La commission des lois du Sénat, réunie le mercredi 17 février 2021, s’est opposée, à une large majorité, à un amendement du Gouvernement visant à autoriser un "vote anticipé" au moyen de machines à voter dans quelques communes, dont la liste n’a pas été dévoilée par le Gouvernement.

Déposé tardivement sur le projet de loi organique portant diverses mesures relatives à l’élection du Président de la République, cet amendement "relève du bricolageOn ne joue pas de cette façon avec l’élection présidentielle, clef de voûte de nos institutions et de notre pacte républicain", a déclaré le président François‑Noël Buffet (Les Républicains – Rhône).

Sur la forme, la commission des lois a estimé inenvisageable de modifier aussi radicalement les règles de l’élection présidentielle par un amendement déposé in extremis à la fin de la navette parlementaire, sans que ni les forces politiques ni le Conseil d’État aient été appelés à se prononcer.

Sur le fond, elle a considéré que l’amendement du Gouvernement était de nature à alimenter la suspicion sur la sincérité de l’élection présidentielle et à remettre en cause la légitimité du président élu. Les machines à voter, en effet, sont soumises à un moratoire depuis 2008 : seules 66 communes en sont équipées, le Gouvernement interdisant aux autres communes d’acquérir des machines à voter.

Le Conseil constitutionnel a alerté les pouvoirs publics à de nombreuses reprises sur les risques de fraude liés à l’utilisation des machines à voter, notamment après l’élection présidentielle de 2007, de même que l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). Il convient donc d’abord de sécuriser les machines à voter, avant de les étendre aussi massivement pour l’élection du Président de la République.

Des solutions beaucoup plus simples ont pourtant fait leur preuve : chaque électeur "empêché" peut se rendre en gendarmerie ou au commissariat de police pour établir une procuration. Dès le 1er janvier 2022, il sera possible de confier à sa procuration à tout électeur de confiance, y compris lorsqu’il réside dans une autre commune.

En outre, l’organisation d’un vote anticipé avant la fin de la campagne électorale, comme le propose le Gouvernement, soulève une objection de principe, puisqu’un électeur ayant voté par anticipation ne pourrait plus modifier son vote, quand bien même il le souhaiterait à la lumière de nouvelles informations. Ainsi, la candidate démocrate à l’élection présidentielle américaine de 2016, Hillary Clinton, n’a été définitivement innocentée dans « l’affaire des courriels » que quelques jours avant le scrutin, alors que les électeurs avaient déjà commencé à voter par anticipation.

Enfin, la commission des lois s’est interrogée sur les objectifs poursuivis par le Gouvernement. Un vote anticipé concentré en une seule journée, dans une centaine de communes françaises, ne résoudrait en rien les problèmes soulevés, le cas échéant, par la persistance de l’épidémie de covid‑19.

"S’agit-il donc d’afficher une prétendue modernisation, alors que les machines à voter, dont le principe date de 1969, n’ont strictement rien de moderne ? Ou de favoriser un électorat urbain et aisé, qui réside dans les grandes villes où les bureaux de vote électroniques seraient installés, et qui veut pouvoir partir en week-end sans se soucier d’établir une procuration pour voter ?", s’est interrogé le rapporteur Stéphane Le Rudulier (Les Républicains – Bouches-du-Rhône). "L’initiative du Gouvernement a de quoi nourrir tous les fantasmes de manipulation électorale."

À l’inverse, la commission des lois a donné un avis favorable à un amendement du sénateur Philippe Mouiller (Les Républicains – Deux-Sèvres) qui prévoit d’imposer aux candidats à l’élection présidentielle de nouvelles obligations en matière d’accessibilité de leur campagne aux personnes handicapées. "C’est une avancée importante pour garantir à tous le plein exercice de la citoyenneté, quel que soit le handicap : cécité, surdité, handicap mental ou moteur, etc.", s’est félicité le rapporteur Stéphane Le Rudulier. "Elle ne doit pas être occultée par une mauvaise polémique déclenchée par un amendement improvisé du Gouvernement."

Le projet de loi organique sera débattu en séance publique le jeudi 18 février 2021.

François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône) est président de la commission des lois.

Stéphane Le Rudulier (Les Républicains - Bouches-du-Rhône) est rapporteur de la commission des lois.

Consulter le dossier législatif :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl20-285.html

Consulter les travaux de la commission des lois :

http://www.senat.fr/commission/loi/index.html

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Mathilde Dubourg
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