Question de Mme DUSSEAU Joëlle (Gironde - RDSE) publiée le 21/12/1995

Mme Joëlle Dusseau attire l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur les discriminations que subissent les séropositifs et malades du sida en matière d'assurances. En effet, l'alinéa 1 de l'article 225-3 du nouveau Code pénal dispense les compagnies d'assurances et les assureurs des dispositions de la loi no 90-602 du 12 juillet 1990 qui sanctionne les discriminations vis-à-vis des personnes en fonction de leur état de santé ou de leur handicap. De ce fait, de nombreux malades, déjà confrontés à une situation personnelle très éprouvante psychologiquement et matériellement, se voient opposés des refus, ruptures, recours en contentieux, pour des contrats tels que prévoyance, complémentaire santé, invalidité, assurance vie, assurance décès, alors même que la plupart de ces contrats sont indispensables pour l'obtention, par exemple, de prêts personnels. Les séropositifs et malades du sida sont dans une situation suffisamment dramatique pour que les pouvoirs publics mettent tout en oeuvre pour leur permettre de mener une vie sociale et professionnelle normale. Il est donc tout à fait inadmissible qu'un citoyen puisse se voir refuser le bénéfice de prestations essentielles au seul motif qu'il est atteint d'une affection actuellement incurable. Elle lui demande de tout mettre en oeuvre pour que soit abrogé l'alinéa 1 de l'article 225-3 du nouveau Code pénal et que les compagnies d'assurance et assureurs soient soumis à la loi anti-discrimination du 12 juillet 1990.

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Réponse du ministère : Travail publiée le 27/02/1997

Réponse. - L'honorable parlementaire attire l'attention du ministre du travail et des affaires sociales sur la situation des personnes atteintes par le VIH face à l'assurance, abordant plusieurs points qui doivent être distingués. En effet, les problèmes soulevés par les refus d'assurance ne sont pas les mêmes que ceux posés à l'occasion de ruptures de contrat ou de contentieux apparus lors de sinistre. Le caractère non obligatoire de l'assurance individuelle de personnes ainsi que son organisation économique dans le cadre d'un marché concurrentiel ne permettent pas de lui appliquer des règles similaires à celles de la sécurité sociale. En effet, un assureur n'organise pas une solidarité entre les assurés mais la mutualisation de leurs risques. Or, certaines personnes présentent pour un risque donné des prédispositions supérieures à la moyenne de la population. Dès lors, l'asymétrie d'information existant entre l'assuré, qui connaît son état de santé, et l'assureur qui, au mieux, connaît l'état de santé moyen de la population, conduit à limiter l'aspect aléatoire du contrat et à offrir un avantage à la personne concernée sur la collectivité des assurés. L'assureur doit donc s'informer sur l'état de santé de son client pour rétablir l'équilibre d'information. Empêcher les assureurs de procéder à une sélection médicale reviendrait à rendre automatique l'acceptation de candidatures à l'assurance des personnes touchées par des maladies graves pour lesquelles il n'existe pas, à ce jour, de traitement efficace. De fait, serait ainsi créé un mécanisme de solidarité qui ne relève pas du champ d'activité des sociétés d'assurance. L'équilibre économique de ce type de contrat serait compromis et le coût de l'assurance serait renchéri pour l'ensemble des consommateurs. Par conséquent, l'abrogation du 1o de l'article 225-3 du code pénal ne me paraît pas souhaitable. Si le législateur a toujours estimé qu'en raison des contraintes techniques propres à l'assurance de personnes la liberté de souscription devait être la règle, il a, en revanche, protégé efficacement l'assuré contre les ruptures de contrat. L'article L. 113-4 du code des assurances prévoit, à cet égard, que l'assureur ne peut résilier un contrat d'assurance sur la vie au motif que le risque s'est aggravé. De même, s'agissant de contentieux, les tribunaux judiciaires sont compétents pour sanctionner les ruptures abusives de contrat d'assurance ou pour trancher sur d'éventuelles fausses déclarations à l'assurance. Par ailleurs, les professionnels de l'assurance se sont engagés à envisager les solutions propres à limiter les contentieux en nullité. Le ministre du travail et des affaires sociales a la volonté de faciliter l'accès des personnes séropositives aux assurances. En raison du cadre contractuel qui régit le domaine des assurances, le Gouvernement a privilégié la voie de la concertation. La convention de 1991 sur l'assurabilité des personnes séropositives a fait l'objet de travaux récents en vue d'en étendre le champ d'application, d'améliorer le respect de la confidentialité des informations et d'accroître la représentativité du comité de suivi. Le Gouvernement étudie ces propositions en tenant compte des contraintes particulières liées au domaine de l'assurance et en intégrant les attentes des usagers exprimées par les associations de lutte contre le sida. Il vient de désigner un parlementaire chargé de faire un bilan en ce domaine et de proposer les solutions qui lui apparaîtraient opportunes.

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