Question de M. CHARASSE Michel (Puy-de-Dôme - SOC) publiée le 17/10/1996

M. Michel Charasse indique à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, que selon les comptes rendus publiés par la presse ou diffusés par les médias audiovisuels, un magistrat du siège, conseiller à la cour d'appel de Rennes, se serait exprimé, à l'occasion d'une réunion non officielle tenue à Genève et rassemblant des magistrats instructeurs originaires de plusieurs pays européens, en prenant des positions publiques sur ce que devraient être la politique et la législation judiciaires et pénales de notre pays, ainsi que sur les accords qui devraient être conclus dans ces mêmes domaines au niveau européen et connus sous le nom d'espace judiciaire. Si les propos rapportés sont exacts, il est évident que ce magistrat a très gravement manqué au devoir de réserve que lui impose son statut et qui s'applique d'ailleurs à l'ensemble des agents publics de la République française. Ces déclarations étant de nature à semer un trouble profond de l'ordre public puisqu'elles constituent une sorte de mise en demeure adressée aux pouvoirs publics constitutionnels issus du suffrage universel et qui sont seuls habilités à s'exprimer ès qualité sur ces sujets, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître quelles suites il entend réserver à ce grave manquement tant auprès des juridictions compétentes qu'auprès du Conseil supérieur de la magistrature réuni en formation disciplinaire.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 26/12/1996

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que l'obligation de réserve prévue par l'article 10 de l'ordonnance no 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée, portant loi organique relative au statut de la magistrature, ne constitue pas une obligation au silence, le magistrat, comme tout citoyen, jouissant des libertés d'opinion et d'expression, corollaires de son indépendance. Selon la jurisprudence dégagée par les organes disciplinaires au cours des dernières années, elle impose au magistrat de s'exprimer de façon prudente et mesurée, de s'abstenir de toute expression outrancière qui serait de nature à faire douter de son impartialité ou à porter atteinte au crédit et à l'image de l'institution judiciaire et des juges. Au regard de ces principes, les propos tenus par un magistrat du siège, conseiller à la cour d'appel de Rennes, à l'occasion d'une réunion à Genève entre plusieurs magistrats européens ne paraissent pas pouvoir être analysés comme constituant une violation de l'obligation de réserve.

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