Question de M. CROZE Pierre (Français établis hors de France - U.R.E.I.) publiée le 04/08/1988

M. Pierre Croze attire l'attention de Mme le ministre des affaires européennes sur la situation défavorable qui est faite aux jeunes Français qui résident dans l'un des pays de la Communauté lors de leur appel sous les drapeaux. En effet, alors que leurs compatriotes résidant sur le territoire national bénéficient, au titre des articles L. 122-18 et R. 122-7 du code du travail, d'un droit à réintégration dans leur emploi antérieur à l'issue de leur service militaire légal, les jeunes Français résidant hors du territoire national, qui doivent quitter leur emploi pour accomplir leurs obligations militaires, ne peuvent exiger de leur employeur la même garantie de réintégration. C'est pourquoi il lui demande s'il a l'intention de proposer à nos partenaires de la C.E.E. une harmonisation au niveau européen du régime de suspension du contrat de travail en cas d'obligations militaires nationales, quel que soit le lieu de résidence et d'emploi des jeunes appelés, afin d'éliminer toute discrimination dans la liberté d'établissement, conformément aux objectifs du traité de Rome, et d'harmoniser ainsi dans le progrès les conditions de travail, comme le prévoit l'article 118 A du traité, résultant de l'article 21 de l'Acte unique européen.

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Réponse du ministère : Affaires européennes publiée le 13/10/1988

Réponse. - 1. En vertu de l'article L. 122-18 du code du travail : " Lorsqu'il connaît la date de sa libération du service national actif et, au plus tard, dans le mois suivant celle-ci, le travailleur qui désire reprendre l'emploi occupé par lui au moment où il a été appelé au service national doit en avertir son ancien employeur. Le travailleur qui a manifesté son intention de reprendre son emploi, comme il est dit à l'alinéa précédent, est réintégré dans l'entreprise à moins que l'emploi occupé par lui ou un emploi ressortissant à la même catégorie professionnelle que le sien ait été supprimé. Lorsqu'elle est possible, la réintégration dans l'entreprise doit avoir lieu dans le mois suivant la date à laquelle l'employeur a été avisé par le salarié de l'intention de celui-ci de reprendre son emploi. Le travailleur réintégré bénéficie de tous les avantages qu'il avait acquis au moment de son départ. " Ce droit à réintégration présente deux caractéristiques qu'il convient de souligner : il n'est pas spécifique à la législation française, puisque ainsi, la " loi sur la protection de l'emploi lors de l'appel sous les drapeaux " en vigueur en République fédérale d'Allemagne prévoit un droit de portée comparable ; il n'est pas applicable aux seuls ressortissants de l'Etat membre concerné, mais à l'ensemble des ressortissants communautaires travaillant dans cet Etat qui se voient soumis à des obligations militaires. En effet, l'article 7 du règlement C.E.E. n° 1612-68 du conseil prévoit en son paragraphe 1 que : " Le travailleur ressortissant d'un Etat membre ne peut, sur le territoire des autres Etats membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux pour toutes conditions d'emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement et de réintégration professionnelle ou de réemploi s'il est tombé en chômage. " La cour de justice des Communautés européennes, dans un arrêt du 15 octobre 1969 (affaire 15/69, Württembergische Milchverwertung contre Ugliola), a relevé que la réglementation communautaire, prise en application de l'article 48 du traité sur la libre circulation des travailleurs, " envisage elle-même aux articles 6, paragraphe 2, et 7, paragraphe 2, du règlement C.E.E. n° 38-64, ainsi qu'à l'article 5, paragraphe 3, de la directive du conseil n° 64-240 et à l'article 6, paragraphe 2, de la directive du conseil n° 68-360, la protection des travailleurs migrants contre certaines conséquences qui pourraient résulter de leur appel sous les drapeaux pour les conditions d'emploi ; que le caractère de ces conséquences ne change pas en substance selon que les travailleurs sont appelés sous les drapeaux par l'Etat où ils travaillent ou par un autre Etat membre dont ils ont la nationalité ". Elle en a conclu " qu'un travailleur migrant, ressortissant d'un Etat membre, qui a dû interrompre son activité dans une entreprise d'un autre Etat membre afin de remplir ses obligations militaires nationales, a le droit de voir prendre en compte la période ainsi passée sous les drapeaux pour le calcul de son ancienneté dans cette entreprise pour autant que les périodes de service militaire accomplies dans le pays de l'emploi soient elles aussi prises en compte au bénéfice des travailleurs nationaux ". La conclusion serait bien évidemment identique pour le simple exercice du droit à réintégration. 2. Le droit à réintégration après accomplissement des obligations militaires ne bénéficie cependant, en l'état actuel du droit communautaire, qu'aux ressortissants de la C.E.E. travaillant dans un Etat membre où un tel droit est prévu. Il est certain que, sans constituer à proprement parler une discrimination, l'absence d'un tel droit à réintégration dans certains Etats membres est de nature à défavoriser les ressortissants français travaillant dans ces Etats. La recherche d'une harmonisation communautaire par voie de directive, sur la base de l'article 118 A du traité C.E.E., serait susceptible d'apporter une solution à ce problème. Il conviendrait toutefois de s'assurer qu'elle rencontre les préoccupations des autres Etats membres, notamment de ceux ne disposant pas de ce droit à réintégration dans leur législation et surtout de ceux ne pratiquant pas la conscription. ; C.E.E. travaillant dans un Etat membre où un tel droit est prévu. Il est certain que, sans constituer à proprement parler une discrimination, l'absence d'un tel droit à réintégration dans certains Etats membres est de nature à défavoriser les ressortissants français travaillant dans ces Etats. La recherche d'une harmonisation communautaire par voie de directive, sur la base de l'article 118 A du traité C.E.E., serait susceptible d'apporter une solution à ce problème. Il conviendrait toutefois de s'assurer qu'elle rencontre les préoccupations des autres Etats membres, notamment de ceux ne disposant pas de ce droit à réintégration dans leur législation et surtout de ceux ne pratiquant pas la conscription.

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