Onze mois après son adoption le 13 décembre 2021, la loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires, dite "loi Sempastous", reste presque entièrement inapplicable, bien qu’entrée en vigueur depuis le 1er juillet 2022 .

Déjà, lors de son examen, le Sénat avait souligné la géométrie variable de "l’urgence" à légiférer invoquée par le Gouvernement, qui avait justifié le recours à la procédure accélérée, l’absence d’étude d’impact préalable et le manque de concertation par le besoin de mise en œuvre rapide d’une loi de régulation. Pourtant, les parlementaires attendent toujours que la "loi Sempastous" aille plus loin que les mots et se traduise en actes.

Force est de constater que le Gouvernement ne s’impose pas l’urgence qu’il oppose au travail et au calendrier parlementaires. En effet, les décrets d’application du cœur de la loi, qui instaure une nouvelle procédure de contrôle des cessions de parts et actions de sociétés détenant du foncier agricole, se font toujours attendre. Le délai du 1er novembre 2022, pourtant fixé par la loi comme échéance d’application, n’a pas été respecté.

En dépit des demandes du rapporteur Olivier Rietmann, le Gouvernement n’a transmis au Sénat aucun projet de décret, et aucun texte n’a été soumis à consultation publique. Parmi les dispositions qui doivent encore être précisées figurent notamment le contenu des demandes d’autorisation et les procédures d’instruction par les SAFER. Surtout, les conditions dans lesquelles le seuil d’agrandissement significatif, dont le franchissement déclenche la nouvelle procédure de contrôle, pourra être fixé par le préfet, ne sont pas encore connues.

Ce retard est d’autant plus préjudiciable que l’incertitude est réelle pour les opérations réalisées depuis le 1er novembre 2022 : seront-elles soumises au contrôle voté par le Parlement ? Ou le Gouvernement laisse-t-il ouverte une brèche, dans laquelle spéculateurs et investisseurs ne manqueront de s’engouffrer, en particulier à l’heure où le foncier se raréfie et se renchérit avec la "zéro artificialisation nette" ? Les jeunes agriculteurs souhaitant s’installer pourront-ils bénéficier du dispositif de mise à disposition prioritaire, ou devront-ils encore attendre plusieurs mois ?

Pour Olivier Rietmann, "le Gouvernement doit prendre ses responsabilités et accélérer l’adoption des mesures réglementaires d’application. Sinon, les agriculteurs qui ont des projets d’achat ou de vente dans les prochains mois seront injustement pénalisés, par exemple dans le cas d’un départ à la retraite ou d’une installation".

La commission des affaires économiques est présidée par Sophie Primas (Les Républicains – Yvelines).

Olivier Rietmann (Les Républicains – Haute-Saône) était rapporteur de cette loi.

Le dossier législatif et l’Essentiel sont disponibles en ligne sur le site du Sénat.

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