Discours du Président du Sénat, M. Gérard Larcher,
à l’occasion du colloque sur l’avenir des retraites
19 avril 2018


Madame la Ministre, Chère Agnès Buzyn,
Monsieur le Haut-Commissaire, cher Jean-Paul Delevoye,
Monsieur le Président de la commission des Affaires Sociales,
Monsieur le Rapporteur  général,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Monsieur le Président du Conseil d’administration de la CNAV,
Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux d’ouvrir ce matin, ce colloque sur l’avenir des retraites, le premier sur ce sujet, en compagnie de la ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn, et en présence du Haut-Commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye. Je remercie le président Milon, ses collègues ainsi que le secrétariat de la commission des affaires sociales pour avoir organisé ce colloque auquel nous tenions.

J’y tenais pour deux raisons essentielles. D’abord parce que la sauvegarde de notre régime de retraites est au cœur de notre pacte social et républicain.

On ne peut ni en traiter à la légère, ni croire qu’un coup de « baguette magique » suffit pour le transformer. Ensuite car le Sénat a toujours eu à cœur de contribuer aux réflexions et aux évolutions de notre système de retraites, n’hésitant pas, en 2010, à faire adopter un amendement sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique. Nous étions précurseurs…

Le sujet de la réforme systémique n’est donc pas tabou ici ! Au contraire ! Comment ne pas partager l’objectif  d’un régime unifié ou universel ? C’est compréhensible par les assurés. C’est sans doute plus équitable.  Et qu’il soit à points ou par comptes notionnels, ce régime paraît plus facile à piloter.

Je ferai d’ailleurs, ce matin, au Bureau du Sénat une communication sur les évolutions du système de retraites du Sénat, évolutions qui prendront naturellement en compte la future réforme.

Cette approche qui est la mienne me permet, aussi, aujourd’hui, de mettre en garde. Il n’y a pas d’un côté des conservateurs qui ne jureraient que par les bonnes vieilles réformes paramétriques, qu’elles portent sur l’âge de départ ou la durée de cotisations. Et de l’autre, des soi-disant partisans d’une « vraie réforme », celle conduisant à un grand  régime universel de retraite, qu’il soit par points ou fondé sur des comptes notionnels. Méfions-nous des tentations du grand soir qui font que l’on se réveille le matin avec la « gueule de bois » !

La réalité est plus complexe. Nos 42 régimes sont aussi le fruit de l’histoire sociale de notre pays. Ils sont le résultat de compromis sociaux et professionnels auxquels les assurés de ces régimes sont attachés. Il faudra en tenir compte. La brutalité peut parfois paralyser les réformes qui sont pourtant nécessaires…

L’existence de régimes complémentaires s’ajoutant à un régime de base plafonné, et gérés par les partenaires sociaux eux-mêmes, rend d’autant plus difficile la perspective d’un régime unifié. Et d’ailleurs, les partenaires sociaux ont-ils moins bien géré leurs régimes complémentaires que l’État ? Ont-ils été moins courageux que lui pour prendre leur part des efforts nécessaires ? Je n’en suis pas certain…comme nous le montre l’exemple récent de l’accord AGIRC-ARRCO.

Chacun sait ici que je crois au rôle des corps intermédiaires et que je pense que rien ne peut se bâtir sans dialogue et concertation, dans le respect de ses interlocuteurs.

Vous partagez, Monsieur le Haut-Commissaire, cette approche, et cela me rassure pour cette période de concertation.

Je pense, Madame la ministre, que c’est également votre conviction. Vous l’avez montrée, au cours des derniers mois. Vous savez combien il est important de se réunir autour de principes communs et de diagnostics partagés.

Les travaux du COR nous ont justement permis, ces dernières années, de poser des diagnostics. Et tout récemment le COR a  bien montré la complexité d’un exercice de mise à plat de nos différents régimes, mise à plat indispensable pour apprécier, objectivement,  leurs différences et pérenniser ou corriger leurs spécificités. Le COR a également mis l’accent sur la difficulté de la période de transition pour la bascule vers un nouveau régime unifié.

Comment ne pas redouter deux écueils :

1) Que l’on y consacre beaucoup de temps, beaucoup d’énergie et que l’on ne prenne pas les mesures nécessaires pour assurer l’équilibre financier de la prochaine décennie.

2) Pire encore que la recherche de ce régime unique conduise à des dépenses supplémentaires pour des raisons d’échelle de perroquet faciles à imaginer ; voire à faire main basse sur les réserves des régimes complémentaires comme certains le redoutent déjà ! voire des prélèvements supplémentaires…

C’est l’intérêt des travaux de cette journée de commencer à éclairer sur l’état de nos régimes de retraites et les réformes déjà faites. C’est le programme de la matinée.

Vous aurez, ensuite, cet après-midi un éclairage sur des exemples étrangers et le cadre qui pourrait être celui de la réforme systémique. Inutile d’insister sur la qualité des différents intervenants. Merci à chacun d’entre eux d’avoir accepté de participer à notre colloque.

Nous avons fait le choix d’un colloque avant tout pédagogique. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas réservé une plage de temps aux différentes organisations patronales et syndicales. Mais je crois qu’il faudra  prévoir un nouveau colloque, le moment venu, lorsqu’on en saura plus sur les intentions du gouvernement. Cela leur permettra de faire valoir leurs analyses et d’en débattre.

Aujourd’hui, c’est le temps de la mise en perspective au moment où la période de concertation avec l’ensemble des acteurs sociaux s’ouvre sous votre houlette, cher Jean Paul Delevoye.

Vous me permettrez, pour conclure, de citer un grand parlementaire, un grand président de l’Assemblée nationale, un grand ministre des Affaires sociales, avec qui j’ai beaucoup partagé,  Philippe Séguin,  qui nous livre en quelque sorte notre feuille de route: « le libéralisme à construire est un libéralisme corrigé ; corrigé par les impulsions d’un État dont le rôle, dans une période de mutation telle que celle que nous avons à vivre, est moins que jamais discutable. Le libéralisme de demain doit accepter un tempérament de grande conséquence, celui de la sauvegarde d’un système de protection sociale aussi complet et exemplaire que possible.
C’est la condition de l’équilibre de notre société ; c’est la garantie du maintien de l’ordre public ; c’est l’assurance que les mutations pourront s’exprimer autrement que dans le trouble et la révolte. »

Je vais devoir vous quitter ce matin car je dois présider le Bureau du Sénat.

Très bon colloque.

Je vous remercie.

Seul le prononcé fait foi