Question de M. de CUTTOLI Charles (Français établis hors de France - RPR) publiée le 02/05/1991

M. Charles de Cuttoli attire l'attention de M. le ministre des affaires sociales et de la solidarité sur les dispositions de l'article 1er de la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des Français d'outre-mer. Il lui expose qu'en application de cette loi les Français rapatriés d'Algérie, du Maroc ou de Tunisie, ont pu, jusqu'en décembre 1990, bénéficier de prêts de réinstallation quelle que soit la date de leur rapatriement. Or, à compter du mois de janvier 1991, sur avis de la commission consultative interministérielle pour l'accueil et le reclassement des Français d'outre-mer, l'attribution de ces prêts a cessé. Il semblerait que ces refus proviennent d'une interprétation restrictive de la loi. Selon cette interprétation, la loi subordonnant l'attribution des prêts au départ des territoires concernés " pour des événements politiques ", ces termes s'entendraient pour les seuls événements liés à l'indépendance de ces pays. Par conséquent, l'administration estimerait que les réinstallations actuelles en France des Français rapatriés de ces pays ne peuvent être considérées comme motivées par des événements politiques liés à l'indépendance de ces pays. Il lui expose qu'il n'apparaît pas que le législateur ait établi de telles restrictions ; la loi n'enfermant les possibilités d'attribution de prêts dans aucun délai limité. Par ailleurs, les termes " événements politiques ", termes génériques volontairement choisis par les rédacteurs de la loi, ne sauraient être liés à des événements intervenus il y a trente ou quarante ans. Par ailleurs, on ne comprend pas pourquoi, alors que la loi n'a pas changé, des demandeurs de prêts se trouvant dans la même situation sont traités différemment, selon qu'ils ont déposé leur demande de prêt en 1989, 1990 ou en 1991. Il lui demande, en conséquence, de bien vouloir lui faire connaître les mesures qu'il entend prendre afin de rétablir l'égalité entre les demandeurs de prêt et de tenir compte de la volonté des rédacteurs de la loi du 26 décembre 1961.

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Réponse du ministère : Famille publiée le 14/11/1991

Réponse. - La loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 a mis en place un dispositif d'aides diverses ayant pour but de faciliter, au moment de leur retour en France, l'intégration des rapatriés dans les structures économiques et sociales de la nation. Les bénéficiaires des dispositions découlant de cette loi ont été définis à son article 1er qui dispose : " Les Français ayant dû ou estimé devoir quitter, par suite d'événements politiques, un territoire où ils étaient établis et qui était antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France, pourront bénéficier du concours de l'Etat, en vertu de la solidarité nationale affirmée par le préambule de la Constitution de 1946, dans les conditions prévues par la présente loi ". Les avantages prévus par les textes subséquents à la loi du 26 décembre 1961 ne constituent pas un droit. Les rapatriés y ont vocation dès lors qu'ils remplissent les conditions réglementaires propres à chacun d'eux. C'estle cas des prêts de réinstallation dont il est fait état. A cet égard, il est indiqué à l'honorable parlementaire que la loi du 26 décembre 1961 n'a pas été abrogée et qu'elle continue de produire ses effets. En 1990, 286 personnes en ont bénéficié, dont 154 rentrant d'Afrique du Nord et 42 de Madagascar. Pour 1991 le nombre des bénéficiaires s'est élevé à quarante pour les six premiers mois de l'année. Dès l'origine, la question de la qualité de rapatrié, résultant notamment du repli " par suite d'événements politiques " nécessairement lié à l'accession à l'indépendance du territoire concerné s'est trouvée posée. Cette notion est la clef de voûte de tout l'édifice administratif construit sur la base de la loi du 26 décembre 1961. Il ne suffit pas, en effet, aux termes de l'article 1er de cette loi, qu'un territoire dans la mouvance française ait accédé à l'indépendance pour qu'il y ait automatiquement vocation au concours de l'Etat ; il faut encore et surtout que le départ de nos compatriotes soit intervenu " par suite d'événements politiques ". De plus, l'événement politique a été le seul critère d'appréciation lorsque, par application de l'article 3, alinéa 1 de ladite loi, le bénéfice des prestations a été étendu : 1° à un Etat déjà indépendant (cas de l'Egypte) ; 2° à un territoire non encore indépendant (cas de l'Algérie, avant le 1er juillet 1962). Par " événements politiques ", il faut entendre des circonstances liées à l'indépendance du territoire considéré ou ayant immédiatement suivi ou précédé l'indépendance ; il s'agit notamment de troubles graves ayant compromis la sécurité de nos compatriotes, de mesures discriminatoires contre les Français ou encore d'une situation à la fois politique, économique et sociale rendant impossible le maintien de la résidence ou l'exercice de la profession. A l'évidence, le rapatrié qui a pu maintenir son activité professionnelle dans l'un des territoires visés par la loi, pendant pl usieurs dizaines d'années après son accession à l'indépendance, ne peut prétendre remplir l'ensemble de ces conditions au motif qu'il ne s'estime plus en mesure de poursuivre ladite activité. D'ailleurs, dans la plupart des cas, les intéressés qui rentrent actuellement invoquent leur âge, le regroupement familial ou leur état de santé pour motiver leur retour en France. Il est exact cependant que, pour tenir compte de la situation particulière de certains territoires, il a été décidé, dès 1962, de retenir la présomption de retour pour motifs politiques pour les personnes rentrant d'Afrique du Nord et de Guinée (une circulaire du 18 novembre 1964 a retiré la Guinée de cette liste). En ce qui concerne des Français rentrés d'Egypte, le décret du 20 avril 1965 a mis fin aux mesures d'aide qui leur avaient été ouvertes. Enfin cette présomption a été également reconnue par la suite aux Français rentrant des Comores et du Vanuatu et à ceux quittant l'ex-Indochine après 1975. Pour ce qui est des autres territoires, une commission interministérielle qui existe et fonctionne depuis 1962 examine les dossiers de rapatriement et est chargée de se prononcer sur la notion de contrainte politique, seule susceptible de mettre en jeu la solidarité nationale. Il est rappelé à l'honorable parlementaire que l'ensemble de ce dispositif a été précisé dans le rapport présenté en 1965 au Parlement sur l'application des mesures découlant de la loi du 26 décembre 1961. Cette distinction entre les différents territoires, au demeurant prévue par des circulaires, a été remise en cause par la même voie à compter du 1er mai 1990. Désormais, toutes les demandes d'admission à la loi du 26 décembre 1961 sont soumises à l'avis de la commission ad hoc. En effet, plus de trente ans après l'accession à l'indépendance de la plupart de nos anciens territoires, il est apparu équitable de reconsidérer les conditions d'application de la loi du 26 décembre 1961 en supprimant la distinction qui avait été admise entre les différents territoires. La diminution singulière du nombre des retours constitue d'ailleurs une indication non équivoque de la situation réelle de nos compatriotes résidant encore dans les territoires concernés. Ainsi donc l'application faite de ces dispositions ne va pas à l'encontre de la lettre et de l'esprit de la loi ni de la volonté du législateur. ; du 18 novembre 1964 a retiré la Guinée de cette liste). En ce qui concerne des Français rentrés d'Egypte, le décret du 20 avril 1965 a mis fin aux mesures d'aide qui leur avaient été ouvertes. Enfin cette présomption a été également reconnue par la suite aux Français rentrant des Comores et du Vanuatu et à ceux quittant l'ex-Indochine après 1975. Pour ce qui est des autres territoires, une commission interministérielle qui existe et fonctionne depuis 1962 examine les dossiers de rapatriement et est chargée de se prononcer sur la notion de contrainte politique, seule susceptible de mettre en jeu la solidarité nationale. Il est rappelé à l'honorable parlementaire que l'ensemble de ce dispositif a été précisé dans le rapport présenté en 1965 au Parlement sur l'application des mesures découlant de la loi du 26 décembre 1961. Cette distinction entre les différents territoires, au demeurant prévue par des circulaires, a été remise en cause par la même voie à compter du 1er mai 1990. Désormais, toutes les demandes d'admission à la loi du 26 décembre 1961 sont soumises à l'avis de la commission ad hoc. En effet, plus de trente ans après l'accession à l'indépendance de la plupart de nos anciens territoires, il est apparu équitable de reconsidérer les conditions d'application de la loi du 26 décembre 1961 en supprimant la distinction qui avait été admise entre les différents territoires. La diminution singulière du nombre des retours constitue d'ailleurs une indication non équivoque de la situation réelle de nos compatriotes résidant encore dans les territoires concernés. Ainsi donc l'application faite de ces dispositions ne va pas à l'encontre de la lettre et de l'esprit de la loi ni de la volonté du législateur.

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