Question de M. de RAINCOURT Henri (Yonne - U.R.E.I.) publiée le 02/05/1991

M. Henri de Raincourt souhaite appeler l'attention de M. le ministre délégué à la santé sur les graves menaces qui pèsent sur l'organisation de la transfusion sanguine. Les responsables des centres de transfusion et les associations de donneurs de sang bénévoles s'interrogent sur ce que sera la place des établissements français de transfusion sanguine dans la santé publique à l'ouverture du grand marché européen en 1993. Ils s'inquiètent de prises de position contradictoires qui leur laissent craindre une remise en cause des grands principes qui fondent leur éthique et attendent de leur ministère de tutelle qu'il définisse clairement les perspectives de leur action. Il lui demande de bien vouloir lui préciser l'état des discussions communautaires sur le sujet et la suite qu'il entend réserver aux demandes de concertation qui lui ont été présentées.

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Réponse du ministère : Santé publiée le 07/11/1991

Réponse. - Le bénévolat est une des règles fondamentales sur lesquelles repose l'organisation du don de sang en France. Les autorités sanitaires françaises ont, de façon constante, proclamé leur attachement à ce principe et leur volonté de le protéger, pour une double raison. Sur le plan éthique, le bénévolat protège le donneur de toute exploitation de son corps par autrui ou par lui-même. Sur le plan de la sécurité transfusionnelle, le respect du malade exige la plus grande vigilance sur la qualité de la matière première sanguine ou plasmatique. Un donneur rétribué, craignant d'être évincé du don et donc de perdre sa rémunération, risque de dissimuler au médecin préleveur des informations sur son état de santé, faisant ainsi courir un danger éventuel aux receveurs de produits sanguins préparés à partir de son don. La position française a inspiré de nombreuses recommandations du Conseil de l'Europe, de l'Organisation mondiale de la santé et la directive C.E.E./n° 89/381 relative aux " médicaments dérivés du sang ou du plasma humains ", adoptée le 14 juin 1989, y fait également référence. De nombreux pays de la Communauté sont sensibles à ces arguments, bien que leur système soit différent du nôtre. Il convient cependant de noter que, dans la plupart d'entre eux, le don de sang total ou de cellules est totalement gratuit, organisé par un service national de santé comme en Grande-Bretagne ou par les services de la Croix-Rouge (R.F.A., Luxembourg, Belgique). Le donneur de plasma, quant à lui, peut être soit totalement bénévole (comme en Belgique), soit indemnisé (remboursement des frais de déplacement), soit encore rémunéré directement en espèces (comme en R.F.A.). Il y a, dans ce dernier cas seulement, un risque effectif de dérive qui exige en France la vigilance de tous (établissements de transfusion, donneurs de sang, pouvoirs publics). Les représentants de la France dans les instances de la C.E.E. oeuvrent, quant à eux, pourque les autorités sanitaires, les industriels et les associations des donneurs des pays concernés se mobilisent également face à cette situation. Certains faits doivent, d'ores et déjà, être considérés comme positifs. En particulier, une coordination formelle a été mise en place pour que les experts du Conseil de l'Europe et ceux de la C.E.E. travaillent de concert afin que les objectifs économiques du grand marché ne prennent pas le pas sur les exigences éthiques de l'activité transfusionnelle. De plus, la création en 1990 de l'association européenne des centres de fractionnement " non profit " est une initiative importante et prometteuse. Pour ce qui concerne la France, une nouvelle réglementation est en cours d'élaboration pour adapter les dispositions de la directive européenne sans remettre en cause le principe du bénévolat de donneur de sang ou de plasma. De plus, un projet de loi est également à l'étude pour réaffirmer le principe de la non-patrimonialité ducorps humain et de ses produits (sang, organes, tissus). Ces travaux sont complexes car ils doivent prendre en considération de multiples facteurs (éthiques, juridiques, scientifiques, médicaux, économiques...), qui tous méritent une réflexion approfondie. Les représentants des établissements de transfusion sanguine et des donneurs de sang sont d'ailleurs étroitement associés à ces travaux, connaissent les orientations retenues et seront bien entendu les premiers informés des mesures concrètes qui seront décidées.

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