Vœux du Président du Sénat aux Sénateurs
14 janvier 2014


Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Monsieur le Ministre chargé des relations avec le Parlement,
Mesdames et Messieurs les Vice-présidents,
Mesdames et Messieurs les Secrétaires du Bureau,
Mesdames et Messieurs les Présidents de Groupe,
Mesdames et Messieurs les Présidents de Commission,
Mesdames et Messieurs les Présidents de Délégation et Office Parlementaire,
Monsieur le Président de l’Amicale du Sénat,
Mes chers collègues,
Mesdames et Messieurs,

Je ne peux ouvrir ces vœux sans évoquer, en quelques mots, ce que traverse « notre pays » :
Les 7, 8 et 9 janvier resteront gravés dans nos mémoires comme « les jours noirs » où quelques fanatiques ont cru pouvoir assassiner la Liberté, celle de penser, celle de s’exprimer, celle de croire et l’État de droit.

Le 11 janvier, la France s’est « levée en masse » pour dire que les valeurs de la République étaient notre vraie richesse commune et qu’on ne ferait jamais taire la voix de la Fraternité.

La France est sans doute plus forte après ces drames. Notre pays, dans son refus de l’absolu déni d’humanité, a retrouvé le souffle des grands moments de son histoire. Comme si, après de si grands malheurs, elle redécouvrait enfin sa force, ses valeurs et le chemin de son destin. Pour nous, la France a le visage de Marianne.

Hier, au Sénat, nous rendions un hommage solennel à celles et ceux qui ont perdu leur vie dans ces abominations. Oui hier, la République rendait hommage à trois policiers qui ont donné leur vie, victimes de leur devoir. Hier, « la promesse » du Livre Sacré s’accomplissait pour quatre jeunes français dans la Terre de Jérusalem ; nous l’avons dit dans notre hémicycle, dans la compassion, la douleur que nous partageons, nous, parlementaires, vous, Gouvernement, ensemble nous avons le devoir d’apporter maintenant les réponses concrètes aux questions de nos concitoyens ; assurer leur sécurité est le devoir de l’État ; le Parlement a le devoir de contrôler, de faire « la Loi nécessaire » d’assurer sa fonction de représentation des citoyens ; ce travail partagé, M. le Premier ministre, vous nous y avez invité, ce travail partagé dans la complémentarité de nos deux Assemblées, nous l’accomplirons, M. le Président de l’Assemblée nationale ; depuis plus de trois mois une Commission d’enquête travaille sur ce dossier au Sénat.

Voici donc que vient, après le sang, les larmes, la douleur, la colère, le temps de l’analyse, de la réflexion et de l’action dans la fermeté républicaine.

Nous nous le sommes dit hier avec les présidents de groupes, avec les sénateurs, le Sénat sera à ces rendez-vous ou prendra ses responsabilités, n’en doutez pas !
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Avant d’évoquer quelques sujets que 2015 nous réserve, je voudrais d’abord partager avec mes collègues des vœux personnels et chaleureux.

Ces vœux de rassemblement s’adressent évidemment à toutes celles et à tous ceux que je côtoie depuis de longues années et dont les visages me sont familiers, mais j’ai aussi une pensée toute particulière et amicale pour les 90 nouvelles sénatrices et nouveaux sénateurs qui ont fait leur entrée au sein de notre assemblée depuis octobre. Mes vœux vont naturellement vers vous qui participez au renouvellement du Sénat et qui avez déjà enrichi nos débats de vos expériences et de vos interventions ; mes vœux vont aussi à nos anciens collègues du précédent mandat et j’aurai l’occasion de les leur présenter prochainement en les recevant avec nos Présidents de Groupe.

Je pense aussi à nos collègues qui nous ont quittés et qui sont encore présents dans nos mémoires : parmi eux, Guy Fischer, Christian Bourquin, Xavier de Villepin. Je pense évidemment avec émotion à notre collègue Jean Yves Dusserre, disparu, c’était le 27 décembre !

M. le Premier ministre, mes chers collègues, notre pays vient de connaître un sursaut d’une force inouïe, et le premier vœu que je forme aujourd’hui, il s’adresse à mon Pays, aux Hommes et aux Femmes qui en sont la force et la vie.

Je suis de ceux qui refusent l’idée de la fatalité du déclin, de ceux qui ne tremblent pas devant la réalité de la mondialisation. Alors, à la France, il faut redonner maintenant la force et les moyens de croître et d’espérer, c’est notre responsabilité collective.

Le chômage de masse qui nous frappe est un des terreaux de la « décohésion », de la « fracture », pour reprendre une formule du Président Chirac - cette « fracture » n’a ni 2 ans, ni 8 ans, mais un pays où plus de 25 % des jeunes sont hors de la vie économique, est un pays qui souffre et une génération qui désespère. Oui il y a là la priorité des priorités : elle passe par la confiance en nos territoires, elle passe par la confiance dans nos entrepreneurs, par l’innovation dans la formation des jeunes et la question de l’école, elle nous est posée… Assouplir règles et normes quand elles découragent les initiatives et la croissance, ce n’est pas détruire un modèle sociétal ou social, c’est au contraire le protéger, le renforcer. Il faut libérer les énergies, les imaginations.

Nous avons hier soir entamé l’examen des articles sur la Nouvelle organisation territoriale de la République, ce projet de loi, ce débat, article par article, qui s’est engagé, je souhaite, nous souhaitons, qu’il puisse être ouvert aux propositions de notre Assemblée, celle des territoires, et que le dialogue soit sincère, utile au pays, capable de dépasser les postures.

Nous l’avons évoqué ensemble, samedi après-midi, et ce débat est pour nous un test de confiance mutuelle, M. le Premier ministre, le territoire, c’est le terreau de la croissance ; puis, nous débattrons sur la transition énergétique : ce doit être, là encore, « une chance » de croissance et « une responsabilité » que nous devons assumer pour les générations à venir. Ce projet nous a conduits lundi en Gironde « hors les murs » à la rencontre de start up, de chefs d’entreprises et des collectivités. Puis viendra le temps du projet de loi pour la croissance et l’activité. Nous le préparons avec beaucoup d’attentions en refusant les a priori mais là aussi il faut que nous nous écoutions mutuellement / Gouvernement / Assemblée nationale / Sénat.

Le bicamérisme est une chance pour notre démocratie, voilà pourquoi nous avons souhaité, la nouvelle majorité, que le Sénat engage un dialogue constructif et critique avec l’exécutif et je le souhaite M. le Président avec l’Assemblée nationale pour que, par exemple, nos commissions mixtes paritaires ne soient pas des caricatures !

Nous le devons au pays, il s’agit pour nous que notre assemblée soit, comme c’est sa vocation, un lieu d’échange, de propositions, de contrôle et de débat. Cela a été le cas en ce qui concerne les lois de financement de la sécurité sociale et les lois de finances où la discussion est allée jusqu’à son terme y compris dans les divergences avec le Gouvernement.

Il fallait, là, prendre date et donner une visibilité aux propositions du Sénat, nous avons ainsi exprimé notre inquiétude à propos du budget de la défense et les faits rattrapent cette inquiétude.

La loi de programmation militaire n’avait-elle pas été fin 2013, pourtant, l’exemple d’une responsabilité assumée concernant le contrôle ?
La fonction législative, celles de contrôle, sont pour nous des fonctions essentielles utiles au Pays.

Je prendrai un exemple récent : le rapport sur la situation des autoroutes, M. le Premier ministre, sans trop le dire, ce sont les conclusions de la mission Filleul/de Nicolay du Sénat que vous avez retenues, le pragmatisme du Sénat, il n’y a rien de tel ! Il y aura d’autres textes dont ceux de société, pour nous ici majeurs ; ils sont au cœur de la vie de nos concitoyens, que ces sujets se nomment vieillissement ou fin de vie, M. le Premier ministre, nous y apporterons tout notre engagement et celui-ci est ancien et il a connu de beaux débats dans notre Assemblée depuis Henri Caillavet et d’autres encore !

C’est donc un Sénat volontaire, clair et fort dans sa majorité, ouvert et respectueux de ses oppositions.

Dans nos murs et hors nos murs, nous voulons sentir le pouls de la France et chacune de nos communes en est un petit cœur battant. Nous croyons que notre pays n’est pas fini, que notre pays peut et doit se réformer.

Mais réformer, ce n’est pas rejeter nos fondamentaux : les territoires, les libertés, l’Éducation, la culture… parmi nos fondamentaux, il y a aussi la place de la France en Europe et dans le monde. Et dimanche, tout comme par les messages reçus de chacun des Sénats et Assemblées d’Europe et d’ailleurs, nous a prouvé qu’il fallait que l’Europe nous ne la traitions plus au gré de nos faiblesses comme la « genèse » de nos malheurs !

Le Sénat sera présent auprès de la Commission européenne, du Parlement de Strasbourg, des Assemblées des pays de l’Union ; oui, la volonté d’anticiper, de dialoguer, c’est ce que je ferai avec mes collègues dans quelques jours à Bruxelles, à Strasbourg, à Berlin et ailleurs.

M. le Premier ministre, mes chers collègues, nous sommes tous marqués et construits par nos chemins de vie, qu’ils soient familiaux, éducatifs ou au travers d’évènements majeurs qui impriment nos cœurs et notre pensée.

Moi, cela vous fera peut-être sourire, je ne citerai pas ce soir le Général de Gaulle ou Clemenceau, (pour qui j’ai moi aussi une forme de tropisme), je vous inviterai à partager les principes de l’écuyer en chef du Cadre noir, les principes du cavalier, c’était ma formation et ma vie professionnelle !

« En avant, calme et droit »
pour les puristes, c’est le colonel Lhotte.
C’est la doctrine de l’équitation française !
En ces temps de douleurs
En ces temps de doute
En ces temps de violences
En ces temps d’espérance aussi
Si nous l’appliquions…
« en avant » c’est le seul chemin
« calme » c’est la seule attitude
« droit » c’est notre détermination
Ce sera, je n’en doute pas, l’attitude du Sénat.

Très bonne année à chacune et à chacun,
Très bonne année à vous, M. le Premier ministre,
Très bonne année à vous, M. le Président de l’Assemblée nationale
Très bonne année au Sénat
Très bonne année à la France !