Discours de M. le Président du Sénat
Cérémonie à la mémoire des étudiants résistants
Jardin du Luxembourg - Jeudi 28 mai 2015

Mesdames et Messieurs les Sénateurs, chers collègues,
Monsieur le Recteur,
Madame la directrice générale de l’Office des anciens combattants et victimes de guerre,
Messieurs les présidents d’associations et de fondations,
Chers collégiens et lycéens,
Mesdames et Messieurs,

Nous sommes réunis aujourd’hui pour rendre en hommage aux lycéens et étudiants morts pour faits de Résistance. Cette cérémonie organisée par l’Association « Mémoire et Espoirs de la Résistance » s’inscrit dans le cadre de la journée nationale de la Résistance, instaurée par la loi de juillet 2013 dont le Sénat est à l’origine.

En posant cet acte de mémoire, en présence d’anciens résistants, de lycéens et collégiens, de professeurs, de tous ceux qui œuvrent pour la transmission des valeurs issues de la Résistance,  nous commémorons cet idéal de la France porté par ces jeunes filles et ces jeunes garçons qui n’hésitèrent pas à s’engager au prix de leur vie pour défendre la liberté.
Les attentats de janvier dernier sont là pour nous rappeler que rien n’est jamais acquis en la matière et que cette flamme de la Résistance ne doit jamais vaciller face à la barbarie.

Cette flamme de la Résistance, qui les habite dès juillet 1940, leur donne la force de distribuer les premiers tracts au sein des universités. Le 26 juillet 1940, profitant de l’obscurité due à la projection d’un film dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, des étudiants en sciences, jettent sur un public médusé quelques poignées de tracts où l’on pouvait lire : « Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves »…

Le 30 octobre 1940, la Gestapo arrête Paul Langevin, professeur au Collège de France et physicien de renommée internationale. Une nouvelle fois des tracts commencent à circuler au sein des universités. Une manifestation de protestation, qui réunit une cinquantaine de personnes, se déroule le 8 novembre devant le Collège de France.

Un nouveau tract appelle au recueillement sur la tombe du soldat inconnu, le 11 novembre. L’appel est repris dans les facultés, les grandes écoles et les lycées. Maurice Schumann, à la radio de Londres, invite les Français à quelques gestes symboliques, je le cite :

« En cette veille du 11 novembre, renouvelez sur les tombes de vos martyrs le serment de vivre et de mourir pour la France. »

C’est d’une manière improvisée que se déroule cette marche vers l’Étoile. Ainsi, ce 11 novembre 1940, aux alentours de 17 heures, plusieurs centaines d’étudiants manifestent sur les Champs-Élysées et s’offrent le plaisir grisant d’aller déposer un bouquet de fleurs sous l’arc de triomphe au pied de la flamme qui brule en souvenir de tous les soldats français tombés lors de la Première guerre mondiale.

Cette flamme, c’est celle de la Résistance !

C’est à Paris que se créent les premiers réseaux d’étudiants résistants, malgré la présence allemande. La très grande liberté qui est la règle de vie des universités, s’associe alors à une étroite communauté dans le refus : refus de l’acceptation de la défaite, refus de la législation antisémite, refus de l’occupation allemande.

C’est cette flamme de la Résistance qui pousse les étudiants et les lycéens à se sentir en sympathie avec les Alliés qui poursuivent la guerre, mais aussi avec cette part de la France incarnée par le Général de Gaulle qui représente l’espoir d’une libération prochaine.

C’est le Service du travail obligatoire qui pousse le plus grand nombre à franchir le pas. Beaucoup d’étudiants prennent les armes dans les différents maquis de France.

Cet engagement des étudiants dans la Résistance ne fut pas un simple combat contre l’occupant. Il reposait souvent sur des convictions profondes, qui se manifestaient dans le refus clair du fascisme et du nazisme au nom des valeurs républicaines.

Dès l’automne 1941, les prisons se remplissent et retentissent du gémissement des suppliciés quand ce n’est du râle des mourants ou du claquement des salves d’exécution.
Les cinq martyrs du Lycée Buffon à Paris, ont été parmi les premiers dans la Résistance universitaire. Pierre Grelot, Jacques Baudry, Pierre Benoit, Lucien Legros, Jean Artus n’ont pas encore 18 ans lorsqu’ils sont fusillés le 8 février 1943. Les lettres d’adieux bouleversantes à leurs parents resteront à jamais graver dans nos mémoires. Ils partent vers le peloton d’exécution en chantant la Marseillaise et en criant « vive la France ! »

Au même moment, un groupe d’étudiants crée un Mouvement de Résistance autour du journal Défense de la France, l’aventure tourne court à Paris le 20 juillet 1943 et une cinquantaine d’entre eux, dont Geneviève de Gaulle, la nièce du Général qui est entrée hier au Panthéon, sont arrêtés et déportés.

Henry Fertet, résistant du Lycée de Besançon, fusillé avec 16 de ses camarades le 26 septembre 1943 à l’âge de 16 ans, refuse d’être attaché et d’avoir un bandeau sur les yeux, peu avant l’issue fatale il avoue : « c’est dur quand même de mourir »…

Ainsi périrent nombre d’étudiants et de lycéens qui avaient choisi de suivre cette flamme qui éclaira leurs derniers instants !

Quelques jours avant la Libération de Paris, 35 lycéens des Forces Unies de la Jeunesse Patriotique, se rassemblent Porte Maillot afin de participer aux combats pour la libération de la capitale. Un traître les conduit directement au siège de la Gestapo qui se hâte de les assassiner froidement, poussés d’un camion, tombant l’un après l’autre sous les balles d’une mitrailleuse dans l’allée qui borde la cascade du Bois de Boulogne.

Ce sont ces jeunes gens morts pour la liberté que nous honorons aujourd’hui en ce lieu si proche de la Sorbonne, non loin de la faculté de médecine et d’autres grandes écoles, ce monument autour duquel nous sommes réunis aujourd’hui voulu par Gaston Monnerville, Président du Sénat, qui s’illustra dans la Résistance au sein du mouvement Combat.

C’est à vous, Mesdames et Messieurs les professeurs, de faire vivre, au sein de l’école, ce lien de transmission des valeurs sur lesquelles repose notre sentiment d’appartenance à la République française, ces valeurs pour lesquelles se sont battus avec tant de courage les quatre héros de la Résistance entrés au Panthéon hier.

Vous avez encore plus aujourd’hui qu’hier un rôle essentiel à jouer pour l’éveil des consciences auprès des jeunes générations. C’est là aussi la grandeur de votre métier et de la mission que vous confie la République française : « élever tous les enfants de France à la dignité de citoyens français capables d’exercer leur libre arbitre ».

C’est à vous, lycéens et collégiens, ici présents, qu’il revient aussi de faire vivre cette flamme de la Résistance auprès de vos familles, de vos amis, de vos camarades de classe, dans vos engagements présents et à venir. Alors que les dernières voix résistantes s’éteignent, c’est à vous, qui êtes l’avenir de la France, de reprendre ce flambeau et de faire preuve du même courage que celles et ceux qui qui vous ont précédés.

Ne vous soumettez jamais à je ne sais quel obscurantisme ! Sachez défendre la liberté !

Seul le combat vous permettra de rester dignes, c’est ce qu’avaient compris celles et ceux qui vous ont précédés et qui vous regardent aujourd’hui.