Question de M. PASQUA Charles (Hauts-de-Seine - RPR) publiée le 23/07/1992

M. Charles Pasqua expose à M. le ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères, qu'il convient de sauvegarder le caractère privilégié et fructueux des relations et de la coopération que la France entretient depuis des décennies avec les pays d'Afrique et d'Orient, et l'importance d'une véritable politique européenne à l'égard de ces pays. Dans ces conditions, il ne peut que s'interroger sur les silences ou les oublis du Traité de Maastricht, s'agissant des conséquences de cet accord sur l'évolution et le contenu des rapports de la Communauté et de ses Etats membres avec cette région du monde. En particulier, n'apparaît-il pas nécessaire au Gouvernement français d'expliquer aux Africains, et, en premier lieu, à leurs chefs d'Etat, sans oublier l'opinion publique française, comment il entend mettre en oeuvre le Traité de Maastricht tout en respectant les engagements de la France en faveur des Etats africains. Par ailleurs, il lui demande s'il ne lui semblerait pas souhaitable de préciser, dans le cadre de l'union monétaire européenne, si le franc CFA et sa zone monétaire sont affectés par les nouveaux mécanismes communautaires et, si oui, dans quel contexte et selon quelles perspectives.

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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 24/09/1992

Réponse. - L'honorable parlementaire a bien voulu voir dans les silences ou les oublis du Traité sur l'Union européenne la menace ou le risque d'une remise en cause du caractère privilégié et fructueux des relations et de la coopération que la France entretient depuis des décennies avec les pays d'Afrique et d'Orient. L'action de coopération que la Communauté et ses Etats membres ont conduite au bénéfice des pays en développement s'est pendant longtemps résumée à une association à la Communauté des pays et territoires non européens entretenant avec les Etats membres des relations particulières qu'illustre l'approche exemplaire des accords de Yaoundé, puis de Lomé. Soixante-neuf pays d'Afrique, d'Asie et du Pacifique ont ainsi signé à Lomé le 15 décembre 1989 la 4e convention ACP-CEE qui prévoit un engagement financier sur cinq ans de 12 milliards d'ECUS, soit près de 84 milliards de francs. Parallèlement et sans que le caractère privilégié de l'association avec lespays ACP en soit aucunement affecté, la Communauté a développé, le plus souvent à l'initiative de la France, des relations de coopération avec les pays méditerranéens, l'Amérique latine et l'Asie. Les négociateurs du Traité sur l'Union européenne ont voulu donner une cohérence à une construction qui s'est étalée sur plus de trente-cinq ans et qui a intégré à chaque élargissement de la Communauté de nouveaux apports et de nouvelles priorités de coopération avec le monde en développement. Mais une explication des dits et des non dits du Traité est sans doute nécessaire. Et le ministre des affaires étrangères se doit d'éclaircir la représentation nationale sur une dimension essentielle de la politique étrangère de la France. La réponse à la question exige de distinguer entre les pays ACP, les pays méditerranéens et les autres pays avec lesquels la France entretient des relations privilégiées. S'agissant des pays africains, il convient de souligner tout d'abord que la partie IV du Traité de Rome est intégralement consolidée. L'article 130 W, qui fait partie d'un nouveau titre XVII - coopération au développement - dans la partie communautaire du Traité le stipule. Le mode de financemenet extra-budget communautaire du FED est confirmé par une déclaration annexée à l'acte final. Les relations commerciales et financières préférentielles avec les pays ACP et les territoires associés à la CEE relevant de la partie IV du Traité de Rome pourront donc être préservées, et la France y veillera en chaque occasion, qu'il s'agisse des négociations du cycle de l'Uruguay, du dossier de la banane ou de l'examen des demandes soumises à la Communauté par les pays ACP. Le rôle premier des Etats membres dans la conduite de la politique de coopération au développement est par ailleurs pleinement reconnu, comme nous le souhaitions et conformément au principe de subsidiarité. D'autre part, les dispositions relatives à la réalisation de l'Union économique et monétaire, en particulier au passage à la monnaie unique, ne menacent en aucune façon l'avenir de la zone franc et du franc CFA dans la mesure même où elles ne s'y réfèrent pas, excluant de ce fait toute communautarisation. Comme les ministres des finances de la zone franc, réunis à Yaoundé le 16 avril 1992 pour leur session semestrielle, l'ont noté, le Traité sera sans incidence sur la nature de la coopération monétaire franco-africaine et sur ses mécanismes. La délégation française a précisé, à cette occasion, que lors du passage à la monnaie unique, la parité entre CFA et ECU devrait correspondre à la parité antérieure entre CFA, franc et ECU. La zone franc conservera donc sa spécificité, tout en bénéficiant de tous les avantages d'une union économique et monétaire : libre circulation des mouvements de capitaux, nouveaux débouchés dans le cadre du marché unique, suppression des coûts et des risques de change dans les transactions commerciales et financières avec le reste de la Communauté. Mais au-delà des Douze, les pays ACP auront accès aux marchés des pays tiers qui sont déjà ou seront, à l'issue d'une période de transition de libre échange avec la Communauté : l'AELE et, dans le cadre des accords européens, les pays d'Europe centrale et orientale (Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie, et bientôt Roumanie et Bulgarie). Encore faut-il que les pays ACP aient des produits agricoles et industriels à vendre sur ces nouveaux marchés. La France est consciente que c'est aujourd'hui la problème principal. Elle saisira donc toutes les opportunités et utilisera tous les canaux - institutions multilatérales, G 7, mécanismes de la convention de Lomé, accords de produits, actions bilatérales - pour aider ces pays à améliorer leurs débouchés sur les marchés des pays développés. Quant à la politique étrangère et de sécurité commune, aucune disposition du titre V n'oblige la France à accepter des actions communes en Afrique ni a fortiori à communautariser sa politique africaine. S'agissant maintenant des pays tiers méditerranéens, en particulier des pays du Maghreb mais aussi de l'Egypte, de la Syrie et du Liban, l'histoire de la Communauté est marquée par une série d'initiatives, d'engagements juridiques et financiers qui ont façonné une politique méditerranéenne très active. Le nouveau Traité consolide cet acquis communautaire, tout en permettant d'introduire ordre et cohérence dans les relations avec ces pays. Le conseil européen de Lisbonne a marqué nettement, sur proposition de la France, sa volonté de développer des relations de partenariat avec les pays du Maghreb. Et des discussions sont en cours avec le Maroc pour préparer la négociation d'un accord de partenariat qui valorise et complète l'acquis de la politique méditerranéenne rénovée et conforte les efforts de développement économique et social conduits avec succès par les autorités marocaines. S'agissant enfin d'autres partenaires, on peut penser au Vietnam et plus généralement aux trois pays de l'ancienne Indochine, la France ne reste pas inactive. C'est à ses efforts que l'on doit le succès de la conférence de paix sur le Cambodge. C'est sur sa pressante recommandation que des contacts ont été noués entre la Commission et le Vietnam, contacts qui sont susceptibles de déboucher à bref délai - c'est en tout cas le souhait de la France - sur un accord de coopération. Le Traité sur l'Union européenne contient des virtualités prometteuses pour les relations de la Communauté avec les pays d'Afrique et d'Orient, sans pour autant que la France soit contrainte ou incitée à abandonner les responsabilités que l'histoire lui a léguées vis-à-vis de partenaires privilégiés confrontés aux défis du développement. ; franc et ECU. La zone franc conservera donc sa spécificité, tout en bénéficiant de tous les avantages d'une union économique et monétaire : libre circulation des mouvements de capitaux, nouveaux débouchés dans le cadre du marché unique, suppression des coûts et des risques de change dans les transactions commerciales et financières avec le reste de la Communauté. Mais au-delà des Douze, les pays ACP auront accès aux marchés des pays tiers qui sont déjà ou seront, à l'issue d'une période de transition de libre échange avec la Communauté : l'AELE et, dans le cadre des accords européens, les pays d'Europe centrale et orientale (Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie, et bientôt Roumanie et Bulgarie). Encore faut-il que les pays ACP aient des produits agricoles et industriels à vendre sur ces nouveaux marchés. La France est consciente que c'est aujourd'hui la problème principal. Elle saisira donc toutes les opportunités et utilisera tous les canaux - institutions multilatérales, G 7, mécanismes de la convention de Lomé, accords de produits, actions bilatérales - pour aider ces pays à améliorer leurs débouchés sur les marchés des pays développés. Quant à la politique étrangère et de sécurité commune, aucune disposition du titre V n'oblige la France à accepter des actions communes en Afrique ni a fortiori à communautariser sa politique africaine. S'agissant maintenant des pays tiers méditerranéens, en particulier des pays du Maghreb mais aussi de l'Egypte, de la Syrie et du Liban, l'histoire de la Communauté est marquée par une série d'initiatives, d'engagements juridiques et financiers qui ont façonné une politique méditerranéenne très active. Le nouveau Traité consolide cet acquis communautaire, tout en permettant d'introduire ordre et cohérence dans les relations avec ces pays. Le conseil européen de Lisbonne a marqué nettement, sur proposition de la France, sa volonté de développer des relations de partenariat avec les pays du Maghreb. Et des discussions sont en cours avec le Maroc pour préparer la négociation d'un accord de partenariat qui valorise et complète l'acquis de la politique méditerranéenne rénovée et conforte les efforts de développement économique et social conduits avec succès par les autorités marocaines. S'agissant enfin d'autres partenaires, on peut penser au Vietnam et plus généralement aux trois pays de l'ancienne Indochine, la France ne reste pas inactive. C'est à ses efforts que l'on doit le succès de la conférence de paix sur le Cambodge. C'est sur sa pressante recommandation que des contacts ont été noués entre la Commission et le Vietnam, contacts qui sont susceptibles de déboucher à bref délai - c'est en tout cas le souhait de la France - sur un accord de coopération. Le Traité sur l'Union européenne contient des virtualités prometteuses pour les relations de la Communauté avec les pays d'Afrique et d'Orient, sans pour autant que la France soit contrainte ou incitée à abandonner les responsabilités que l'histoire lui a léguées vis-à-vis de partenaires privilégiés confrontés aux défis du développement.

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