la vie dans l'univers, la météo de l'espace (ou l'activité solaire) et la menace des astéroïdes qui peuvent rencontrer la Terre.

Les instruments scientifiques sont développés par les laboratoires eux-mêmes, avec le support technique et financier du CNES, ou par le CNES en étroite collaboration avec les laboratoires.

Une notion importante est la subsidiarité scientifique. On peut classer les missions spatiales scientifiques en trois grandes catégories :

- les très grandes missions, qui doivent se faire dans un contexte international, comme dans l'avenir le retour de l'échantillon de Mars,

- les grandes missions, qui ont leur place naturelle dans le programme européen,

- les micromissions, qui s'accommodent très bien d'un contexte national, avec les coopérations bi ou multilatérales.

Je vais développer deux grands thèmes. Le premier thème est l'origine et la fin de l'univers.

Seulement 5 % du contenu de l'univers est fait de matières ordinaires (protons, neutrons et électrons). La plus grande partie est faite de matière noire, c'est-à-dire une matière dont on remarque les effets à travers le mouvement des galaxies mais qu'on ne détecte pas, et l'autre matière est une forme d'énergie qu'on ne connaît pas mais qui est nécessaire pour expliquer que l'univers soit plein.

Quelles sont cette matière et cette énergie noires ? Comment la galaxie se forme-t-elle ? Comment les grandes structures se forment-elles ? Voici les enjeux scientifiques de ce thème.

Aujourd'hui, de plus en plus, l'astrophysique, la physique des particules, tendent à se rejoindre à travers des thèmes qui sont tous liés aux interactions fondamentales, à leur unification et au rôle particulier de la gravitation par rapport aux autres interactions, fortes, faibles ou électromagnétiques.

L'objectif des missions est d'élaborer progressivement une nouvelle physique ou de trouver des éléments qui mettront sur la voie d'une nouvelle physique, au-delà de la physique actuelle, celle de la relativité générale. Une approche est multiple à travers la cosmologie observationnelle - ce n'est pas seulement une activité théorique mais aussi expérimentale - qui est d'utiliser l'univers comme un laboratoire et les observatoires spatiaux.

Ce dessin montre peut-être l'histoire de l'univers depuis le big bang, la période d'expansion rapide, la période d'expansion lente et l'expansion qui s'accélère vers une dislocation générale.

La cosmologie observationnelle est à la frontière entre l'astronomie et la physique fondamentale. Il s'agit d'étudier par exemple l'univers primordial à travers le rayonnement cosmologique et de déterminer les paramètres cosmologiques fondamentaux, qui permettent de distinguer les différents modèles d'univers.

Il s'agit de tester ou de mettre en évidence des conséquences observables, des théories d'unification, par exemple l'équivalence entre la masse pesante et la masse inerte. Je voudrais parler du projet microscope, qui est un microsatellite du CNES, qui sera lancé en 2009. Il s'agit aussi de tester de façon aussi précise que possible la gravitation à diverses échelles et en particulier dans le système solaire. Ce sera fait en partie avec le projet Gaïa, de l'Agence spatiale européenne. Gaïa permettra aussi de mesurer avec précision les paramètres post-newtoniens.

Les observatoires spatiaux permettront d'observer le ciel dans toutes les gammes de longueur d'ondes, depuis l'infrarouge lointain jusqu'aux hautes énergies, les rayons X et gamma, qui permettent d'étudier les sources de rayonnement intense, énergique. Il s'agit d'étudier les objets très lointains, donc très vieux, et peut-être ouvrir de nouvelles fenêtres d'observation, par exemple le ciel dans le domaine des ondes gravitationnelles.

Le deuxième thème est la vie dans l'univers. Comment est-elle apparue ?

Il faut regarder dans le système solaire, Titan, les astéroïdes, les comètes, la matière primitive.

La vie est-elle apparue ailleurs que dans le système solaire ?

L'objectif prioritaire est Mars. Existe-t-elle ailleurs dans l'univers ? Est-ce un phénomène exceptionnel ou au contraire très répandu ? Il s'agit de chercher les planètes extrasolaires dans la zone habitable et de chercher ensuite une signature de l'activité biologique dans leur atmosphère.

Voici l'arrivée de Huygens sur Titan en janvier 2005. Voici des vues de Mars par la sonde européenne Mars Express, qui ont mis en évidence que les pôles étaient essentiellement constitués de glace, d'eau permanente recouverte de couche de neige carbonique. La bande rouge est un dépôt de gypse, ce qui montre que de l'eau stagnante et probablement très acide à la surface de Mars s'y est trouvée.

Comment se forment les planètes extrasolaires ? Quels sont les types de planètes extrasolaires ? Peut-on trouver une activité biologique ? Nous avons trouvé 160 planètes extrasolaires, toutes de type Jupiter, chaudes, totalement inadaptées pour héberger la vie.

Dès 2006, le minisatellite du CNES, Corot, pourra détecter des grosses Terres, c'est-à-dire des planètes dont le diamètre est de deux fois le diamètre terrestre et à la fin de la prochaine décennie, de grands interféromètres, comme l'interféromètre Darwin, pourront voir des planètes de type terrestre.

Le contexte international :

· l'émergence de nouveaux pays spatiaux, par exemple la Chine, qui a lancé voici quelques semaines sa seconde mission habitée. ;

· le Conseil ministériel de l'ESA ;

· l'implication de l'Union européenne dans les activités spatiales. Il semble que les sciences et l'exploration ne sont que marginalement concernées par les projets européens ;

· l'initiative du président américain dont je dirai un mot tout à l'heure.

Roger Bonnet a parlé de la prospective Cosmic Vision 2015/2025. Egalement, la première tranche du programme d'exploration Aurora est importante. Les deux sujets importants du Conseil ministériel seront le nouveau niveau de ressources du programme scientifique obligatoire et le feu vert pour la première mission du programme Aurora, qui est une mission Exomars, la première mission européenne à se poser sur Mars.

Des problèmes budgétaires se posent sur Cosmic Vision. Il sera difficile d'entamer de nouveaux grands projets avant 2013. Comment préparer de futures grandes missions qui auront lieu après 2015, comme le projet Darwin ?

Le contexte américain est dominé par l'initiative américaine d'exploration dans la perspective de missions habitées vers la Lune et vers Mars, avec le retrait de la navette et la priorité au développement du Crew Exploration Véhicle .

Une conséquence sur la science de ce programme américain est que cette priorité de la NASA à l'exploration habitée impliquera une réduction de l'effort américain dans certains domaines de la science spatiale comme l'astronomie, la cosmologie ou la physique fondamentale. Le programme d'astrophysique est mal parti. Le programme robotique d'exploration de Mars est affecté. Le satellite Mars Telecommunications Orbiter , qui devait être lancé en 2011, a été annulé.

Cela peut être une opportunité pour les Européens puisque la concurrence scientifique internationale est assez vive. Globalement, c'est mauvais pour la science parce que la science doit être internationale.

Je présenterai, sur ce qui pourrait être une vision européenne de l'exploration, une vision de la coopération avec les Américains. Un programme d'exploration européen doit permettre aux Européens de poursuivre leurs recherches avec leurs propres moyens, si la coopération qu'ils nourriraient avec les États-Unis ne remplissait pas tout à fait leur objectif, afin de ne pas reproduire la situation de dépendance, qui est celle de la station internationale.

Si nous prenons en compte la différence de moyens que les États-Unis et l'Europe consacrent au spatial civil, il nous semble que la priorité européenne devra aller aux missions robotiques. Le programme européen doit être construit dans cette perspective.

Pour nos scientifiques, la Lune est une faible priorité. La priorité de la communauté scientifique est l'exploration de Mars. Cela a été dit à plusieurs occasions et réaffirmé récemment. Nous remarquons un fort support de cette communauté à la mission Exomars, en particulier Mars Express, qui réalisait une étude globale depuis l'orbite. L'accent est mis sur l'exploration in situ sur les court et moyen termes.

Cette mission Exomars, en 2011, aura pour objectif de montrer que les Européens savent se poser sur Mars avec des technologies européennes et ce sera le vecteur d'une mission scientifique importante avec une science aussi large que possible sur l'exobiologie, la caractérisation de l'environnement, la géophysique et la géochimie.

L'étape suivante sera le retour de plusieurs échantillons de plusieurs sites, a priori dans un programme international car c'est une mission complexe. Les Européens auront une participation importante à ce programme. Ils doivent réfléchir dès à présent au rôle qu'ils pourraient jouer dans un tel programme.

Les autres cibles sont les planètes géantes et les satellites. De telles missions doivent être vues dans un contexte international, par exemple Jupiter et ses satellites. Quant aux petits corps du système solaire, les astéroïdes, les comètes, en particulier dans la perspective de cette menace d'astéroïdes géocroiseurs, une coopération est possible, où l'Union européenne pourrait jouer un rôle important.

La préparation du futur est essentielle dans le spatial. Les programmes se font sur des échelles de temps assez longues. L'enjeu majeur est la maîtrise du vol en formation. Il s'agit de plusieurs satellites dont les positions sont mutuellement asservies, avec une instrumentation distribuée, qui reconstitue un très grand instrument qui ne pourrait pas être installé sur un seul satellite. Par exemple, Symbol X est un observatoire dans le domaine des rayons X. C'est une très longue focale, avec un détecteur sur un satellite et l'optique sur un autre satellite. Un autre exemple est l'interféromètre Pégase avec deux satellites qui recueillent les lumières et un troisième qui recombine les faisceaux. Ceci pourrait être utilisé pour voir des planètes extrasolaires et pourrait être un précurseur à la mission Darwin.

Je vous remercie de votre attention et j'espère que je vous aurai convaincus que la science a de beaux jours devant elle dans l'espace.

M. Christian Cabal - Monsieur Bonneville, vous n'aviez pas besoin de nous convaincre. En revanche, ce qui est délicat, c'est le montage financier de toutes les explorations, qui sont nombreuses, presque surabondantes, qui doivent faire appel à des coopérations internationales, tout en préservant pour l'Europe les moyens de son autonomie, de sa capacité de ne pas être tributaire d'autres puissances ennemies. Nous avons quelques milliards d'années pour le réaliser. Tous les espoirs sont permis.

Je donne la parole à André BRAHIC, quant aux perspectives sur l'exploration planétaire et de l'espace.

5. M. André BRAHIC, Astrophysicien au CEA

Je ne vais pas répéter mes prédécesseurs. Je vais essayer de vous convaincre que l'enjeu pour l'espace est crucial pour notre civilisation.

Je ne voudrais pas décrire chaque mission ou chaque semaine où nous avons des découvertes, des photographies, des informations qui seront dans tous les livres d'école dans le futur, et nous sommes les premiers à y participer.

Au-delà de l'aspect scientifique, qui est essentiel, actuellement je suis non pas triste, mais inquiet, du fait que la science dans notre société est moins présente qu'elle ne devrait l'être, ou moins présente qu'elle ne l'a été dans le passé.

Je constate qu'une grande partie des étudiants des grandes écoles se dirige finalement vers des métiers autres que la science. C'est vraiment dommage car ces métiers ne sont pas rendus attractifs. Le footballeur et le chanteur sont donnés comme modèles et rarement le scientifique. Il faudrait essayer d'inverser le mouvement car quelque chose d'essentiel se joue.

L'enjeu est d'une part culturel, d'autre part scientifique, et enfin industriel et commercial.

Je suis persuadé que la culture scientifique est aussi importante que celle artistique, littéraire et autre mais elle est souvent oubliée. Quand je lis l'actualité du jour, on me parle de violence, de chômage ou d'intolérance. Je vous montre une photographie du monde de Saturne. Pourquoi dépenser de l'argent pour photographier Saturne alors que nous avons tant de problèmes sur Terre ?

Je voudrais vous montrer le ciel tel que nous le connaissons, un ciel assez statique, formé d'étoiles. Si Aristote revenait parmi nous, il penserait qu'il n'a pas bougé. Si je cite Aristote, c'est que toute notre civilisation, notre système politique, la démocratie, notre système judiciaire, le fait qu'on soit croyant ou pas, tout cela est fondé sur la philosophie grecque, laquelle repose sur la constellation du ciel, sur les rapports de l'homme et du ciel.

Cependant, au 20 e siècle et au début du 21 e , notre vision du ciel a totalement changé. Pourquoi ? Parce que nous sommes allés sur place dans le système solaire, parce que nous voyons les différents rayonnements, ce que nos yeux ne voyaient pas. Je vous donne un exemple. Vous allez ce soir à un concert, composé d'un orchestre de 150 musiciens. Si ce soir, vous êtes un peu sourd et n'entendiez qu'un seul instrument, le triangle par exemple, vous vous ennuierez. Dites-vous que nous avons tous les instruments pour voir l'espace, de toutes les longueurs d'ondes et nous assistons à un concert complet mais dont nous ne comprenons pas encore toute la musique. L'enjeu est essentiel pour cette raison.

Voici une peinture du ciel de Van Gogh quand il était, paraît-il, en bonne santé et voici une peinture du ciel qu'il a peint quand il est devenu fou. Ce ciel ressemble au ciel réel. Le ciel est violent, changeant et sans arrêt en bouleversement. Nos yeux ne le voient pas, mais nos engins, si.

Je vous montre ce dessin qui met en scène deux femmes. L'une dit à l'autre : « un jour, l'homme ira sur la Lune ». Elle poursuit : « Pendant ce temps-là, nous prendrons le pouvoir ». C'est exactement ce qui s'est passé à la fin du 20 e siècle, les hommes sont allés sur la Lune et les femmes ont enfin la place qu'elles méritent dans la société. Dans les pays où l'astrophysique est absente, les femmes sont maltraitées. D'ailleurs, si on se met un voile sur la tête, on voit mal le ciel.

Quelque chose d'essentiel est présent et cette dimension est quelquefois oubliée.

Quelle est la place de l'homme dans l'univers ?

C'est la question que se posaient les philosophes grecs. Nous connaissons un bouleversement complet, total. Nous n'avons pas encore la réponse à certaines questions mais j'espère que nous l'aurons prochainement.

Je reviens sur cette image et une photographie du soleil prise à 6 heures du matin quand il fait beau. Deux manières de voir le monde existent. La première est celle d'alimenter l'irrationnel et l'autre manière est de comprendre le monde. On a essayé de le comprendre parfois.

La première dimension est culturelle. J'entends parler de violence. Je suis allé dans les banlieues difficiles où on brûle des voitures. J'ai rencontré ces jeunes, je leur ai parlé de l'espace et j'ai vu des yeux qui brillaient. J'ai compris à ce moment-là que nous n'avions pas joué tous les arguments en leur faveur. Quand une compagnie de CRS est envoyée, quand on est un gamin, on n'a qu'une envie, celle d'envoyer des pierres.

J'ai eu l'occasion de dîner avec Jacques CHIRAC et Lionel JOSPIN. Je leur ai expliqué que quand on a des problèmes avec les banlieues, il faut envoyer les astronomes d'abord et après la police. Je ne suis pas naïf au point de croire qu'une conférence sur l'espace va tout changer mais je pense qu'un message est à donner. Ces jeunes sont passionnés. Le message qu'on leur donne pour l'instant est : ou la mosquée ou les CRS. Un enjeu est fondamental. Devant les fondamentalistes, la réponse est la protection ainsi qu'un message culturel et je ne suis pas sûr que nos journaux, nos écoles, nos médias et nous-mêmes le relayions assez. Comment résoudre le problème du chômage ? Avec une économie meilleure. Comment sera-t-elle meilleure ? En poussant l'industrie.

L'espace est un champ essentiel de bataille au sens noble entre les États-Unis, l'Europe et le Japon, qui sont les actuelles puissances, et la Chine a très bien compris que c'était un enjeu important.

Je pense aussi à l'intolérance, l'irrationnel et je vois des choses qui m'effraient, aussi bien en Hollande qu'aux États-Unis, où on apprend que la Terre a 6 000 ans. Des courants sont très forts. La manière de lutter est de faire comprendre ce qu'est une démarche scientifique. Une démarche scientifique repose sur deux piliers, d'une part l'expérimentation pour le physicien ou l'observation pour l'astronome, et d'autre part la théorie. L'un ne va pas sans l'autre.

Le scientifique est pragmatique, il s'incline devant les faits.

Quelques députés et sénateurs sont présents. J'ai envie de voter pour un homme politique quand il dit à la télévision qu'il s'est trompé. En effet, il aurait tout compris. Quand on tente une expérience et qu'elle ne fonctionne pas, on tente autre chose. Quand j'entends des hommes politiques affirmer avec force qu'ils ont raison, je me dis qu'à l'école ils n'ont pas assez suivi les classes scientifiques. Ce que nous apprend la science, c'est qu'un scientifique ne dit jamais ce qui est vrai, mais il est capable de dire ce qui est faux. Ceux qui prétendent détenir la vérité ne sont pas très intelligents. La notion de vrai et de faux est importante.

L'espace est un laboratoire gratuit. Il règne dans l'espace et dans l'univers en particulier des températures extrêmes, de temps et de densité que jamais nous ne reproduirons dans nos laboratoires terrestres. Le seul moyen de faire avancer nos connaissances en physique, en chimie, en biologie est d'aller voir ce qui se passe à l'extérieur et l'univers est gratuit. Certes, le prix du voyage coûte cher mais ce prix est négligeable par rapport à la construction d'un laboratoire. Essayez de créer un trou noir dans un laboratoire, avant même d'avoir nommé le directeur, le laboratoire aura explosé depuis longtemps. Le futur de la physique est dans l'astrophysique, c'est dans l'univers qu'est notre futur du point de vue scientifique.

D'autre part, souvent on mélange recherche, sciences et technologie, sciences appliquées et sciences fondamentales. L'un ne va pas sans l'autre. Il faut bien comprendre que la science fondamentale est un instrument gratuit. Des directions ne donnent rien, certains chercheurs sont dans des impasses mais c'est à ce prix-là que l'avenir s'ouvrira ou pas. Evidemment, quand on parle d'échelle de temps de 20 à 25 ans, on ne sera peut-être plus là mais c'est pourtant maintenant que cela se joue. Si nous sommes, dans le monde occidental, légèrement en avance, c'est parce qu'a eu lieu la renaissance scientifique, c'est pourquoi il a porté en germe la révolution industrielle. Nous jouons notre futur. Ne le manquons pas.

Les étudiants ne vont pas dans les disciplines scientifiques. A l'université Paris VII, vingt étudiants sont en physique alors que 700 sont en psychologie. J'adore la psychologie mais ce déséquilibre signifie beaucoup de chômeurs. Un travail de fond est nécessaire parce que la science est passionnante. L'aspect austère est souvent montré, comme si pour la musique, on ne montrait que le solfège alors que ce qui compte est le spectacle. Il en est de même pour la science.

L'industrie et l'économie

La compétition d'aujourd'hui se passe dans l'espace et l'industrie de demain est la recherche d'aujourd'hui.

La planétologie comparée

Si nous voulons comprendre le futur de la Terre, apporter une réponse à ce que sont l'effet de serre, la couche d'ozone, les tempêtes, la température, le seul moyen que nous aurions d'agir en tant que scientifiques serait d'expérimenter sur la Terre mais ce n'est pas la peine. Il suffit d'aller dans le système solaire. Nous voyons des mondes plus violents, d'autres plus calmes, d'autres plus froids, d'autres plus chauds, d'autres plus ou moins denses et par comparaison, nous comprenons le rôle de chacun des facteurs physiques pour les modèles que nous développons, qu'il s'agisse de météorologie, de climatologie, de vulcanologie et tout ce qui concerne la Terre. C'est ainsi que nous progresserons. Cela me paraît essentiel et là aussi je crois que l'effort n'est pas suffisant dans notre pays.

Si j'avais quelque moyen de faire passer un message à l'Assemblée nationale et au Sénat, je souhaite un accord entre tous les partis politiques sur l'importance de la science et qu'on ne subisse pas de coup de volant à gauche et à droite, avec les pouvoirs qui se renouvellent tous les quatre ou cinq ans. Un accord complet est tout à fait facile à obtenir. Je discute individuellement avec chaque personne. Tout le monde en est convaincu mais nous ne le faisons pas.

Les échelles de temps sont considérables. Je me régale de la mission Cassini qui nous apporte des éléments extraordinaires chaque jour. Je me souviens qu'en juin 1980 nous étions un petit groupe à parler de cette mission. Nous avons obtenu les financements au début des années 90. C'était voici 25 ans. Ce que nous réalisons aujourd'hui, nous en récolterons les bienfaits dans 25 ans. Il faut une volonté politique que je ne ressens pas et surtout une réforme profonde. Des chercheurs sont dans la rue et réclament plus d'argent. Le problème n'est pas que le budget. Réformons d'abord le système pour qu'il soit plus efficace. Ensuite, donnons le budget correspondant et pas l'inverse. Je ne vois pas de signaux très positifs.

La photographie que je montre est l'état de l'univers, la carte du ciel, 380 000 ans après l'instant zéro et le dépouillement de cette image vous donne l'âge de l'univers, 13,7 milliards d'années alors que l'âge de la Terre - nous le savons depuis 1953 - est de 4,55 milliards d'année. L'expansion de l'univers a commencé voici 13,7 milliards d'années. Cela ne signifie pas qu'un homme barbu a pris un peu de temps pour créer l'univers et s'est reposé le septième jour. Cela signifie que nous, astronomes, sommes capables de remonter l'histoire jusqu'à 13,7 milliards d'années.

J'assiste à des conférences au Maroc, en Tunisie et ailleurs, et je suis souvent confronté à des personnes qui me rétorquent que mes propos ne sont pas conformes au Coran. Je leur réponds qu'ils m'ont bien écouté, c'est ce que je voulais dire. Je crois qu'une réponse culturelle est à apporter et nous n'y faisons pas suffisamment attention.

Les conditions extrêmes sur la Terre, où nous avons découvert que la vie existait, nous ont fait penser qu'elle doit exister ailleurs. Nous ne l'avons pas encore découvert. Voici l'une des missions prévues, où des télescopes d'environ 10 mètres de diamètre sont lancés dans l'espace. Si une nouvelle Terre est découverte, nous fournirons tous les efforts et cela changera notre histoire.

Inéluctablement, la vie sur Terre est beaucoup plus proche de la fin que du début. La vie a démarré voici 3,8 milliards d'années. Dans un milliard d'années, au centre du soleil, la densité augmentera. Ainsi, l'énergie augmentera. Par conséquent, la température augmentera. La chaleur du soleil augmente légèrement, environ 20 % au cours des 3,5 milliards d'années. Dans le futur de la Terre, la quantité d'oxyde de carbone aura décrû, la quantité de vapeur d'eau aura crû, l'effet de serre sera majeur et voici à quoi ressemblera la Terre, une zone non habitable. C'est pourquoi nous sommes intéressés par Vénus et Mars. Sur Vénus, l'effet de serre s'est emballé alors que sur Mars, il a avorté. Nous sommes au milieu. Nous avons intérêt à être vigilants et actifs dans ce domaine.

Nos anciens rêvaient d'aller voir les planètes et ceci a été réalisé.

Je voudrais parler de la mission Cassini. 17 pays sont engagés. Les idées ont démarré voici 25 ans. La mission sur Saturne a été lancée en 1997, est arrivée en 2004. La mission dure jusqu'en 2008. Je pense que la mission sera étirée jusqu'en 2010, voire 2012. Le dépouillement aura lieu jusqu'en 2020. Une mission, à présent, dure 40 ans. C'est le grand-père qui plante un arbre et les petits-enfants qui en profitent.

La science est par définition internationale. Quand vous travaillez avec ces personnes, vous oubliez leur passeport et l'enthousiasme est commun. Culturellement, cela apporte beaucoup. Il faudrait des missions vers Uranus, Neptune et retourner vers Jupiter, mais chacune de ces missions coûte des budgets. Je ne voudrais pas être polémique mais aller autour de Saturne sur une mission de 25 ans coûte quelques jours de guerre en Irak. Cela apporte plus à mon sens.

Je me souviens avoir eu le plaisir de dîner avec Bill CLINTON et j'ai vu un homme passionné par la science et l'astronomie. J'ai compris que la science est favorisée ou non si le président l'a décidé. Il me disait que 25 % du budget dépensé en Irak pour entretenir l'armée américaine pourraient scolariser tous les enfants d'Irak. Ces enfants sont actuellement soumis aux mollahs, vont dans les mosquées. Certains même se suicident avec des bombes, ce qui est une folie. Avec beaucoup moins d'argent, l'éducation et la culture pourraient prendre le pas et nous n'avons pas fourni tous les efforts dans cette direction.

Je vous montre la sonde américaine Cassini à laquelle est accrochée la sonde européenne Huygens. (Cette situation est oecuménique. Cassini était un catholique florentin et Huygens protestant hollandais). Elles ont été séparées le 25 décembre.

Je vous montre des exemples sur Saturne. Des vents à l'Equateur soufflent à 1 800 kilomètres à l'heure. Les tempêtes terrestres sont un doux zéphyr par comparaison. Des anticyclones, des tempêtes sont dans des dimensions supérieures à la Terre. Les météorologistes, pour tester leurs modèles, ont besoin de conditions extrêmes. Pour tester des modèles, Saturne est l'endroit idéal. Nous apprenons sur la Terre en observant Saturne. Pourquoi donner de l'argent pour l'espace alors que la Terre nous intéresse tant ? Dans la vie, pour résoudre un problème, on prend du recul. Prendre du recul, c'est possible en observant l'espace.

Les anneaux de Saturne sont le disque le plus fin de l'univers. De 300 000 kilomètres, l'épaisseur du disque est seulement de quelques mètres. Ce disque est un laboratoire d'objets lointains (des galaxies spirales, le système de planètes, de satellites...) et en même temps un laboratoire du passé puisque, avant que la Terre se forme, un disque existait autour du système solaire.

Voyez cette matière. Si n'importe quel étudiant m'avait dit qu'un arc de matière était autour de la planète, je lui aurais répondu de faire autre chose. Selon la loi de KEPLER, l'anneau doit être étalé. Cela signifie que la matière est confinée. On confine la matière avec les champs magnétiques. Je ne dis pas que nous résoudrons tous les problèmes en observant Saturne mais que la physique est universelle et on l'étudie dans tous les aspects.

Phoebé, le corps le plus lointain capturé par Saturne, Hypérion, un mouvement chaotique, Titan, l'exploit européen. En effet, l'Europe a posé l'engin le plus lointain, Japet, dont nous ne comprenons pas la forme. Encelade est un petit corps de 500 kilomètres. Nous avons à présent une résolution de 4 mètres sur ce corps et nous y trouvons des phénomènes étonnants.

En conclusion, notre futur est l'enjeu et il est essentiel. J'appelle à un consensus complet, j'appelle à une réflexion d'échelle de temps qui soit plus longue que l'échelle annuelle. J'appelle à une très forte volonté politique et je ne la vois pas. Des hommes politiques en France ont eu une très forte volonté. J'en cite deux, Pierre MENDES-FRANCE et Charles de GAULLE. L'un a régné plus longtemps que l'autre. Nous bénéficions des efforts de Charles de Gaulle. Les successeurs ont été moins dynamiques.

Il faut une réforme profonde de l'université de la recherche. Les méthodes de recrutement sont stupides. Il faut une sélection sévère, qui n'a pas lieu actuellement, une grande liberté des chercheurs et une évaluation a posteriori et non pas a priori , la suppression de la bureaucratie - lorsque moins d'argent est donné, plus la bureaucratie est présente - l'arrêt de l'évaporation des étudiants. La France paie des étudiants de haut niveau et ils partent aux États-Unis. Quel dommage ! Les carrières scientifiques doivent être plus attractives et je ne parle pas seulement du budget. Une action d'éducation doit être relevée. En effet, la science doit être au coeur de notre culture.

Je rêve d'un nouveau Frédéric II. Il a été roi du Danemark en 1580. Il a consacré 5 % du PIB à la seule construction d'un laboratoire. Nous bénéficions encore de cet argent bien placé. A la même époque, l'Espagne se ruinait pour entretenir son armée. Nous connaissons la décadence qui a suivi. L'enjeu est essentiel. Je rêve qu'aux prochaines élections, en 2007, les candidats se battent sur les trois thèmes, à l'exclusion des autres, la recherche, l'enseignement et la culture. Cela me paraît essentiel. J'ai envie de paraphraser une personne connue. Le 21 e siècle sera spatial ou ne sera pas.

M. Christian Cabal - André BRAHIC est toujours décapant et presque provocateur. Il sait faire remuer les choses et les personnes et je l'en remercie vigoureusement.

Nous n'avions pas le temps nécessaire à un long développement. Tu as su appuyer où il était nécessaire, notamment pour les décideurs politiques qui ne s'inscrivent pas dans la durée et dans cette rigueur scientifique, mais il faut de tout pour faire un monde.

Le CNES s'est beaucoup investi pour que l'exploration spatiale, expérimentée sur le terrain par les jeunes dans les banlieues, soit en oeuvre. Il faut plutôt favoriser cette connaissance de l'espace et la citoyenneté par l'espace plutôt qu'envoyer des CRS. Nous partageons ce point de vue.

Je donne tout de suite la parole à Anne BONDIOU car nous sommes en retard et je voudrais qu'elle ait le temps de s'exprimer.

6. Mme Anne BONDIOU, Directeur du développement des activités spatiales, ONERA

J'ai la tâche redoutable de clore une session qui a été animée par des intervenants très brillants. Je voulais consacrer cette intervention aux activités de recherche technologiques, qui sont souvent dans l'ombre des succès des missions proprement dites. Néanmoins, la recherche et technologie, qui rassemble tous les acteurs du domaine, depuis les laboratoires, les centres de recherche, les PME, les industriels, est indispensable pour préparer des futures missions et pour se doter des technologies-clés qui autorisent les avancées dans le domaine instrumental comme dans les domaines des satellites. Il s'agit d'un ensemble de recherche très vaste. J'illustrerai aujourd'hui quelques cas, qui sont emblématiques.

Préparer les futures missions scientifiques suppose un effort de longue haleine. J'en veux pour preuve le cas que nous connaissons à l'ONERA de l'accélérométrie ultra-sensible, dispositif qui permet, comme l'a rappelé Richard Bonneville, la mesure de force très faible. Nous avons atteint le pic, dix moins douze fois le champ de gravité terrestre. Ces technologies, dont les progrès s'opèrent à présent depuis plus de 15 ans, permettront en 2009 la mise en oeuvre de la mission Microscope. Cette mission du CNES, en coopération avec l'ESA, est une mission de physique fondamentale, dédiée à la recherche d'une éventuelle violation du principe d'équivalence, un des principes fondateurs de la relativité générale, avec une précision mille fois supérieure à ce qui peut être expérimenté au sol.

C'est un principe vérifié depuis Galilée. C'est l'universalité de la chute des corps. Il dit que tous les corps tombent de la même façon dans le champ de gravité, quelle que soit leur composition.

C'est, parmi les grandes questions actuelles, une des questions posées sur la voie de la réconciliation entre mécanique quantique et relativité générale. C'est une question scientifique de la plus grande importance. La technologie intervient puisqu'il s'agit de mesurer une éventuelle accélération relative entre des masses de composition différente en chute libre dans leur mouvement autour de la Terre. C'est une mission très attendue par la communauté de la physique fondamentale.

Ce type de technologie employée dans cette mission pourrait être, dans des versions différentes, utilisé dans le cadre d'une mission pour la détection des ondes gravitationnelles, grâce à la détection de mouvements très subtiles de masse d'épreuves.

L'accélérométrie ultrasensible est le type même de ces technologies essentielles, nécessaires pour proposer des solutions spatiales quand de nouvelles questions scientifiques émergent.

L'ONERA et le CNES, dans le cadre de programmes communs, mais d'ailleurs d'autres agences, comme l'ESA ou le DLR, travaillent ensemble sur deux thématiques particulièrement porteuses sur le plan technologique, pour de futures missions scientifiques à horizon 2015/2020, dont il a été question aujourd'hui.

En premier lieu, il s'agit d'une thématique relative à l'autonomie des systèmes spatiaux - ceci peut sembler abstrait - qui vise très concrètement à augmenter la part d'intelligence embarquée à bord des satellites, afin de diminuer le recours aux stations sol et ainsi d'autoriser des missions, par exemple pour l'exploration interplanétaire ou des missions adaptées à un environnement évolutif, qui réclament une replanification autonome ou une reconfiguration. Cette autonomie est un point crucial pour le développement de ces futures missions, en particulier d'exploration.

En second lieu, une autre thématique a été abordée également en fin d'exposé par Richard Bonneville. C'est également un thème de coopération entre le CNES et l'ONERA et un thème très large de recherche technologique. C'est le vol en formation. Cela a été évoqué. Ce sont des missions, si nous les définissons de façon très large, qui utilisent un groupe de satellites, dont les positions relatives doivent être contrôlées de façon très fine, parfois en deçà du micron, lorsqu'il s'agit de missions d'interférométrie. Ces formations de satellites permettent de réaliser des missions tout à fait irréalisables autrement car elles permettent, en combinant les informations de leurs différentes charges utiles, d'accroître les performances vis-à-vis d'une plate-forme et d'un instrument monolithique.

Nous citons les missions de détection de planètes extrasolaires, prévues par l'ESA dans le cadre de la mission Darwin, ou la NASA dans le cadre de la mission Terrestrial Planet Finder . Ces missions associent trois ou quatre satellites, utilisent des principes d'interférométrie et permettent de détecter des objets très faibles au voisinage d'étoiles. D'autres applications se profilent sur ce vol en formation comme l'astronomie X ou gamma - cela a également été cité - ou même de géoscience. On parle de groupe de satellites équipés de radars, qui permettent la mesure de courants marins ou la mesure de faible vitesse.

Pour réaliser des missions aussi ambitieuses, aussi prometteuses, d'incontournables avancées technologies sont à réaliser relativement rapidement, vu les ambitions qui se profilent. Il s'agit d'abord d'affiner les techniques de mesures relatives de position entre satellites dans le domaine optique ou dans le domaine des radiofréquences.

Il s'agit d'atteindre des mesures de positionnement de l'ordre inférieures au micron, voire au nanomètre, pour les missions d'interférométrie optique. Il faut développer et fiabiliser des technologies de propulsion dédiées, utiliser des propulseurs très fins, améliorer les méthodes de guidage, de navigation contrôle pour la mise en place - ce n'est pas un problème simple - et le maintien stable de la formation de satellites et éventuellement, si on veut réduire les risques et les coûts pendant le développement du système, mettre en place des méthodes de simulation au sol tout à fait particulières, qui permettent de simuler les différentes avioniques des différents satellites, leurs modes de communication et leur architecture de commande. Ainsi, beaucoup de technologies doivent être maîtrisées pour autoriser ces missions futures.

Les grandes puissances spatiales nationales et internationales investissent toutes dans ce domaine, qui est évidemment riche d'avancées. Nous espérons qu'il soit également, comme l'ensemble du secteur de la R&T, un domaine riche de coopération potentielle entre instituts de recherche, industries et agences. L'ambition et la difficulté du problème le justifient très largement.

J'ai donné quelques exemples. J'ai parlé d'accélérométrie ultrasensible, d'autonomie de vol en formation.

En conclusion, je voudrais insister sur l'importance de cet arsenal technologique, sans lequel les futures missions que nous avons évoquées ne pourront pas atteindre leurs objectifs. Je vous remercie.

M. Christian Cabal - Merci. Dans un laps de temps très court, vous avez su présenter, avec une très grande clarté et une très grande précision, votre exposé et je tenais à vous en remercier. Cette présentation fait honneur à l'ONERA et à vos qualités personnelles.

Nous ne pouvons pas lancer de discussion à présent.

Comme nous déjeunons ensemble, nous aurons l'occasion de pouvoir discuter plus largement. Je remercie une nouvelle fois les participants de cette deuxième table ronde.

La séance est suspendue à 13 heures 40

II. INTERVENTIONS DE L'APRÈS-MIDI

A. PREMIÈRE TABLE RONDE : NOUVELLES APPLICATIONS AU SERVICE DES CITOYENS

Président : Monsieur Pierre COHEN, Député, membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Vice-président du groupe d'études sur l'industrie aéronautique.

1. M. Pierre COHEN, Député de la Haute-Garonne

La Haute-Garonne est une circonscription où se trouvent un grand nombre de prestigieux organismes ou entreprises de l'espace. Il y a au moins le CNES, pour ne citer que celui-là, et comme je ne veux pas me fâcher avec les grandes entreprises nationales, voire européennes, je ne resterai qu'au niveau du CNES qui fait partie du patrimoine national.

Ce matin vous avez eu deux tables rondes avec des sujets extrêmement importants :

- l'accès à l'espace,

- l'importance de l'espace par rapport au savoir, à la connaissance.

Je suis chargé d'animer un débat avec un grand nombre de grandes personnalités sur les nouvelles applications au service des citoyens.

Ce titre est extrêmement intéressant parce que nous sommes dans une période où la mondialisation a plutôt tendance à parler de services marchands et donc de consommateurs plus souvent que de citoyens. Il est de ce fait très approprié de se poser la question de l'espace par rapport aux citoyens avec cependant un certain nombre de questions.

Je présume que les orateurs auront préparé leurs interventions, ils ne seront pas obligés d'y répondre, mais en ce qui me concerne, j'ai quelques interrogations concernant cette thématique.

Est-ce par hasard que nous voulons nous adresser au service des citoyens ?

Est-ce qu'il y a toujours les discours qui ont pu peser il y a quelques années avant la crise que rencontre l'espace, qui a amené un grand nombre de discours pouvant laisser penser qu' a priori les applications permettraient d'équilibrer, alors que maintenant tout le monde est unanime pour penser que l'espace a besoin de politique publique, d'engagement public, réellement d'ambition et de programmes à moyen et long termes ?

Je voudrais savoir si a priori les stratégies des personnes qui interviennent s'adressent bien à la citoyenneté, au citoyen.

Ensuite, sommes-nous capables de connaître ce que souhaitent les citoyens, l'enjeu pour que les citoyens jouent leur rôle de citoyens et qu'il n'y ait pas uniquement des marges bénéficiaires ?

Je suis convaincu - et je l'évoque souvent dans les débats au sein de l'Assemblée ou dans les débats politiques - que l'espace aura réellement une ambition européenne si elle est inscrite dans une stratégie de citoyenneté.

Sommes-nous capables de connaître les applications qui seront les leviers par rapport à cette citoyenneté ?

Enfin savons-nous exactement si la stratégie de chacun s'applique par rapport à ces volontés ?

Y a-t-il une adéquation ?

Y a-t-il réellement des stratégies mises en place ?

Je vais maintenant vous présenter les personnes qui participeront à cette table ronde :

- M. Olivier COSTE, Vice-Président Business Development de la Stratégie Marketing d'Alcatel Alenia Space.

- M. José ACHACHE, Directeur du Group on Earth Observation (GEO).

Je remercie nos amis étrangers d'être venus parce que les autres sont presque ici chez eux à Paris. Je ne dirai cependant pas qu'ils n'ont pas fait beaucoup d'efforts parce qu'il est quand même toujours important de venir débattre avec des élus et des industriels.

- M. Sergio VETRELLA, que je voudrais remercier particulièrement, Président de l'Agence Spatiale Italienne,

- M. R.V. PERUMAL, que je voudrais également remercier et qui vient d'encore plus loin puisqu'il est Directeur du Centre des propulsions à carburants liquides à l'Indian Space Research Organisation (ISRO),

- M. Yannick d'ESCATHA, Président du CNES,

- M. Daniel SACOTTE, Directeur des programmes de vols habités, de la microgravité et des programmes d'exploration, Agence spatiale européenne (ESA),

- M. Giulano BERRETTA, Directeur général d'Eutelsat.

Ce sont nos invités et, pour ne pas perdre de temps, ils ont un quart d'heure chacun, je donne la parole à M. PERUMAL.

2. M. R.V. PERUMAL, Directeur du Centre des systèmes de propulsion à carburants liquides, ISRO

Monsieur le Président, chers collègues, chers intervenants, Mesdames, Messieurs, bonjour.

D'emblée permettez-moi, au nom de notre Agence Spatiale indienne, de vous exprimer ma reconnaissance de nous avoir invités. Je vous transmets les salutations de notre Agence et je suis très content d'être ici parmi vous aujourd'hui pour vous présenter les activités de notre agence en matière d'application aérospatiale.

D'abord j'ai un petit problème dans le sens où l'Inde est un pays en voie de développement et que je ne sais pas si les applications que nous réalisons ont un intérêt pour l'Europe.

En revanche, il est peut-être important pour vous d'en prendre connaissance pour savoir ce que nous avons fait dans l'utilisation des techniques spatiales pour justement pouvoir mettre notre société à la hauteur et au diapason de l'Europe et du reste du monde en matière non seulement d'aérospatiale, mais aussi d'information, d'enseignement, de santé aussi, pour un gouvernement indien qui cherche actuellement à mieux s'autogérer.

Venons-en au sujet. Notre programme spatial indien a quatre décennies d'existence et ses caractéristiques sont les suivantes.

D'abord les orientations étaient et sont restées dans le domaine civil sans autre interface avec d'autres agences. 1965 était une époque où notre programme spatial cherchait à mobiliser les ressources, notamment les moyens humains.

A partir de 1975, nous avons commencé à envisager d'autres applications, notamment ce qu'on appelle notre expérience en matière de satellites télévisuels où nous avons utilisé six vaisseaux aérospatiaux de la NASA pour pouvoir livrer des informations dans le domaine de la santé, de l'enseignement, de l'agriculture, etc. Tout cela devait être un jalon dans ce type d'expérience. C'était en matière de télécommunications, l'expérience la plus importante jamais réalisée dans l'histoire.

En 1977, 1978, nous avons repris Symphonie, un vaisseau spatial de la France qui pour nous était une expérience en matière de télécommunications avec lequel nous avons établi un certain nombre de liens à partir de l'Inde pour pouvoir atteindre et utiliser les télécommunications de manière rentable et viable.

Nous avons repris des données de NOA et d'Insat pour pouvoir lancer ce concept de satellites à distance. Toutes ces applications ont servi le gouvernement indien pour pouvoir utiliser et mobiliser ces techniques pour s'attaquer à nos problèmes nationaux.

Le gouvernement indien a mis à notre disposition un financement dans le domaine des vaisseaux spatiaux et des différents lanceurs. Le programme indien a commencé par-là pour lancer des applications et nous avons créé des satellites par la suite. Pour nous suffire à nous-mêmes, nous avons lancé un certain nombre de véhicules de lanceurs.

En 1995 nous avons commencé à acheter des satellites, la première série d'Insat, qui a été lancée à partir de l'étranger, puis nous avons commencé à créer d'autres séries 2, 3 et 4 en interne, et différents systèmes, Oribat et Denon, et d'autres systèmes.

En 1995 nous avons commencé à lancer d'autres véhicules de lancement, notre véhicule polaire pour un système de Sensing à distance et différents vaisseaux spatiaux.

A partir de 1995, nous avons cherché à intégrer nos moyens, nos techniques pour développer l'ensemble de cette filière, mais par nos moyens internes tout en envisageant d'autres applications.

Pour résumer, sur quatre décennies à partir de 1963, nous avons eu vingt missions de lancement qui ont été achevées avec des démonstrateurs et d'autres satellites opérationnels avec d'autres véhicules de lancement, y compris différents vaisseaux spatiaux.

Nous avons lancé vingt missions avec Ariane.

Il y a bien entendu deux séries de lanceurs Arias et d'autres satellites Insat. Je prends maintenant IRS, qui était un élément fort dans ce genre d'application satellitaire avec une résolution d'un kilomètre alors qu'aujourd'hui, nous sommes au niveau d'un mètre. Comme vous devez le savoir, toutes ces observations trouvent des applications dans la culture, notamment l'industrie de l'eau, ainsi que dans la sylviculture et la gestion foncière.

Comme vous le savez sans doute, l'Inde est un sous-continent vaste avec une période de mousson où, notamment dans la partie centrale du pays, l'eau potable constitue un problème majeur, où il faut parfois faire dix kilomètres pour chercher de l'eau potable.

En 1990, le gouvernement a commencé à lancer un programme d'approvisionnement en eau potable pour ces villages. C'est donc une mission nationale d'approvisionnement en eau potable par la collecte de données là où la nappe phréatique est de meilleure qualité. Nous cherchons à établir des cartographies de ces zones qui ont permis des forages où nous avons 90 % de capacité d'eau pour ces populations qui ont besoin d'eau potable.

C'est un problème immédiat. Par ailleurs nous devons nous attaquer à d'autres projets pour rendre la fourniture en eau plus fiable, non seulement en eau potable mais aussi en eau de qualité agricole. D'autres programmes ont été lancés, notamment dans l'Etat de Karnataka.

En 1977, un certain nombre de bassins versants ont été développés, notamment grâce à l'aide de la Banque Mondiale. Nous contrôlons et surveillons le déploiement de ce programme grâce à la superposition des donnés aérospatiales et en faisant le lien avec la situation par rapport à la nappe phréatique de cette région. C'est un modèle d'excellence qui a été jugé comme tel pour le contrôle et la surveillance d'un programme tout à fait vital pour notre pays.

Nous avons également ce programme en ce qui concerne la mousson Même en temps de mousson, il y a des zones de sécheresse. Il y a donc une évaluation du système de l'étendue des sécheresses et nous pouvons suivre de près les zones où il y a un manque d'eau et savoir où le gouvernement peut intervenir en termes de soutien en approvisionnement d'eau. C'est un programme très important dans les années où la mousson est moins importante que d'habitude.

Un autre point est que l'Inde est un pays qui compte un milliard d'habitants et qu'il y a beaucoup de pression sur le terrain. Nous avons beaucoup de terrains qui ne sont pas cultivés et 46 millions d'hectares sont cultivables par l'homme. Nous avons beaucoup de terrains qui pourraient être viabilisés. Le résultat est que certaines de ces zones sont maintenant cultivables mais nous avons toujours 8 millions d'hectares, c'est-à-dire beaucoup de terrains, qui ne sont pas cultivés.

Nous avons aussi des glissements de terrain qui sont un risque majeur. Nous avons donc fait des recherches pour voir où se produisaient ces glissements de terrain et le gouvernement a pris des mesures pour stabiliser les sols.

Un des satellites détecteurs que nous avons lancés, Hamsat, suit les prises de poissons et est destiné à l'halieutique. Nous avons vu en moyenne 52 % d'augmentation des prises par les bateaux de pêches. Nous mettons cela à jour semaine après semaine sur les zones de pêche potentielles qui peuvent donc être rejointes par les pêcheurs au moment où ils quittent les ports.

Il faut aussi faire l'évaluation des produits agricoles chaque année. Ce schéma a été mis en place pour suivre les progrès de l'agriculture en commençant dès le moment des semailles jusqu'aux récoltes. Notre position actuelle nous permet de pouvoir suivre et prédire les récoltes saisonnières.

Nous faisons des prédictions à plus de 90 % d'exactitude sur les saisons de récolte, si bien que ces prévisions peuvent être utilisées par le gouvernement pour la mise en place de systèmes maintenant les prix des céréales.

Nous avons aussi à disposition une bonne prévision concernant le marché des matières premières.

Il faut aussi pouvoir mettre en place des données qui fournissent aux décideurs les moyens de prendre des décisions intelligentes afin de choisir quels sites seront utilisés pour installer telle ou telle entreprise ou telle ou telle industrie.

Je voudrais en arriver aux applications Insat dont nous connaissons tous l'étendue, la communication et l'utilisation de la communication. Nous pouvons aussi développer la télésanté, la télé-éducation, les communications d'urgence. Nous sommes très actifs aussi dans les satellites de recherche et de navigation.

En termes de satellites de communications, nous avons du VHR qui nous donne des capacités de recueil de données à partir de diverses plates-formes. Nous sommes donc en situation de pouvoir suivre et d'avertir lorsqu'il y a des catastrophes naturelles, et ce avant qu'elles ne se déploient sur la Terre.

Nous avons plusieurs transpondeurs pour les réseaux d'Etat. Nous avons 25 canaux de télévision publique, 65 canaux de télévision privée, 210 terminaux de réseau radio et aussi des réseaux qui relient les différentes bourses.

En ce qui concerne les applications, au cours des deux dernières années, nous avons commencé des initiatives importantes. L'Inde est une région très vaste où les communications ne sont pas bonnes en raison du faible développement sur le sol. Il y a des zones de concentration de médecins et d'autres où ces médecins manquent, où il n'y a pas les facilités minimales requises.

La région du nord-est souffre de la déficience de soins de santé. Nous avons pu y remédier par des liens entre les hôpitaux dans les grandes métropoles et des centres de santé extrêmement décentralisés où peut s'établir un dialogue direct avec des personnes qui sont à des milliers de kilomètres des médecins, que ce soit en cardiologie ou dans d'autres domaines de la santé.

C'est devenu un outil extrêmement utile pour pouvoir relier des hôpitaux centraux et des centres de santé très délocalisés sur le terrain. Cela a rendu l'accès à la santé extrêmement bon marché pour de très nombreuses personnes et ce réseau est développé.

Nous allons aussi vers des réseaux spécialisés, dans Carla par exemple. Dans la région de Karnataka, il y a un réseau spécialisé dans le traitement du cancer. Il y a un autre réseau avec l'ophtalmologie. Dans les années à venir, il sera étendu très largement afin de permettre à ceux qui en ont vraiment besoin d'atteindre les services de santé, dans des endroits inaccessibles autrement.

D'autres initiatives qui ont été prises dernièrement sont la télé-éducation, par un satellite lancé avec HSLV, sur un réseau national qui va couvrir l'intégralité de la région de l'Inde et qui pourra relier les universités avec les différents collèges. Une des déficiences dont nous souffrons en dépit de la main d'oeuvre spécialisée et éduquée est le manque d'enseignants spécialisés. Et cette carence d'éducateurs spécialisés est vraiment un problème qui retarde notre développement.

Nous avons plusieurs réseaux qui pourront nous aider à pallier ces diverses carences. Plusieurs milliers de canaux seront ajoutés cette année pour pouvoir améliorer les télétransmissions. Il y aura donc des cours complets disponibles en télé-éducation depuis l'université centrale vers les collèges qui sont disséminés à travers l'intégralité du territoire indien.

Nous avons besoin de ce qu'on appelle les ressources de villages. Dans chaque village il y aura un terminal et n'importe quel villageois pourra obtenir toute information nécessaire, que ce soit en ce qui concerne sa vie quotidienne, les bassins versants, l'eau potable, la météorologie, la télé-éducation, la télémédecine, la formation, l'agriculture ou bien sûr l'information.

Tout ceci est planifié pour que cela puisse être distribué à travers toute l'Inde, dans tous les villages, en reliant tous ces villages avec un nodal central. Il aura un système d'informations relié à des banques de données pour donner par exemple le prix des matières premières et indiquer les produits nécessaires.

Cela a été mis à jour à trois endroits différents, cela a été inauguré dans trois endroits en 2004. Nous espérons que beaucoup d'organisations non gouvernementales qui déploient leur effort pour pouvoir étendre ces services à tous les villages à travers l'Inde, pourront s'intégrer dans le système.

Il y a aussi des informations cadastrales, des informations personnelles sur chaque agriculteur, sur chaque type de terrain qu'il peut travailler, etc. Toutes ces informations sont recueillies et tout paysan peut y avoir accès.

Nous allons aussi avoir des informations venant de plusieurs niveaux, c'est-à-dire du terrain, de la région, du district et, à l'avenir, nous allons pouvoir fournir de l'éducation à chaque village.

Tout cela mis ensemble, c'est fondamentalement l'effort indien pour le développement dans l'espace qui l'a commencé, et nous devons être les meilleurs dans les applications que nous voulons mettre en place, et pouvoir les utiliser pour pallier les carences dont nous souffrons.

Ce programme est développé depuis des décennies, nous allons continuer à le faire avec ce budget dont nous pouvons disposer. Nous pouvons dire maintenant que nous pouvons nous mesurer aux défis qui sont devant nous, nous pouvons créer un lanceur, mettre des satellites en orbite et avoir la possibilité de transférer ces données au service opérationnel.

Concernant la façon dont le programme spatial se développe en Inde, vous voyez qu'il est tiré vers des applications directes et je pense que peut-être sur le continent africain, ou dans des endroits où il y a des manques sur le plan de la recherche spatiale, l'Union Européenne devrait pouvoir obtenir ces informations et les utiliser.

Voici le système de cartographie satellitaire qui prend des images télescopiques de la Terre. Nous espérons que cela nous aidera grandement dans la cartographie de l'Inde. C'est semblable à ce que vous voyez sur les diapositives.

A la fin de mon exposé, je voudrais vous remercier de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer devant vous, merci beaucoup,

M. Pierre Cohen - Merci Monsieur PERUMAL.

3. M. Yannick d'ESCATHA, Président du CNES

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Mesdames et Messieurs, bonjour à toutes et à tous.

Je voudrais d'abord remercier les organisateurs de m'avoir invité à ce colloque pour parler de l'espace au service des citoyens. Le 26 novembre, nous fêterons le quarantième anniversaire du lancement du premier satellite français A1, encore nommé Astérix, par la fusée française Diamant A. A cet événement sont directement liées les deux séances matinales du colloque qui nous réunit aujourd'hui.

La fusée Diamant A offrait à la France et à l'Europe l'accès autonome à l'espace et inaugurait une ère de succès, de compétences qui permet aujourd'hui à l'Europe de disposer d'une véritable garantie d'accès indépendant à l'espace et de préparer l'avenir de ses capacités de lancement. Ce satellite A1, de son côté, illustrait même très modestement l'apport essentiel des techniques spatiales au progrès des sciences et des techniques.

Depuis quarante ans la politique spatiale française est ainsi bâtie autour de ces deux objectifs :

- un espace à atteindre,

- un espace à connaître et à utiliser.

Pour autant, dès cette époque mais plus encore aujourd'hui, notre Terre reste un des objectifs les plus essentiels de l'entreprise spatiale.

Elle est si belle notre petite planète bleue vue d'en haut, n'est-ce pas Madame la Ministre, si fragile, on l'aime et elle aussi nous fait rêver. C'est d'ailleurs pour cela que le CNES en a fait son slogan : « de l'espace pour la Terre ».

La politique spatiale de la France au sein de l'Europe a pour priorité de mettre l'espace au service des citoyens, comme l'affirme le titre de ce colloque. L'innovation, la conception, la programmation, la mise en oeuvre et le suivi industriel, le traitement et l'exploitation des données, en matière d'applications spatiales au service de nos concitoyens, tout cela correspond à la vocation profonde et aux missions prioritaires confiées au CNES.

En effet, il me semble que nous sommes en train de changer d'époque. Nous passons d'une technologie « push », c'est-à-dire faire tout ce qu'il est possible de faire techniquement, au « market pool », c'est-à-dire faire uniquement ce que le marché, qu'il soit institutionnel ou commercial, demande au service du citoyen, de sa santé, de son environnement, de sa sécurité, de son éducation etc.

Le colloque nous invite à réfléchir sur les ambitions de la politique spatiale européenne à l'horizon 2015. Nous savons d'expérience que le délai de dix ans qui nous sépare de cette date est extrêmement proche - à cette date le système Galileo, dont je vais reparler, sera fonctionnel au mieux depuis quelques années - mais aussi très lointain.

D'ailleurs un regard rétrospectif sur l'état des sciences et des techniques, de l'économie et de la politique d'il y a dix ans, suffit à nous inviter à la prudence lorsqu'il s'agit de faire un exercice de prospective à dix ans.

La prudence ne doit et ne peut cependant pas conduire à l'immobilisme, on doit voir loin, c'est une nécessité, on doit préparer l'avenir, car nos missions sont autant de responsabilités à l'égard de nos concitoyens pour répondre à leurs besoins.

A ce sujet, je voudrais également insister sur la responsabilité qui consiste à assurer la continuité des services opérationnels qu'apportent nos systèmes spatiaux, car ils sont devenus indispensables dans la vie de tous les jours de nos concitoyens. C'est donc une véritable responsabilité d'en assurer le remplacement en fin de vie et de préparer les générations suivantes.

Il convient de bien préciser les rôles et les responsabilités des différents acteurs si effectivement on veut être les plus efficaces et à ce niveau, je voudrais insister sur un point.

Nous connaissons tous le rôle moteur que joue et que devra jouer encore davantage dans l'avenir l'Union européenne, en particulier la Commission, pour fédérer et exprimer les besoins des citoyens européens. C'est son rôle, notamment pour ce qui concerne les applications spatiales à travers son Programme cadre de recherche et développement, comme c'est le cas actuellement.

A cet égard les deux priorités majeures retenues par l'Europe sont :

- le système européen de navigation par satellite Galileo,

- l'initiative en matière de surveillance mondiale de l'environnement et de la sécurité GMES.

C'est ainsi que dans le contexte d'élaboration de la politique spatiale européenne qui est d'actualité, et par-là même d'un programme spatial européen, l'espace est mentionné explicitement dans les propositions du 7 e PCRD en tant que domaine nouveau pour l'Union où la recherche joue un rôle moteur, et devrait donner lieu à des applications spécifiques orientées vers la satisfaction des besoins des citoyens européens.

Cette prise de conscience, qui se développe très clairement et qui se répand, de l'importance du spatial pour répondre aux aspirations des citoyens européens, ne se traduit en fait pas encore par une volonté politique suffisamment affirmée au niveau des institutions européennes.

Puisque l'objet de ce débat concerne la prospective à dix ans et qu'il a lieu à l'initiative de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, eh bien je souhaite attirer l'attention sur la nécessité de renforcer les responsabilités de l'Union européenne en matière spatiale de façon que bien avant l'échéance de 2015, celle-ci soit en mesure d'assumer son rôle dans la mise en place et le renouvellement des infrastructures spatiales que nécessiteront ses propres politiques communautaires ainsi que la continuité des services opérationnels répondant aux besoins quotidiens des citoyens européens.

Je vais passer à quelques illustrations. En effet, les utilisations de l'espace au service des hommes mêlent étroitement, selon les cas, selon la maturité des techniques astronautiques, des techniques non spatiales, des marchés institutionnels et des marchés de masse. Je vais prendre quelques exemples parmi une multiplicité d'applications commerciales ou institutionnelles que vous connaissez et que l'on peut segmenter usuellement en quatre grands domaines stratégiques :

- les applications grand public, je parlerai de Galileo et des télécoms ;

- le développement durable, je parlerai de GMES ;

- les sciences spatiales qui ont été traitées lors de la table ronde de ce matin ;

- la sécurité et la défense qui vont faire l'objet de la table ronde qui suit.

Galileo est un programme fondé spécifiquement sur les techniques spatiales en forte coopération européenne internationale. Destiné à donner à l'Europe son autonomie dans une technologie à l'évidence clef pour le 21 e siècle, ce programme constitue un enjeu stratégique et économique majeur. Il s'agit de répondre aux besoins gouvernementaux de sécurité et de défense, mais aussi aux besoins de la société où l'usage de la technologie va se banaliser dans tous les secteurs. Exactement comme nous ne pouvons plus nous passer de notre téléphone portable, nous ne pourrons plus nous passer de notre Galileo.

La France soutient fortement cette initiative depuis l'origine, et le CNES, qui a fortement contribué à orienter les grands choix d'architecture du système, apporte son concours aux instances européennes auxquelles les États membres ont confié la gestion de ce programme, l'entreprise commune Galileo, l'Agence spatiale européenne puis l'Autorité de surveillance Galileo demain.

Au regard de l'importance stratégique et des retombées économiques du projet Galileo pour tous les pays européens, la France n'a jamais entraîné de blocage du programme et a encore récemment voté en faveur de sa poursuite sans retard dans les instances de l'Agence spatiale européenne.

Compte tenu de l'engagement français pour la réalisation du programme Galileo, aussi bien en niveau qu'en implication de ses experts dans les négociations sur les fréquences et sur le service PRS par exemple, la France souhaite, comme vous le savez, accueillir les activités du siège du concessionnaire qui assurera le déploiement et l'exploitation de Galileo et le centre pour la sécurité et la sûreté du système rattaché à l'Autorité de surveillance Galileo.

Les télécommunications spatiales constituent à l'évidence le premier marché de masse des technologies spatiales. Ces systèmes de télécommunications spatiales continueront à offrir en complément et en synergie avec les systèmes terrestres, des services de diffusion et de communication de plus en plus diversifiés, performants et contribueront à la convergence entre les services fixes et mobiles. La télévision numérique haute définition, l'accès à l'Internet haut débit, les services de diffusion de contenu télévisuel et multimédia vers les mobiles sont les grands axes de développement qui auront atteint leur maturité bien avant l'horizon 2015.

Les mêmes services seront également offerts pour répondre aux exigences de la défense. Le CNES et le ministère de la Défense ont déjà commencé à y travailler ensemble dans le cadre de leur équipe défense qui est commune, ceci dans une perspective de coopération européenne.

A court terme, notre mission doit aussi se tourner vers la question de la fracture numérique, enjeu majeur pour l'aménagement du territoire. Les solutions bidirectionnelles d'accès à Internet par satellite sont aujourd'hui techniquement matures. Elles peuvent répondre aux demandes et attentes des collectivités, des PME-PMI, des travailleurs indépendants, etc.

On peut par exemple mentionner notre concept de villages communicants. Un tel enjeu, à un niveau cette fois-ci infiniment plus important, existe au niveau mondial dans les pays du Sud comme l'a très bien montré la présentation du Docteur PERUMAL. Santé, éducation, télétravail, notamment, sont les domaines les plus directement concernés par ces usages des nouvelles techniques d'information et de communication, spatiale ou non.

Le programme GMES met en oeuvre la capacité des techniques spatiales à offrir une appréhension et une connaissance globale des phénomènes qui régissent le fonctionnement extraordinairement complexe et incompris de notre planète. Mais il présente aussi la particularité de recourir à des technologies non spatiales. Ainsi pour l'observation océanique, les satellites dédiés ne doivent pas faire oublier l'apport des 1 500 balises disséminées de par les océans du globe.

Ce type d'application exige d'importants efforts en matière de collation et de fusion des données, d'échanges, de coopération, etc., tout comme je le répète à nouveau, en matière de pérennité et de continuité des services rendus. Dit autrement, il y a dans un tel domaine une grande exigence de cohérence technique et organisationnelle, dans des systèmes très complexes qui font intervenir un très grand nombre d'acteurs.

Les technologies spatiales peuvent donc se trouver en concurrence avec d'autres, terrestres, plus réactives par rapport au marché. Force est de reconnaître que les techniques spatiales nécessitent un temps de latence plus grand dans leur développement.

La difficulté dans la prise de décision de nouveaux programmes d'applications spatiales réside notamment dans l'anticipation et la juste évaluation de la maturité des nouvelles technologies spatiales par rapport à leurs concurrentes terrestres, par rapport aussi à la maturité et à la volatilité du marché ou dans la capacité d'intégrer, dans une approche globale, la spécificité de la niche spatiale dont nous entendrons certainement parler dans les interventions qui suivront.

J'en arrive à ma conclusion et je voudrais évoquer deux autres exemples importants dans le domaine du développement durable.

M. Perumal en a parlé et je vais y revenir rapidement. Je dirai un mot de la télésanté et de la charte sur les catastrophes naturelles.

Parler de santé, c'est s'intéresser dans un premier temps à celle de l'individu. Que la personne se trouve géographiquement isolée sur Terre - et au CNES nous connaissons les besoins de la Guyane - sur mer ou en avion, la mission de la télésanté est de lui permettre d'accéder à tout moment et en tout lieu à un service médical susceptible de la soigner du moins de poser un diagnostic et de faire les premiers gestes. Il s'agit donc d'assurer sa survie, son bien-être, mais aussi le contrôle des coûts, une évacuation sanitaire coûte 2 000 € de l'heure, un détournement au sens volontaire du terme d'avion de 250 à 400 000 €.

La télésanté s'intéresse aussi aux populations, autrement dit à la santé publique et à l'épidémiologie. Elle cherche à prédire l'évolution des épidémies en fonction de celles des caractéristiques environnementales, car il y a bien souvent des liaisons entre les deux. En Afrique, en Chine, en Amérique du Sud, plusieurs sites, plusieurs études pilotes dédiés aux fièvres hémorragiques ou à la dengue permettent de mieux analyser les perspectives prometteuses offertes par ces techniques et ces coopérations qui rejoignent une actualité brûlante.

J'en termine avec la « Charte internationale espace et catastrophes majeures » à l'origine de laquelle se trouvent le CNES, l'ESA et d'autres agences nationales, charte créée en 2000. Les organismes de sécurité civile, de sauvetage ou défense peuvent désormais s'appuyer sur les ressources spatiales pour avertir, mesurer causes et conséquences des désastres, et intervenir.

L'activation de la charte déclenche le processus de recueil des données satellitaires et leurs conversions en images directement exploitables. Son objectif consiste à fournir rapidement informations ou services issus des moyens spatiaux les plus susceptibles de contribuer à la gestion de la crise et à l'organisation des secours, là et au moment où ça se trouve, dans les circonstances en question. Déclenchée à 91 reprises depuis 2000, elle l'a déjà été 25 fois depuis le début de cette année 2005.

Ces deux missions illustrent les caractéristiques de l'entreprise spatiale internationale et ses perspectives prometteuses pour l'avenir : un large spectre d'appréhension de la réalité, du plus local au plus global, une capacité particulière à la veille et à la réaction rapide.

Elle montre également que pour les personnes humaines, aux divers niveaux de société qu'elles occupent, leur santé, leurs besoins, leur bien-être, leur sécurité restent au coeur des programmes spatiaux. Notre fierté est d'avoir été parfois à l'origine même de telles missions avec nos partenaires de par le monde entier, notre volonté, de les poursuivre et de les amplifier, car l'utilisation de l'espace est bien indispensable à la connaissance, à la compréhension du fonctionnement de notre belle planète et donc à la protection de la vie sur la Terre ce qui me permet de conclure que l'espace est bien l'avenir de l'humanité.

Je vous remercie de votre attention.

M. Pierre Cohen - Merci, Monsieur d'ESCATHA, de votre intervention avec cet hymne d'amour à la Terre.

4. M. Sergio VETRELLA, Président de l'Agence spatiale italienne (ASI)

Monsieur le Président, Messieurs les Membres des Assemblées, bon après-midi.

Je vais essayer de réduire ma présentation et de la faire en cinq minutes. Je dois simplement souligner trois points que j'ai à l'esprit sur lesquels je travaille depuis le début de ma présidence.

Il semble qu'en regardant l'avenir, la première approche qu'il faut adopter est de regarder en arrière.

Le premier problème est d'identifier ceux auxquels on doit faire face et en se fondant sur les activités que nous avons eues dans l'espace depuis.

Si l'on veut considérer les nouvelles applications au service du citoyen, il est nécessaire de prendre en compte que si nous n'avons pas investi dans ce secteur, nous avons beaucoup investi dans les infrastructures de l'espace sans prendre en compte la quantité, qui était nécessaire en termes d'applications et de services. Nous avons beaucoup d'expériences et d'exemples dans lesquels une fois les satellites déployés, on a découvert qu'il n'y avait pas suffisamment d'argent pour opérer la recherche pour l'application et les services.

Il me semble qu'il faut prendre en compte ce que mon ami Yannick d'Escatha a déjà dit, c'est-à-dire en respectant les règles de l'Union européenne, et je veux souligner qu'il est absolument indispensable d'appliquer ces approches qui sont nécessaires. Lorsque qu'on conçoit un nouveau satellite, une nouvelle infrastructure spatiale, il faut avoir constamment à l'esprit l'application possible, les services et le type d'investissement qu'on doit mettre en parallèle sur la table.

Il est certes nécessaire de prendre en compte les impacts politiques de la fabrication en Europe, le nombre d'employés, de travailleurs et aussi de considérer combien de sociétés, PME, PMI, existent pour pouvoir soutenir l'industrie fabricante.

Nous avons fait souvent une erreur récurrente, c'est-à-dire que nous avons pris en compte ces infrastructures de conception et de fabrication, mais nous avons oublié le budget nécessaire pour développer les applications, les services, et la recherche nécessaire pour atteindre ces résultats.

L'exemple est très simple. Il n'est pas nécessaire de concevoir de trains si vous n'avez ni les rails ni les passagers. Pour aider la fabrication, l'industrie, nous avons la responsabilité de prendre en compte le fait qu'il faut développer ces applications et services pour que, lorsque qu'ils seront développés, il y ait un train et des contrats pour développer cent trains de ce type.

C'est une table ronde, je ne vais pas simplement faire la liste des applications et des services impliqués du point de vue de l'investissement, ce n'est pas mon problème aujourd'hui. Je veux simplement dire qu'il faut prendre en compte les besoins pour changer notre approche afin d'aider notre industrie.

Deuxième aspect : les nouvelles applications. Il me semble que c'est extrêmement important, car l'avenir est concerné et je voudrais souligner deux points.

Premièrement, en ce qui concerne l'intervention et la prévision des catastrophes naturelles, tout le monde prend en compte aujourd'hui la beauté, tout le monde sait ce qu'est un astronaute qui vole dans l'espace, dans le vide, et on prend en compte ce qu'on a fait en termes de nouvelles technologies.

Comment est-il possible qu'aujourd'hui on soit incapable d'avoir un modèle validé d'un point de vue de la prévention des glissements de terrains ou des inondations ?

Qu'avons-nous fait en termes d'investissements dans ces secteurs ?

Combien de personnes travaillent dans ces secteurs ?

Combien d'argent reçoivent-ils ?

C'est le premier problème auquel il faut faire face.

En ce qui concerne les nouvelles applications de l'avenir, les futures applications, le premier point est que nous avons besoin d'identifier avec précision les priorités au sein de ces besoins. Il faut avoir le courage de choisir, dans cette liste de priorités, la première, la deuxième et la troisième et de faire de notre mieux afin d'investir l'argent nécessaire pour pouvoir aller de l'avant en ce qui concerne la recherche dans ces domaines.

Deuxièmement, il me semble - et c'est un domaine dans lequel nous travaillons beaucoup - que les applications futures sont toujours liées à notre capacité d'intégrer dans un système mobile unique la navigation, les télécommunications et les satellites d'observation Terrestre.

Il me semble que les autres approches dont nous aurons besoin, en particulier du point de vue des catastrophes naturelles, sont notre capacité à offrir un terminal qui intègre les satellites de navigation, les signaux, les données, les télécommunications, toutes ces observations afin qu'en cas de catastrophe naturelle nous puissions intervenir en temps réel.

Pour résumer, il me semble - et c'est un des problèmes auquel nous devrons faire face en décembre lorsque nous aurons le prochain conseil ministériel - que l'effort principal est qu'il faudra regarder vers l'avant et essayer d'obtenir toute l'expérience nécessaire pour résoudre les problèmes sans être trop liés au passé. C'est un grave problème auquel nous devrons faire face.

Merci de votre attention.

5. M. Daniel SACOTTE, Directeur des programmes des vols habités, de la microgravité et des programmes d'exploration, Agence spatiale européenne (ESA)

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Messieurs les Parlementaires, je remplace M. Dordain, retenu par la préparation du conseil ministériel.

Nous avions une réunion aujourd'hui. J'y ai présenté mes programmes ce matin, si bien que je n'ai pas pu être présent à la table ronde à laquelle j'aurais dû participer, c'est-à-dire l'exploration, qui est le sujet dont je m'occupe. Je vais parler des applications du point de vue d'un néophyte, ce qui, parfois, n'est pas trop mauvais.

La première question que je me suis posée est de savoir quelles sont les attentes d'un citoyen français qui vit dans un pays au Nord. Elles sont très simples, ce sont l'éducation, la santé, la sécurité globale ou locale, un meilleur environnement, de l'énergie sûre, un accès facile à l'information, de l'emploi, des loisirs, enfin beaucoup de choses. Dans cette liste qui me vient comme ça, l'espace est présent à peu près partout.

C'est intéressant parce qu'on voit que l'espace non seulement participe à des grandes aventures comme l'aventure Galileo, mais irradie aussi de façon assez importante les activités qui sont les activités humaines et les attentes des citoyens.

Un certain nombre d'exemples a été donné. En ce qui concerne un peu le point de vue des systèmes, je vais dire deux mots - ce sont des sujets que j'ai à traiter - par exemple de l'éducation ou de la santé.

Dans le domaine de l'éducation, l'espace a un certain nombre de rôles à jouer.

Le premier est que l'espace est une activité extraordinairement motivante. Elle attire l'attention des jeunes, c'est une des seules activités qui fait et fera que des vocations en matière scientifique, mathématique ou encore d'ingénieur, vont se développer.

Cette valeur de l'espace, les valeurs que l'espace propose et en même temps les techniques sur lesquelles elles sont fondées, va jouer un rôle important et je crois que c'est vrai pour le programme spatial dans son ensemble.

L'espace apporte aussi un certain nombre d'éléments qui vont être utilisés dans les différents cursus, des éléments pédagogiques et d'une qualité extraordinaire. Le Président d'Escatha parlait tout à l'heure de la magnifique planète bleue qui est la nôtre. A l'heure actuelle, sur un certain nombre de livres de géographie, on voit cette planète et finalement les enfants ont l'impression qu'ils vivent sur une planète, ce qui est quelque chose d'important.

De même dans les programmes de géographie, en tout cas en France, la télédétection et la cartographie sont maintenant traitées à partir d'une approche spatiale, ce qui est aussi quelque chose d'essentiel. Cela irradie notre culture et je crois que c'est extrêmement important.

C'est vrai en géographie et en physique. Mme la Ministre sait très bien que nous avons développé un certain nombre de DVD qui montrent aux enfants les lois les plus élémentaires de la physique. Ce sont des expériences réalisées par des astronautes qui deviennent extrêmement simples à comprendre et qui font là aussi progresser.

Je parle également de la biologie puisque, dans le domaine de l'éducation de la biologie physiologie, il y a un certain nombre de sujets qui sont très directement utilisés.

Enfin - cela a été cité par le représentant de l'ISRO et aussi par M. Vetrella et M. d'Escatha - l'utilisation des moyens spatiaux, notamment des télécommunications, va jouer un rôle essentiel dans la télé-éducation qui peut représenter une source extraordinaire de développement, bien sûr, pour les pays en voie de développement mais pas uniquement, car cela peut être considéré comme des techniques qui peuvent être utilisées aussi par les pays développés.

C'est un exemple et je pourrais également donner l'exemple de la santé. Il est évident que ce n'est pas l'espace qui va révolutionner la santé, mais le Président d'Escatha l'a expliqué tout à l'heure, l'espace peut apporter un certain nombre de simplifications, de progrès qui sont des progrès opérationnels par l'utilisation des moyens de diagnostic à distance, des moyens de communications, etc.

Je voudrais aussi ajouter ce que, dans le domaine dont je m'occupe à l'heure actuelle, c'est-à-dire celui des vols habités entre autres, nous avons été amenés à faire pour le monitoring des astronautes. Ce qu'a dit tout à l'heure le Président Vetrella est tout à fait juste, nous consacrons beaucoup d'argent à ce monitoring des astronautes, c'est-à-dire à peu de personnes dans un milieu vraiment très particulier. Ce monitoring des astronautes nous a cependant permis et a permis à l'ensemble hospitalier de développer un certain nombre de techniques de gestion à distance, de gestion en hôpital et de surveillance, qui ont des applications de tous les jours et extrêmement puissantes pour notre futur.

Je ne vais pas parler du pyjama pour les bébés qui va permettre de prévoir la mort subite du nourrisson, cela existe, c'est développé et c'est maintenant opérationnel. Je pourrais avoir d'autres exemples dans le domaine de la sécurité, mais comme il en sera question plus tard, ce ne sera peut-être pas la peine.

En ce qui concerne le domaine de l'environnement - je pense que José Achache en parlera beaucoup - celui de l'énergie, j'y reviendrai.

Je voudrais dire que la science d'aujourd'hui fait les applications de demain et que ce sont les applications de demain qui feront la société d'après-demain. Il est évident que notre société d'aujourd'hui, qui est une société d'information, du moins chez nous en Europe, existe parce qu'un certain nombre de recherches ont été conduites.

Personne ne pensait que les premiers travaux sur l'électricité, l'électronique, l'informatique, etc. déboucheraient sur une totale révolution de société qui est notre révolution d'aujourd'hui et sur un certain nombre de problèmes comme la fracture numérique qu'il faut combattre, mais sur une vision du monde qui n'a absolument rien à voir avec la vision du monde qui était celle qui existait quand j'étais enfant, ce qui commence à faire assez longtemps.

Quand Marie Curie manipulait le radium, personne ne se doutait qu'on aurait un jour de l'énergie sûre et propre dans un certain nombre d'États, je veux parler de l'énergie nucléaire. Il ne faut donc pas négliger cette composante, la science. Et la science se développe en particulier à partir de grandes missions spatiales.

C'est un appel important que je fais pour notre prochaine conférence ministérielle : ne pas négliger la science, l'exploration, les nouveaux programmes que nous lançons.

Je vais dire deux choses qui peuvent paraître un peu absurdes. Nous allons lancer dans quelques jours, le 9 novembre, Vénus Express. C'est l'exemple poussé à l'extrême d'une planète qui se débat dans un effet de serre absolument épouvantable : il y fait plusieurs centaines de degrés, on est dans un nuage de gaz carbonique.

Pourvu que notre belle Terre ne devienne pas quelque chose comme ça. Il est donc très important aussi de comprendre comment une planète, avec cette espèce de manteau terrifiant de gaz carbonique, évolue et se trouve confrontée à des situations extrêmes. Ce n'est pas pour cela que nous allons étudier Vénus, mais il y a quand même un intérêt dans ce domaine.

L'exploration dans le domaine qui est le mien est que nous allons chercher la présence de la vie sur Mars, voir si elle existe. Le jour où nous la trouverons, je pense que du point de vue des sociétés - c'est loin des applications, mais c'est important du point de vue des sociétés - cela représentera une révolution assez importante et je crois qu'il faut bien y réfléchir.

Il y a un autre problème que nous allons trouver dans l'exploration lunaire. On n'en parle peut-être pas beaucoup aujourd'hui en Europe, mais cela va devenir un sujet absolument essentiel dans les années qui viennent. Or, pour faire de l'exploration lunaire, programme encore bien loin des applications, il va falloir maîtriser un certain nombre d'éléments : une énergie importante, propre, qui ne nécessite pas un transfert depuis le sol de la planète Terre jusqu'au corps céleste de la Lune.

Aujourd'hui on pense à des petites centrales nucléaires hyper sûres, hyper propres, sujet intéressant qui demandera un certain nombre d'investissements, qui peut avoir des conséquences importantes, ne serait-ce que dans la façon dont l'Europe et le monde vont gérer leur problème énergétique. A l'heure actuelle, on ne fait pas de petites centrales, mais des grosses. Rien que ce problème de passer de la grande à la petite échelle est un problème très important dans le futur.

Pour aller sur la Lune, il ne faut pas emporter trop de choses, car cela coûte très cher. Le moindre litre d'eau doit être recyclé, recyclé et recyclé encore. Il va donc falloir développer des systèmes de recyclage, de récupération, de contrôle d'environnement qui trouveront des applications dans le futur d'une planète Terre dont l'énergie va se trouver un peu raréfiée, qu'il ne va pas falloir trop gaspiller. Il y a un certain nombre de progrès à faire.

Ma plaidoirie est un peu longue peut-être, sur la nécessité d'avoir une ambition scientifique qui est à l'origine de toute ambition des sociétés.

Pour conclure, Monsieur le Président, comme je l'ai dit certains se préparent à avoir une conférence ministérielle qui est ce processus un peu étonnant dans lequel, tous les trois ans, des ministres se rencontrent pour décider de programmes ; nous sommes actuellement en train de les préparer.

Parmi ces programmes, il y a un programme phare qui, après Galileo, est GMES, le programme de gestion de l'environnement et de la sécurité, qui a des composantes extrêmement importantes pour le futur dont on parlera, c'est notre première priorité.

La deuxième priorité est l'exploration et la science, parce qu'elles modèlent toutes deux le futur et nous espérons là encore que des décisions seront prises.

Il est évident que d'autres sujets seront proposés. Notre Directeur général en a proposé cinq, je n'en ai retenu que deux.

Merci.

M. Pierre Cohen - Merci, nous avons parlé d'environnement, de GMES et je donne maintenant la parole à José ACHACHE.

6. M. José ACHACHE, Directeur du Group on Earth Observations (GEO)

Monsieur le Président, Messieurs les Parlementaires, Mesdames et Messieurs, permettez-moi, comme tout le monde, de vous remercier de m'avoir invité à cette table ronde. Et plus particulièrement puisque, maintenant, je suis à la tête d'une organisation intergouvernementale, je n'ai pas à me mêler des affaires françaises ou européennes, mais comme j'ai été Français dans le passé et encore plus récemment Européen, je le fais avec une certaine affection.

Je vais effectivement me limiter aux affaires d'environnement et de sécurité, car s'il y a un sujet dans lequel l'espace peut être utile, c'est le domaine de l'environnement et de la sécurité. Je crois que l'actualité de ces derniers jours a été suffisamment explicite pour montrer combien le changement climatique, la prévision météorologique et le problème des catastrophes naturelles sont des problèmes qui nous touchent et vont nous toucher de plus en plus.

On peut d'ailleurs prendre le terme de sécurité dans un sens encore plus large. On a évoqué à plusieurs reprises la sécurité sanitaire, on parle maintenant de grippe aviaire, mais il y a toujours la malaria qui reste le premier tueur mondial, la plus grosse épidémie en quantité, dont le responsable est encore le paludisme.

Il y a les problèmes de l'eau avec les inondations, mais aussi les problèmes de sécheresse. On l'ignore parce que le tremblement de terre au Pakistan ou Katrina et autres font les premières lignes, mais les plus grosses catastrophes naturelles, celles qui font le plus de victimes aujourd'hui dans le monde sont les sécheresses : 30 000 morts cette année en Afrique. On n'en parle pas du tout, c'est un problème lié aux ressources en eau, au changement climatique et à la sécurité, c'est quelque chose qui doit être traité.

Avec tout cela, nous savons que l'espace peut apporter une solution. Nous avons déjà travaillé suffisamment sur ce sujet pour savoir que l'espace a une réponse à ces problèmes. La question n'est pas tant de savoir ce qu'ils sont et ce que peut faire l'espace, mais finalement quels sont les problèmes et comment on peut arriver à faire quelque chose à partir de l'espace dans ce domaine de l'environnement et de la sécurité.

En d'autres termes ce qu'on a fait jusqu'à aujourd'hui, qui nous a permis d'arriver là où on est, et ce qu'on n'a pas fait ou qu'on n'arrive pas à faire pour véritablement créer ce GMES.

Une fois n'est pas coutume, je ferai une présentation sans diapositives. Je pense d'abord qu'il faut arrêter de montrer ces très belles images parce qu'elles masquent d'une certaine façon notre degré d'ignorance de l'information qui est réellement dans ces images et du travail qu'il reste à faire pour savoir les utiliser, et puis ça change un peu.

Tout d'abord quelques questions.

Les enjeux sont des enjeux globaux, et il est clair que tous ces problèmes dont nous parlons sont des problèmes globaux auxquels il va falloir apporter une réponse globale. Cela veut dire que je suis très content d'être désormais à la tête du GEO qui est finalement l'extension mondiale de ce que nous voulions faire en Europe avec GMES.

Je tiens à rappeler ici que lorsque les Américains sont venus nous voir avec ce projet d'un sommet à Washington pour créer ce GEO qui n'était rien de plus qu'un copié-collé de GMES, mais à l'échelle mondiale, ma première réaction avec la ministre de la recherche de l'époque, Claudie Haigneré, était de dire qu'il n'était pas question d'y aller, nous avions trois ans d'avance, nous avions déjà le GMES, pourquoi nous nous mélangerions à un truc qui allait nous gêner.

Je pense que la ministre a eu raison de nous encourager à participer à ce GEO et à faire de GMES la composante de ce GEO, c'est-à-dire de ce Global Earth Observation, System of Systems. Il respectera les prérogatives et l'indépendance des différents pays, permettra à chaque pays, chaque région et chaque groupe d'apporter sa contribution à ce système. Mais d'un point de vue fondamental, il ne peut être qu'un système global international en tout cas multilatéral.

Pourquoi ? Fondamentalement - et c'est très important - il n'y a pas de bijection entre systèmes spatiaux et problèmes d'environnement. En d'autres termes, vous ne pouvez pas fabriquer une constellation pour régler le problème des catastrophes naturelles, une autre pour régler celui de l'eau et une autre encore pour faire de l'agriculture.

Alors qu'on est parti d'un système dédié à la météo, qu'il y a quelques initiatives de lancer des systèmes dédiés aux catastrophes, je pense que nous devons aller maintenant vers une approche transverse où tous les problèmes seront traités globalement par un seul système qui est ce GEO, ce système de systèmes.

Je crois que si 58 pays, la Commission européenne et 47 organisations internationales ont décidé de participer à ce GEO, c'est bien parce qu'ils reconnaissent la validité qu'il y a à mettre tous les moyens ensemble et surtout à traiter l'ensemble des problèmes.

Une caractéristique du GEO est qu'il traite des applications dans neuf thèmes différents qui sont les catastrophes naturelles, l'eau, l'épidémiologie, l'énergie, le climat, la météo, la biodiversité, etc., et qu'il faut les traiter tous ensemble, pourquoi ?

La première raison est qu'il n'y a pas de bijection simple entre les systèmes. Prenez l'altimétrie qui a été lancée pour observer les océans. Le premier véritable résultat scientifique de l'altimétrie a été le Géoide, c'est-à-dire une bien meilleure détermination du champ de gravité de la Terre, ce qui n'était pas du tout sa mission.

Ensuite il y a eu tout ce que nous avons fait en océanographie qui a permis de mesurer avec une grande précision la montée des océans, d'élucider le mécanisme d'El Niño. Nous l'avons ensuite étendu aux rivières et maintenant, nous commençons à faire de la gestion des eaux continentales à partir d'altimétrie.

Dans le cas du tsunami et toujours à travers l'altimétrie, on a également un instrument de détection de tsunami absolument clair sous réserve qu'on ait la constellation voulue.

Un système défini va donc servir toute une série d'applications qu'il faut toutes traiter.

Un autre exemple est le landcover . C'est un paradoxe, mais pour un scientifique le fait d'avoir une communauté du landcover est une sorte de stupidité et j'aimerais bien qu'elle s'arrête un jour. Le landcover n'est pas un phénomène scientifique mais un paramètre ; on n'a pas de communauté de vent ou d'ondes F.

En revanche, le landcover sert pour l'agriculture, en épidémiologie. Dans le cas des méningites par exemple, à partir du landcover on est capable d'avoir une estimation du risque de méningite six mois à l'avance. Cela sert également dans la prévision des feux et des inondations.

Il y a donc une transversalité des systèmes. A cet égard, si on me demandait aujourd'hui la constellation ou le système spatial dont on a le plus besoin, je dirais sans hésiter que c'est la mission des précipitations globales.

Les précipitations, la pluie, sont un paramètre fondamental en météo. Seuls les pays riches ont la capacité d'avoir des radars au sol qui mesurent la météo, et d'avoir donc des prévisions météo de bonne qualité. Dans la plupart des pays, cela n'existe pas. C'est bien sûr utile non seulement pour la météo, mais aussi pour le changement climatique, la gestion de l'eau, la prévision des inondations, la gestion de l'énergie et en particulier l'énergie hydroélectrique.

Avoir une connaissance permanente et globale des précipitations est probablement la mission qui servirait le mieux l'ensemble de ces besoins.

Transversalité toujours au sens où chacun des domaines sert les autres. La météo sert à mieux gérer la grille énergétique. Vous savez qu'aujourd'hui on n'arrive pas à intégrer les éoliennes dans les grilles de distribution. Comme le moment où elles apportent de l'énergie ne peut pas être anticipé, la gestion globale de la grille est très difficile à faire.

De la même façon, avoir une gestion anticipée des apports d'eau pour la composante hydroélectrique est évidemment la composante climatique pour savoir quelles seront les variations prévisionnelles dans la consommation.

On pourrait ainsi faire défiler toute une liste d'exemples de bénéfices croisés.

Du coup, les initiatives individuelles où on fait une constellation pour faire une application me paraissent une idée vraiment mal fondée. L'exemple de DMC en est un. DMC n'a pas servi à grand chose et il y a là un peu le syndrome du microsatellite qui vole sans produire de données.

RapidEye est un projet allemand et j'espère qu'il va s'intégrer dans une constellation avec Landsat, la Sentinelle 2 du GMES pour donner une donner une capacité globale d'observation du landcover et pas un business plan séparé.

Le fait que Terasar, Pléiades, Cosmo-SkyMed soient prévus pour être intégrés au sein d'un système GMES me paraît aller dans le bon sens.

Pour redire et insister sur un certain nombre de choses qui ont déjà été dites - Sergio Vetrella en particulier l'a très bien dit - ce qui manque aujourd'hui encore c'est d'améliorer et de démontrer la valeur des réponses que l'espace peut apporter et, dans ce domaine, on a du retard.

On a du retard non seulement dans l'amélioration, c'est-à-dire dans la recherche, mais aussi dans la démonstration, dans le marketing de ces applications, je vous donne quelques exemples.

Il y a six ou sept ans, j'étais à la tête du Réseau d'Innovation Technologique Terre et Espace. A l'époque, on a lancé un projet, PACT, sur la prévision des inondations. Cet été, les inondations dans un certain nombre de communes du Sud de la France ont été extrêmement bien gérées, du coup on n'en a pas parlé dans les journaux puisqu'il n'y a pas eu de catastrophe. C'est essentiellement un héritage de PACT.

Avec Antonio GUELL, on avait lancé un autre projet sur le suivi des épidémies en Afrique. Ce projet est maintenant totalement opérationnel au Burkina Faso et au Niger. Les choses continuent, mais c'est long.

Le fait que depuis trois ans, la Commission européenne et l'ESA avec son programme Service Element, fassent de la démonstration de projet, est extrêmement important. C'est en faisant de la démonstration de projet qu'on démontrera la capacité de l'espace, convaincra de sa capacité et qu'on permettra aux personnes de s'impliquer dedans et finalement d'exprimer leurs besoins avec un certain nombre de caractéristiques particulières. Ces dernières ont été indiquées, je les répète.

L'espace vient en complémentarité de l' in situ qui est nécessaire dans un certain nombre de domaines. Il est absolument nécessaire aussi d'avoir une continuité des observations, de s'assurer que l'altimétrie ne va pas s'arrêter après Jason 2, le landcover après Landsat et Spot 5. C'est absolument essentiel sinon d'un seul coup la machine s'arrête et la mécanique s'enraye.

Il faut aussi beaucoup plus de science parce que dans bien des domaines on promet, mais je ne suis pas sûr qu'on ait les moyens d'être aussi efficaces qu'on voudrait l'être, et dans ces domaines il faut que la recherche scientifique s'active.

Roger-Maurice Bonnet a présenté ce matin ces fameuses courbes montrant l'amélioration de la prévision météo à un, trois et cinq jours. Soit dit en passant, ce ne sont pas juste les modèles scientifiques qui améliorent, mais aussi le fait qu'il y a des données spatiales et que de ce fait on a des observations à la fois sur l'hémisphère sud et l'hémisphère nord. C'est davantage une démonstration de l'apport de l'espace qu'une démonstration de l'apport de la science, mais il est vrai que cela va ensemble.

Je crois qu'actuellement les sciences de la Terre sont en mutation parce qu'elles commencent à intégrer une autre façon de faire la science et de comprendre les processus terrestres en intégrant les données spatiales, ce qui a tendance à changer radicalement la façon de faire les sciences de la Terre.

Je ne crois pas que l'espace soit une façon meilleure d'observer la Terre que les observateurs in situ , c'est un point de vue radicalement différent, probablement un nouveau paradigme pour les sciences de la Terre et cela reste à mettre en oeuvre.

Finalement, les scientifiques eux-mêmes ne sont pas très allants sur cette affaire et j'ai tendance à trouver mes anciens collègues un peu mous en ce qui concerne leurs capacités à changer leurs façons de travailler et à intégrer les données spatiales dans leurs modèles. Et comme l'a montré la courbe à laquelle j'ai fait allusion, c'est extraordinairement efficace dans le cas de la météo.

Le dernier point sur lequel je voudrais insister au-delà de la science et de l'aspect transverse, est la question qui m'est chère depuis longtemps, c'est-à-dire celle de l'accès aux informations.

Je pense que pour que tout cela fonctionne, il faut que les gens - et j'emploie à dessein un terme vague - c'est-à-dire les scientifiques, les utilisateurs, les gouvernants, les conseillers, les technocrates, aient accès à l'information.

A cet égard, pour moi, deux communautés sont particulièrement importantes, celle des utilisateurs d'une part et celles des industriels d'autre part : quel rôle doivent-ils jouer et comment doit-on se comporter à leur égard ?

En ce qui concerne l'accès à l'information, lorsqu'on m'a proposé de prendre la direction du GEO, j'ai compris qu'il était un système qui devait finalement fournir un accès mondial à l'information sur la Terre et l'environnement. J'ai donc proposé qu'on rebaptise GEO en Google for Earth Observation qui donne également GEO.

Je ne croyais pas si bien dire parce que quelques semaines après on a commencé à parler de Google Earth dont je vous reparlerai tout à l'heure parce que je pense que, là, il se passe quelque chose de majeur.

En ce qui concerne les utilisateurs, on ne cesse de dire que comme GMES, GEO doit être user driven , demand driven . Le problème est que si vous demandez à un utilisateur lambda ce qu'il veut que l'espace lui apporte, il ne le sait pas. Et vous ne pouvez pas avoir de demande tant que vous n'avez pas mis quelque chose sur la table. C'est ce que M. MALENGRO avait réussi à formuler en quelques mots à la Commission.

Une démarche préparatoire à GMES doit être « deliver to learn ». Il faut lancer la machine, montrer ce qu'on peut offrir pour qu'ensuite les gens disent quel est leur intérêt. C'est ce que l'Inde a parfaitement fait et ce que nous a montré le Docteur Perumal tout à l'heure, est exactement cela. L'Inde ne s'est pas posé douze fois la question de savoir si elle attendait, s'il y avait une demande, etc., mais elle a offert le service et progressivement, maintenant, les utilisateurs, les villages explicitent leurs besoins et le service s'améliore.

Il est clair qu'il faut aller et fournir le plus vite possible toute l'information dont on a besoin à tous les utilisateurs. Finalement le problème de l'observation de la Terre aujourd'hui n'est pas un problème d'observation, mais un problème de communication, de fournir l'information, d'amener la donnée à l'utilisateur.

Prenez le cas des catastrophes. Le principal problème est l'alerte et pas la détection. On avait parfaitement détecté Katrina, je ne dirai pas la même chose du tremblement de terre et du tsunami, mais il y a d'autres catastrophes sur lesquelles on a l'information, mais cette information ne va pas où elle devrait.

La première initiative que va prendre le GEO est de lancer un projet, un programme - je ne sais pas encore comment le qualifier - qui va s'appeler Geonetcast. Il est bâti d'une certaine façon sur le Netcast, c'est-à-dire un système qui permet de faire le broadcast de l'information, en l'occurrence d'Eumetsat. Cette histoire est née d'un accident.

Il se trouve que l'un des Servicenet Amplifier sur MSG était défectueux après le lancement, si bien que la fonction de broadcast sur MSG n'a pas pu fonctionner. Du coup Eumetsat a décidé de voir si se tourner vers le marché, vers les professionnels du broadcast n'était pas plus efficace que d'avoir une fonction broadcast sur un satellite de météo. La réponse a été immédiatement positive. Cela donne un système de broadcast beaucoup plus efficace qui permet à Eumetsat de broadcaster les données et les premiers modèles assemblés.

Avec Geonetcas, on voudrait, en accord avec Eumetsat, étendre ce système à l'échelle globale et lui donner une fonction remontante. Il y a en effet un deuxième besoin en observation de la Terre qui est de collecter la donnée. De nombreux observatoires au sol, seraient susceptibles de fournir des informations, mais cette information ne remonte pas vers les centres de calculs, de modélisation.

Cela vaut pour des stations d'observation géophysique comme pour les réseaux sentinelles en épidémiologie. L'essentiel de l'information sur les épidémies en Afrique est détecté par des médecins de brousse qui ne savent pas quoi en faire. Il y a normalement un réseau MS qui collecte les informations, mais il fonctionne très mal et les moyens techniques n'existent pas.

Geonetcast serait le network pour faire la collection et le casting pour pouvoir rebroadcaster l'information à l'ensemble des utilisateurs et des participants afin de la rendre utile.

Et je terminerai, sur le rôle, la place de l'industrie. On a commencé quand on a voulu faire de l'observation de la Terre à des fins appliquées et commerciales.

Le passé c'était Matra, Aérospatiale, Alcatel et un business modèle extrêmement classique où on fabrique des satellites, produit des images que l'on vend. C'est ce qui a prévalu pour Spot 1 à 4 et Envisat. Si ce n'était pas un désastre, ça n'a pas donné grand chose.

Le présent a un peu évolué. Jean-Marc NASS à Spot Images a lancé une initiative d' anchor tenancy , c'est-à-dire trouver de gros clients à qui il allait donner ces informations, ces images en vrac. Ce sont eux qui, en contact avec le marché, allaient essayer de les diffuser de façon beaucoup plus adaptée à chacun des utilisateurs. Cela a été mis en place pour Spot 5 et Jean-Marc Nass a été capable de ramener le résultat de Spot Images très au-dessus de la barre et d'opérer un véritable renversement. Ce n'est cependant que le début du changement.

D'ailleurs les autres grands opérateurs, les Orbimages et les Digital Globe font également de l' anchor tenancy , mais avec un seul client qui est la NGN.

Qu'est-ce qui va se passer dans le futur, comment ces choses vont-elles évoluer ?

A mon avis il y a deux voies.

Il y a la voie publique qui est ce que fait l'Inde. Encore une fois les Indiens ne se demandent pas s'il faut attendre, s'il y a une demande, avant de créer l'université entièrement par satellite de télécoms. Ils ne se demandent pas s'ils vont mettre en place des systèmes de télémédecine ou de télé-éducation et essayer d'utiliser les satellites IRS pour gérer l'agriculture, les ressources en eau et les pollutions, ils le font. C'est un système complètement public, complètement étatique, où l'Etat investit, met à disposition et le système se développe.

C'est une démarche qui pourrait être le choix de la Commission européenne ; j'ai tendance à penser que ce n'est pas vraiment la philosophie en Europe actuellement et qu'on va plutôt avoir à rechercher une démarche qui, à un degré ou à un autre, impliquera l'industrie privée.

C'est là que je reviens à Google Earth. Que s'est-il passé avec Google Earth, pas celui auquel tout le monde a accès et qui permet d'avoir de belles vues en 3D et de faire de la publicité pour les pizzerias, mais une deuxième version ?

Cette deuxième version est le Google Earth professionnel. C'est quelque chose que nous avions essayé de faire avec le Réseau d'Innovation Technologique il y a six ans, avec une université à Lyon. C'est un service auquel vous pouvez vous connecter, vous avez toute la base de données disponible, GEO, référencée avec toutes les spécifications techniques. Vous pouvez charger vos propres données, vous téléchargez toute l'information géographique dont vous avez besoin pour vos propres calculs, vous faites tous vos calculs, tout le processing dont vous avez besoin pour croiser les informations d'imagerie, d'économie, de population sur le site et lorsque vous avez le résultat, vous le déchargez.

C'est en gros un système d'information à distance disponible sur un site, mais c'est un Geographic Information System, un SIG. Cela crée un business model qui est radicalement différent, qui est bien sûr apporté par Google, dont le business model global n'est d'ailleurs pas très compris. En tout cas, s'il y a dix ans quelqu'un avait dit qu'il allait faire une société dans laquelle il donnerait toute l'information sur tout, à tout le monde et gratuitement, je ne vois pas qui aurait souscrit un pence dans un tel business model et pourtant il fonctionne.

La conséquence est que derrière, on voit arriver d'autres acteurs qui s'intéressent d'un seul coup énormément à GEO, à GMES, mais plutôt à GEO parce que cela se passe beaucoup de l'autre côté de l'Atlantique. Ces acteurs sont ESRI et Microsoft, ce sont des personnes qui sont des fournisseurs d'informations.

On en revient en fait à quelque chose de très logique. GMES, GEO, les applications de l'observation de la Terre pour l'environnement, c'est un système d'information. L'industrie qui est logiquement amenée à jouer un rôle moteur dans cette affaire, est l'industrie de la fourniture d'information, c'est-à-dire Google, Microsoft et les autres.

Je ferai encore deux remarques et une conclusion.

Ma première remarque est qu'il n'y a pas beaucoup d'Européens dans cette affaire. Il est vrai que Microsoft vient de s'associer avec l'INRIA, justement sur la gestion des très grosses bases de données et applications directes . Google avec ESRI, c'est vrai qu'ESRI France, la filiale, est une des composantes fortes d'ESRI et qu'à travers cela, on peut espérer voir les Européens intervenir.

Je remarque cependant qu'il n'y a pas beaucoup d'industries européennes présentes dans ce secteur qui est cependant un secteur clef. Entre l'industrie spatiale qui fournit les satellites et l'industrie des commerces et des services qui les utilisent, il y a ce deuxième étage de la fusée dans lequel l'Europe est très peu présente.

Ce qui sera plus important, sera d'être présent dans le troisième étage de la fusée, c'est-à-dire dans la fourniture des services. A cet égard, je crois que ce qu'on a commencé à faire en développant des services et des démonstrations est extrêmement important.

Ma deuxième remarque, qui me servira de conclusion, est qu'effectivement ce qui compte est le troisième étage de la fusée, c'est-à-dire le développement des services et des applications.

Dans ce domaine, l'Europe a pris trois ans d'avance en démarrant GMES avant que tous les autres pays du monde ne fassent quoi que ce soit. Le GEO est clairement la volonté, pour un certain nombre d'autres pays, de monter dans le train et d'essayer de rattraper la locomotive.

Trois ans d'avance, ce n'est pas beaucoup. Quand on voit le retard que prend aujourd'hui Galileo, la seule recommandation que je ferai aux politiques est la suivante : si nous prenons du retard dans GMES et si tout ce que nous avons préparé, investi, depuis trois ans, venait à être retardé pour des questions de priorité, de compétition et de choix budgétaires, nous perdrions ces trois maigres années d'avance. Et lorsque, portés par les Google et les Microsoft, le service et les applications d'observation de la Terre se développeront, j'ai peur que l'Europe ne soit à nouveau pas dans le train.

Merci beaucoup.

M. Pierre Cohen - Je voudrais remercier José Achache pour son appel, mais malheureusement les politiques que je connais ici, tous bords confondus, ne sont pas ceux qui seraient les plus à convaincre pour essayer d'aller de l'avant. Il y a donc du travail, nous avons du travail, que ce soit au Sénat ou à l'Assemblée.

7. M. Giuliano BERRETTA, Directeur général d'Eutelsat

Je voudrais remercier les organisateurs de ce colloque de m'avoir invité comme unique représentant d'une compagnie privée qui gagne de l'argent dans l'espace, c'est déjà une exception.

La société Eutelsat est en effet le premier opérateur des satellites en Europe. Cela me permet de vous parler, j'espère de manière intelligente, des applications qui sont en train d'émerger, mais également de faire quelques considérations en matière d'organisation de la politique spatiale en Europe.

Je voudrais, en deux mots, vous amener de la poésie de l'espace vers la Terre en passant par l'orbite géostationnaire, et vous dire quelques mots d'Eutelsat.

Nous avons actuellement 23 satellites en opération depuis plus de vingt ans et nous avons acquis presque tous nos satellites, 29 sur 30, en Europe, ce qui est aussi assez rare chez les autres opérateurs satellitaires, je pense que vous le savez parfaitement et les industriels encore mieux que moi.

Nous faisons 750 M€ de chiffre d'affaires, dont 68 % dans le domaine de la diffusion des images de télévision.

Je suis très content que M. Achache ait mentionné des applications futures où il sera possible de diffuser les images de la Terre via les satellites commerciaux. Comme aujourd'hui, nous avons les quatre, voire peut-être Canal+, j'espère qu'un jour il sera possible de voir les belles images de la planète bleue.

Nous transportons aujourd'hui 1 500 chaînes de télévision à 53 millions de foyers directement avec des petites antennes, et à 120 millions de foyers à travers des réseaux directs et par câble.

Eutelsat est la société la plus productive. C'est pour cela que M. d'Escatha dit toujours qu'il a besoin de développements faits par les agences et je vais maintenant vous expliquer pourquoi.

Une chose très intéressante est que nous arrivons à avoir un chiffre d'affaires de 1,6 M€ par employé, qui est bien supérieur à la moyenne de notre compétiteur dont le chiffre d'affaires par employé est juste au-delà de 1 M€. Et on critique toujours la productivité des Européens et des Français en particulier, vous voyez que cela mérite d'être reconsidéré.

En ce qui concerne les applications, notre future application semble aller vers un perfectionnement de la télévision via satellite. La voie naturelle est la télévision à haute définition. Je pense que c'est un moyen très important pour le développement de notre activité spatiale.

Même avec la norme MPEG-4 qui est celle qui arrive à la meilleure compression aujourd'hui, la bande nécessaire pour un canal de télévision est de 2,5 fois supérieure à la bande, aux ressources nécessaires pour un canal de télévision numérique normale aujourd'hui avec la norme MPEG-2. Cela montre l'importance pour l'industrie spatiale et pour toute l'industrie, puisque c'est l'industrie des téléviseurs, des écrans, de la production, ce qui peut amener une production de télévision haute définition.

A 2 000 mètres en suivant les prévisions d'Airconsult, on aura 140 chaînes de télévision à haute définition en Europe. Je pense que c'est une prévision pessimiste et qu'elles seront plus nombreuses à l'avenir. Avec les Jeux Olympiques de Turin et les championnats du monde de football en Allemagne, on verra une poussée très forte pour commencer cette activité en Europe, car derrière il y a tout le complexe industriel, et le développement de cette activité.

Après, il y a la télévision vers les avions, les trains, les bateaux. Il sera très difficile de courir derrière les bateaux, les avions, je vais le dire à notre ami d'Alcatel et heureusement qu'Alcatel s'occupe aussi de l'espace. A mon avis, ce sont les applications les plus intéressantes.

Si vous parlez à Lufthansa, à British Airways, pour aller vers l'Orient, vous n'aurez pas uniquement l'information, mais aussi Internet à bord de l'avion, grâce malheureusement à la connexion byBoeing. On attend une solution européenne.

Vous devez savoir - c'est la consolation - que vous passerez à travers un satellite Eutelsat, compagnie française. C'est très important, nous attendons de pouvoir faire une expérimentation avec la SNCF, Trenitalia, la Bundesbahn et aussi Virgin pour le haut débit sur les trains. Je pense que, bientôt, un de ces quatre chemins de fer européens va le faire et l'appliquer directement sur les trains.

C'est quelque chose de très important parce quand vous êtes dans un train à longue distance pendant trois, quatre, cinq heures, vous avez besoin de continuer à être en contact avec le monde extérieur sans déranger votre voisin avec le téléphone portable - c'est très important -, grâce à Internet ou par satellite. D'ailleurs pour les trains, le satellite est aussi l'unique application.

Quelqu'un dit que la TNT est notre compétiteur, car chez nous on achemine le signal vers les points de retransmission de la TNT, en France et en Italie, aujourd'hui par un satellite que nous avons acheté à France Telecom, Stellat. Il y a quelques années, on a transformé le renommé Atlantique VR3, nom très poétique, et maintenant il est utilisé pour cette application.

Certains disent que lorsque le MPEG-4 arrivera, à part la télévision haute définition, nous aurons des problèmes parce qu'avec la compression, la réduction de la bande de moitié, en restant au MPEG-2, nous aurons beaucoup moins d'applications qui passeront à travers le satellite.

Je suis un supporter du MPEG-4. Je pense en effet que le coût pour l'utilisateur est la chose la plus importante. Ce coût va diminuer de moitié par rapport au système actuel. Aujourd'hui un canal de télévision coûte entre 30 et 40 000 € par mois ; si ce coût peut passer à 15/20 000 € par mois, je pense que nous aurons beaucoup plus d'applications spatiales de l'image.

Il n'est pas nécessaire que ce soit l'entertainment et la télévision. Monsieur Achache nous a montré qu'il y a d'autres applications qui ne sont pas seulement de l'entertainment. Nous attendons tous que ces applications deviennent réelles. Pour cette raison, je pense que c'est la chose la plus importante, c'est-à-dire d'avoir la meilleure compression.

Nous ne faisons pas seulement de la télévision, on a aussi beaucoup parlé de la fracture numérique. Il y a une petite fracture en France, en Europe, mais la grande fracture numérique est dans le Tiers Monde, en Afrique, en Asie, dans tous les pays émergents et en voie de développement. Le satellite est l'unique solution apportée à ces pays.

Nous avons créé une filiale dédiée au haut débit, Skylogic, et contrairement à ce qui arrive à notre compétiteur, elle va très bien. Après dix-huit mois, elle est déjà productive, profitable ; elle a déjà contribué à notre Ebitda l'année dernière et cette année également à la productivité de notre compagnie. C'est un cas unique.

Concernant Skylogic, il y a une plate-forme à Turin, en Italie, qui sera la plus grande plate-forme haut débit du monde. Elle sera déjà fortement utilisée pour les Jeux Olympiques de Turin. Il y a en plus une autre plate-forme achetée à France Telecom à Rambouillet ; elle représentera les éléments au sol de la plate-forme que nous avons à Turin.

Nous espérons que ces opportunités vont continuer à augmenter. Je vous donne un chiffre : nous avons augmenté le chiffre d'affaires de Skylogic de 80 % dans l'année. En dix-huit mois, nous sommes devenus positifs en ce qui concerne notre rentabilité.

Après avoir parlé des applications actuelles, je voudrais passer à un deuxième point qui porte sur l' organisation de la politique spatiale .

Les télécommunications spatiales représentent une partie importante du chiffre d'affaires de l'industrie. Elles sont de 1,8 Md€ en Europe sur un total de chiffre d'affaires de 4,8 Md€.

Il faut penser que cet argent vient des consumers directement ou indirectement en passant par nous dans l'industrie spatiale ou par les autres - j'aimerais bien avoir 1,8 Md€ de chiffre d'affaires - c'est-à-dire que toutes les applications qui sont liées aux télécommunications, à la télévision, etc. représentent un tiers de toutes les dépenses engagées dans le spatial en Europe aujourd'hui.

Ce secteur est financé presque intégralement par les utilisateurs en aval. Il est cependant impossible que des compagnies comme la nôtre puissent être dédiées à produire de la technologie, car ce n'est pas notre rôle. Nous attendons de l'industrie qu'elle produise de la technologie - nous achetons ce que nous trouvons - et en particulier les agences spatiales européennes et mondiales.

Il faut que les industriels préparent cette technologie avec cinq ou dix ans d'avance, car la chose la plus importante est le « time to market ». Si on n'arrive pas à être sur le marché au bon moment, c'est inutile.

Dans le passé, nous avons vu le développement des missions spatiales expérimentales dans les domaines de la télécommunication. Malheureusement, quand on arrive à l'expérimenter c'est déjà trop tard parce qu'ailleurs ils sont déjà au stade de l'application. On a fait cela à l'époque d'Olympus dans les télécommunications.

Eutelsat est prêt à embarquer des nouvelles technologies - il l'a démontré dans le passé - directement dans le satellite opérationnel - et à prendre des risques comme nous en avons pris avec les nouveaux lanceurs. La dernière fois, cela ne s'est malheureusement pas bien passé, mais nous espérons bien que la prochaine fois, dans quelques mois, cela ira mieux.

Nous avons monté des technologies nouvelles, nous étions en particulier les premiers à monter un système avec traitement à bord en bande K, Automel 6. C'est un satellite que nous avons développé avec Alcatel et Alenia, qui après se sont mariés, mais on avait peut-être déjà célébré les fiançailles à bord de notre satellite.

Nous avons monté Skyplex à bord des ORD VR4.

Nous sommes prêts à monter et à utiliser Artémis pour essayer la bande S et à participer. J'ai une bonne nouvelle : nous avons été sélectionnés par l'Agence spatiale européenne parmi les finalistes de cette compétition. J'espère que ce ne sera pas comme pour Galileo et qu'elle sera brève - pour Alphasat.

Nous avons proposé de monter Paylod. je peux vous révéler les mystères de notre proposition en bande KA, en bande K et en bande F à bord d'Alphasat. C'est une très grande proposition.

Cela ne suffit cependant pas. Alphasat arrive malheureusement trop tard pour ces missions. Si pour cette petite partie du Paylod, nous réussissons à trouver un financement dans les agences spatiales nationales et européennes, nous sommes prêts à mettre à bord d'un de nos satellites, WVA, une charge utile en bande S.

Pourquoi est-ce que je parle tellement de cette charge utile en bande S ?

Nous avons parlé de la télévision DVDH dans les salons avec de grands écrans plats magnifiques pour réduire aussi la dimension et l'encombrement. Dans le futur très proche, nous aurons la possibilité d'avoir de la télévision sur les portables et la norme actuelle DVDH ne suffira pas parce que le nombre de canaux est insuffisant. Le nombre de multiplex qui peuvent être dédiés à la télévision sur les portables avec toutes les autres applications de la télévision terrestre numérique est très limité et la demande sera beaucoup plus grande.

Aujourd'hui nous avons heureusement des fréquences en bande S dédiées aux satellites. Nous pouvons faire comme en Corée et aux États-Unis, une prolongation de la liaison terrestre pour les zones très fortement urbanisées, enlever les vieux systèmes et créer un système européen le plus avancé du monde.

Eutelsat est prêt à embarquer sur un de ses satellites, les WVA, une charge utile de ce genre avec les restes de la charge utile pour commencer la mission dix-huit, vingt-quatre mois en avance par rapport à Alphasat, et à prolonger ces missions avec beaucoup plus de force sur le satellite Alphasat.

J'espère que cet appel va bien être entendu par notre agence spatiale et que cette dernière comprendra que même si Eutelsat est la société la plus productive au monde, elle a besoin d'avoir un développement de technologie fait par les agences spatiales parce que c'est là que sont l'origine et le coeur de tout le système.

Merci beaucoup.

M. Pierre Cohen - Merci Monsieur Berretta. Nous terminons cette table ronde avec l'intervention de Monsieur Olivier COSTE, Vice-Président du Business Development Strategy and Marketing à Alcatel Alenia Space.

8. M. Olivier COSTE, Vice-president Business Development, Strategy and Marketing, Alcatel Alenia Space

Monsieur le Président, Mesdames Messieurs les Parlementaires, merci beaucoup à l'Office parlementaire de nous avoir invités à un tel colloque sur des applications au service du citoyen, sujet qui nous est très cher.

L'Europe et la France en particulier ont développé une industrie du satellite au premier rang mondial, qui est très active pour favoriser le développement de nouvelles applications.

Je parlerai rapidement des sujets institutionnels qui représentent aujourd'hui deux tiers de notre chiffre d'affaires. Nous avons toujours été et restons très actifs pour développer de nouvelles applications dans le domaine de la science, de l'observation de la Terre, de la météorologie, de la défense.

Il y a également les domaines commerciaux, tout ce qui est télécommunications, qui représente aujourd'hui un tiers de notre chiffre d'affaires. Nous exportons dans le monde entier, en Chine, en Corée, au Brésil, dans les pays arabes, en Afrique, aux États-Unis. Nous sommes très en pointe pour apporter des nouvelles applications qui, aujourd'hui, sont la télévision fixe et les télécommunications avec de nouvelles évolutions sur lesquelles je reviendrai.

Nous sommes évidemment très actifs en ce qui concerne un certain nombre de sujets institutionnels pour développer de nouvelles applications. Je parlerai rapidement de Galileo, sujet sur lequel nous considérons, nous, Alcatel, qu'il y a un marché potentiel considérable pour les applications liées au positionnement par satellite.

Nous sommes déjà actuellement en expérimentation commerciale non seulement chez un certain nombre de grands clients opérateurs de télécommunications, qui veulent placer des puces Galileo de positionnement sur des terminaux portables, mais également chez des opérateurs d'infrastructures ferroviaires, qui veulent utiliser aujourd'hui EGNOS et demain Galileo pour faciliter le positionnement de leurs trains.

GMES est également un sujet sur lequel nous sommes très actifs pour favoriser le développement de nouvelles applications. Je parlerai en quelques mots d'applications sur l'océanographie, des applications marines qui en dérivent ou des applications relatives à la sécurité civile pour lesquelles nous promouvons également un certain nombre de solutions.

Aujourd'hui je vais faire un focus sur une application, une vente qui est présentée dans ce titre, c'est-à-dire la télévision mobile déjà longuement évoquée par M. Berretta dans sa présentation, ce dont je le remercie beaucoup.

Pourquoi cette référence spécifique à la télévision mobile ?

Le groupe Alcatel est présent et actif depuis de nombreuses années pour promouvoir le fait que la télévision peut aussi arriver dans les foyers par les réseaux de télécommunications fixes, par l'ADSL et que cela ouvre la porte à de nouvelles applications et de nouveaux usages de la télévision.

Nous sommes aujourd'hui des pionniers dans ce domaine et nous voyons également une évolution similaire dans le domaine de la mobilité. Cela veut dire que nous voyons - et il y a une certaine surprise de la part des principaux opérateurs - le succès que représente une offre de télévision sur les terminaux mobiles, sur votre terminal 3V que vous achetez à la FNAC ou votre opérateur de télécoms favori.

Il y a eu un réel succès depuis le lancement de la 3G ; on ne parle pas d'un marché futur, mais d'un marché qui existe aujourd'hui. Les clients qui achètent aujourd'hui des téléphones 3G l'utilisent principalement pour regarder la télévision. Et dans des expérimentations en mode broadcast qui sont lancées dans le nord de l'Europe, les personnes utilisent leurs terminaux mobiles pour regarder la télévision vingt minutes par jour.

Nous considérons que dans sept à dix ans, un tiers de la population qui a aujourd'hui un téléphone mobile aura acheté un abonnement pour recevoir une quinzaine, une vingtaine ou plus de chaînes sur le terminal mobile. Ce sont des terminaux qui ont légèrement évolué par rapport aux petits écrans d'aujourd'hui, mais qui sont disponibles sur une offre 3G.

Cela nécessite l'apport d'une offre illimitée en nombre de chaînes, en termes de couverture et d'audience du nombre de personnes qui peuvent écouter ou regarder la télévision sur leurs terminaux mobiles. Or aujourd'hui, ce n'est pas possible avec les réseaux de troisième génération qui sont en place. Dès qu'on parle d'un nombre illimité d'usagers et de chaînes, il y a des limitations auxquelles il faut faire face, d'où la nécessité de mettre en place de nouvelles infrastructures.

Quelles sont les caractéristiques de ce nouveau marché que nous considérons comme devant devenir un marché de masse à horizon de cinq à dix ans ?

D'une part, il y a un besoin d'accessibilité universel. Il faut que l'on puisse recevoir la télévision sur son téléphone mobile que l'on soit chez-soi, dans son bureau ou dans des bâtiments, et même dans des bâtiments de zone dense en zone urbaine, à la campagne, en déplacement, partout sur le territoire. C'est une vraie caractéristique d'une offre de mobilité.

Un deuxième élément est que les consommateurs auront envie d'une très grande diversité de chaînes ou d'offres, ce qui nécessite des infrastructures capables de délivrer un nombre illimité de chaînes.

Enfin il faut que tout ceci soit facile pour l'utilisateur, simple, totalement transparent et ce, qu'il veuille téléphoner, faire des jeux interactifs avec son téléphone, regarder LCI ou le dernier film à la mode. Tout ceci doit être extrêmement simple pour l'utilisateur, d'où des terminaux qui doivent offrir cela de manière parfaitement intégrée.

A cause de tous ces facteurs, nous considérons que le meilleur moyen de répondre à cette attente du marché - encore une fois, il est déjà là aujourd'hui et il est en train de se développer rapidement - est d'avoir une architecture que nous appelons hybride. Cette architecture utilise des satellites et des répéteurs terrestres.

Nous avons besoin du satellite pour assurer la couverture universelle du territoire. C'est le seul moyen économique raisonnable pour assurer une couverture totale du territoire. C'est un élément clef, également en termes d'égalité d'accès des citoyens à ces nouveaux services.

Le satellite ne suffit cependant pas lorsque vous voulez apporter cette offre de télévision dans cette salle parce qu'il y a trop d'étages au-dessus. Vous avez donc besoin également de répéteurs terrestres, de répéteurs similaires aux stations de base des réseaux de téléphonie cellulaire actuelle, qui répètent le signal, le renvoient et assurent la pénétration à l'intérieur des bâtiments.

Nous considérons que ce type d'architecture hybride est celui qui est le mieux à même de répondre à l'attente du marché.

Je précise également que le type de satellite dont nous parlons est un satellite de forte puissance. C'est exactement les satellites que l'Europe est en train de développer en termes de nouvelle gamme. C'est fait conjointement entre Alcatel Alenia Space et EADS Astrium grâce à un programme de l'ESA soutenu par le CNES et l'ASI. C'est une opportunité importante pour l'industrie européenne.

Ce n'est pas totalement nouveau. C'est très innovant, mais il y a déjà des expériences qui montrent le succès que peut avoir ce type d'offres d'un point de vue commercial.

Je parlerai d'abord des exemples américains avec deux acteurs - XM Radio et Sirius - qui se sont lancés il y a quatre ans dans une offre de radio par satellite sur le marché américain. Ils offrent chacun 150 chaînes, un bouquet de chaînes de radio payante, de l'ordre de 13 $ par mois. Depuis quatre ans, ils ont un succès commercial considérable, à eux deux, ils ont sept millions de clients aujourd'hui et en attendent neuf à la fin de l'année, la période de Noël étant toujours une période de grand boom commercial sur ce type d'offres. XM Radio et Sirius valent l'un et l'autre autour de 8 Md$ en bourse aujourd'hui, c'est un succès considérable.

En Corée et au Japon plus récemment, les opérateurs ont lancé des bouquets de télévision et radio mixtes avec cette architecture hybride, c'est-à-dire satellite plus répéteur terrestre.

En Corée, le service a été lancé en mai cette année. Ils ont déjà 200 000 clients et en attendent environ 500 000 pour la fin de l'année, ce qui est là aussi un taux de pénétration très rapide.

Ce type de système existe déjà, montre déjà sa solidité et nous considérons qu'en Europe, nous pouvons faire quelque chose que je vais vous présenter et qui est encore plus innovant avec encore plus de capacités.

Comment se construit ce que nous proposons ?

Tout d'abord, cela se construit sur la base d'une norme qui est une légère évolution du DVBH qui est ce qui est expérimenté aujourd'hui avec des solutions terrestres. Cette évolution permet d'offrir suffisamment de capacités sur les satellites. Ce système utilise également ce qu'on appelle la bande S, c'est-à-dire des fréquences juste à côté des fréquences utilisées par les opérateurs mobiles pour faire de la téléphonie de troisième génération. Ce sont des fréquences adjacentes qui, aujourd'hui, sont disponibles à l'échelle de l'Europe de manière harmonisée et qui peuvent être utilisées pour développer de nouveaux systèmes typiquement avec la couverture présentée sur ce graphique.

Ce type de système permet non seulement de diffuser des contenus multimédia des chaînes de télévision, de la radio ou des services plus évolués à l'ensemble des consommateurs, mais également d'avoir une aide à la gestion de crise.

Cela permet :

- d'envoyer des alertes aux populations de manière sûre parce que, quoi qu'il arrive, les réseaux par satellite fonctionnent ;

- d'assurer de l'information spécifique à des groupes de sécurité avec des systèmes qui ont des voies de retour passant par le satellite, qui, quel que soit le lieu, fonctionnent donc dans toutes les circonstances avec une couverture totale ;

- d'avoir une communication véhiculaire grâce à une voie de retour sécurisée.

Ce sont des applications qui seront également très importantes pour le citoyen.

Quels sont les systèmes qui peuvent être mis en place pour apporter la télévision à des terminaux mobiles ?

Pour faire simple, il y a trois systèmes : les deux premiers sont purement terrestres et le troisième est un système hybride par satellite et répéteur terrestre.

Pourquoi est-ce que je présente cela ?

Je le présente parce que, traditionnellement, on voit la difficulté qu'il y a à mettre en place des réseaux hybrides par satellite au moment du démarrage à cause de l'importance des investissements et de la prise de risque que cela représente pour les opérateurs commerciaux.

En général, c'est dans cette période d'hésitation que se développent des solutions Terrestres qui, au bout de trois ou quatre ans, sont déployées sur une partie importante du marché. Elles n'assurent pas une couverture totale, mais rendent néanmoins obsolète le déploiement d'un système optimal par satellite.

C'est la raison pour laquelle nous estimons qu'il est important que le cadre public réglementaire soit mis en place de la manière la plus efficace et la plus rapide possible pour favoriser de tels investissements qui, encore une fois, permettent ce type d'infrastructures dans les meilleures conditions possible et que l'on considère également que cela peut être le rôle des agences d'aider au démarrage du lancement de ce type de systèmes.

Je rends hommage à ce qu'a dit M. Berretta et à sa proposition auprès de l'Agence spatiale européenne pour faire démarrer un tel système avec la collaboration des agences européennes et nationales.

Il me semble que c'est un élément très important pour favoriser le déploiement de tels systèmes qui sont optimaux en termes d'usage pour le consommateur et très importants pour le développement de l'industrie spatiale européenne et des emplois associés.

Je passe rapidement sur l'intérêt de cette solution par son intégration avec les réseaux de télécoms existants et vais terminer en rappelant les principaux avantages de cette solution que nous proposons :

- une couverture sans limite, une couverture complète du territoire et une pénétration dans tous les lieux,

- une capacité importante sur laquelle je n'ai pas assez insisté. Cette offre permet de compléter ce qui est en train d'être fait aujourd'hui avec un nombre de chaînes significatif : 18 chaînes en couverture nationale, 54 chaînes en couverture urbaine en plus de ce qui est permis par les réseaux de troisième génération ou les réseaux terrestres qui seront mis en place,

- une aide à la gestion de crise, nous l'avons évoqué,

- des fréquences disponibles à l'échelle européenne. Et c'est toujours un enjeu important de disposer de fréquences à l'échelle européenne pour pouvoir déployer des systèmes avec suffisamment d'effet d'échelle,

- une intégration et une compatibilité avec les réseaux mobiles,

- une technologie européenne,

- des emplois européens au service de solutions qui devraient déjà être promus dans le monde entier. Et nous sommes déjà en dehors de l'Europe dans des expérimentations concrètes avec un certain nombre de nos clients.

Je vais m'arrêter là.

M. Pierre Cohen - Je voudrais tous vous remercier, je vous propose de faire la pause et de nous retrouver à 17 h 00 pour pouvoir finir dans les temps.

Merci beaucoup et merci encore à tous les intervenants.

(La séance, suspendue à 16 h 45, est reprise à 17 h 00)

B. DEUXIÈME TABLE RONDE : QUEL ESPACE DE LA DEFENSE ?

Président : M. Henri REVOL

Compte tenu de ses implications de confidentialité, de souveraineté des États, voire de secret, c'est un sujet que nous avons parfois des difficultés à aborder. Mais étant donné l'importance de ce secteur dans les applications de l'espace, nous avons quand même souhaité l'évoquer et je remercie les éminents intervenants de cette table ronde qui vont nous donner leur point de vue sur ce sujet.

L'espace en matière de défense, c'est permettre d'écouter, d'observer sans poser de problèmes de violation de territoire national, de se déplacer grâce aux systèmes de navigation, donc de bien coordonner les interventions. Il permet de communiquer sur tous les points du monde.

Il faut constater le rapprochement entre défense et sécurité intérieure, notamment avec les problèmes posés par la montée du terrorisme international. Par conséquent il apparaît vital et possible de développer une défense européenne. C'est un sujet difficile, un sujet de fond.

Sur quelle base peut-on concevoir cette politique de défense ?

Quelles sont les pistes de réflexions sur lesquelles j'espère que les intervenants reviendront pour les confirmer ou les infirmer ?

Défense à géométrie variable ?

Certains pays s'impliqueraient plus que d'autres en fonction de leur position en matière de défense. Cela implique de :

- développer au maximum toutes les applications duales, pour réduire les coûts et satisfaire tous les besoins,

- favoriser une meilleure coopération entre les systèmes de défense et utiliser les spécialisations de chacun pour éviter les redondances. Il s'agit d'asseoir la crédibilité de l'Europe spatiale de la défense aux yeux des États membres qui y sont réticents et qui utiliseront toujours l'argument des doublons, peut-être pour ne pas faire avancer les dossiers,

- renforcer l'aspect institutionnel. Il existe déjà l'Agence de défense européenne, mais il s'agit d'en faire une politique à part entière de l'Union européenne,

- augmenter les budgets : 1 Md€ dépensé seulement chez nous en Europe contre près de 20 Md$ aux USA, et ce n'est pas assez pour rendre l'Europe spatiale de la défense crédible, d'autant que se pose le problème de l'autonomie des entreprises européennes qui travaillent pour la défense.

Si on veut s'assurer de la pérennité de notre industrie européenne militaire alors même qu'elle est complètement dépendante des commandes étatiques, il faut lui assurer un certain montant de dépenses pour maintenir et améliorer son savoir-faire.

Pour nous en parler je vais en premier lieu passer la parole au Général BOTONDI que je remercie beaucoup. C'est très intéressant d'avoir aujourd'hui le point de vue italien puisque votre pays, Général, constitue un des piliers les plus solides de la défense spatiale européenne et a montré l'exemple de collaborations réussies avec la France à travers l'échange de moyens satellitaires.

1. Général BOTONDI, Directeur national de l'armement de l'armée italienne

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Madame la Ministre, c'est pour moi un grand plaisir de m'adresser à un auditoire aussi qualifié.

En Italie, je suis Secrétaire général de la défense et responsable de la coordination administrative du ministère. Je suis aussi Directeur national de l'armement et, en tant que tel, responsable de la recherche technologique de programmes en coopération et de l'acquisition au sein des armées.

Avec cette dernière casquette, je vais vous parler très brièvement des perspectives italiennes dans l'utilisation de l'espace au sein de la défense.

Le développement évident de la qualité des services offerts par les plates-formes spatiales rend ces outils de plus en plus importants aux fins de l'enrichissement et de la consolidation du patrimoine de formation des différents pays, dont on peut bénéficier à des fins et usages aussi bien militaires que civils.

Ce domaine est en fait en extension permanente, entraînant des retombées sur une vaste gamme de domaines d'activités comme nous l'avons vu cet après-midi. Ces activités embrassent nombre de secteurs, du contrôle de l'environnement à la production des cartographies, du champ d'identification et de la vérification des ressources à celui des systèmes de communication, de l'aide à la navigation aux applications à des fins de renseignements.

Les implications en matière de sécurité nationale de plusieurs activités satellitaires ou associées sont tout à fait évidentes. Pour cette raison, l'ensemble des systèmes fondés sur des plates-formes satellitaires méritent la plus grande attention de la part des organes et des spécialistes de la défense et de la sécurité nationale.

Dans un cadre de ressources limitées surtout et comme nous venons de le voir, par rapport aux États-Unis, nous sommes tous persuadés qu'à une menace globale et transversale, il faut répondre avec autant de globalité et de transversalité en harmonisant et en partageant les outils aptes à la contrecarrer, y compris technologiques.

A cette fin, nous devons être en mesure de définir conjointement les ripostes aptes à faire face à ce défi en regroupant nos ressources et en ayant de plus en plus recours aux innovations technologiques et à des politiques d'approvisionnement efficaces.

Il faut donc exploiter des pôles d'excellence technologiques, industriels et opérationnels rendant efficace, compétitive et productive la base industrielle correspondante.

De plus, il est important de prendre en compte non seulement la mise en oeuvre spécifique des applications militaires « défense », mais aussi, face à l'évolution de la menace axée sur le nouveau terrorisme, la mise en oeuvre des applications destinées à la protection du territoire et des populations : homeland security .

L'espace est un secteur dans lequel il y a beaucoup de points communs entre la technologie militaire et civile, ce qui permet une meilleure exploitation du concept d'application duale et entraîne la synergie entre les deux mondes en vue d'obtenir des systèmes technologiquement plus avancés à un coût inférieur comportant des avantages évidents pour les deux.

Les domaines technologiques et les outils opérationnels correspondants, aptes à soutenir et à corroborer un effort commun à ce scénario, sont multiples même si certains d'entre eux revêtent une importance particulière.

Le premier pas à franchir est en tout cas celui de la connaissance de la situation. A cette fin, les technologies et les systèmes innovateurs qui entrent en jeu dans ce domaine, concernent surtout le secteur de l'observation de la Terre, des communications et de leur sécurité, et des capteurs associés.

Dans le cadre de la lutte commune contre une menace globale, il s'agit de technologies et de systèmes souvent duaux qui peuvent donc faire l'objet d'échanges parmi des pays et des organisations différentes aussi bien dans le domaine des connaissances de base que dans celui de l'exploitation des ressources disponibles.

Dans ce cadre, les programmes de l'observation de la Terre revêtent une importance capitale. En effet les récentes crises internationales ont mis en lumière la nécessité de disposer des systèmes d'observation en mesure de fournir un cadre de situation fiable et complet, apte à satisfaire les besoins de l'ensemble des acteurs engagés sur des scénarios de plus en plus vastes.

Les images satellitaires depuis longtemps très exploitées lors des engagements militaires classiques, notamment en vue de la préparation et de la projection des forces sur les théâtres d'opération, ont récemment acquis une importance renouvelée et accrue en s'affirmant en tant que source essentielle de renseignements et de données pour l'accomplissement de la mission institutionnelle confiée aux organes préposés à la défense et à la sécurité nationale.

De plus, les récents attentats terroristes sur la scène internationale ainsi que la lutte pour l'affirmation de la maîtrise de l'information moyennant la réalisation de plates-formes à intégrer dans l'architecture C4 ISTR, ont mis en évidence combien il est important que les niveaux décisionnels puissent disposer, dans les plus brefs délais, d'un cadre de situation exhaustif en mesure de représenter n'importe quel théâtre d'opération mondial.

Cela signifie que les systèmes spatiaux doivent de plus en plus constituer un ensemble homogène pleinement intégré avec les systèmes « non spatiaux » en vue de l'obtention des capacités finalisées aux besoins de l'utilisateur final.

En outre, un des avantages majeurs du satellite réside dans sa discrétion. Au contraire et différemment d'un aéronef, grâce à sa capacité de ne pas violer l'espace aérien, il permet d'obtenir des renseignements sur des zones géographiques partout dans le monde de manière discrète et non intrusive.

En Italie, les financements limités dans les domaines de la recherche et du développement ainsi que les constats des orientations et des priorités dont font état les lignes directrices pour la politique scientifique et technologique nationale ont amené à essayer d'identifier des formes d'intégration de la recherche à caractère militaire dans le contexte plus ample du problème national de recherche à travers une initiative complémentaire, tels les partages de ressources et l'établissement des programmes duaux conjoints.

Par conséquent, la défense italienne a lancé un rapport optimal de collaboration étroite avec le ministère de l'université et de la recherche. Dans ce contexte, l'administration militaire joue un rôle d'élément actif de planification, promotion et gestion des activités de recherche aérospatiale relevant de son champ d'intérêt direct.

Le programme Cosmo-SkyMed est un exemple concret d'application duale susceptible d'être exploitée aussi bien pour des exigences institutionnelles - maîtrise des risques d'environnement, sécurité, défense - que pour des applications scientifiques et commerciales.

En outre ayant vérifié au cours de la réunion bilatérale que le ministère de la défense français avait un besoin semblable à celui des Italiens et prenant en compte les besoins civils des ministères de la recherche italien et français, en 2001 les deux chefs de gouvernement ont signé à Turin un accord pour l'observation de la Terre à usage dual fondé sur les programmes des petits satellites avec des capteurs radars italiens - les quatre satellites Cosmo-SkyMed - et optiques français - les deux satellites Pléiades. Suite à la ratification du Parlement italien, l'accord est devenu une loi de l'État italien en janvier 2004.

L'accord intergouvernemental a même permis à la défense italienne d'avoir accès au système militaire français Hélios II en échange de l'accès de la défense française au mode militaire de Cosmo-SkyMed. C'est ainsi que pour la première fois, on a réalisé en Europe un échange de moyens satellitaires entre deux pays concernant des systèmes développés chacun avec ses propres ressources nationales.

Le ministère de la défense italien et l'Agence spatiale italienne ont donc su saisir les opportunités qui se sont présentées sur les nombreux scénarios internationaux. Même si le concept dual représente une excellente solution sur le papier, il n'existe pas aujourd'hui de système d'observation de la Terre doté de cette capacité, si ce n'est comme retombée a posteriori du secteur civil ou militaire sur l'autre. Cosmo-SkyMed représente donc la première application duale d'observation de la Terre.

En ligne avec la politique spatiale européenne, la défense italienne a développé son plan spatial pour la période 2005-2015 dans le but d'identifier les systèmes et, là où c'est possible, les programmes spatiaux contribuant à acquérir les capacités nécessaires dans une perspective de complète intégration avec les systèmes terrestres, navals et aéronautiques existant ou planifiés.

En substance, les plans visent à établir la répartition du besoin opérationnel sur un ou plusieurs systèmes spatiaux intégrés avec des systèmes non spatiaux. Ils constitueront ainsi les cadres de référence pour le développement et les acquisitions futures conduits aussi bien directement qu'à travers des coopérations nationales et internationales.

Pour l'essentiel, la nécessité d'avoir un plan unique pour les activités amenées dans le domaine spatial découle de la spécificité d'emploi de moyens spatiaux et de leurs retombées non seulement sur de vastes secteurs de capacités militaires, mais aussi sur les progrès technologiques en nombre de secteurs industriels.

La mise en oeuvre du plan spatial de la défense s'intègre aussi dans le plan spatial national élaboré par l'Agence spatiale italienne - nous en avons écouté le Président, M. Vetrella, aujourd'hui - auquel la défense a contribué en vue de rechercher des synergies avec le secteur civil.

Les concepts duaux formulés par la défense ont été intégrés dans le nouveau plan spatial national de l'Agence spatiale italienne couvrant la période 2006-2008, avec des projections jusqu'en 2015, qui matérialisent par conséquent l'ensemble des besoins nationaux. En outre, le plan participe à la réalisation des systèmes prenant en compte les nécessités de l'Union européenne afin d'obtenir un niveau d'intégration relevé parmi les différents programmes nationaux et multinationaux dans les divers secteurs de l'activité spatiale, tel celui des plates-formes, des charges utiles, des lanceurs, des segments terrestres et des systèmes de commandement et de contrôle.

Pour conclure, nous pouvons affirmer que bien qu'étant dans un cadre de pauvreté de ressources, la défense italienne a clairement indiqué les objectifs à atteindre dans les domaines spatiaux à l'horizon 2015, dans un contexte essentiellement européen.

Notre intention est d'exploiter l'expérience positive des coopérations notamment avec les pays partenaires des programmes Hélios I et II pour lancer de nouveaux programmes européens dans le domaine de l'observation de la Terre et des télécommunications.

Nous souhaitons également valoriser au maximum les succès des collaborations avec l'Agence spatiale italienne, dans le cadre du programme Cosmo-SkyMed, en s'inspirant d'elle pour mettre en oeuvre, même au niveau européen, la dualité dans toute l'acception du terme, à travers une collaboration de plus en plus poussée entre le monde civil et celui de la défense et de la sécurité.

L'espace représente donc une dimension stratégique contribuant à atteindre l'objectif de rendre compétitive l'économie européenne en mettant l'accent sur l'innovation, les sciences, la recherche spatiale, l'observation de la Terre et les applications duales, à travers une synergie de plus en plus poussée dans le monde civil et militaire.

Merci de votre attention.

M. Henri Revol - Merci, Général, de nous avoir fait partager cette expérience remarquable de coopération au sein de pays européens sur des programmes duaux civils et militaires.

Je vais maintenant passer la parole à l'Amiral POULAIN. Lorsque nous avons réalisé un premier rapport sur l'espace en 2000, au sein de l'Office parlementaire, nous avions souhaité dans nos recommandations qu'une partie espace soit bien identifiée au sein de notre état-major. L'Amiral Poulain dirige cette structure et je suppose qu'il va avoir des choses très intéressantes à nous dire. Je lui donne la parole.

2. Amiral Guy POULAIN, Adjoint espace, État-major des armées

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Mesdames et Messieurs, je remercie les organisateurs de m'avoir invité parce que je suis un utilisateur et que je vais donc parler en tant qu'utilisateur de l'espace, mais aussi et comme vous l'avez dit, en tant que responsable au sein de l'état-major des armées (EMA).

L'espace de la défense n'est pas considéré comme un système de forces en tant que tel. Les télécommunications spatiales sont généralement gérées par la communauté des personnes qui s'occupent des systèmes d'information et l'observation, elle, est plutôt gérée par la communauté du renseignement.

Pour ce qui nous concerne en France, aujourd'hui, l'espace appartient au système de forces qu'on appelle des systèmes d'information et de commandement, d'une façon générale.

Aujourd'hui, l'espace de la défense au niveau européen est la somme d'initiatives nationales avec quelques touches de coopération et complétée par l'usage de services commerciaux. Pourtant la coopération, la dualité sont des mots clefs que nous avons dans la réflexion pour la construction des futurs systèmes.

Si, en 2015, nous voulons avoir un espace de défense plus commun, plus européen, il sera certainement nécessaire de repenser l'espace en termes d'expression de besoins et certainement en termes de procédure d'acquisition des systèmes ou de services.

Notre ministre de la défense, Mme Michèle ALLIOT-MARIE, a rappelé récemment le contexte et fixé le cadre de notre réflexion et de notre action. Elle a rappelé l'enjeu stratégique de l'espace au coeur des systèmes d'information et de commandement.

Nous savons bien que la maîtrise des opérations nécessite la maîtrise de l'information, et de ce fait celle de l'espace. Cette maîtrise de l'information passe par le fait que nous voulons raccourcir drastiquement les boucles décisionnelles d'appréciation et d'action. La France est grand utilisateur de l'espace, pour les militaires, et leader dans le domaine. Elle doit certainement montrer l'exemple afin de mieux pouvoir partager les efforts au niveau de l'Europe.

L'espace a pris une grande part dans les différents domaines nécessaires à l'action militaire. Cette part a été largement décrite dans les différents plans pluriannuels spatiaux et actuellement dans le plan de prospective à trente ans. Ce sont les télécommunications, l'observation, la surveillance de l'espace, l'écoute, l'alerte avancée. Et pour ce qui est de l'environnement, c'est la navigation, la localisation, la référence de temps, la météorologie, l'océanographie, la géographie.

Par cette participation dans les différents domaines, l'espace contribue aux grandes fonctions stratégiques de la défense que sont la dissuasion, la prévention, la protection et la projection.

Il faut reconnaître aujourd'hui que les projets nationaux ne couvrent pas l'ensemble de toutes ces fonctions. Devant ce constat d'insuffisance, de l'évolution du contexte international avec des conflits de plus en plus asymétriques dépassant largement les frontières des pays concernés, de l'évolution de la typologie des crises impliquant de plus en plus le milieu urbain surtout lors des opérations de retour à la paix, de l'avènement des nouvelles technologies de l'information, il est nécessaire d'adapter l'espace de la défense aux réels besoins des forces qui seront engagées dans des crises dont nous ne connaissons ni le lieu ni la nature et dont nous ne connaissons pas non plus la structure de commandement qui sera mise en place pour la traiter.

Il nous faut certainement décloisonner l'espace du stratégique vers plus de tactique en faisant des forces de réels demandeurs d'espace, ceci afin d'éviter de nous faire rappeler trop régulièrement le coût du spatial pour un service souvent trop confidentiel.

Depuis 2003, la défense progresse fortement au niveau européen ; nous avons bien sûr :

- le Livre Blanc sur l'espace rappelant l'enjeu stratégique de l'espace pour l'Europe ;

- une même définition des menaces et objectifs de sécurité et de défense de l'Union européenne ;

- l'Agence européenne de défense qui va accroître son action en intégrant les différents groupes de réflexion sur les capacités nécessaires à la sécurité et à la défense de l'Europe.

Mais la tâche pour coordonner une action certainement plus commune est difficile. En effet, dans le domaine des télécommunications, les nations ont des approches différentes au niveau des satellites, des stations sol et de leur raccordement au système d'information et de commandement.

L'accroissement des débits est inévitable avec l'arrivée de nouveaux vecteurs comme les drones ou des opérations infocentrées exigeant non seulement des autoroutes de l'information, mais aussi le recueil de données de capteurs élémentaires.

Une nouvelle génération est en cours de lancement et nous avons assisté récemment au lancement de Syracuse 3A. Son renouvellement arrivera principalement autour de 2020.

Dans le domaine de l'observation, la complémentarité des différents systèmes optiques radars de plusieurs pays ne sera réelle que dans les années 2008 et le renouvellement de cette génération est à prévoir dès l'horizon 2015.

Dans d'autres domaines, il faut bien sûr soutenir les projets actuels, mais aussi combler certaines lacunes. Je pense essentiellement à l'écoute. De façon générale, les prochains défis dans ces domaines concerneront certainement l'identification des objets, le temps de revisite et le suivi des vecteurs de menaces.

Comme nous venons de le voir, les investissements nationaux risquent de limiter une initiative commune à l'horizon 2015.

Quelles ambitions pourrons-nous avoir pour 2015 ?

La première chose est de nous assurer l'accès à l'espace, de consolider ce que j'appelle l'infrastructure spatiale européenne.

Le deuxième point est de mettre en place quelques principes solides au niveau opérationnel, précisant d'abord le rôle de l'espace à travers le nouveau contexte international et aussi de connaître la répartition entre les différents vecteurs, je pense spécialement aux drones.

Je pense que la deuxième recommandation pourrait être la mutualisation d'accès à l'information brute, c'est-à-dire en fédérant les segments de sol, ce qui ne supprime pas l'autonomie nationale d'appréciation, de décision et d'action, et enfin en définissant le réel besoin d'information en fonction de l'organisation de défense européenne.

Je terminerai ces ambitions en disant qu'il faudrait effectivement couvrir l'ensemble du spectre des besoins stratégiques pour avoir une bonne vision commune.

Je termine enfin mon propos sur deux points.

Il faut d'abord bien rappeler que l'espace est le premier élément de cohérence des systèmes d'information et de commandement et que grâce à sa nature technologique globale, c'est certainement une des clefs de l'interopérabilité.

Le second point - et nous l'avons dit tout au long de ce colloque - est que cela se prépare dès maintenant et qu'il est très important aussi pour nous de savoir quel est le partage d'informations que l'on peut faire entre les nations.

Merci.

M. Henri Revol - Merci pour ce message, il faut que nous arrivions à obtenir ces moyens duaux de maîtrise de l'information débouchant sur l'action par coopération.

Je passe maintenant la parole à M. l'Ingénieur général Charles de LAUZUN, de la Délégation générale à l'armement, qui travaille au contenu de la politique spatiale européenne de défense. Je le remercie de bien vouloir nous présenter les grands axes du futur ainsi que les défis auxquels est confrontée cette politique spatiale de défense du futur.

3. M. Charles de LAUZUN, Ingénieur général, Délégation générale à l'armement

Bonjour Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Mesdames et Messieurs, je suis très heureux d'être ici également.

Comme vous le constaterez, il y a beaucoup d'éléments sur l'analyse qui sont communs à ceux de l'Amiral Poulain. Ce n'est pas un hasard, c'est simplement parce que nous partageons une analyse commune.

Le premier point et notre source d'inspiration commune le soir, le week-end, est le discours très fort de Mme la Ministre de la défense lors du lancement du satellite Hélios II, je ne vous en reparlerai pas.

L'espace est une position remarquable pour observer, écouter et communiquer, c'est un enjeu majeur pour la défense et la sécurité.

C'est un constat partagé en Europe, ce qui est un peu une innovation par rapport à il y a quelques années où le consensus sur l'importance de l'espace était moins présent chez nos partenaires. Nous déduisons de ce constat que, comme l'Amiral l'a rappelé, il faut un développement des capacités.

Le budget spatial militaire en Europe est aux alentours de 1 Md€ par an. Il y a des moyens spatiaux nationaux en particulier dans le domaine des télécoms, et des développements en coopération, en particulier dans l'observation de la Terre.

En ce qui concerne les télécommunications spatiales :

- les technologies de base sont maîtrisées,

- le marché Satcom Défense, c'est-à-dire les satellites de télécommunications de défense, existe en Europe avec :

. Syracuse pour la France,

. Skynet 5 pour la Grande-Bretagne,

. Sicral pour l'Italie,

. Satcom Bw pour l'Allemagne,

. Hispasat pour l'Espagne,

- il y a un éventail de moyens nationaux,

- il y a également une offre de services commune entre la France, l'Italie et la Grande-Bretagne vis-à-vis de l'OTAN. C'est donc un modèle de coopération un peu a posteriori qui s'est développé.

Dans le domaine de l'observation de la Terre il y a un leadership français dans le domaine optique avec :

- toute la famille Spot, de Spot I à V y compris HRS, haute résolution stéréo ;

- la famille Hélios I et II dans le domaine militaire avec une coopération entre la France, l'Italie, la Belgique, l'Allemagne et l'Espagne ;

- Pléiades, satellite système dual avec un partage des capacités civiles militaires, entre la France et l'Italie.

Dans le domaine du radar, il y a un leadership en Italie et en Allemagne avec :

- SAR-Lupe pour l'Allemagne et un partage de capacités entre la France et l'Allemagne ;

- Cosmo-SkyMed et un partage de capacités entre la France et l'Italie.

Il y a une disponibilité de ces moyens satellitaires jusqu'en 2015 environ, si bien qu'il faut penser dès maintenant à lancer la nouvelle génération puisqu'il faut environ huit à dix ans pour concevoir et opérer une nouvelle génération de systèmes d'observation de la Terre.

Les enjeux pour le futur

Je reprendrai très rapidement les éléments indiqués par l'Amiral :

- réponse à des besoins croissants, en particulier :

- opérations en réseaux centrés, utilisation des drones,

- projection des forces,

- un passage du renseignement stratégique vers aussi le renseignement tactique.

Une utilisation optimale des moyens spatiaux, c'est-à-dire :

- ne pas avoir de moyens spatiaux isolés, mais rechercher la complémentarité et la cohérence avec les autres moyens disponibles pour avoir une optimisation des coûts et des performances pour les drones ou les moyens sols ;

- les actifs spatiaux coûtant cher, il est important d'en maîtriser la dépendance et la vulnérabilité.

Le spatial est un moyen essentiel pour avoir l'autonomie européenne en matière de défense et sécurité.

L'observation de la Terre

Je dirai quelques mots sur la génération suivante, donc post-Hélios.

Nous travaillons avec le CNES sur cette nouvelle génération. Des progrès très importants sont accessibles, en particulier via la reprise des innovations technologiques de Pléiades ; nous pouvons espérer :

- une amélioration de la résolution en gros d'un facteur 2 par rapport à Hélios si bien que nous atteindrions un niveau de performance similaire à celui des photos aériennes ;

- une amélioration du nombre d'images par orbite d'un facteur 5 à 10 grâce à la flexibilité des satellites ;

- une réduction du coût de deux, qui est un objectif ;

- une augmentation de la durée de vie.

Nous avons vraiment un saut de génération et un système qui a des performances assez exceptionnelles et que nous cherchons à concevoir dans une optique duale.

Deux-points sont à améliorer à l'échéance de 2015 :

Le segment sol commun avec la nécessité de disposer d'un segment au sol permettant d'opérer l'ensemble des satellites et de disposer des images de l'ensemble des satellites afin que les utilisateurs puissent « oublier » le satellite pour s'appuyer essentiellement sur les images.

Nous avons là une analyse commune avec nos partenaires sur l'importance de ce point. Nous avons également à travailler ensemble sur les moyens d'arriver à mettre au point ce point sol commun qui n'est pas aussi simple que cela au plan technologique.

Le traitement automatique des données. Il ne s'agit pas uniquement de disposer de l'information, encore faut-il la traiter quasiment en temps réel et donc réduire le cycle d'accès à l'information qui intéresse l'utilisateur. C'est clairement un domaine dual.

Il y a là peut-être une ouverture à prendre en compte dans les travaux GMES puisque cette préoccupation du traitement automatique des données est commune à l'ensemble du secteur.

S'agissant des besoins nouveaux à satisfaire, j'ai mis des points d'interrogation puisqu'on sort de l'actuelle loi de programmation.

Dans le domaine des télécommunications à très haut débit et relais pour drone, nous travaillons avec le CNES sur un projet Athena de satellite de télécommunications à haut débit en bande KA qui serait susceptible de satisfaire ces besoins.

Dans le domaine de l'écoute Sigint, nous avons lancé deux démonstrateurs. Le premier est Essaim qui a été lancé à la fin 2004 dans le domaine basse fréquence. Le deuxième, Elint, que nous développons et cofinançons en commun avec le CNES, doit être lancé d'ici à quatre ans. Suite à ces démonstrateurs, se pose la question d'un déploiement opérationnel.

Dans le domaine de la navigation localisation, il y a la question de l'exploitation opérationnelle du PRS de Galileo et de la maîtrise de la sécurité.

La surveillance de l'espace dans un cadre dual. Pour une fois les spécifications de l'espace civil concernent le suivi des débris et sont donc d'un ordre de grandeur dix fois plus important que les nôtres. Nous serions donc sans doute un peu plus suiveurs dans ce domaine.

L'alerte qui est à concevoir se situe dans un cadre plus général de la DAMB.

Le maintien de l'excellence technique nécessite, me semble-t-il, d'avoir une politique active de R&T et de démonstrateurs en vol à mener au niveau de l'Europe. Nous l'avons menée en France depuis quelques années et il faut l'élargir au niveau de l'Europe.

Il y a la question de la montée en puissance de l'Agence européenne de défense et de l'Union européenne dans le domaine de la R&D spatiale et de sécurité.

J'aborderai maintenant les moteurs de cette construction d'une Europe spatiale.

A notre sens, le succès de cette construction requiert au moins quatre éléments :

- une volonté politique et des budgets associés,

- des structures publiques adaptées,

- une base industrielle performante,

- la recherche systématique de la dualité et de coopérations.

La volonté des hommes politiques européens d'avancer ensemble dans ce domaine existe, nous pouvons noter :

- la création de l'AED,

- les liens forts entre la politique européenne sécurité et de défense et la politique spatiale européenne,

- la volonté affichée de l'ESA de se placer sur ces besoins,

- les travaux ECAP,

- les travaux SPASEC.

S'agissant des budgets, je vous donne quelques chiffres :

Au niveau européen, il y a :

- environ 280 M€ pour l'espace sur le 6 e PCRD qui concerne Galileo, GMES, les télécoms,

- pratiquement aucun budget au niveau de l'AED sur le spatial.

Au niveau des États membres, il y a :

- sur le spatial militaire, environ 1 Md€ en Europe, dont 50 % en France.

- pour la DGA en 2005, comme il y a 630 M€ de commandes, il y a une autorisation d'environ 80 M€ pour la R&D, c'est la politique volontariste de démonstrateurs, que nous avons mise en oeuvre ;

- nous estimons, comme l'Amiral, qu'environ 2 Md€ seraient nécessaires pour répondre a minima aux enjeux spatiaux de la défense européenne.

Ce niveau de 2 Md€ serait accessible si nos partenaires faisaient exactement le même effort que la France en termes de PNB. Si nous prenons le ratio des PNB par rapport à celui de l'effort français, nous arriverions à atteindre ce niveau.

La recommandation est qu'un effort significatif global est nécessaire.

Les structures publiques sont-elles adaptées ?

Il y a l'Agence européenne de défenseet la Commission, avec une vocation à l'élaboration d'une vision stratégique commune pour permettre la cohérence des politiques nationales d'équipement et de R&D.

Il y a également l'Agence spatiale européenne et les organismes nationaux, avec sans doute davantage :

- de mise en oeuvre de la politique européenne,

- d'expertise technique en particulier dans le domaine de la sécurité des systèmes,

- des compléments nationaux.

Les outils sont en place, les responsabilités doivent être néanmoins précisées parce que les plans de frontière entre les organismes ne sont pas d'une clarté fantastique. Et surtout il s'agit d'avoir une mise en route concrète de ces structures.

Sur le plan industriel, nous avons un paysage déjà structuré à l'échelle de l'Europe avec :

- des grands groupes multinationaux comme EADS Space et Alcatel Alenia Space,

- des maîtres d'oeuvre nationaux de taille un peu plus faible comme SSTL en AngleTerre et OHB en Allemagne,

- des équipementiers majeurs comme SAFT, Thales et autres,

- un riche tissu de PME.

L'industrie spatiale européenne est performante et exploite très bien la dualité civile militaire. Avec un ratio de 20 sur les budgets, nous avons quand même une industrie remarquablement performante.

Il importe simplement de veiller aux possibilités de consolidations industrielles. Il est clair qu'en particulier au niveau des PME, il y a une dispersion et qu'il faut peut-être aller plus loin dans les consolidations industrielles ou au moins laisser ouverte la possibilité de consolidations.

Il y a également la question du maintien des compétences, en particulier intercycles. Il faut, entre deux grands programmes, s'assurer que nous n'allons pas perdre l'investissement humain que nous avons pu faire.

Les axes de la croissance passent clairement par la dualité et la coopération européenne - et je crois que, là, nous rejoignons complètement le discours du Général Botondi sur l'importance de la dualité de la coopération - et ce, avec une gradation du moyen militaire spécifique à des moyens militaires du techno civil, du service dual civil et militaire et du service commercial civil pur avec aussi une gradation :

- un objectif de partage de coût,

- un impératif de partager les informations,

- une interopérabilité,

le tout pour aller vers une défense commune.

Pour la France, j'ai essayé de mettre les divers programmes sur un graphique et de les situer dans cette échelle de dualité et de coopération avec :

- une partie très nationale, Essaim, Elint et Syracuse 3,

- une coopération sur Hélios,

- davantage de coopération, plus de dualité sur le post-Hélios,

- les programmes civils : HRS, Spot 5, Pléiades,

- dans le domaine totalement ouvert : la météo, l'océanographie et Galileo.

Le leitmotiv est :

- pas de duplications inutiles,

- une interdépendance maîtrisée,

- aller ensemble vers une Europe de la défense.

Si nous pouvons conclure ou récapituler, il y a :

- une croissance prévisible du recours aux moyens spatiaux pour les besoins de défense et de sécurité,

- une volonté de rechercher systématiquement les possibilités de coopérations européennes et d'exploitations duales de l'espace,

- une nécessité d'une mise en route des structures européennes pouvant soutenir ces actions plus - et c'est peut-être le plus dur - un effort budgétaire associé,

- une promotion de véritables coopérations européennes fondées sur une interdépendance mutuelle volontaire qui est une étape de plus par rapport à ce que nous avons.

Merci.

M. Henri Revol - Merci, Monsieur l'Ingénieur général, pour cette présentation très concrète des projets dans le domaine de l'espace de la défense qui est assez réconfortante. Il y a bien sûr l'appel au budget, je pense qu'il y a des membres éminents de nos commissions de la défense dans la salle et qu'ils en feront tout à fait bon usage.

Vous avez dit aussi - et cela permet la transition - que nous disposions en Europe d'une industrie performante. Je suis heureux de passer la parole maintenant à François AUQUE, Président Directeur Général d'EADS Space, qui, lui, va nous parler un peu de la manière dont un grand industriel voit cette Europe de la défense.

4. M. François AUQUE, Président directeur général d'EADS Space

Merci beaucoup, Monsieur le Président.

Je voudrais simplement aborder ce sujet en traitant trois points.

Je ferai d'abord un constat très bref de la situation telle qu'elle est aujourd'hui : en quelque sorte, l'espace militaire en Europe, combien de divisions ?

Ensuite : où serons-nous en 2015 ?

Enfin : que faut-il faire ? C'est un point évidemment plus difficile.

La situation aujourd'hui

De façon très synthétique, je dirai que nous avons effectivement un outil extrêmement performant par rapport à son coût qui résulte essentiellement d'un investissement massif français des années 1950 et 1960 élargi à une coopération avec l'Allemagne et l'Italie. Je simplifie bien sûr à l'extrême, mais il ne faut pas se voiler la face, la réalité est celle-là.

Il y a la formation d'un outil dans deux directions :

- d'abord le balistique avec la communalité et les lanceurs civils, Ariane puis Vega, etc. ;

- ensuite tout le système satellitaire, avec l'observation, qui est une excellence européenne reconnue, les télécoms et tout ce qui concerne l'écoute, le renseignement, etc.

Voilà extrêmement résumée la situation telle qu'elle est aujourd'hui.

Si nous allons un peu plus dans le détail, en termes de budget, aujourd'hui, l'Europe dépense un peu moins de 1 Md€ en matière d'espace militaire. Et encore, je dirai que d'un point de vue conjoncturel, c'est dû à la montée en puissance de programmes comme Cosmo-SkyMed, SarLupe et bientôt Satcom Bw.

En réalité, l'étiage normal est plutôt de 600 M€ et c'est ce qui va se passer tout de suite, c'est-à-dire dès 2009.

La France est assez ambitieuse en réalité par rapport aux autres nations européennes parce que, comme l'a dit M. de Lauzun, elle consacre 1,4 % de son budget de la défense à l'espace. Ce n'est peut-être pas beaucoup, mais c'est beaucoup mieux que ses partenaires européens. Si ses partenaires européens de la LOI dépensaient le même pourcentage, cela ferait 1,6 Md€ pour l'ensemble de l'Europe et non pas un peu moins de 1 Md€.

Deuxième élément, des travaux exhaustifs ont été réalisés dans toute une série de cadres. Les acronymes sont d'un barbarisme total et je ne vais pas tous les citer - le Spacetech, le Gosp, etc. - mais en deux mots, c'est très simple. Les personnes qui avaient à travailler ont fait leur travail, on connaît parfaitement les besoins, on sait ce qu'il faudrait faire, le problème est que cela coûte de l'argent.

Troisième remarque, en termes de technologie, je pense qu'en Europe nous sommes encore à un niveau tout à fait remarquable. J'ai cité l'observation, les télécoms, je devrais citer l'alerte et je pourrais également citer les liaisons laser.

Nous avons des pôles d'excellence absolument extraordinaires, mais tout cela n'est pas pérenne, il faut que ce soit entretenu. Par ailleurs, il y a une série de champs technologiques dans lesquels nos amis investissent et dans lesquels nous sommes absents comme :

- les lancements à la demande,

- la surveillance de l'espace, des objets spatiaux,

- l'interception antimissile,

- toute l'évolution des technologies lanceurs et missiles balistiques.

Ma quatrième remarque porte sur le constat actuel et peut peut-être soutenir le propos de M. de Lauzun sur la performance de l'industrie. Il faut aller dans des colloques pour entendre son client vous dire que vous êtes performant ; cela fait plaisir de temps en temps.

Je trouve effectivement que dans l'industrie européenne, nous avons mis en oeuvre tous les moyens possibles et imaginables pour améliorer le rapport qualité prix. Comme vous l'avez dit, nous avons d'abord mis en oeuvre toutes les dualités possibles, Spot Hélios, Silex Lola (Liaison Optique Laser Aéroportée), les télécoms.

Ensuite nous avons mis en oeuvre tous les modes de coopération possibles : les programmes nationaux, les programmes bilatéraux, multilatéraux, communautaires, Galileo. Dieu sait que ce n'est pas facile, les programmes communautaires !

En ce qui concerne les schémas financiers, on parle beaucoup de PPP, à la limite certains n'en parlent pas beaucoup, mais les font. Je veux en particulier rappeler Paradigme qui est un exemple extraordinaire de mise en oeuvre d'une technique financière qui permet finalement au gouvernement britannique d'avoir un système de télécommunications militaires totalement financé par l'industrie.

Enfin je ne parlerai pas longuement des restructurations, mais je peux vous dire que nous y avons bien sûr payé notre écot. A ce sujet, il ne faut pas croire au miracle. Quand on réduit ses effectifs de 30 % - c'est, je pense, à peu près ce qu'a fait l'industrie européenne au cours des trois dernières années -, on tue des compétences. Il n'y a pas de miracle.

Voilà l'état des lieux ; s'il est, je crois, honorable compte tenu des moyens, il est extrêmement fragile.

Où serons-nous en 2015 ?

Premièrement, on est sûr qu'en 2015 il y aura une explosion de besoins nouveaux qui sont parfaitement identifiés aujourd'hui et qui sont en particulier liés - cela a également été bien cité - à la montée en puissance des réseaux infocentrés. On sait qu'il va y avoir une explosion des besoins de bandes passantes.

Ce qui n'a pas été dit, peut-être parce que ce n'est pas politiquement correct, c'est que nous allons également assister aux conséquences de l'explosion actuelle des ambitions spatiales mondiales de toute une série de pays.

Ces ambitions ont des conséquences militaires potentielles parce que ces technologies sont duales. Cela signifie donc qu'en 2015, il faudra avoir une certaine capacité de surveillance de ce qui va se passer dans l'espace. Cela signifie également qu'il va falloir anticiper l'évolution de la menace balistique. Ce n'est pas non plus politiquement correct, mais il faut quand même y réfléchir et il faut également réfléchir à tout ce qui concerne la vulnérabilité des engins spatiaux.

Nous allons avoir un bouleversement de tout ce paysage militaire qui sera dû, d'un côté à une montée naturelle de besoins parfaitement anticipés, et de l'autre à une explosion des ambitions spatiales entraînant une évolution du paysage stratégique mondial.

Cela veut dire que d'ici 2015, il faut sécuriser l'acquis que nous avons aujourd'hui, ce petit outil. Vous avez fort justement parlé, Amiral Poulain, de sécuriser l'accès à l'espace. Or cet accès à l'espace n'est pas acquis parce que c'est de la compétence. La compétence s'use si on ne s'en sert pas et, pour s'en servir, il faut des programmes. La simple conservation de l'accès à l'espace n'est donc pas du tout acquise.

Deuxièmement, il faut que les grands programmes dont on a parlé, qui font notre fierté (Hélios II, formidable, Sar Lupe, Cosmo-SkyMed), il faut que ces programmes aient des successeurs. Or aujourd'hui - cela a été dit pudiquement - si on a parlé de la succession d'Hélios II, il n'y a pas de budget, et 2015 c'est demain. Cela correspond à l'échéance de vie d'Hélios II et c'est la même chose en ce qui concerne SarLupe, Cosmo-SkyMed.

Il faut aussi que les petites graines qui ont été semées avec un extrême courage, en particulier - je peux le dire parce que je ne suis pas sous l'autorité du ministre de la défense - celui de Mme Alliot-Marie, ces petites graines, les démonstrateurs, il faut qu'elles débouchent sur des programmes européens, sinon cela n'aura servi à rien.

Il faut donc non seulement consolider tout cela, mais en plus couvrir les besoins nouveaux. Or, aujourd'hui il n'y a pas la moindre trace d'argent disponible pour le faire. Encore une fois, on sait ce qu'il faudrait, il faudrait simplement doubler les budgets, mais on n'en prend pas le chemin. Or doubler un budget de moins de 1 Md€, est tout de même moins impressionnant que de dire multiplier par deux.

Que faut-il faire ?

J'aurais tendance à dire, il faut appliquer les différents travaux que vous avez commandités. Appliquez-les au lieu de les mettre dans des tiroirs gris !

Le rapport du GOSP par exemple, ce fameux groupe de travail présidé par l'Ambassadeur BUJON de l'ETANG, est un travail extraordinaire qui aboutit à des conditions logiques et pas trop dispendieuses. Il dit qu'il y a trois séries d'actions à mener.

Premièrement, il faut mettre en place une organisation qui place les systèmes spatiaux au coeur des grands systèmes de défense ; faisons-le.

Deuxièmement, il faut doubler le budget alloué à l'espace en France et en Europe par rapport à ce qu'il est aujourd'hui ; faisons-le.

Troisièmement, il faut proposer des pistes concrètes de coopération à nos alliés : accord d'échanges de capacités sur Hélios et SarLupe ; on le fait déjà, continuons.

Il faut mettre en commun les opérateurs de télécommunications militaires et faire des économies entre Syracuse et Skynet ; faisons-le.

Et puis il faut que les industriels travaillent sur des sujets nouveaux qui ont fait d'ailleurs l'objet de ces fameux démonstrateurs très intelligemment lancés par Mme Alliot-Marie, de manière qu'ils débouchent sur des programmes européens ; faisons-le, faisons-le, faisons-le !

J'aurais simplement tendance à dire que lorsque je regarde le travail qui a été fait, ce n'est pas la peine de continuer à user le soleil, il faut passer à l'acte. Et, au fond, l'acte n'est jamais que budgétaire. Or, c'est le rôle du Parlement de voter le budget, et il n'y a pas de soutien politique sans budget.

M. Henri Revol - Merci, François Auque, de cette intervention offensive vis-à-vis du Parlement qui vous écoute et vous entend certainement, mais dont l'influence sur le budget - et vous le savez bien ici dans notre pays - est quand même assez limitée.

Je vais passer maintenant la parole à Monsieur Blaise JAEGER, directeur des télécommunications à Alcatel Alenia Space, qui travaille non seulement en étroite relation avec la DGA sur le programme Syracuse, mais également avec OHB sur les radars des satellites SarLupe pour le système de défense allemand.

En Italie vous avez réalisé Sicral, le premier système de défense par satellite italien.

Vous avez une très bonne vision des programmes qui nous occupent cet après-midi, merci de nous donner votre point de vue.

5. M. Blaise JAEGER, Directeur des télécommunications, Alcatel Alenia Space

Merci beaucoup, Monsieur le Président. Vous me volez ma première planche, ce qui raccourcira un peu mon intervention.

Avant de me lancer dans la vision à l'horizon 2015, je voudrais vous donner quelques scoops.

On a lancé Syracuse 3A le 14 octobre (ce fut un lancement parfait) par Ariane. J'ai le plaisir d'annoncer qu'après une mise à feu dans un délai éclair, au bout de huit jours, on a transféré le contrôle satellite au centre de Maisons-Laffitte géré par les armées et que comme nous nous y étions engagés, le premier répéteur, la première capacité ont été mis à la disposition des armées.

Au-delà de Syracuse c'est effectivement Sicral, vous l'avez ajouté, Hélios, SarLupe, Cosmo-SkyMed. Je crois que ce sont des réalisations dont l'industrie européenne peut être fière. On peut dire aujourd'hui que les compétences sont là.

Le Président d'Escatha parlait de technopush ou de market pool tout à l'heure. En termes de technopush , les compétences sont disponibles en Europe, on a une industrie européenne qui est capable de réaliser les ambitions qui sont les nôtres.

En termes de market pool , puisqu'on s'adresse ici aux questions de la défense, en écoutant les différents intervenants de la table ronde précédente j'ai été frappé de constater que les problématiques de l'espace des citoyens rejoignaient entièrement les problématiques de l'espace au service de la défense.

Sans entrer dans tous les détails, aujourd'hui les grands besoins sont les suivants.

On a la possibilité d'avoir davantage d'informations grâce aux satellites par leur permanence, leur pré-déploiement. La problématique est de réussir à traiter cette information, de tirer de la valeur ajoutée de ces informations, ce qui a très bien été expliqué par M. Achache. Après, il s'agit de distribuer cette information à ceux qui en ont besoin, c'est là que les télécommunications interviennent également.

Tout cela est une vision de réseaux infocentrés. Il s'agit de mettre l'espace effectivement au centre de nos systèmes de défense et d'essayer de faire en sorte de fédérer ces différents moyens satellitaires pour en extraire l'information et la diffuser aux personnes qui en ont besoin.

Tout cela correspond à faire en sorte que les satellites puissent acquérir plus d'informations, les recueillir par des liaisons inter-satellites ou des stations mobiles de réception sur les théâtres d'opérations, les exploiter sur place ou simultanément dans les centres métropolitains, les transmettre vers les personnes qui en ont besoin, donc les forces, et arriver en fin de compte à exploiter tout cela pour en tirer la décision la plus pertinente.

Cela nécessite une évolution des besoins en termes de bandes passantes, de débit d'information et aussi de bâtir un grand système d'information.

La vision qu'on a construite - je pense qu'on a participé au même groupe de travail - amène pour les télécoms à dire qu'on vend plus de capacités. Dans notre vie de tous les jours, en tant que citoyen, on constate qu'on a effectivement des capacités par Internet haut débit. On a maintenant à la maison 2 mégabits par seconde, 8 mégabits par seconde. On peut échanger des images, des vidéos, on peut faire tout cela à la maison.

Il est clair que le soldat, sur son théâtre d'opérations, qu'il s'agisse de son bien-être ou de son métier de soldat, aura également besoin d'avoir ces informations pour pouvoir assurer son service, faire son métier de soldat. Il faudra plus de débit pour apporter cette information sur le théâtre.

Notre vision d'un ensemble d'observations est ce qu'on a présenté à ces différents groupes de travail, c'est-à-dire des images dans toutes les différentes bandes de fréquence - optique, radars -, des systèmes d'écoute et la permanence de l'observation par des systèmes d'observation géostationnaires.

Je crois que les besoins - on revient sur le volet de market pool -, les technologies, les compétences sont là et que maintenant il n'y a effectivement plus qu'à. On est relativement clair à ce sujet et si on ne le fait pas, si on ne met pas les budgets correspondants, je vois deux risques.

Premièrement, je vois un risque - on a parlé de fracture numérique tout à l'heure - de fracture entre le citoyen et le soldat. Finalement, le citoyen aura chez lui accès à Google Earth, à des images haute résolution même si ce n'est certes pas l'image la plus récente. C'est d'ailleurs là que les militaires ont leurs besoins propres, c'est-à-dire avoir l'information la plus récente correspondant aux zones où ils vont intervenir. C'est possible, c'est accessible, c'est une question de moyens et de budgets.

Le risque de fracture est aussi d'avoir à la maison du 8 mégabits par seconde, d'échanger des images et des vidéos, d'avoir l'information disponible en métropole sans pouvoir la transmettre aux soldats là où leurs vies sont en jeu sur le théâtre des opérations.

Si effectivement on ne concrétise pas la fusion entre ce technopush et ce market pool , le premier risque est un risque de fracture entre le citoyen et le soldat.

Deuxièmement, ce risque a été exposé, c'est un risque de perte de compétences. Ce sont des compétences qui ont été bâties au travers de Syracuse 1, 2, 3, d'Hélios I et II, de Pléiades, de Cosmo, de tous ces grands systèmes. Les compétences sont là, mais si on ne les entretient pas, si on ne pense pas dès maintenant au futur des systèmes, elles disparaîtront très rapidement.

Il y a donc deux risques :

. un risque de fracture entre le citoyen et le soldat,

. un risque de perte de compétences.

Le thème de la table ronde est l'espace de la défense, je dirai qu'il faut aussi penser à la défense de l'espace ; ce sont des compétences qui ont mis du temps à se bâtir, il faut les entretenir.

Je résumerai tout cela en disant qu'on parle beaucoup de garanties de l'accès à l'espace, mais qu'il faut aussi penser à une garantie de l'utilisation autonome de l'espace. Et cette garantie de l'utilisation autonome de l'espace passe par des moyens de défense spécifiques adaptés aux besoins des armées et par un maintien des compétences en Europe, des compétences industrielles.

Merci beaucoup.

M. Henri Revol - Merci pour cette intervention rapide, mais très concentrée et très technique.

La rupture entre le citoyen et le soldat est un thème effectivement très important et je pense que nous avons bien fait d'organiser cette table ronde sur la défense.

Personnellement, je remercie les intervenants de la richesse des informations qu'ils ont livrées aujourd'hui ainsi que des appels lancés dont nous ferons bien entendu notre profit au Parlement.

Avant de passer la parole à mon collègue Christian Cabal pour le mot de conclusion, je tiens à saluer Claude BIRRRAUX, Député et Premier Vice-président de l'Office parlementaire, qui nous a rejoints. L'Office parlementaire étant l'organisateur de cette journée, en son nom je vous remercie.

Christian Cabal est corapporteur avec moi de l'étude dont le débat nous réunit aujourd'hui au sein de l'Office parlementaire, il est aussi le Président du Groupe parlementaire sur l'espace.

Ces dernières années, Christian Cabal a mis une énergie remarquable pour développer les relations interparlementaires. Il a organisé la conférence interparlementaire à l'occasion du Salon du Bourget, qui a réuni tous ceux qui, dans les parlements européens et même au-delà de l'Europe, s'intéressaient à l'espace en tant qu'élus de leurs nations. Je crois que nous pouvons le remercier de l'effort qu'il fait car il est bien nécessaire de mobiliser les citoyens et leurs représentants.

C. CONCLUSION PAR CHRISTIAN CABAL, CORAPPORTEUR ET PRESIDENT DU GROUPE PARLEMENTAIRE SUR L'ESPACE

Merci, Monsieur le Président.

J'espère que vous ne serez pas déçus après avoir applaudi sans m'avoir entendu. Je vais solliciter votre bienveillance parce que quelques problèmes de santé ne me rendent pas spécialement vaillant, surtout en fin d'après-midi, et après des exposés aussi riches dans la densité et la diversité des présentations qui ont été réalisées.

Je tiens à me joindre à Henri Revol pour remercier tous les intervenants qui, parfois, sont venus d'assez loin, qui ont distrait du temps dans leurs emplois du temps extrêmement denses pour faire partager leurs compétences, leurs connaissances et aussi leur enthousiasme. Vous avez pu en effet remarquer que même s'ils ont exprimé parfois des déceptions et des regrets, notamment quant au rôle des politiques, tous les intervenants étaient enthousiastes.

Henri Revol, Claude Birraux - et je pense qu'il y a d'autres parlementaires - et moi, vous avons invités ici sans arrière-pensées, nous attendant naturellement à faire un petit peu l'objet de quelques critiques de la part non seulement des industriels, mais aussi des représentants des agences et des différentes personnalités morales oeuvrant dans le domaine de l'espace.

Compte tenu des contraintes budgétaires apparemment rencontrées dans tous les grands pays du monde, il est en effet difficile de faire cadrer l'ampleur des problèmes et des solutions qui sont proposées par vous tous et vous toutes avec les capacités contributives des différents États. C'est bien une des caractéristiques communes que l'on rencontre.

Vous avez développé et exprimé aujourd'hui, à l'évidence, un sentiment de déception manifeste devant ces politiques qui n'arrivent pas à comprendre l'importance et l'enjeu de l'espace, compte tenu des conséquences et des implications qu'il représente à tous les niveaux et dans des domaines d'intervention humaine que l'on peut difficilement imaginer plus vastes, tant au plan civil que militaire.

Je vais défendre un peu les politiques parce qu'effectivement si nous, les politiques ici présents et d'autres qui, pour des raisons d'emploi du temps, n'ont pas pu se joindre à nous aujourd'hui, sommes convaincus d'être les défenseurs zélés et extrêmement hardis des questions spatiales, nous sommes aussi dans une structure politique, au sens général du terme de gestion de la cité, faisant que certains problèmes prennent une acuité extrême par rapport à d'autres.

Je pense que comme moi, vous considérez que contrairement à l'espace, ce qu'on appelle le « malaise » des banlieues qui se traduit ces jours-ci par des manifestations excessives dans certains quartiers, n'est pas une chose fondamentale pour la survie de la nation ou de l'espèce humaine et pourtant, dans la presse, c'est ce qui fait les grands titres de façon continue depuis plusieurs jours.

Je sais que la presse - et je tiens à remercier les journalistes d'être présents ici à cette journée - rend compte avec objectivité de l'importance du secteur spatial, mais sauf quelques exceptions - période de tir d'un lanceur ou d'exploration planétaire particulièrement attractive - l'actualité en général ne fait pas non plus mouvoir de façon significative les correspondants ou représentants de la presse.

Une exception des plus notables récemment a été le dossier et la réussite de Cassini-Huyghens qui a relancé d'une certaine façon une attractivité de la part du grand public au-delà du cénacle des personnes spécialisées dans les questions spatiales.

Il faut aussi globalement reconnaître qu'en dehors des grandes explorations planétaires qui marquent les esprits, les préoccupations plus générales de la société sur les questions liées à l'environnement, avec en particulier la question du réchauffement planétaire, relancent d'une certaine façon l'intérêt au-delà des cercles habituels des connaisseurs et des spécialistes de l'espace vis-à-vis du grand public.

Il y a comme toujours deux façons d'apprécier les choses : la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. Etant d'un naturel optimiste, j'aurai tendance à considérer qu'étant donné l'ensemble de la problématique, l'ancienneté de la politique spatiale de recherche et de développement et au-delà des réalisations pratiques du quotidien, les grandes réalisations de ces dernières années permettent de maintenir une certaine pression sur le politique qui n'est que l'expression de ses mandants, c'est-à-dire des citoyens sur l'intérêt et l'importance de l'espace au-delà des opérations de prestige. L'espace est vraiment quelque chose qui est dans le quotidien, qui touche tous les citoyens et qui par conséquent, doit les mobiliser.

Soyez rassurés Messieurs les industriels, Messieurs les directeurs d'agence et vous tous qui êtes ici, les politiques en général manifestent une affection pour les questions spatiales qui, je pense, est peut-être même plus importante que cela ne le justifierait sur un simple aspect de répartition des capacités budgétaires au plan des différentes allocations que nous devons faire au niveau des politiques.

Certes, on s'impatiente, on regrette et on piaffe devant les capacités que vous avez, vous, les industriels ou les agences, pour progresser, obtenir encore des résultats supplémentaires et supérieurs, mais au niveau des politiques, il faut réaliser des arbitrages.

Cela a été dit et dans une situation où les capacités budgétaires sont ce qu'elles sont, cela freine évidemment les capacités de développement ou même simplement de maintien des compétences qui ont été acquises et qui vont se traduire dans certains cas, et notamment chez les industriels, par des réductions ou non-développement des activités éventuellement avec des réductions d'emplois et de capacités.

On sait que dans le domaine de l'espace, ce n'est pas comme fabriquer des automobiles, lorsqu'on n'use pas les compétences, elles disparaissent et reconstruire ce qui a nécessité trente à quarante ans s'avère pratiquement impossible.

Voilà en gros et sans entrer dans le détail, les données que l'on peut qualifier de communes sur l'ensemble de la communauté spatiale, que l'on peut observer dans tous les pays développés et même au-delà des pays développés.

Vous pourriez me dire, oui, certes, mais dans ce contexte délicat qui touche les grandes nations historiques de l'espace, il y a des nouveaux entrants. Même s'ils occupent une certaine surface sur le plan de la planète, ces pays ne sont pas forcément extrêmement riches et, à l'évidence et sans avoir bénéficié de conseils éclairés, ils ont considéré que l'espace était une nécessité vitale pour leur pays.

C'est le cas de la Chine, cela a été dit, de l'Inde, d'autres pays qui sont parfois des pays de dimension moyenne comme l'Argentine, le Brésil et d'autres qui ont considéré, pas uniquement pour des raisons de prestige ou de souveraineté, que l'espace était un moyen d'accès à une société développée. A ce sujet, je rappellerai que l'Inde montre effectivement la voie d'une utilisation très large du segment spatial qui permet non seulement d'acquérir les connaissances nécessaires, mais aussi de les répercuter immédiatement sur le terrain dans des conditions extrêmement démonstratives et d'un grand succès.

Je cite l'Inde parce que vous êtes là, Monsieur Perumal, mais je dirai que d'autres pays ont choisi la même voie et s'y dirigent sans pour autant qu'il s'agisse de préoccupations strictes de souveraineté ou d'amour-propre. C'est bien un espace utile pour tous les citoyens permettant de rattraper des retards antérieurs et de faire face aux contraintes, notamment géographiques, en dehors des contraintes climatiques et autres que connaît un pays comme le vôtre.

L'espace n'est pas comme parfois certains de mes collègues ont pu le dire, une danseuse pour des enfants un peu attardés. Il y a cent cinquante ans, on jouait avec les trains électriques, maintenant c'est avec les vaisseaux spatiaux. Non, l'espace est une nécessité pour l'humanité et les grands pays qui veulent rattraper les retards du passé ont bien compris qu'il fallait utiliser ce moyen.

Je ne reviendrai pas en détail sur toutes les interventions maintenant. Nous avons eu des exposés extrêmement riches et je ne vous cache pas que les résumer en quelques minutes va être relativement difficile.

Je rappellerai simplement que, comme l'indiquait Henri Revol, c'est un point de départ. Il y a sept ou huit ans, l'Office parlementaire a commandé un premier rapport à Henri Revol, pour permettre de faire un point sur la politique spatiale et d'éclairer le Parlement - Assemblée Nationale et Sénat - sur les enjeux en cause, les propositions qu'il fallait formuler tant au plan national que bien sûr dans le cadre d'une politique de coopération internationale. On imagine en effet difficilement que l'espace se réduise à la simple sphère nationale.

Ce rapport a servi de référence, mais qu'y a-t-il de plus mouvant que le domaine spatial ?

Henri Revol a proposé de façon tout à fait heureuse qu'à une distance d'un peu plus de cinq ans, l'Office se saisisse de l'évolution dans ce domaine, tant au plan des connaissances fondamentales qu'au vu de l'expérience acquise et accumulée au travers de multiples coopérations internationales. Il y a là aussi un retour d'information extrêmement important et utile afin de mieux orienter la politique pour les dix et quinze prochaines années.

C'est là l'objectif essentiel de ce rapport que nous pourrons présenter dans le courant ou fin de l'année 2006, d'autant qu'un certain nombre de grandes décisions politiques au sens international auront été engagées, je pense à l'ESA pour les prochaines années et ainsi de suite.

Sachons et sachez qu'il s'agit là de faire un point non pas uniquement d'étape, mais de savoir se projeter sur les dix prochaines années et d'éclairer les décideurs politiques, au sens général du terme, sur la politique qu'il y a lieu de mener tant au plan national qu'au plan des coopérations internationales, au premier chef desquelles la coopération européenne, mais bien sûr sans exclusive des autres pays.

Nous avons eu quatre tables rondes, mais je ne reviendrai pas en détail sur chacune d'entre elles.

Chaque thématique a pu être abordée de façon assez détaillée et je vous demande de bien vouloir nous excuser parce que la densité des propos, qui n'a cependant pas permis d'être exhaustifs, a perturbé ce que nous avions initialement envisagé, c'est-à-dire le jeu habituel des questions-réponses. Sur ce point, je vous présente toutes nos excuses puisque la partie questions-réponses de chaque table ronde a été limitée au strict minimum.

En revanche, comme j'ai pu l'observer pendant les pauses, les discussions de couloir ont permis non pas de nouer des contacts parce que cette communauté spatiale se connaît bien, mais peut-être de revenir sur un certain nombre de points et de questions, de les approfondir et de permettre qu'il y ait un suivi et au-delà, une exploitation des discussions d'aujourd'hui pour tout un chacun.

La première table ronde a envisagé - cela paraît logique dans la chronologie des choses - la politique des lanceurs. Sur ce point et comme cela a été signalé et développé, la communauté scientifique européenne a un certain nombre d'acquis enrichis par l'expérience d'autres nations, historiquement très présentes dans le segment spatial, comme les États-Unis et la Russie.

A cet égard, nous avons pu comparer les expériences des uns et des autres, faire le point des difficultés rencontrées et déterminer quels étaient les objectifs légitimes et les plus judicieux qu'il fallait préserver dans le cadre d'une politique européenne qui, sur ce point, la politique des lanceurs, est, je crois, une grande réussite et ce, même si elle est jalonnée par quelques difficultés, qui sont, heureusement et la plupart du temps, surmontées.

La présence de grandes agences spatiales étrangères - j'ai oublié de mentionner le Japon et je vous prie de m'en excuser - sert effectivement de référence. Je crois que la politique japonaise en particulier doit être une référence intéressante pour les autres pays et les responsables des autres pays.

On a d'ailleurs suffisamment évoqué les difficultés budgétaires, et il faut bien reconnaître que quelles que soient la qualité et les compétences des hommes, si on n'aligne pas en face les moyens budgétaires, tout ceci reste des voeux pieux, il n'y a pas de réalisation. On se rend compte, là aussi, que même si on a des moyens budgétaires - c'est le cas du Japon - les résultats dans l'espace nécessitent vraiment un très long apprentissage, ce sont des dizaines d'années et plusieurs d'entre vous l'ont mentionné. Créer un lanceur et tout son environnement n'est pas comme créer une voiture, cela paraît évident. Encore faut-il le rappeler et le démontrer. Même si on en fait des dizaines de millions, il est plus facile de faire une automobile que de faire un lanceur qui est quand même quelque chose d'un peu plus délicat.

Toyota est une réussite fantastique mondiale qui a aussi été élaborée en un certain nombre d'années. Il faut reconnaître que le développement des lanceurs de la famille japonaise aura été plus long, plus chaotique que celui de la famille Toyota. Je suis cependant convaincu que les Japonais atteindront eux aussi, à une échéance brève, le niveau d'excellence parce qu'ils ont les hommes, les compétences et continuent à injecter des crédits considérables.

On oublie régulièrement que le budget de la JAXA est largement supérieur à celui du CNES. C'est une des conditions impératives pour obtenir des résultats. Vous l'avez manifesté et répété à plusieurs reprises : sans crédits à hauteur suffisante, je dirai à hauteur importante, on ne peut pratiquement rien faire, en tout cas si on a l'ambition de couvrir l'essentiel du champ spatial.

Nous avons entendu M. Remichevski, M. Highchi, Jean-Yves Le Gall, Michel Eymard, Joël Barré et Alain Charmeau. Nous avons eu là un panel d'intervenants qui ont fait part de leurs expériences, de leurs difficultés, parfois des doutes qu'ils avaient rencontrés et aussi des solutions qu'ils avaient trouvées pour que l'Europe, ou en tous les cas les pays concernés, poursuivent un effort dans le domaine des lanceurs.

Les lanceurs sont la pierre de base, la fondation. Nous ne pouvons pas avoir une politique spatiale si nous ne disposons pas de lanceurs capables de nous donner une autonomie. Le rappel a été fait de l'origine de la création de la famille Ariane, compte tenu de certains obstacles qui avaient été mis à l'utilisation d'autres lanceurs par des utilisateurs non-Américains.

Nous avons eu ensuite une table ronde large, également passionnée et passionnante sur l'espace scientifique et la connaissance et évidemment les vols habités.

C'est un sujet qui fait un peu plus débat, c'est-à-dire la place des vols habités par rapport globalement à la robotique. Ce débat a lieu d'être parce qu'il n'y a pas de vérité infuse. On ne peut bien entendu pas trancher de façon arbitraire et définitive entre la prééminence à donner aux vols habités et celle à donner à l'exploration automatique.

Les très grandes puissances comme les États-Unis peuvent se permettre de couvrir tout le champ de l'exploration spatiale, c'est légitime et normal. D'autres puissances, même au niveau européen, sont amenées de façon évidente et obligatoire à faire des choix et à trouver la moins mauvaise des solutions permettant néanmoins de participer pour une part, en totalité ou en partie, à ces champs d'exploration.

Le domaine scientifique ne fait pas l'objet de débat, je crois - et cela a été indiqué notamment par M. Bonneville, M. Kaaf de la DLR, et Roger-Maurice Bonnet - que l'exploration scientifique est une des raisons fondamentales d'amélioration de la connaissance, de la connaissance de l'univers.

Je ne reviendrai pas sur les démonstrations qui ont été faites, elles étaient brillantes et absolument convaincantes. Je crois, je suis convaincu, que même si la recherche scientifique dans l'espace coûte cher - c'est vrai, lorsque qu'on additionne les milliards d'euros pour des opérations qui sont passées ou en cours de réalisation, cela représente beaucoup de milliards d'euros -, cela en vaut la peine.

Cela en vaut la peine, car il y a un progrès scientifique considérable qui donne des acquisitions fondamentales bien au-delà du secteur spatial et c'est toute la connaissance scientifique qui en bénéficie, qui est irriguée.

Sur ce point, Jeffrey Hoffmann a fait une démonstration tout à fait fulgurante de la nécessité de couvrir ces différents champs. Il faut reconnaître qu'il est orfèvre en la matière puisque s'il est un grand orfèvre des vols habités, il en est un aussi de la connaissance scientifique. Je crois que nous pouvons vous remercier du rôle que vous accomplissez et de la fonction qui est la vôtre pour faire progresser d'une façon magnifique et très réussie cette expérimentation spatiale.

André Brahic a un talent exceptionnel dans la capacité de vulgarisation. Ce n'est pas une critique parce qu'il est nécessaire de vulgariser l'espace auprès des scientifiques qui ont une approche parfois techniciste et parcellaire. André Brahic a la chance d'avoir une vue beaucoup plus panoramique, c'est un des meilleurs utilisateurs de l'espace, pour et par l'espace. Ses talents de conviction font que j'essaye de l'amener à participer souvent à des réunions où des décideurs, des politiques sont là. Il a une capacité de faire passer un message non seulement dans nos cénacles, mais aussi dans l'opinion publique.

André Brahic - et je le dis souvent - est un homme médiatique, il sait utiliser les média et il les utilise avec profit pour une noble cause, celle de l'espace. André, vous pouvez toujours déborder vos temps de parole - les autres aussi plus modestement - parce que chaque fois vos interventions, notamment lorsque qu'elles sont médiatisées à travers la télévision - et cela arrive souvent lorsqu'il y a des tirs un peu exceptionnels - font remonter le sondage d'opinion en faveur de l'espace. Je crois que c'est une de vos qualités supplémentaires en dehors de vos qualités personnelles de scientifique bien évidemment.

J'ai honte, avec Henri Revol, parce qu'il me semble qu'il n'y a eu qu'une participation féminine à cette journée, celle d'Anne Bondiou, de l'ONERA. Elle s'est trouvée en plus en fin de matinée et nous lui avons laissé un temps de parole très bref. Vraiment la société spatiale reste très machiste bien que Claudie Haigneré soit présente. Nous la remercions de sa présence et de l'attachement vigilant qu'elle porte à cette discipline après en avoir dirigé, à mon goût, trop brièvement la responsabilité des actions, mais tout n'est pas perdu pour l'avenir.

En dehors de Claudie Haigneré, qui n'est pas directement intervenue, et d'Anne Bondiou qui nous a fait une présentation très synthétique et très dense de l'ONERA, je crois que nous manquons d'éléments féminins. Il faut donc Claudie, que vous réussissiez à promouvoir d'autres femmes. Vous avez fait beaucoup pour la cause féminine, de façon globale et générale, par vos exploits dans l'espace et votre rôle ministériel.

Voilà pour cette deuxième table ronde que j'abrège volontairement dans ces commentaires généraux.

La troisième table ronde portait sur les nouvelles applications au service du citoyen. Nous sommes là dans un champ très large.

Pierre Cohen a brossé la problématique et les enjeux en cause et avec les interventions du Docteur Perumal, du Docteur Vetrella que je remercie de sa présence à Paris aujourd'hui, nous avons pu comparer ce qui était fait au niveau des grandes agences qui servent de références.

Je dois dire que l'Agence spatiale italienne est pour nous une référence de très grande qualité. L'Italie, avec la France et en proportion de leurs richesses nationales, est le deuxième grand pays qui a une politique spatiale cohérente de longue haleine, qui associe les interventions nationales, les politiques de coopérations internationales et européennes et de multiples coopérations bilatérales avec beaucoup de succès, tant dans le domaine civil que militaire.

C'est, je crois, un exemple qui devrait être suivi par beaucoup d'autres. Je ne dis pas cela sous l'angle de la critique puisque la DLR fait beaucoup de choses, mais je ne cache pas qu'en ce moment et depuis un certain temps déjà, nous sommes assez soucieux de l'évolution de la politique allemande dans ce domaine, compte tenu des restrictions budgétaires que, comme d'autres, le gouvernement allemand connaît ainsi que de l'incertitude sur l'avenir politique gouvernemental allemand.

Ces derniers jours, on a observé un déchirement entre des départements ministériels concernant les technologies et l'espace, qui finalement ne se résout pas - à moins qu'il ne l'ait été cet après-midi - et même se caractérise par une crise supplémentaire.

Les Allemands qui ne manifestaient qu'une appétence relative au développement spatial, qui posent - disons-le franchement, je ne pense pas que M. Kaaf m'en voudra - des exigences parfois étonnantes eu égard à leurs capacités réelles, bloquant ainsi en ce moment un certain nombre de dossiers de coopération internationale, nous soumettent à une situation un peu hypothétique quant à la suite des événements.

Il faut reconnaître que l'Europe spatiale ne peut bien marcher que s'il y a la France et l'Italie naturellement, mais aussi l'Allemagne, parmi les très grandes puissances. Nous sommes nous, les politiques, très attentifs aux choix qui seront opérés par la Chancelière sur la composition du nouveau gouvernement, des hommes ou des femmes qui assureront cette responsabilité, ce qui est une chose et, au-delà, des moyens dont ils disposeront.

La question des budgets est revenue à plusieurs reprises et dans ce cas précis, je crois qu'il y a lieu d'être soucieux puisque le budget allemand de l'espace n'était déjà pas très large et les quelques déclarations que nous avons entendues des personnes en potentialité de diriger le pays semblent non pas timorées, mais assez réductrices sur les moyens financiers qui seront consacrés à l'espace dans les prochaines années.

Espérons que nos collègues allemands du groupe Parlementaire de l'espace allemand - je pense en particulier à Kurt RUSMANIT - sauront faire pression auprès du futur gouvernement allemand pour que les Allemands poursuivent une politique spatiale importante à la hauteur de leur nation et des espérances de l'Europe.

Après les interventions des grandes agences européennes, et je mentionnerai presque de façon allusive le CNES puisque nous sommes presque dans sa maison - le CNES est bien entendu la référence - Yannick d'Escatha a pu nous présenter les différentes applications avec les qualités qui sont les siennes, largement partagées par tous. Et je crois que le message qu'il a transmis a été reçu par toutes et tous. Je tiens à le remercier encore une fois du rôle que le CNES joue dans la politique spatiale française et européenne et de la nécessité impérieuse qu'il y a de voir son développement assuré dans de bonnes conditions.

Nous avons poursuivi cette table ronde avec l'intervention de Daniel Sacotte qui, comme il l'a indiqué, s'est substitué à Jean-Jacques Dordain. S'il n'était pas tout à fait dans sa thématique habituelle, il a pu néanmoins nous apporter les éléments d'informations nécessaires et utiles, objet là aussi de débats intéressants permettant de faire un point et de poser un certain nombre de problèmes dont certains restent encore en suspens à l'heure actuelle. Je suis cependant absolument convaincu que nous saurons, et qu'il saura, apporter les réponses nécessaires dans le cadre de l'ESA.

José Achache nous a présenté d'une manière passionnante, même s'il a été un peu trop long, la nouvelle structure de coordination quasiment planétaire qui vient de se mettre en place, et qui est un progrès gigantesque. Il est en effet un peu fatigant de voir la dispersion des moyens, des interventions, des structures qui ont à connaître de la question de l'observation de la Terre.

Ce travail, fait de recentralisation, de coordination, aura en tout cas, au moins, des effets économiques intéressants et des effets scientifiques incontestables. Vous êtes devant une lourde tâche, je sais que cela ne vous fait pas peur, vous avez l'expérience de la chose.

Nous comptons beaucoup sur vous pour que cette structure soit opérationnelle le plus rapidement possible et qu'elle concoure à ce que dans l'opinion publique, si c'était encore nécessaire, il y ait un fort appui à cette politique au plan international. Nous comptons sur vous pour montrer l'utilité du caractère indispensable de cette action.

Giulano Berretta, lui, nous a fait une présentation avec ses qualités habituelles teintées d'humour, mais de bon sens. Il n'a pas eu le mauvais goût d'attaquer le concurrent européen, il a simplement lancé quelques petites piques toujours amusantes et avec beaucoup d'humour. Là, effectivement, les différentes sociétés qui ne sont pas des applications, mais qui sont dans le système commercial concurrentiel, se développent à grande vitesse. C'est logique même si elles rencontrent parfois des difficultés dans les montages structurels financiers, ce sont aussi des choses qui arrivent.

Nous avons là, il l'a rappelé, une société française qui a un chiffre d'affaires considérable, de très beaux résultats et qui surtout fournit des prestations de très grande qualité. Elle fait honneur à la politique de développement de recherche et sait développer des produits nouveaux, lancer des initiatives commerciales et répondre aux attentes de la population et des citoyens.

M. Coste nous a présenté le développement d'Alcatel Alenia Space. Il s'agit effectivement d'une novation dans la structure, les actes de développement, les réalisations. Il y a eu longtemps un certain débat sur la manière de consolider le secteur des satellites pour savoir s'il fallait une société unique, maintenir un certain niveau de compétences. Je ne dis pas qui, à ce moment-là, aurait piloté l'ensemble regroupant les différentes entreprises.

Je crois que finalement la solution mise en oeuvre s'avère assez performante puisqu'elle assure une forme de concurrence - et c'était conforme aussi aux prescriptions européennes -, d'émulation. Si j'ai bien compris, les utilisateurs s'en satisfont puisque c'est source d'un certain nombre d'économies, de complexité aussi à un certain moment, nous l'avons vu avec le dossier Galileo.

Je pense que l'équilibre qui a été atteint, dans des conditions que l'on peut qualifier d'intellectuellement justifiées et économiquement rentables, permettra à l'économie européenne de se développer de façon efficace et capable de résister aux grandes sociétés concurrentes mondiales qui, dans cette structure, permettent d'assurer un choix au niveau européen.

Je pense ne pas avoir oublié l'essentiel des interventions sur cette thématique qui était extrêmement vaste et importante. Nous y reviendrons très largement dans le rapport puisque c'est peut-être un des secteurs le plus à même d'avoir des développements significatifs dans les années à venir et qui pose peut-être le moins de problèmes financiers.

Nous avons terminé par la question de la défense et Henri Revol a eu tout à fait raison de retenir cette table ronde très particulière puisque l'espace de la défense et la défense de l'espace sont évidemment une nécessité impérative si on veut que l'Europe occupe la place qui est légitimement la sienne. Il ne s'agit pas de concurrencer les États-Unis, cela n'a aucun sens, les budgets n'ont rien à voir, même si je vais faire un petit commentaire sur ce point.

Pour toute nation ou regroupement de nations comme l'Europe, il y a là un domaine qui doit être légitime et naturel. Je crois que dans ce secteur et pour des raisons historiques, la France a défriché le terrain, acquis des compétences heureusement rejointes par des grandes nations spatiales comme l'Italie, à laquelle je tiens à rendre hommage encore une fois. Les Italiens ont en effet su discerner l'importance de ce secteur à tous points de vue, je crois qu'ils participent à cette réflexion. Les Allemands ont toujours une petite tendance à refréner, mais ont observé aussi l'importance du secteur spatial de la défense, ils poursuivent dans ce domaine.

Je crois que si, encore une fois au plan européen, la France, l'Allemagne et l'Italie font oeuvre complémentaire, la stratégie retenue n'est pas de partager directement les moyens, mais les résultats, et d'assurer les complémentarités nécessaires comme cela a été démontré par l'Amiral Guy Poulain et mentionné par le Général Botondi. Je tiens à le remercier de sa présence ainsi que M. Vetrella. L'Italie fait vraiment honneur à l'espace, ce dont nous sommes très heureux et très fiers.

Si nous poursuivons dans ce sens, avec l'appui des industriels et des organismes étatiques spécialisés, nous pourrons atteindre des résultats appréciables et je voudrais faire une toute petite parenthèse.

Lorsque François Auque nous dit : « moins de 1 Md€, et même moins à l'avenir », en ce qui concerne le budget militaire américain on n'arrive jamais exactement à savoir, c'est 25 Md$, c'est vrai, mais ce n'est pas 1 Md€ contre 25 Md$. Nous avons effectivement Hélios, Syracuse, cela se limite pratiquement à cela, nous n'avons pas besoin comme les Américains de faire des lancements de satellites spécialisés toutes les trois semaines ou tous les mois.

Nous avons un satellite d'observation, ce n'est peut-être pas beaucoup, mais c'est déjà cela et il répond à peu près à nos besoins. Un satellite de télécoms répond à peu près à nos besoins. Nous ne sommes pas le Département de défense qui doit avoir en permanence une constellation. de satellites d'observation, de télécommunications, d'intelligence, cela n'a pas de sens.

Je crois, et je ne voudrais pas choquer François Auque, qu'avec un budget de 2 ou 3 Md€ par an - il est content, je ne l'ai pas choqué- nous pourrions presque atteindre les mêmes résultats que les Américains avec 25 Md$ parce que nous n'avons pas à dupliquer chaque année par dix ou quinze le tir de ces différents satellites.

Je suis un peu provocateur, mais cela ne sert à rien et je crois que nous ne gagnons pas à dire que nous sommes des pauvres malheureux, nous devons nous couvrir la tête de cendres parce que nous n'avons pas 25 Md$ par an à mettre dans l'espace militaire, nous n'avons pas besoin de mettre 25 Md$ dans la défense. Non, pas du tout, très franchement avec 3 Md€ nous pourrions tenir et lancer des démonstrateurs chers à notre industrie...

J'indiquerai quand même que, pour la France en tout cas, la discussion budgétaire que nous avons inaugurée cette année se situe sous un angle un peu différent de celui que nous connaissions depuis toujours.

La loi organique de finances ne se présente plus par budget voté, mais par mission objective programme et avec la capacité pour le Parlement de réaliser des réaffectations - je caricature un peu, mais ça viendra - avec la fongibilité des crédits, si bien qu'en ce qui concernait le rôle du Parlement et même du gouvernement - et Claudie Haigneré le sait mieux que moi - dont la marge de manoeuvre est effectivement extrêmement réduite pour ne pas dire nulle, le vote Parlementaire était une sorte de formalité avec des épisodes tragi-comiques, qui se terminait toujours dans les mêmes conditions.

Les choses ont sensiblement changé et elles ont déjà commencé à changer avec cette discussion du mois d'octobre. Il y a une capacité, une possibilité peu exploitée encore pour l'instant - je la situe au niveau des dépenses, pas à celui des recettes - de réaffecter les dépenses dans une marge de manoeuvre qui va inévitablement s'élargir. C'est là que nous, Parlementaires, devrons être très vigilants, à l'écoute bien sûr des consommateurs de crédits, car nous aurons à démontrer aussi à nos collègues qui ne sont pas forcément des passionnés de l'espace ou des questions scientifiques et de recherche, que les dépenses proposées par les différents ministères, par les missions, sont bien nécessaires et utiles, qu'elles se justifient.

La pratique qui vient d'être mise en place en France, qui est tout à fait nouvelle, des indicateurs de performance, est bien sûr toujours discutable : un indicateur est-il fidèle ? Rend-il compte de la réalité, de la vérité ? Est-il opportun ? Evidemment, mais c'est mieux que rien. Sachez que nous dépensons des centaines de milliards d'euros sans avoir le moindre indicateur de performance. Connaissez-vous une entreprise qui se risquerait à ce genre de choses ? Vous me direz que pour les entreprises, l'indicateur de performance est le marché, certes, mais nous devons également raisonner en ces termes.

Cette novation essentielle qui s'appelle la LOLF, va permettre un peu cette année, mais surtout à partir de l'année prochaine et des années suivantes, de juger du bien-fondé des investissements, des dépenses qui ont été votés par le Parlement. Une discussion Parlementaire sera engagée avec confrontation des idées et dans quelques années et par rapport aux perspectives que présentent les différents ministères, nous aurons certainement des choix qui ne suivront pas forcément les propositions qui seront formulées.

Puisqu'on parlait du rôle du citoyen - et c'est tout à fait légitime - je crois que cette nouvelle procédure sera un élément de réorientation, de réaffectation plus fine et plus justifiée, et cassera peut-être des habitudes répétitives ou des baronnies qui avaient tendance à vivre dans le confort des services votés, sans avoir à faire preuve de beaucoup d'imagination ni à justifier de l'opportunité et de la réalité de ces dépenses.

Je ne voudrais pas oublier de mentionner ce que Charles de Lauzun de la Délégation générale à l'armement a présenté, ainsi que Blaise Jaeger. François Auque a été comme toujours passionné et passionnant aussi, parfois un peu excessif, mais je ne lui en voudrais pas, car il faut aussi beaucoup de passion dans l'espace.

Ce qui nous caractérise les uns et les autres - en tout cas l'expérience que j'en ai -, c'est que nous sommes passionnés parce que nous faisons les choses dans les différentes responsabilités qui sont les nôtres. Et heureusement, sinon l'espace n'aurait certainement pas atteint les résultats qui sont les siens.

Je crois que sur ce point, et puisqu'on parlait d'investissements, de justification de ces dépenses, très franchement, lorsqu'on fait le bilan de toutes les applications, de toutes les novations, des changements profonds de société mis en oeuvre sur des choses qui paraissent un peu futiles, comme la télévision mobile dont on nous a parlé tout à l'heure, les changements en profondeur de la société, les progrès essentiels - je ne vais pas revenir sur la télémédecine - peu de choses changent autant la vie du quotidien que toutes les applications spatiales.

Si on met cela en référence et en rapport avec le coût objectif des différents budgets, je crois que peu de domaines connaissent une telle réussite et une telle profitabilité par rapport aux investissements des différents citoyens. C'est valable en France comme ailleurs.

Si effectivement les soucis qui ont été exprimés sont tout à fait recevables, si un certain nombre de déceptions s'expriment également, nous ne sommes plus dans la grande période de l'épopée du programme spatial Apollo ou d'autres grandes expéditions, mais dans une ère de maturité, de consolidation, où ce ne sont plus les pionniers, mais les soutiers, qui sont cependant nécessaires à la vie de la société. Je crois que c'est une optique tout à fait optimiste qu'il faut formuler à l'issue de cette journée.

Il faut la formuler même si cela fait mal au coeur de voir - et je comprends les chefs d'entreprise - « alléger » des effectifs puisque le chiffre d'affaires ne répond pas à l'entretien des équipes, de voir des équipes se disperser, de voir aussi - et je le comprends au niveau des différents États - des choix extrêmement douloureux.

La coopération, tout le monde l'a dit, est un mal nécessaire, ce serait tellement plus simple pour chacune de nos agences nationales d'avoir ses propres programmes, d'engager ses propres actions et d'obtenir des résultats à hauteur de ses espoirs. Ce serait tellement facile par rapport à une politique de coopération internationale qui est extrêmement lourde, difficile, souvent remise en question pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la nature même des travaux de recherche.

Si on observe les difficultés permanentes que le programme Galileo a générées depuis trois ou quatre ans, voire cinq ans, chaque fois on dit que maintenant c'est terminé. La semaine dernière c'était une nouvelle fois la catastrophe, Galileo allait sombrer corps et bien. Il a fallu encore un épisode tragi-comique pour que pratiquement un samedi matin, je ne sais plus dans quelles conditions, l'ESA, dans un communiqué de crise, réussisse à apporter le financement des quelques centaines de millions nécessaires, sinon on était forclos et tout s'effondrait une nouvelle fois.

Je comprends la rage qui étreint un certain nombre d'entre nous qui luttons depuis des années, voire des dizaines d'années pour certains, pour construire. On construit pas à pas, difficilement, en rencontrant des hostilités, mais c'est logique. Il est normal que ceux qui avaient en charge le CMGPS, n'envisagent pas forcément de gaieté de coeur de perdre une situation de monopole. Qui accepte de gaieté de coeur de perdre une situation de monopole ? Personne.

Finalement, les Américains eux-mêmes considèrent que Galileo est une bonne chose, complémentaire, d'émulation par ailleurs, et qui élargit le champ d'utilisation des systèmes comme il faut un système de masse. Cela fait partie d'ailleurs des choses que les Russes ont de nouveau privilégiées à partir du moment où ils ont eu les ressources financières pour relancer une politique spatiale.

Nous sommes dans une situation où l'espace s'impose indiscutablement à tous, décideurs et non-décideurs, et les citoyens en sont assez largement convaincus. Il appartient aux politiques plutôt au sens général du terme, aux décideurs et notamment aux parlementaires de donner les moyens aux agences nationales, aux industriels de répondre à cette attente et de faire en sorte qu'au travers des quelques difficultés que j'ai mentionnées rapidement, la politique européenne puisse les surmonter, cela a toujours été le cas et ça continuera à l'être.

Il faut qu'au-delà de la coopération européenne, nous assurions une politique internationale avec nos grands amis américains, russes et d'autres nations, un développement multinational qui, dans les perspectives du programme Bush et des programmes à venir, permettra à la communauté mondiale de travailler ensemble en émulation, sans concurrence inutile, mais au contraire en valorisant les compétences des uns et des autres ans, en assurant avec un modèle qui ne serait peut-être pas celui de l'ISS - tout le monde s'accorde à dire que ce système n'était pas le meilleur -, mais une répartition, une complémentarité des tâches où un certain doublonnage n'est pas inutile non plus. Il faut que tout ceci soit coordonné afin de permettre d'associer et de réaliser la meilleure valorisation des compétences des femmes et des hommes de la planète.

En tout cas sachez, Mesdames et Messieurs, que les Parlementaires que nous sommes aurons, après l'audition de bon nombre d'entre vous, dans les mois qui viennent, la capacité d'apporter, je le pense et l'espère, des réponses à cette problématique pour les quinze années à venir. Comme beaucoup d'entre vous l'ont dit, c'est effectivement maintenant que nous construisons pour dans quinze ans, et nous ne pouvons ni ne devons rater ce rendez-vous historique.

Je crois qu'avec les capacités qui sont les vôtres, la passion qui vous caractérise, les Parlementaires ne vous décevront pas.

La séance est levée à 19h00.