Contrairement à certaines affirmations lancées dans le débat public ces dernières semaines, il ne semble pas y avoir de phénomène généralisé de hausses injustifiées des tarifs de la part des industriels vis-à-vis des distributeurs, sauf exceptions. Les demandes de hausses de prix sont en effet largement liées à la flambée spectaculaire du coût des matières premières, qui place les industriels face au choix suivant : les répercuter dans leurs tarifs, ou comprimer leurs marges, déjà malmenées par neuf années de déflation des prix.

L’inflation, qui a atteint 5,8 % en juin pour les produits alimentaires, est bien davantage expliquée par des sous-jacents "concrets" comme la reprise économique soudaine, les aléas climatiques extrêmes et la guerre en Ukraine, que par un gonflement artificiel des prix.

En revanche, quelques pratiques contestables ont été mises au jour par le groupe de suivi, dans un climat de tensions inédites entre industriels et distributeurs lors des renégociations commerciales actuelles :

  • certains distributeurs augmenteraient les prix en rayons alors même qu’ils ont refusé, en amont, les hausses de tarifs qui leur étaient demandées. Par ailleurs, ils "gagneraient du temps" en laissant les renégociations s’éterniser, afin de s’approvisionner à l’ancien tarif, moins élevé ;
  • des hausses de tarifs pour un même produit (l’eau minérale, les glaces, les bières) peuvent aller du simple au triple d’un industriel à l’autre.

À la rentrée, l’inflation devrait donc se poursuivre pour atteindre entre 7 % et 10% (soit jusqu’à 45 € par mois pour un panier moyen).

Par ailleurs, la loi "Egalim 2", dont le groupe de suivi a dressé une première évaluation, semble avoir plutôt bien fonctionné pour protéger le revenu agricole. Elle est cependant, par construction, source d’inflation.

Pour Sophie Primas, présidente de la commission, "combinée à l’augmentation du prix de l’énergie (+33,1 % en juin 2022 sur un an), l’inflation des prix des produits de grandes consommation ampute significativement le pouvoir d’achat des Français. Cela plaide, non pas pour une politique de chèques dispendieuse et éphémère, mais pour une politique ferme de revalorisation du travail et notamment de défiscalisation et de socialisation des heures supplémentaires".

Pour Daniel Gremillet, président du groupe de suivi de la loi Egalim, "de toute évidence, si les distributeurs acceptent les hausses liées aux matières premières agricoles, ils refusent catégoriquement celles liées aux matières premières industrielles comme l’énergie, l’emballage ou le transport. Autrement dit, plus de la moitié du besoin exprimé par les fournisseurs est simplement ignoré. C’est exactement l’écueil principal de la loi Egalim 2 sur lequel nous avions alerté en 2021, sans que le Gouvernement ne s’en soit soucié".

Pour Anne-Catherine Loisier, rapporteure de la loi Egalim 2, "le niveau de tensions entre industriels et distributeurs est suffisamment élevé pour ne pas rajouter de l’huile sur le feu avec des déclarations qui, de toute évidence, ne correspondent pas à la réalité du terrain. La partie de "poker menteur" entre industriels et distributeurs doit se terminer. Il n’y a qu’en France que ces acteurs majeurs semblent incapables d’échanger sans tension. Déjà en mars, nous étions intervenus pour rappeler au Gouvernement son devoir de publier des lignes directrices en matière de pénalités logistiques. Il faut désormais qu’il se saisisse de ces nouvelles recommandations en vue des futures négociations commerciales".

La synthèse du rapport est consultable ici, et le rapport ici.

La commission des affaires économiques est présidée par Mme Sophie Primas (Les Républicains – Yvelines).

M. Daniel Gremillet (Les Républicains – Vosges) est président du groupe de suivi Egalim.

Mme Anne-Catherine Loisier (Union centriste – Côte-d’Or) est rapporteure de la loi Egalim 2.

Philippe Péjo
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