Question de M. ALDUY Paul (Pyrénées-Orientales - UC) publiée le 08/09/1988

M. Paul Alduy rappelle à M. le garde des sceaux, ministre de la justice les conditions tragiques dans lesquelles s'est déroulée l'attaque d'une bijouterie à Perpignan le 23 août 1988 par deux détenus an cavale, attaque qui a coûté la vie au brigadier Claude Marty et grièvement atteint trois autres sous-brigadiers. Il lui demande : 1° Dans quelles conditions des permissions ont pu être accordées à ces dangereux ex-détenus condamnés pourtant à de fortes peines de prison. 2° Comment est-il possible que des détenus n'ayant pas rejoint les locaux pénitentiaires à l'expiration de leur permission aient pu circuler en toute liberté pendant plusieurs mois sans être retrouvés. 3° Que les magistrats chargés de l'application des peines soient invités à limiter à des cas tout à fait exceptionnel, l'octroi des permissions, origine de tant de cavales meurtrières. 4° De soumettre au Parlement un projet de loi aggravant les peines prononcées contre les auteurs d'agressions de policiers, exposés de par leur mission aux risques les plus graves.

- page 980


Réponse du ministère : Justice publiée le 16/03/1989

Réponse. - La législation française, ainsi d'ailleurs que celle de la quasi-totalité des pays européens, prévoit la possibilité d'accorder des permissions de sortir à des détenus en vue de préparer leur réinsertion professionnelle ou sociale, de maintenir leurs liens familiaux ou encore de leur permettre d'accomplir une obligation exigeant leur présence hors d'un établissement pénitentiaire. La loi fixe, bien sûr, des conditions pour l'octroi de ces permissions, conditions qui ont été respectées pour ce qui concerne les permissions évoquées par l'honorable parlementaire. Ainsi, les permissions de sortir ne peuvent-elles être accordées à des détenus ayant fait l'objet d'une condamnation donnant lieu à une période de sûreté dont la durée est variable mais qui peut, pour les cas les plus graves, être de trente ans en application de l'article 720-2 du code de procédure pénale. Le fait qu'un détenu se trouve dans les délais légaux n'ouvre pas pour autant un droitautomatique à bénéficier de permissions. La décision d'accorder une permission de sortir est, en effet, prise après avis de la commission de l'application des peines dont font partie, outre le représentant du parquet, le directeur de l'établissement dans lequel l'intéressé est détenu, par le juge de l'application des peines qui préside cette commission. Et, en outre, cette décision est prise après enquête confiée aux services de police et de gendarmerie du lieu où doit se dérouler la permission. Cette procédure d'octroi de permission de sortir permet ainsi de s'entourer d'un maximum de précautions afin que la mise en oeuvre de cette mesure se déroule sans difficulté et que soit atteint l'objectif qui lui était assigné. C'est ainsi qu'il convient de noter que sur les 25 130 détenus ayant bénéficié d'une permission en 1987, 24 862 d'entre eux sont revenus volontairement à la prison et que seuls 268 n'ont pas réintégré l'établissement, soit 1,06 p. 100. Pour la même année, le nombre d'infractions commises par des permissionnaires s'est élevé à soixante-cinq dont sept de nature criminelle, soit 0,02 p. 100. Sur les 268 non-réintégrations, et grâce à l'action rapide et ferme des magistrats, des forces de police et de l'administration pénitentiaire, 157 détenus ont pu être repris et incarcérés. Les statistiques démontrent également qu'en 1987, le nombre moyen de permissions accordées pour les douze mois est resté stable par rapport à celui de 1986. Il convient enfin de préciser qu'en application des dispositions de l'article 245 du code pénal, les faits d'évasion sont sanctionnés lorsqu'ils ont eu lieu au cours d'une permission par une peine de six mois au moins à dix ans au plus, et que cette peine ne peut faire l'objet d'aucune confusion. Il y a lieu d'indiquer que, si les événements dramatiques évoqués par l'honorable parlementaire doivent conduire à redoubler l'attention avant d'attribuer une permission à certains détenus, il n'apparaît pas pour autant qu'il y ait lieu de remettre en cause une institution dont l'intérêt, tant pour la réinsertion des détenus que pour la prévention de la récidive, n'est plus à démontrer. Les échecs, très rares, de ces mesures ne doivent pas, en effet, amener à oublier que, grâce aux permissions accordées chaque année sans le moindre incident, beaucoup de détenus sont ainsi préparés à un retour à la vie libre, inéluctable à l'issue de leur peine, dans des conditions beaucoup plus favorables sur le plan de la sécurité publique que s'ils n'avaient pas bénéficié de permissions.

- page 456

Page mise à jour le